Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section A
ARRET DU 17 JANVIER 2007
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/23834
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2005 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG no 05/1048
APPELANTE
S.A. SUZA INTERNATIONAL
ayant son siège 1 Rue Jean Perrin - ZI du Pont Yblon
93150 LE BLANC MESNIL
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
représentée par la SCP FANET - SERRA - GHIDINI, avoués à la Cour
assistée de Me Bruno GREGOIRE SAINTE MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : J106, plaidant pour SELARL FERAL-SCHUHL SAINTE MARIE
INTIMEE
S.A.R.L. PROFESIONNAL COMPUTER ASSOCIES FRANCE -
ayant son siège 3 rue des Aerostiers
93160 NOISY LE GRAND
prise en la personne de son gérant
représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assistée de Me François DUMOULIN, avocat au barreau de BOBIGNY, toque : 196
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2006, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Conseiller
Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL
ARRET : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
- signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel interjeté par la société SUZA INTERNATIONAL du jugement rendu le 25 novembre 2005 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a :
- déclaré mal fondées la demande principale de la société SUZA INTERNATIONAL et la demande reconventionnelle de la société PCA France et les en a déboutées,
- condamné la société SUZA INTERNATIONAL à payer à la société PCA France la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 27 novembre 2006 par lesquelles la société SUZA INTERNATIONAL France, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, demande à la Cour de :
- dire que la société PCA France a commis à son égard des actes de concurrence déloyale par parasitisme, en commercialisant à partir de 2005 un produit identique à celui par elle vendu depuis mars 2003, en l'espèce, un boîtier d'ordinateur reprenant l'aspect distinctif du boîtier qu'elle commercialise, en utilisant la référence "805" et en le distribuant sous une marque contrefaisant manifestement sa marque, ce dont il résulte que la société PCA France s'est délibérément placée dans le sillage du succès qu'elle a remporté, a délibérément créé un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre les deux produits et a ainsi profité de ses investissements humains et financiers importants, en faisant l'économie de tels investissements et des risques,
- faire interdiction à la société PCA France de continuer à introduire en France, offrir à la vente, vendre les modèles de boîtiers d'ordinateur, sous quelque référence que ce soit, imitant le boîtier "KYMIC 805", sous astreinte de 200 euros par boîtier dont la détention ou l'offre à la vente aura pu être constatée postérieurement à la signification de l'arrêt à intervenir, et préciser que cette astreinte sera provisoire pendant une durée de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et sera définitive à compter de l'expiration de ce délai,
- faire interdiction à la société PCA France de continuer à introduire en France, offrir à la vente, vendre les modèles de boîtiers d'ordinateur, sous quelque référence que ce soit, imitant le boîtier "805", sous astreinte de 200 euros par boîtier dont la détention ou l'offre à la vente aura pu être constatée postérieurement à la signification de l'arrêt à intervenir, et préciser que cette astreinte sera provisoire pendant une durée de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et sera définitive à compter de l'expiration de ce délai,
- ordonner la confiscation et la remise à son profit de tous les modèles constitutifs de concurrence déloyale détenus par la société PCA France au jour de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société PCA France à lui payer une indemnité provisionnelle à valoir sur son préjudice de 276.000 euros à déterminer par voie d'expertise,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, ainsi que des extraits des motifs de celui-ci, par elle choisis, sur les pages d'accueil des trois sites Internet de la société PCA France, accessibles aux adresses www.pcafrance.com, www.pcafrance.fr, et www.heden.fr, ou à toutes autres adresses qui pourraient leur être substituer par la société PCA France, en caractères de taille 12 et sur une surface égale au moins à 50 % de la surface de la page d'accueil, dans la partie supérieure de celle-ci dans un encadré parfaitement visible, et ce pendant une durée de trois mois dans un délai de cinq jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard,
- dire que cette publication devra être maintenue en ligne pendant trois mois, sous astreinte de 8.000 euros par jour de manquement constaté à cette obligation,
- condamner la société PCA France à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les ultimes conclusions signifiées le 17 novembre 2006 aux termes desquelles la société PCA France prie la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société SUZA International France et, formant appel incident, de lui allouer une indemnité de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial et de notoriété causé par la diffusion à la clientèle d'un e-mail daté du 14 juin 2005, de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que faisant grief à la société PCA de commercialiser sous la dénomination "B9805" un modèle de boîtier d'ordinateur identique en la forme au modèle "KYMIC 805" qu'elle exploite depuis le 1er octobre 2003, selon des modalités de nature à créer une confusion entre les produits, la société SUZA International France, ci-après SUZA, l'a assignée devant le tribunal de commerce de Bobigny pour actes de concurrence déloyale et parasitaires ;
- Sur les actes de concurrence déloyale
Considérant que l'action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif ;
Considérant que si le simple fait de copier un produit concurrent qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et si la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, il n'en est pas de même lorsque ces actes traduisent un comportement fautif et créent un risque de confusion entre les entités économiques, engendrant pour celui qui en est l'objet un préjudice ;
Considérant, en l'espèce, qu'il n'est pas contesté que la société SUZA ne dispose d'aucun droit privatif sur le modèle de boîtier d'ordinateur qu'elle invoque ;
Mais considérant, d'une part, que le boîtier d'ordinateur incriminé reproduit à l'identique celui commercialisé par la société SUZA, qui se caractérise notamment par le dessin spécifique de son interrupteur en forme de "tête de Mickey renversée" ;
Que la société SUZA justifie par les factures et son catalogue paru en décembre 2003, produits aux débats, qu'elle commercialise ce modèle en France depuis le mois de novembre 2003, sous la référence "KYMIC 805" ; qu'elle verse également aux débats une attestation de son fournisseur, la société ESAC dont le siège est situé à Taïwan, datée du 1er octobre 2003, qui certifie que le modèle de boîtier référencé No 805 ou "KYMIC" ainsi désigné par son client français, la société SUZA International France, incluant trois couleurs : 805 S argenté, 805 B noir, 805 W blanc, est un modèle exclusif pour le marché français, vendu uniquement par SUZA France SA ; que rien ne permet de mettre en cause la véracité de cette attestation établie deux ans avant l'introduction de la présente procédure ;
Que si ces boîtiers présentent couramment la forme d'une tour, la société PCA France ne démontre, ni même n'allègue que sa ligne, sa façade et le design particulier du bouton interrupteur répondent à des impératifs d'ordre technique, alors qu'au contraire, la société SUZA établit par la production d'un extrait du site Internet "comparateur de prix" www.i.comparateur.com que les boîtiers offerts à la vente se différencient parfaitement les uns des autres, bien que remplissant la même fonction ;
Considérant, d'autre part, que la société PCA France a désigné le modèle incriminé sous la référence "B 9805", reprenant les trois derniers chiffres de la référence du boîtier "KYMIC" ; que ce choix ne saurait être fortuit, alors qu'il ressort de l'examen de l'extrait de son site Internet que si elle utilise, pour désigner les boîtiers qu'elle offre en vente des références commençant par B9, elle fait couramment usage d'une numérotation complexe, composée de chiffres et de lettres, parfois suivie d'une dénomination ; que le fait que la référence "805" soit utilisée par un autre concurrent ne justifie en rien ce choix délibéré ;
Considérant, enfin, que la société SUZA commercialise ses boîtiers sous la marque semi-figurative "ADVANCE" composée d'un cartouche ovale à fond sombre sur lequel s'inscrit en éventail, la dénomination, dont la première lettre "A" dépasse du cartouche ; que les produits litigieux sont vendus, par la société PCA France, accompagnés de la marque "HEDEN", inscrite dans un cartouche de couleur sombre, la première "H" dépassant le cadre du cartouche de sorte qu'il existe une indéniable similitude visuelle entre les deux logos ;
Considérant que la mise sur le marché de ce modèle de boîtier, par la société PCA France, au début de l'année 2005, soit près de deux ans après la société SUZA, en utilisant les mêmes références et la même identité graphique, ne procède pas de l'exercice licite de la liberté de la concurrence mais traduit sa volonté délibérée d'entretenir dans l'esprit du public une confusion entre les produits ou de laisser accroire à tout le moins que les deux sociétés en cause sont liées économiquement ; que la société PCA France soutient vainement que ces produits ne s'adressent qu'à une clientèle de semi-grossistes professionnels alors qu'ils sont vendus dans les chaînes de magasins spécialisés dans l'informatique et par le biais de sites Internet de vente en ligne ;
Qu'il convient, en conséquence, infirmant le jugement entrepris, de dire que la société PCA France a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société SUZA ;
- Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société SUZA justifie d'investissements publicitaires conséquents dans la presse spécialisée et par le biais de sites Internet, pour promouvoir le boîtier "KYMIC 805" ; que le succès de ce produit auprès du public est confirmé par son classement en 14ème position sur 345 modèles sur le site Internet www.comparateur.com ;
Considérant que les agissements déloyaux de la société PCA France ont nécessairement causé un trouble commercial à la société SUZA en détournant les efforts et investissements qu'elle a entrepris et en provoquant le déréférencement du produit "KYMIC" sur un site Internet vendeur ;
Que sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, au vu des éléments versés aux débats, le préjudice de la société SUZA sera fixé à la somme de 100.000 euros ;
Considérant qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée selon les modalités précisées au dispositif ; que la confiscation sollicitée n'est pas justifiée au regard de l'interdiction prononcée ;
Qu'il sera fait droit à la mesure de publication, selon les modalités décrites au dispositif ;
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société SUZA, la somme de 10.000 euros devant lui être allouée à ce titre ;
Que la solution du litige commande de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société PCA France ainsi que celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit que la société PCA France a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société SUZA International France,
Condamne la société PCA France à payer à la société SUZA international France la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de ces actes illicites,
Fait interdiction à la société PCA France de poursuivre la vente du boîtier portant les références B9805, ou de quelque boîtier reproduisant la ligne, la façade et le design de l'interrupteur du boîtier "KYMIC 805" sous astreinte de 200 euros par infraction constatée, à compter de la signification du présente arrêt,
Autorise la société SUZA International France à publier le dispositif du présent arrêt, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société PCA France, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 3.500 euros HT,
Enjoint la société PCA France de publier le dispositif du présent arrêt, sur les pages d'accueil de ses trois sites Internet, pendant une durée d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société PCA France à verser à la société SUZA International France la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société PCA France aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT