Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 01 JUIN 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général :
05/00943 Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/01909
APPELANTS Monsieur Bernard X... ... représenté par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour assisté de Me Christian FREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 547 Madame Nicole Y... épouse X... ... représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour assistée de Me Christian FREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 547 INTIMÉE SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses dirigeants légaux ayant son siège 16 boulevard des Italiens 75009 PARIS représenté par la SCP GUIZARD, avoués à la Courassistée de Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D 680 COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne DELBES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président
Madame Evelyne DELBES, conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, conseiller Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile.Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président - signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier présent lors du prononcé.****
Selon acte notarié du 26 février 1993, la société BNP PARIBAS a consenti à la société SIRES un prêt de 930 000 francs remboursable en 120 mensualités constantes destinées à financer l'aménagement d'un fonds de commerce de restauration acquis le même jour.
Aux termes du même acte, M. Bernard X... et Mme Nicole Y..., son épouse, se sont portés cautions solidaires des obligations de la société SIRES envers BNP PARIBAS et ont consenti à celle-ci l'affectation hypothécaire d'un bien immobilier sis ... à Paris 17ème.
La société SIRES a réglé les échéances de remboursement du prêt jusqu'au 26 juillet 1995.
Par jugement du 21 mars 1996, elle a été déclarée en liquidation judiciaire. Cette procédure a été clôturée le 13 décembre 2001 pour insuffisance d'actif.
BNP PARIBAS a régulièrement déclaré une créance de 848 283,22 francs.
Sa mise en demeure adressée le 18 mai 2001 aux cautions étant restée infructueuse, BNP PARIBAS a engagé une procédure de saisie immobilière visant le bien sis ... à Paris.
Par acte du 14 janvier 2003, M. et Mme X... ont assigné BNP PARIBAS devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de la caution hypothécaire par eux souscrite en faveur de l'intéressée le 26 février 1993 et subsidiairement, en responsabilité et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 27 octobre 2004, le tribunal de grande instance de Paris a :- déclaré irrecevables les demandes en nullité de l'acte de cautionnement du 26 février 1993,- débouté M. et Mme X... du surplus de leurs demandes,- déclaré valable l'acte de cautionnement du 26 février 1993,- constaté que la créance de BNP PARIBAS à l'encontre de M. et Mme X... s'élève à 123 512,99 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2001,- ordonné la continuation des poursuites entreprises par BNP PARIBAS aux termes du commandement à fin de saisie immobilière du 8 octobre 2002 publié le 5 novembre 2002 au 9ème bureau de la conservation des hypothèques de Paris,- condamné M. et Mme X... à payer à BNP PARIBAS la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration 17 décembre 2004, M. et Mme X... ont interjeté appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées :- le 10 mars 2006 pour M. et Mme X...,- le 15 mars 2006 pour BNP PARIBAS.
M. et Mme X... demandent à la Cour de :- surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de M. X..., MM. Dominique et Henri Z... et M. A...,- infirmer le jugement du 27 octobre 2004,- prononcer la nullité de l'acte de caution hypothécaire du 26 février 1993,- dire que la somme en
principal de 207 007,10 euros n'est pas due par eux,- subsidiairement, dire que BNP PARIBAS s'est comportée depuis les prêts en gérant de la société SIRES et a accordé un soutien abusif à celle-ci,- condamner l'intéressée à régler toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge et prononcer la compensation avec les sommes qu'elle réclame elle-même,- vu l'article L 341-4 du Code de la consommation, dire que BNP PARIBAS ne peut se prévaloir des contrats de cautionnement par eux souscrits,- la débouter de toutes ses demandes,- la condamner à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
BNP PARIBAS demande à la Cour de :- débouter M. et Mme X... de toutes leurs demandes,- confirmer le jugement déféré,- y ajoutant,- condamner solidairement M. et Mme X... à lui payer la somme complémentaire de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. CELA ÉTANT EXPOSÉLA COUR :Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que les époux X... n'établissent pas que l'instance engagée par BNP PARIBAS à l'encontre de M. X..., en sa qualité de caution des obligations de la société SIRES au titre d'un autre prêt, et à l'encontre de MM. Dominique et Henry Z... et de M. A..., autres cautions du prêt de 930 000 francs consenti à la même société, serait susceptible d'influer sur la solution du présent litige ;
Que leur demande de sursis à statuer doit donc être rejetée ;Sur la nullité des engagements de caution
Considérant que les époux X... soutiennent que leurs engagements de caution seraient nuls dans la mesure, principalement,
où :- leur signature n'aurait pas été recueillie en l'étude du notaire rédacteur de l'acte mais à leur domicile,- l'acte dont s'agit ne comporterait pas les mentions manuscrites prescrites par l'article 1326 du Code civil,- ils auraient été victime d'un dol commis par la banque qui ne les auraient pas informés de la dégradation de la situation financière de la débitrice principale ;
Considérant que les engagements de caution litigieux figurent dans un acte notarié des énonciations duquel il ressort que les parties étaient présentes en l'office notarial, où lecture leur a été faite et leurs signatures recueillies ; que les époux X..., qui n'ont introduit aucune procédure en inscription de faux contre cet acte, ne produisent aucun élément de nature à étayer leur affirmation relative à son lieu de signature ;
Considérant que les dispositions de l'article 1326 du Code civil ne sont pas applicables à des cautionnements consentis par acte authentique ; que ce caractère authentique, qui implique que lecture de l'acte ait été faite par le notaire aux parties, qui pouvaient solliciter de l'intéressé tout éclaircissement, rend inopérante l'observation des époux X... selon laquelle aucun représentant de la banque ne leur aurait expliqué la portée de leurs engagements ;
Considérant qu'aucune disposition légale n'oblige le prêteur à remettre aux cautions le tableau d'amortissement du prêt cautionné ; que l'acte notarié décrit clairement, en ses pages 3 à 6, l'obligation principale, en son montant, sa durée, le TEG, les paramètres de détermination du taux d'intérêt variable et les modalités de remboursement ;
Considérant que l'article 47 de la loi du 11 février 1994 dont
arguent les époux X... pour prétendre que leur renonciation au bénéfice de discussion ne serait pas valable faute de limitation de leurs engagements à un montant déterminé incluant principal, intérêts, frais et accessoires, ne sont pas applicables aux cautionnements souscrits, comme en l'espèce, à la garantie des dettes professionnelles d'une société commerciale ;
Considérant que l'action en nullité pour dol se prescrit par cinq ans, le délai de prescription ne commençant cependant à courir qu'à compter du jour où les manoeuvres dolosives ont pu être découvertes ;
Considérant que l'existence d'un dol au sens de l'article 1116 du Code civil s'apprécie à la date de la souscription de l'acte ; que seules des manoeuvres commises à cette date et ayant pu être déterminantes du consentement des parties peut entraîner la nullité de l'acte ;
Considérant que les époux X... soutiennent que la banque ne les aurait pas informés des difficultés de paiement rencontrées par la société SIRES, présentes, selon eux, dès le mois de mai 1994, et qu'ils n'ont apprises qu'à compter des poursuites engagées contre eux le 18 mai 2001 ;
Considérant qu'ils ne versent aux débats aucun élément de nature à établir que la situation financière de la société SIRES aurait été compromise, au su de la banque et à leur insu, dès le 26 juillet 1993, date de l'acte notarié contenant leurs cautionnements;
Considérant que le silence de la banque, à le supposer établi, sur la dégradation de la situation financière de la débitrice principale survenue postérieurement à cette date, dont il n'est pas démontré qu'elle pouvait être prévue lors de l'octroi du prêt et du recueil des cautionnements, n'a pu influer sur le consentement des cautions et ne peut, dès lors, constituer une manoeuvre dolosive ni
caractériser la mauvaise foi dont il est aussi fait grief au prêteur ; que les banques ne sont pas tenues d'une obligation contractuelle d'information sur l'évolution du risque en dehors du cadre légal fixé par l'article L 313-22 du Code monétaire et financier ;
Considérant que la Cour observe que, contrairement à ce qu'affirment les époux X..., la banque les a informés par courrier du 9 mai 1994 du non paiement de l'échéance du prêt du 26 avril 1994, par courrier du 27 septembre 1995 de celui des échéances des mois d'août et septembre 1995 et par courrier du 20 novembre 1995 de celui de l'échéance du mois d'octobre 1995, en sorte que les intéressés ont eu connaissance des difficultés de remboursement de la débitrice principale dès leur apparition en avril 1994 ;
Considérant que les manoeuvres dolosives dont arguent les époux X... n'en étaient donc pas et leur découverte des difficultés de la débitrice principale est, en tout cas établie dès le mois de mai 1994 ; qu'ainsi, rien ne permet de fixer le point de départ du délai de prescription à une autre date que celle de l'acte litigieux ; qu'il s'ensuit que l'action en nullité pour dol engagée par acte du 14 janvier 2003 est prescrite ; Sur la gestion de fait de la banque et l'octroi de financements abusifs
Considérant que les époux X... ne versent aux débats aucun élément de nature à établir que BNP aurait, d'une part, assuré la gestion de fait de la société SIRES, d'autre part, consenti ses concours à l'intéressée alors qu'elle se trouvait dans une situation financière irrémédiablement compromise ; que le prêt objet de la présente instance a été remboursé par l'intéressée jusqu'en juillet 1995, soit pendant plus de deux ans ;
Considérant que le grief selon lequel BNP aurait fait poursuivre à sa débitrice une gestion déficitaire n'est étayé par aucune pièce ;
Considérant que la responsabilité de la banque est donc recherchée en vain de ces chefs ;Sur l'obligation d'information de la banque
Considérant que les époux X... arguent du non respect par BNP des obligations mises à sa charge par les articles L 313-22 du Code monétaire et financier et 47 alinéa II de la loi du 11 février 1994 ;
Considérant que ce débat est cependant sans intérêt dans la mesure où la banque ne sollicite le paiement que du capital dû au jour de la déchéance du terme le 26 juillet 1995, soit 123 512,29 euros, augmenté des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 mai 2001 sur le cours desquels les dispositions légales précitées sont sans effet ;Sur les autres griefs développés par les époux X...
Considérant que les époux X... ne précisent pas quel droit préférentiel, dans lequel ils auraient pu être subrogés, aurait été perdu par le fait de la banque ; qu'ils doivent être déboutés de leur demande fondée sur l'article 2037 du Code civil ;Sur la disproportion alléguée des engagements de caution
Considérant que les époux X..., invoquant les dispositions de l'article L 341-4 du Code de la consommation, font valoir que leurs engagements de caution étaient, dès leur conclusion, manifestement disproportionnés à leurs ressources d'intermittents du spectacle, pour monsieur, et d'institutrice, pour madame;
Considérant que l'intimée oppose que ce texte du code de la consommation ne peut avoir d'effet rétroactif et n'est donc pas
applicable dans la présente instance ;
Considérant que l'article L 341-4 introduit dans le code de la consommation par la loi du 1er août 2003 n'a pas un caractère interprétatif et ne prévoit pas d'effet rétroactif ; qu'il ne peut, dès lors, s'appliquer aux instances introduites avant la date de son entrée en vigueur ; que c'est donc à tort que les époux X... en demandent le bénéfice pour les cautionnements qu'ils ont souscrits, le tribunal de grande instance de Paris ayant été saisi le 14 janvier 2003 ;
Considérant, par ailleurs, que les époux X..., qui étaient propriétaires d'un bien immobilier situé dans le 17ème arrondissement de Paris et ne versent aux débats aucune pièce pouvant justifier de la nature et de la consistance de leurs revenus à la date de la conclusion des cautionnements litigieux, n'établissent pas l'existence de la disproportion dont ils arguent ;
Considérant que les appelants qui succombent en tous leurs moyens ne sont pas fondés en leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que l'équité commande de les condamner à payer à BNP PARIBAS la somme de 3 000 euros qu'elle réclame au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel ; PAR CES MOTIFS
Déboute les époux X... de leur demande de sursis à statuer ;
Confirme le jugement déféré ;
Condamne in solidum les époux X... à payer à BNP PARIBAS la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel;
Rejette toute autre demande ;
Condamne les époux X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau
Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT