Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2006
(no06- , pages)Numéro d'inscription au répertoire général :
05/04489Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2004 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 01/17691 APPELANT Monsieur Antoine X... venant aux droits de l'EURL Antoine X... demeurant ... 75017 PARIS représenté par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoué à la Cournon assisté INTIMÉE S.A. CRÉDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 18 rue de la république - 69000 LYON ayant son siège central 19 boulevard des Italiens 75002 PARIS représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cou assistée de Me Gachucha COURREGE, avocat au barreau de PARIS, toque :
P 159, de la SCP MOLAS LEGER CUSINCOMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, Conseillerqui en ont délibéréUn rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article
785 du nouveau Code de procédure civile. Greffier, lors des débats :
Melle Sandrine KERVAREC ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier présent lors du prononcé.
En mars 1989, M X... a créé l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Antoine X..., société exploitant à l'origine un fonds de commerce de bijouterie, sis 21 passage Choiseul - 75002. En novembre 1991, pour financer l'acquisition d'une deuxième bijouterie, sis 45 rue du Faubourg Poissonnière-75009, l'EURL Antoine X... a sollicité du Crédit Lyonnais l'octroi d'un prêt d'un montant total de 340.000 F en deux tranches. M X... s'est porté caution envers le Crédit Lyonnais du remboursement par sa société de ce prêt. Courant 1992, la société X... a cessé de rembourser les échéances. Après mise en demeure restée vaine, le Crédit Lyonnais a fait assigner la société Antoine X... et M X... devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 16 janvier 1995, la société Antoine X... a été déclarée en état de liquidation judiciaire, Maître Y... ayant été désigné en qualité de mandataire liquidateur. Le Crédit Lyonnais a déclaré sa créance et, dans le cadre de la procédure précédemment engagée, a fait assigner le mandataire liquidateur en demandant au tribunal de constater l'existence de sa créance sur la société et d'en fixer le montant.
Par jugement du 9 février 1996, le Tribunal de commerce de Paris constatait l'existence de la créance du Crédit Lyonnais sur la société Antoine X... et en a fixé le montant à la somme de 423.280 F à titre privilégié nanti, outre les intérêts. Le tribunal a également condamné M X... en qualité de caution à régler au Crédit
Lyonnais la somme de 355.524 F avec intérêts au taux conventionnel à compter du 2 septembre 1993, outre 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. M X... a fait appel de ce jugement. La cour d'appel de Paris a par arrêt du 3 juillet 1998 déclaré les demandes de M X... irrecevables comme étant nouvelles et a confirmé le jugement de première instance.
Par jugement du 29 octobre 1998, la procédure de liquidation judiciaire de l'Eurl Antoine X... a été clôturée pour insuffisance d'actif. Par décision de 20 avril 2000, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la réouverture de la procédure collective de l'Eurl Antoine X... et a désigné Maître Daude-Brouard en qualité de mandataire liquidateur.
Afin d'obtenir réparation de préjudices nés de fautes de la banque, M Antoine X... a saisi le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 18 novembre 2004, a dit d'office M X... irrecevable en son action personnelle et a débouté le Crédit Lyonnais de sa demande de dommages et intérêts.
Par déclaration du 29 décembre 2004, M X... a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 9 mai 2006, M X... demande à la Cour :- d'infirmer le jugement entrepris,en conséquence,- de condamner le Crédit Lyonnais à lui verser la somme de 5.461.312,90 F soit 780.996,55ç se décomposant comme suit :* à titre prioritaire, la compensation financière avec la somme de 355.524,01 F en principal fixée par l'instance judiciaire précédente, outre les intérêts légaux décomptés depuis septembre 1993 et les dépens d'appel,- 310.000 F soit 47.259,20 ç en principal avec intérêts à compter de mars 1989, montant de l'apport personnel pour la 1ère bijouterie,- 433.000 F soit 66.010,42 ç en principal avec intérêts à compter de décembre
1990, montant de l'apport personnel pour la 2ème bijouterie,- 905.000 F soit 137.966,36 ç avec intérêts à compter d'août 1993, apport familial,- 6.300 F d'astreinte par mois à compter d'avril 1996- 5.600 F d'astreinte par mois à compter de novembre 1998- 17.000 F soit 2.591,63 ç pour frais de procédure hors honoraires d'avocats- 20.000 F soit 3.048,98ç au titre de frais engagés (démarches secrétariat et photocopies)- de le condamner à verser ces sommes avec astreinte de 11.800 F soit 1.814,14 ç par mois à compter du 1er août 2006,- de débouter le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes- de le condamner à lui payer la somme de 8.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 15 février 2006, le Crédit Lyonnais demande à la Cour :- de confirmer le jugement entrepris,- de condamner M X... à lui payer la somme de 5.000ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, - de le condamner à lui payer la somme de 6.000ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Sur la qualité à agir de M X...
Considérant que la banque rappelle que la société Antoine X... est en liquidation judiciaire depuis 1995 et que ses mandataires liquidateurs successifs n'ont jamais formulé de griefs à son encontre ; qu'à défaut de publicité d'une décision de dissolution de l'Eurl Antoine X... et d'une poursuite de l'exploitation à titre personnel au registre du commerce et des sociétés, M X... ne peut invoquer la transmission du patrimoine social à l'associé unique pour exercer à titre personnel les droits et actions de la société ; qu'il est irrecevable à solliciter une condamnation au paiement de dommages et intérêts qu'aurait prétendument subis la société Antoine X... ; que d'ailleurs le seul fait que la société soit en état de
liquidation judiciaire établit la persistance de son existence juridique ;
Considérant que M X... fait valoir qu'il résulte du procès verbal du 8 juin 1993 enregistré à la recette des Impôts qu'après la dissolution de l'Eurl, il a poursuivi l'exploitation à titre personnel ; qu'il ressort d'un deuxième procès-verbal d'assemblée du 24 mai 1995, enregistré également à la recette des Impôts, que le passif de l'Eurl, pour les deux fonds, a été repris par lui, en sa qualité de personne physique ; que l'absence de publication officielle résulte d'une faute de la revue "les petites affiches" qui ont omis de mentionner l'adresse de la deuxième bijouterie et le fait que l'activité allait se poursuivre en nom propre ; que ces omissions se sont répercutées sur l'extrait de Kbis de l'Eurl au moment de sa radiation ; qu'il ajoute que le mandataire liquidateur serait prescrit à agir contre le Crédit Lyonnais mais que lui-même est en droit de le faire puisqu'il vient aux droits de l'Eurl ;
Mais considérant que l'Eurl a été placée en liquidation judiciaire ; que seuls les organes désignés par la juridiction consulaire peuvent la représenter ; que M. X... n'est recevable à agir qu'en sa qualité de caution ; qu'il est irrecevable à agir au titre de la société ou à titre personnel, l'existence juridique d'une exploitation personnelle n'ayant pas été démontrée ;
Sur la rupture abusive des crédits par le Crédit Lyonnais
Considérant que M X... soutient que la banque a supprimé une autorisation de découvert de 63.000 F sur le compte no448356Z tenu à l'agence centrale et de 320.000 F sur le compte no 448769 F de l'agence Poissonnière, sans préavis au mépris des dispositions de l'article 313-12 du Code monétaire et financier ; que pour déterminer le montant du découvert autorisé, il faut retenir la méthode dite du plus fort découvert sur une période de 6 mois consécutifs ; que le
courrier tapé à la machine adressé par courrier ordinaire et par lettre recommandée avec accusé de réception et appelé "mise en demeure du 2 septembre 1993" par le Crédit Lyonnais n'est pas acceptable car il est sans en-tête, ne comporte pas de signature manuscrite ou de tampon ; que de plus, si un avocat veut produire en justice un texte qu'il a rédigé, il doit être précédé de la mention "lettre officielle" ; qu'il ajoute que la somme de 124.830 F de commissions et autres factures ont été prélevées abusivement sur ces deux comptes par le Crédit Lyonnais ;
Considérant que la banque oppose que le compte no 448356Z n'a fonctionné que du 2 mars 1989 au 2 juin 1989 de sorte que les demandes relatives au fonctionnement de ce compte sont prescrites ; qu'en outre, il ressort des relevés de compte qu'aucun rejet sur ce compte n'a eu lieu ; que, s'agissant du compte no 448769 F, M X... disposait d'une autorisation de découvert à hauteur de 10.000 F à compter de l'ouverture de ce compte en mai 1989 ; que la lecture des relevés révèle que l'Eurl a émis des chèques, à plusieurs reprises, et accepté des lettres de change sans provision préalable et que le Crédit Lyonnais n'a pas accepté les dépassements du découvert autorisé, manifestant son refus d'accorder à l'entreprise une augmentation de ses encours ; que les demandes de M X... concernant les faits antérieurs au mois de février 1991 sont prescrites ; que la banque ajoute avoir accepté que la société utilise le prêt de 340.000 F de manière anticipée par débit de son compte no 9199 L de sorte qu'au 31 décembre 1991, ce compte présentait un solde débiteur de 340.518,89 F, mais que M X... a utilisé cette somme pour calculer le montant du découvert autorisé ;
Considérant que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où l'obligation du débiteur principal a été mise à exécution ; que le caractère accessoire du cautionnement a pour conséquence que
le point de départ de l'obligation de la caution est le même que celui de l'obligation principale ;
Considérant que les demandes formées par M X... dans son assignation du 3 février 2001 pour les faits antérieurs au 3 février 1991 et dans son assignation du 2 août 2002 pour les faits antérieurs au 2 août 1992 ainsi que les demandes formulées dans les conclusions signifiées le 20 avril 2005 pour des faits antérieurs au 2 avril 1995 sont prescrites par application des dispositions de l'article L 110-4 du Code de commerce ;
Considérant, en application de ces principes, que les demandes concernant le compte no 448356Z sont prescrites puisqu'il n'a fonctionné que du 2 mars au 2 juin 1989 ; mais considérant que les demandes relatives au compte principal no 448769 F ne le sont pas, ce compte ayant fonctionné en 1993 ; que les opérations doivent être examinées ;
Considérant, certes, que la banque n'a pas produit de lettre de refus d'accorder un découvert supérieur à la somme de 10.000 Francs affirmée ; mais que l'observation des relevés de compte produits ne révèle pas d'augmentation progressive mais des variations avec des débits pouvant aller jusqu'à la somme de 40.000 francs ainsi que de nombreux refus de paiement générant des commissions ou des frais d'impayés ce qui traduit un refus constant de la banque d'autoriser une augmentation du découvert ; que la preuve d'une tolérance de dépassement jusqu'à 63.000 francs n'est pas rapportée, les écarts relevés sur de courtes périodes n'atteignant pas ce montant et les commissions d'impayés traduisant l'absence d'autorisation ;
Considérant que le débit particulier de la somme de 340.000 francs (exactement 338.190 francs) sur le compte numéro 9199 L le 31 décembre 1991 a pour origine la mise à disposition anticipée du prêt de 340.000 francs par débit du compte ; que cette somme ne saurait,
en effet, être confondue avec un découvert ;
Considérant qu'en l'absence de preuve d'une faute, la demande de M. X... n'est pas fondée ;
Sur les dates de valeur
Considérant que, selon M X..., les dates de valeur pour débiter les comptes sont exactes mais ces dates pour créditer les comptes étaient décalées, à partir de fin 1990, de 15 jours à trois semaines ; que cette pratique a rendu le compte artificiellement débiteur alors que M X... disposait d'une importante trésorerie ainsi que des Sicav Monélion ;
Considérant que la banque souligne que le montant du prêt de 340.000 francs, précédemment examiné, a été porté au crédit du compte le 7 mai 1992 mais avec une date de valeur au 27 janvier 1992 conformément aux dispositions contractuelles ; que ce déblocage a posteriori du montant du prêt n'a pas porté préjudice à la société dès lors que la date de valeur de mise à disposition des fonds a été fixée au 27 janvier 1992, date de départ du prêt convenue entre les parties ; que, compte tenu de cette modification de la date des valeurs, la banque a, parallèlement, recalculé les agios liés à l'utilisation anticipée des fonds par le débit du compte ; qu'ainsi, les agios initialement prélevés pour un montant de 14.795,13 F ont été ramenés à la somme de 5.141,96F ;
Considérant qu'en l'absence de preuve d'une faute et d'un grief, la demande de M. X... n'est pas fondée ;
Sur le grief relatif au concours qu'aurait consenti le Crédit Lyonnais à un tiers pour créer un commerce de bijouterie passage Choiseul
Considérant que M X... prétend que, pour rompre toutes relations d'affaires avec sa société, le Crédit Lyonnais a accordé un prêt ainsi qu'une facilité de caisse à un concurrent pour qu'il s'installe
à moins de 10 mètres de sa bijouterie en même temps que la banque lui supprimait sa propre facilité de caisse ; que la preuve de ce fait résulte de la co'ncidence des dates et que l'intention de lui nuire de la banque résulte de ce que c'est le même gestionnaire de compte et la même agence qui ont accordé ces crédits au concurrent ;
Considérant que la banque estime que M X... ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait consenti à "une personne" un prêt lui permettant de "créer un commerce de bijouterie au 24/26 passage Choiseul" et qu'en tout état de cause, accorder un concours à un client ne peut pas constituer à l'égard d'un autre client une faute ;
Considérant qu'aucune preuve d'un acte préjudiciable n'est rapportée ; que M. X... ne peut qu'être débouté de ses prétentions ;
Sur le préjudice subi par M X... du fait de l'inscription au FICP et de l'absence de mainlevée des inscriptions de nantissement sur son fonds
Considérant que M. X... reproche au Crédit Lyonnais de l'avoir paralysé dans son activité professionnelle soit en nom propre soit en qualité de gérant majoritaire puisque l'Eurl porte ses nom et prénom ; que si la banque n'avait pas formulé de demande reconventionnelle dans la précédente procédure, la procédure aurait été plus courte et qu'il aurait obtenu pour lui et son Eurl la main-levée des inscriptions de nantissement sur le fonds de commerce un an après l'assignation du 5 octobre 1993 ; que, de même, l'inscription au FICP l'a empêché d'avoir une activité normale ; que cette interdiction n'avait pas lieu d'être en raison des apports personnels non prévus dans le plan de financement ; que sans l'apport des 905.000 F, il y aurait eu dès 1992 des expulsions à la requête des deux bailleurs, conséquence du mauvais comportement de la banque ;
Considérant que M. X... a été déclaré irrecevable à se prévaloir
d'une activité professionnelle à titre personnel à cette époque ou à représenter la société ;
Sur la demande de compensation financière d'un montant de 355.524,01 F représentant l'équivalent de la condamnation prononcée à l'encontre de M X... pris en sa qualité de caution de la société
Considérant qu'à juste titre la banque fait valoir qu'il ressort de la lecture de la première page de l'assignation que "la mise en liquidation judiciaire" de la société trouve son origine dans des "raisons étrangères" au Crédit Lyonnais, ce qu'admet d'ailleurs M X... ; qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la banque à l'origine de la défaillance de la société conduisant la banque à mettre en oeuvre son engagement de caution ;
Sur les autres demandes
Considérant que M. X... a reproché à la banque d'avoir mis, tardivement, à la disposition de la société les fonds du prêt de 340.000 francs ; mais qu'il a été relevé qu'au contraire une remise anticipée de ces fonds avait eu lieu ;
Considérant que M. X... est débouté de ses demandes en appel ; que la société Crédit Lyonnais ne démontre pas qu'il ait abusé de son droit d'action en justice par une faute ; que la banque est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu'il est équitable de mettre à la charge de M. X..., outre les dépens, la somme de 1000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt ;
Déclare M. X... recevable à agir en sa qualité de caution
Déclare prescrites les demandes de M. X... relatives au compte no 448356Z et recevables les autres demandes
Déboute M. X... de ses demandes
Déboute la société Crédit Lyonnais de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Condamne M. X... à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 1000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Condamne M. X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT