RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 12 Janvier 2007
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 05009
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Septembre 2004 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 04 / 02129
APPELANTE
Mademoiselle Thouraya X...
...
...
comparant en personne, assistée de Me Raphaël BENILLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 264
INTIME
Monsieur Nicolas Z...
...
...
représenté par Me Stéphanie DELOFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2356
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Novembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mme Isabelle PIRES, lors des débats
ARRÊT :
-contradictoire
-prononcé publiquement par Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mme Isabelle PIRES, greffière présente lors du prononcé.
Statuant sur l'appel formé par Thouraya X...d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 16 septembre 2004 ayant condamné Nicolas Z...à lui verser 2 389,12 euros au titre de l'indemnité de licenciement et l'ayant déboutée du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 20 novembre 2006 de Thouraya X...appelante, qui sollicite de la Cour l'infirmation partielle du jugement entrepris et la condamnation de l'intimé à lui verser :
11 900,01 euros au titre des heures supplémentaires effectuées de novembre 1999 à octobre 2003
3 425,50 euros à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée
43 004,16 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 20 novembre 2006 de Nicolas Z...intimé qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelante à verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que Thouraya X...a été embauchée à compter du 1er novembre 1998 par Nicolas Z...en qualité d'assistante dentaire par contrat de travail à durée déterminée transformé en contrat à durée indéterminée ; qu'à la date de son licenciement elle percevait une rémunération mensuelle brute de 2343,22 euros pour une durée de travail mensuel de 151,67 heures ; qu'elle relevait de la convention collective des chirurgiens-dentistes ;
Que l'appelante a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 novembre 2003 à un entretien le 4 décembre 2003 en vue de son licenciement ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 décembre 2003 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
« nos relations professionnelles se sont fortement dégradées depuis quelques mois ce que vous avez reconnu. Cette dégradation me perturbe et nuit à l'image du cabinet auprès de mes patients. Ces tensions ne sont pas dues à vos compétences mais à une façon de travailler qui ne me convient plus.J'ai besoin de quelqu'un de plus disponible pour m'assister étant donné l'accroissement de ma clientèle. Nous n'avons pas trouvé ensemble de solution pour régler cette situation. »
Que l'appelante a saisi le Conseil de Prud'hommes le 13 février 2004 en vue de contester la légitimité du licenciement ;
Considérant que Thouraya X...expose que son licenciement est abusif ; que durant les cinq années et quatre mois la relation professionnelle ne s'est jamais dégradée et qu'en conséquence l'image du cabinet n'en a pas été affectée ; que la lettre de licenciement ne contient aucun motif précis ; que son employeur ne lui a jamais fait part de sa volonté de la voir plus disponible ; qu'en étant soudainement licenciée, elle a subi un préjudice particulièrement important ; que malgré la suppression de son mardi elle a continué de travailler au minimum 169 heures par mois ; qu'elle a effectué des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur pour un total de 942 heures ;
Considérant que Nicolas Z...soutient que le licenciement de l'appelante est intervenu pour insuffisance professionnelle ; qu'à compter de novembre 2002, elle a perçu un salaire supérieur au nombre d'heures de travail effectuées sans le lui signaler ; que la preuve des heures supplémentaires n'est pas rapportée ; qu'en outre il ne lui a jamais donné son accord pour les réaliser ;
Considérant que toute modification du contrat de travail à temps plein en contrat de travail à temps partiel doit répondre aux exigences des dispositions de l'article L212-4-3 du code du travail ;
Considérant que l'intimé prétend qu'à compter de novembre 2002 l'appelante effectuait 30,5 heures de travail par semaine ; que toutefois il ne produit aucun avenant au contrat de travail initial de nature à le démontrer, alors que par ailleurs il invoque une modification de la rémunération de l'appelante sur laquelle il se fonde pour procéder à une retenue de 3217,02 euros ; que la modification de la répartition du temps de travail de celle-ci durant la semaine, conduisant à la suppression du mardi, n'impliquait pas nécessairement une réduction de la durée de travail hebdomadaire ; que de même il n'est pas démontré que l'appelante a bénéficié d'un trop perçu au titre de la prime d'ancienneté de 208,48 euros ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner l'intimé à verser la somme totale de 3425,50 euros à titre de retenue sur salaire ;
Considérant conformément aux dispositions de l'article L 122-14-3 du code du travail que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des griefs imputés précisément au salarié et matériellement vérifiables ;
Considérant que Nicolas Z...ne fournit aucun élément de nature à démontrer que l'appelante faisait preuve de l'insuffisance professionnelle alléguée dans ses écritures ; qu'au demeurant celle-ci n'est pas évoquée dans la lettre de licenciement puisque l'employeur y souligne que les compétences de l'appelante ne sont pas remises en cause ; que la prétendue indisponibilité de celle-ci, qui serait à l'origine de la dégradation des relations professionnelles, n'est établie par aucune pièce ; que seuls sont rapportés un changement de l'organisation du temps de travail à compter d'octobre 2002 qui a nécessairement reçu l'aval de l'intimé en raison de l'emploi occupé par l'appelante et des arrêts de travail pour maladie à partir du 5 novembre 2003 jusqu'en janvier 2004, qui ne peuvent en eux-mêmes servir de fondement à un licenciement ; qu'en conséquence le licenciement de l'appelante est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris ;
Considérant que l'appelante était âgée de 31 ans à la date de son licenciement et bénéficiait d'une ancienneté de cinq années au sein du cabinet dentaire ; que ce licenciement est intervenu alors qu'elle se trouvait en arrêt de travail à la suite d'une intervention chirurgicale dont il n'a été tenu aucun compte bien que les dispositions de l'article 3. 6 de la convention collective imposent une période de garantie d'emploi d'une durée de trois mois ; qu'en réparation du préjudice subi, il convient d'allouer à l'appelante sur le fondement de l'article L122-14-5 du code du travail la somme de 20 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et qu'il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Considérant que l'appelante ne produit aucun état précis hebdomadaire susceptible de démontrer, comme elle le prétend, qu'elle a effectué entre novembre 1999 et octobre 2003 942 heures supplémentaires ; que l'existence de ces heures supplémentaires est d'autant moins établie qu'à partir de novembre 2002, elle n'a plus travaillé le mardi et que, selon l'appelante, cette modification a été organisée pour éviter que son temps de travail ne soit supérieur à la durée légale hebdomadaire ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris l'ayant déboutée de sa demande de ce chef ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelante les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME partiellement le jugement entrepris ;
CONDAMNE Nicolas Z...à verser à Thouraya X...
-3 425,50 euros à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée
-20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DEBOUTE Thouraya X...du surplus de sa demande ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
CONDAMNE Nicolas Z...aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE