RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 12 Janvier 2007
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 05031
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Septembre 2004 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 03 / 11961
APPELANT
Monsieur Bernard X...
...
...
comparant en personne, assisté de Me Pierre Alain TOUCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P104
INTIMEE
SOCIETE APLITEC AUDIT ASSOCIES
44, Quai de Jemmapes
75010 PARIS
représentée par Me Judith BOUCHARDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 400
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mme Isabelle PIRES, lors des débats
ARRÊT :
-contradictoire
-prononcé publiquement par Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mme Isabelle PIRES, greffière présente lors du prononcé.
Statuant sur l'appel formé par Bernard X... d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 14 septembre 2004 ayant condamné la société APLITEC AUDIT ASSOCIES à lui verser :
-7 427 euros à titre de rappel de salaire, de congés payés et d'indemnité de précarité
-2 530 euros au titre des heures supplémentaires
-400 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
et l'ayant débouté du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 21 novembre 2006 de Bernard X... appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation partielle du jugement entrepris et la condamnation de l'intimée à lui verser :
à titre principal,
-7 186,40 euros au titre des heures supplémentaires
-718,64 euros au titre des congés payés
-431,18 euros au titre de la prime de précarité
à titre subsidiaire,
-5 888,42 euros au titre des heures supplémentaires
-588,84 euros au titre des congés payés
-353,30 euros au titre de la prime de précarité
en tout état de cause,
-8 716,78 euros à titre de rappel de salaire pour discrimination salariale
-97 000 euros au titre de la clause de non concurrence nulle
-3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 21 novembre 2006 de la société APLITEC AUDIT ASSOCIES intimée qui sollicite de la Cour qu'elle constate que la créance de l'appelant se limite aux somme suivantes
-1 260 euros au titre des heures supplémentaires
-75,60 euros au titre de la prime de précarité
-133,56 euros au titre des congés payés
qu'elle ordonne le remboursement de la somme de 2 530 euros au titre des heures supplémentaires et condamne l'appelant à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que Bernard X... a été embauché à compter du 2 janvier 2001 par la société APLITEC en qualité de manager » statut cadre coefficient 330 niveau N3 de la convention collective des cabinets d'experts comptables par contrat de travail à durée déterminée venant à expiration le 30 mars 2001 ; que par avenant en date du 23 mars 2001 le contrat a été renouvelé jusqu'au 31 janvier 2002 ; qu'il y a été inséré une clause de non concurrence interdisant à l'appelant d'entrer au service d'une société susceptible de concurrencer directement ou indirectement son employeur pendant une durée de trois années ; que l'appelant percevait une rémunération mensuelle brute de 20 000 francs
(3 048,98 euros) ;
Qu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes le 23 septembre 2003 afin d'obtenir un rappel de salaire pour discrimination salariale et le paiement d'heures supplémentaires ;
Considérant que Bernard X... expose qu'au sein de la société il exerçait les mêmes fonctions que Dominique Z... qui percevait pourtant une rémunération supérieure d'un montant de 23 500 francs bruts ; que son contrat de travail ne mentionnait pas la durée de son travail ; que l'accord d'entreprise relatif à la réduction du temps de travail ne lui est pas opposable car il ne lui a été proposé aucun avenant à son contrat de travail ; qu'il effectuait une moyenne de 40 heures de travail hebdomadaires ; qu'il devait se déplacer fréquemment en province ; que la clause de non concurrence ne comporte pas de contrepartie financière et de limitation géographique ; qu'il a respecté cette clause ;
Considérant que la société APLITEC AUDIT ASOCIES soutient que le contrat de travail a été conclu en raison d'un accroissement temporaire d'activité ; que l'appelant n'a été victime d'aucune discrimination salariale ; que le contrat de travail ne comportait aucune interdiction de concurrence ; qu'en outre l'appelant n'a subi aucun préjudice ; que la durée hebdomadaire de travail de l'appelant était de 39 heures ; que l'accord d'entreprise ayant été conclu avant son embauche lui est opposable ; que ses déplacements n'étaient pas effectués au delà du temps de travail auquel il était astreint ; que selon les dispositions de la convention collective applicables à défaut de l'accord d'entreprise, le temps de travail pouvait être maintenu à 39 heures ; que seule la bonification de 10 % est due ;
Considérant qu'il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et qu'il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'appelant bénéficiait du statut de cadre itinérant ; que le protocole d'accord relatif à la mise en place de la réduction du temps de travail au sein de la socité APLITEC en date du 31 juillet 2000 étant antérieur à l'embauche de l'appelant lui est opposable ; qu'en application de l'article 7. 2 de cet accord, concernant les cadres itinérants, il était convenu que serait signé une convention de forfait destinée à fixer la durée de travail en jours et le montant de la rémunération y afférente ; que cependant à défaut d'une telle convention et conformément à l'article 5. 2. 1 de la convention collective, l'appelant devait percevoir un salaire brut contractuel majoré de 10 % au delà de la 35 ème heure de travail hebdomadaire, du fait que l'entreprise avait maintenu l'horaire de travail de référence à 39 heures ; qu'en outre il devait bénéficier d'une majoration de 25 % du salaire de la 40ème à la 43ème heure de travail incluse et de 50 % au delà ; qu'il résulte des feuilles de temps versées aux débats que celui-ci effectuait chaque semaine de 40 à 43 heures de travail ; qu'en revanche la réalisation de plus de 44 heures de travail hebdomadaires en raison de déplacements à dix reprises en Bretagne ne résulte pas de ces feuilles ; que l'appelant n'a jamais bénéficié sous la forme de jours de repos de compensation des premières heures supplémentaires ; qu'il est donc en droit de réclamer leur contrepartie financière ; qu'il lui est donc dû la somme de 404,09 euros au titre de la majoration de 10 % du salaire pour les 224 heures de travail effectuées de la 36ème à la 39 ème heure et 1939,30 euros pour les heures supplémentaires effectuées au delà des 39 heures hebdomadaires, soit la somme totale de 2343,39 euros à ce titre,234,33 euros au titre des congés payés ;
Considérant que l'appelant ne conteste pas avoir perçu une prime de précarité calculée dans les conditions de l'article L122-3-4 alinéa 2 du code du travail ; qu'en conséquence il est dû à celui-ci, en raison de l'intégration des heures supplémentaires dans la rémunération totale brute sur la base de laquelle cette prime est calculée, un reliquat de 140,60 euros ;
Considérant qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Considérant que tant le contrat de travail en date du du 19 décembre 2000 que son avenant en date du 23 mars 2001 interdisaient à l'appelant pendant une durée de 36 mois d'entrer au service d'une autre société susceptible de la concurrencer directement ou indirectement ; que cette obligation ne comportait aucune contrepartie financière ; qu'elle conduisait en fait l'appelant à lui interdire de trouver un travail pendant toute la durée de celle-ci et sur la totalité du territoire national dans un secteur relevant de sa spécialité professionnelle ; que la société intimée ne peut prétendre que cette clause n'occasionnait à l'appelant aucun préjudice alors que la société Crawford France était susceptible de la concurrencer ; que l'appelant a été contraint de solliciter le bénéfice d'allocations de chômage ; qu'en réparation du préjudice subi il convient de lui allouer la somme de 27 440 euros ;
Considérant en application des articles L133-5 10 o et L136-2, 8o du code du travail que l'employeur peut déterminer librement des rémunérations différentes en fonction des compétences et capacités de chacun de salariés ; qu'une égalité de rémunération ne doit être assurée qu'entre tous les salariés placés dans une position identique ; qu'il appartient à l'employeur d'établir que la disparité constatée par le salarié est justifiée par des éléments étrangers objectifs à toute discrimination ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société intimée a embauché à compter du 13 juillet 2001 Dominique Z... en qualité de manager ; qu'alors que figuraient sur son bulletin de salaire un coefficient et un niveau de rémunération totalement identiques à celui de l'appelant il percevait un salaire supérieur de 3 500 francs ; que cependant il était chargé d'effectuer un travail totalement identique à celui de ce dernier ; qu'en effet en vertu d'un contrat de travail à durée déterminée également, il était chargé d'instruire les demandes d'indemnisation déposées par les particuliers et par les entreprises relevant du secteur touristique à la suite du sinistre occasionné par le naufrage du pétrolier Erika ; que de même il devait procéder à la rédaction de rapports d'évaluation ; que la société intimée ne démontre pas que l'appelant était chargé comme elle le prétend de dossiers de demandes d'indemnisation plus simples que ceux qui étaient attribués à Dominique Z... en raison de sa formation comptable plus approfondie ; que par ailleurs la plus grande expérience de l'appelant dans le secteur du tourisme, valorisante en raison des missions qui lui étaient confiées compensait la différence de niveau de formation ; que la discrimination salariale est donc bien caractérisée ; qu'en réparation du préjudice subi par suite de cette différence de traitement il convient d'allouer à l'appelant la somme de 8 716,78 euros correspondant à la différence entre le salaire qu'il a perçu et celui versé à Dominique Z... et à ses incidences sur les sommes dues au titre du
13ème mois, de la prime de précarité et de congés payés ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME partiellement le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société APLITEC AUDIT ASSOCIES à verser à Bernard X...
-2 343,39 euros au titre des heures supplémentaires
-234,33 euros au titre des congés payés
-140,60 euros au titre de reliquat de la prime de précarité
-8 716,78 euros à titre de rappel de salaire pour discrimination salariale
-27 440 euros au titre de la clause de non concurrence illicite
-2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DEBOUTE Bernard X... du surplus de sa demande ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris.
CONDAMNE la société APLITEC AUDIT ASSOCIES aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE