RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre B
ARRET DU 22 Février 2007
(no 9,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 06625
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS-section Encadrement-RG no 02 / 04239
APPELANT
Monsieur Eric X...
...
comparant en personne, assisté de Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC 372
INTIMÉE
SARL A. DOC,
91 rue Chantereine
93100 MONTREUIL SOUS BOIS
représentée par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619, M. Christophe Z...(Représentant légal GERANT)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Mary VEILLE, PRESIDENT
M. Roland LEO,
Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Isabelle PIRES, lors des débats
ARRET :
-contradictoire
-prononcé publiquement par Monsieur Jean-Mary VEILLE, PRESIDENT
-signé par Monsieur Jean-Mary VEILLE, président et par Mme Nadine LAVILLE, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur Eric X...a été engagé à compter du 1er décembre 1998 par la SARL A. DOC, suivant contrat écrit à durée indéterminée du 18 novembre 1998, en qualité d'ingénieur commercial avec une rémunération brute mensuelle de 12. 000 F constituant un forfait global incluant les heures supplémentaires. Un avenant non daté stipulait une prime mensuelle de 15 % brut sur la marge d'affaire à compter de 50 KF.
Par avenant du 16 mars 2001, avec effet au 1er janvier 2001, la rémunération fixe passait à 15. 000 Francs (2. 286,74 €) et pour une période de 1 an était prévue une commission complémentaire chaque fois que ses commissions mensuelles ne lui permettaient pas d'obtenir une rémunération brute de 25. 000 Francs (3. 811,23 €), la société se réservait le droit de mettre un terme à cette commission complémentaire à tout moment, sans justificatif au plus tard le 15 du mois en cours.
Le 11 juillet 2001 la société mettait fin au versement de la commission complémentaire mensuelle avec reprise à compter du 1er juillet 2001 du calcul des commissions défini dans l'avenant du 18 novembre 1998.
Le 24 juillet 2001 Monsieur X...protestait contre la mise en oeuvre de cette clause qu'il estimait abusive.
Au mois de novembre 2001 Monsieur X...demandait à prendre des jours de récupération du 6 au 15 décembre 201 ce que la société refusait.
Il s'en suivait un échange de courriers.
Par lettre recommandée du 28 février 2002 Monsieur X...était convoqué pour le 11 mars à un entretien préalable au licenciement et faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée du 19 mars 2002 la société procédait au licenciement de Monsieur X...pour faute lourde.
Par jugement du 25 janvier 2005, le conseil de prud'hommes de PARIS saisi le 29 mars 2002, après avoir retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a :
-Condamné la société A. DOC à payer à Monsieur X...,
-1. 366,63 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied du 28 février au 19 mars 2001,
-136,66 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-5. 000 € à titre de rappel de commission,
-500 € à titre de congés payés afférents,
-1. 715,14 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-16. 052 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1. 605,20 € à titre de congés payés afférents,
-8. 026 € à titre d'indemnité de licenciement,
-500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-Ordonné la remise de documents conformes.
-Débouté Monsieur X...du surplus de ses demandes.
Monsieur X..., régulièrement appelant demande :
-La confirmation des sommes allouées en première instance,
-De dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
-De condamner la société A. DOC) payer :
-48. 156 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-6. 710 € au titre des heures supplémentaires,
-671 € au titre des congés payés afférents,
-2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-La remise d'une attestation ASSEDIC conforme sous astreinte de 30 € par jour de retard.
La société appelante incidente demande :
-De constater que Monsieur X...a délivré de fausses informations commerciales à un important client de l'entreprise en dénigrant ouvertement son dirigeant Monsieur Z....
-De dire que le licenciement est fondé sur une faute lourde.
-De débouter Monsieur X...de l'ensemble de ses demandes.
-D'ordonner à Monsieur X...de rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire.
-Condamner Monsieur X...à payer 2. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour se réfère aux conclusions écrites visées par le greffier le 11 janvier 2007 et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
-Sur la rupture des relations contractuelles
Considérant que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est libellée ainsi qu'il suit :
" Il est manifeste que depuis le mois de novembre 2001, au cours duquel vous avez revendiqué de façon tout à fait fantaisiste 29 jours et demi de récupération, point sur lequel nous vous avons répondu, votre comportement a radicalement changé, se traduisant par une démobilisation complète de votre part portant atteinte à la bonne marche de l'entreprise.
En effet, vous n'avez eu depuis lors de cesse d'entretenir un climat de tension et conflit permanent (pas seulement à l'égard de votre hiérarchie), en affichant ostensiblement votre désengagement et votre absence d'implication, alors que vous deviez consacrer tout votre temps de travail à la prospection et à la relance des clients.
Cette attitude provocatrice vous a conduit à délaisser et à négliger la prospection, la relance des clients et votre action commerciale d'une manière générale, ce qui n'a pas manqué d'affecter vos résultats de façon significative.
A titre d'exemple, vous m'avez obligé, pour générer de nouvelles commandes, à m'occuper de vos clients, notamment la Société " Alpha Construction ", pour laquelle vous n'avez pas daigné consacrer le moindre instant à l'étude du développement informatique qu'elle avait pourtant sollicité.
En outre, vous n'avez effectué aucune relance pour le renouvellement des contrats " Hot-Ligne ", vous abstenant de vendre des mises à jour à vos clients en Build 6. 0, associées à des jours de perfectionnement, tels que mentionnés dans le tarif qui vous a été remis en octobre 2001.
Vous avez poussé l'audace et la provocation jusqu'à décider de " prendre des récupérations " à votre guise, alors que vous n'aviez aucun droit à ce titre et que ne preniez même pas soin de vérifier si votre absence ne perturbait pas l'entreprise.
Il s'agissait en réalité d'absences injustifiées caractéristiques d'une insubordination.
Enfin et surtout, vous avez commis une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité en apportant délibérément une fausse réponse à notre principal client, la Société LRD, sur la disponibilité de la nouvelle version du logiciel CADSOFT BUILD 6. 0, annonçant à ce client qu'aucune version n'était en préparation et allant même jusqu'à lui dire que la Société A. DOC et Monsieur Christophe Z...le menaient " en bateau depuis plus d'un an ".
Ce dénigrement, révélateur d'une intention de nuire à l'égard de l'entreprise, est intolérable et ne nous permet pas d'envisager la poursuite du contrat, même pendant la période limitée du préavis.
Aussi bien, nous avons décidé de vous licencier pour faute lourde. "
-Sur le grief de dénigrement
Considérant que dans son attestation manuscrite du 5 novembre 2006 (pièce 74), conforme aux dispositions de l'article 202 du nouveau code de procédure civile Monsieur Jérôme B..., suite à son attestation de février 2002, atteste en ces termes :
" Suite au déclarations de Monsieur X..., affirmant que " je me faisais mener en bateau par la société A. DOC ", et malgré les réponses apportées par Monsieur Z...sur la livraison prochaine de nouvelles versions de ses logiciels, j'ai préféré être prudent et me tourner vers d'autres solutions logicielles. " ;
Que cette attestation vient étayer la lettre de la société L.R.D. du 27 février 2002 signée par Monsieur Jérôme B...relatant que début février 2002 Monsieur X...lui avait dit :
" Aucune version n'est en préparation, la société A. DOC, et plus précisément Christophe Z...vous mène en bateau depuis plus d'un an, le logiciel Build 6. 0 ne verra jamais le jour. " ;
Que l'allégation de liens d'amitié conduisant Monsieur B...à dire ce qu'on lui demande n'est corroborée par aucun élément ;
Qu'ainsi il ressort de ces éléments que la réalité du grief de dénigrement est établie ; que si la preuve de l'intention de nuire de Monsieur X...envers la société n'est pas rapportée en revanche ce dénigrement émanant d'un cadre commercial constitue une faute grave rendant impossible le maintien de Monsieur X...dans l'entreprise même pendant le délai de préavis ;
Que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres griefs de désengagement de Monsieur X...aux quels la société n'attribue pas le caractère de faute lourde, il y a lieu de considérer que le licenciement est fondé sur une faute grave ;
Que le jugement sera infirmé en ce sens et Monsieur X...débouté de ses demandes de rappels de salaire sur mise à pied, de paiement de préavis et d'indemnité de licenciement ;
Qu'en revanche Monsieur X...est fondé à obtenir le paiement des congés payés ;
-Sur les heures supplémentaires
Considérant que s'il résulte de l'article L 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Qu'en l'espèce la seule production d'un tableau établi unilatéralement par Monsieur X...et d'un seul billet de train aller-retour n'est pas de nature à étayer sa demande étant précisé que contrairement à ce qui est allégué Monsieur X...n'a pas réclamé depuis le mois de décembre 2000 le règlement d'heures supplémentaires, la pièce no 7 visée (lettre de Monsieur X...) portant la date du 19 décembre 2001 et se référant à des courriers de la société de juillet et décembre 2001 ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X...de ce chef de demande ;
-Sur le rappel de commissions
Considérant que le conseil de prud'hommes a justement fait droit à ce chef de demande ;
Qu'en effet la société ne peut se prévaloir de la clause potestative de l'avenant suivant laquelle elle se réserve le droit de mettre un terme à cette commission complémentaire, à tout moment, et sans avoir à fournir et justification ;
-Sur la remise de l'attestation ASSEDIC
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC conforme au présent arrêt sans que toutefois une astreinte soit nécessaire ;
-Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles par elle exposés ;
Que Monsieur X...qui succombe sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare les appels recevables.
Infirme le jugement en ce qui concerne le licenciement.
Dit que le licenciement repose sur une faute grave.
Déboute Monsieur X...de sa demande de rappel de salaire pour mise à pied avec congés payés afférent, d'indemnité compensatrice de préavis avec congés payés, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Confirme le jugement pour le surplus.
Ordonne la remise d'une attestation ASSEDIC conforme au présent arrêt.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne Monsieur X...aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT