RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre A
ARRET DU 25 Avril 2007
(no 11 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/06814
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Mars 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG no 04/01444
APPELANTE
SA SONACOTRA
...
75740 PARIS CEDEX 15
représentée par Me Henri ELALOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1102
INTIME
Monsieur Philippe X...
...
75010 PARIS
représenté par Me Claudine BOUYER FROMENTIN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : PN 21
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Janvier 2007, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Elisabeth VIEUX, Présidente
M. Jean-Pierre MAUBREY, Conseiller
M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Elisabeth VIEUX, Présidente
- signé par Mme Elisabeth VIEUX, Présidente et par Evelyne MUDRY, greffier présent lors du prononcé.
Par CDI du 5 février 1991, M. X... a été engagé comme chef des achats et du mobilier à la direction du patrimoine de la société SONACOTRA pour un salaire brut mensuel de 29 607,40 F. Le 1er janvier 2001 sur insistance de son employeur et malgré ses réticences, il devenait chef des achats, du mobilier et des services généraux pour un salaire brut mensuel de 30 500 F, soit une augmentation mensuelle de 900 F pour la réunion sur sa seule tête de deux directions importantes au sein de la direction du patrimoine.
Ayant subi en 1994 à un triple pontage coronarien, M. X... devait consulter son médecin traitant qui lui délivrait le 26 mai 2003 une attestation relative à la dégradation de son état de santé , attestation transmise à son employeur qui, contrairement à ce que ce dernier soutient dans ses conclusions d'appel , est à l'origine de la saisine du médecin du travail (conf. courriel du 29 juillet 2003 de M.BOTTON à M. X... ) . Le docteur Z... , médecin du travail, délivrait le 27 juin 2003 la fiche d'aptitude et de visite conformément aux dispositions de l'article R. 241 – 57 du code de travail, suivante : « Apte au poste de chef de département. Son état de santé nécessite la suppression des responsabilités de management ».
La société SONACOTRA déchargeait immédiatement, et à titre provisoire, M. X... de ses responsabilités de management et lui proposait par courriel du 29 juillet 2003 un poste d'auditeur interne avec salaire réduit de 900 € par mois, ce que M. X... refusait par courrier explicite du 5 Août dans lequel il proposait de revenir à l'organisation antérieure au 1er janvier 2001, c'est-à-dire la séparation en deux directions, celle des achats et du mobilier d'une part et celle des services généraux d'autre part. Il lui était immédiatement répondu par la société SONACOTRA qu'il n'était pas envisageable de restructurer à nouveau la direction du patrimoine . M. X... était convoqué par lettre du 3 octobre 2003 à un entretien préalable à son licenciement fixé le 8 octobre , à l'issue duquel la société SONACOTRA lui adressait le 10 octobre une lettre recommandée avec accusé de réception lui signifiant son licenciement pour inaptitude. Conformément à la demande du salarié ,le préavis de trois mois ne commençait à courir que le 1er décembre avec dispence d'exécution pendant la durée du préavis.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 janvier 2004 , la société SONACOTRA indiquait qu'une erreur avait été commise dans la procédure de licenciement puisque la deuxième visite médicale pour inaptitude n'avait pas été organisée et n'avait pas eu lieu ce qui entraînait la nullité du licenciement et ce pour quoi l'employeur demandait au salarié de réintégrer son poste aux conditions antérieures. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 janvier, M. X... faisait connaître son refus d'une telle proposition.
Par jugement en date du 9 mars 2005, le Conseil de Prud'hommes de Paris, saisi par M. X... , après avoir constaté la nullité du licenciement pour défaut de respect des dispositions de l'article R. 441 – 51 du code du travail et estimé le licenciement discriminatoire par combinaison des articles L. 122 – 24- 4 et L. 122 – 45 du code du travail, a condamné la société SONACOTRA à payer à M. X... les sommes de 60 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 450 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Vu l'appel régulièrement interjeté par la société SONACOTRA.
Vu les conclusions régulièrement visées par le greffier à l'audience du 17 janvier 2007, reprises et soutenues oralement par l'avocat représentant la société SONACOTRA qui demande de constater que le licenciement ne peut être considéré comme nul au regard de la régularisation faite par l'employeur qui a proposé une réintégration alors que le salarié était toujours en période de préavis et de la contradiction entre les avis d'inaptitude délivrés par le médecin du travail, de constater que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse au regard des recherches de reclassement entreprises par l'employeur et du refus du salarié, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions , de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Vu les conclusions régulièrement visées par le greffier à l'audience précitée , reprises et soutenues oralement par l'avocat représentant M. X... qui demande de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le licenciement nul sur le fondement des articles R. 241 – 51 du code du travail mais de faire droit à son appel incident pour porter l'indemnité de licenciement à 117 724 € et l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC à la somme de 4485 €.
MOTIFS de la DECISION
Il n'est pas contesté que la deuxième visite médicale prescrite par les dispositions de l'article R. 241 – 51- 1 du code du travail n'a pas eu lieu : selon une jurisprudence constante, ce défaut de deuxième examen par le médecin du travail entraîne la nullité du licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions et ce, en application des dispositions de l'article L. 122 – 45 du code du travail, ce licenciement étant intervenu exclusivement par discrimination relative à l'état de santé du salarié. Cette sanction n'est pas ignorée de la société SONACOTRA qui l'a écrit à M. X... le 16 janvier 2004 pour lui demander de réintégrer l'entreprise , le licenciement prononcé étant nul.
La société SONACOTRA ne saurait échapper à cette sanction en arguant de son courrier du 16 janvier précité par lequel elle demandait à M. X... de réintégrer son poste de travail : aux termes des dispositions de l'article L. 122 – 14 – 4 du code du travail, applicables par assimilation à cette cause de nullité, la poursuite du contrat de travail ne peut avoir lieu que lorsque le salarié sollicite sa réintégration et, lorsque elle est possible, le juge y fait droit.
Le seul repentir de l'employeur est donc insuffisant à annihiler les conséquences d'un licenciement nul par défaut de respect par lui-même de la procédure préalable. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la nullité de ce licenciement : il est dès lors superfétatoire d'examiner si celui-ci est pourvu ou dépourvu de cause réelle ou sérieuse et toute l'argumentation des parties sur la légitimité ou l'illégitimité du refus de la proposition de poste de reclassement est dénuée d'intérêt . Le seul intérêt réside dans l'examen de la bonne foi de l'employeur et de l'impact des causes d'un tel licenciement sur le préjudice moral du salarié : il convient de constater qu'il n'a été proposé à M. X... qu' un poste d'audit interne avec une diminution très importante de salaire de 900 € mensuels alors même que ce dernier sollicitait le retour à l'organisation antérieure au début de l'année 2001, ce qui a été admis après son départ puisqu'il a contribué au recrutement de son remplaçant au seul poste de directeur des achats (à l'exclusion du cumul avec le poste de directeur des services généraux) pour un salaire de 34 à 36 K € c'est-à-dire pour un salaire très inférieur au sien d'environ 55 K€ . Si la société SONACOTRA a renoncé à cette division du travail après avoir passé plusieurs annonces pour recruter un directeur des achats et avoir reçu de nombreux candidats intéressés par cette description de poste et ce salaire , pour finalement recruter un directeur cumulant les deux fonctions, il n'a été apporté aucun démenti au fait que ce directeur a été licencié moins de deux ans après sa prise de fonctions et au fait que l'organigramme de l'année 2006 fait bien apparaître la séparation des deux fonctions : il en résulte, comme le fait justement remarquer M. X..., que ce qui n'était pas possible de faire pour adapter le poste de travail à sa restriction d'aptitude est finalement devenu possible. Il en résulte à l'évidence une manifeste intention de la société SONACOTRA de se séparer, à bon compte, (mention dans la note de la direction des ressources humaines relative au montant des indemnités de licenciement de M. X... de la nécessité de faire apparaître ce licenciement pour inaptitude pour échapper à la « Delalande ») d'un collaborateur ayant atteint un niveau de salaires trop élevé.
La société SONACOTRA soutient encore que ce licenciement ne peut être nul en raison des contradictions relevées dans les différentes fiches de visite émanant du médecin du travail : elle estime que la restriction d'aptitude de M. X... est d'autant plus critiquable et non démontrée que la fiche de visite du 27 juin 2003 est encadrée par deux fiches de visite en date des 14 février et 22 décembre 2003 faisant apparaître la mention "apte". La société SONACOTRA ne vise que cette mention mais oublie manifestement de la relier à la description du poste porté sur ces deux fiches c'est-à-dire "directeur des achats" : ces deux fiches confirment l'aptitude de M. X... à un poste de la seule direction des achats à l'exclusion du cumul de plusieurs fonctions, ce qui est exactement la même mention que celle portée dans la fiche du 27 juin 2003. Il convient de plus de relever que l'employeur ne s'est nullement mépris sur le contenu exact de la fiche du 27 juin 2003 pour avoir abondamment donné à son salarié les motifs de sa proposition de reclassement, de son licenciement et de la rétractation de ce licenciement.
Il convient donc de confirmer la décision en ce qu'elle a déclaré nul le licenciement intervenu. M. X... justifie par la production aux débats de ses bulletins d'assurance chômage de ce qu'il était encore en recherche d'emploi après de nombreuses démarches personnelles au 31 décembre 2006 : compte tenu de sa date de naissance en octobre 1948 et de son âge de 59 ans à la fin de l'année 2006, c'est à bon droit qu'il soutient avoir peu de chances de retrouver un travail avant la fin de ses droits à assurance-chômage le 21 juillet 2007 . Compte tenu de sa perte avérée de revenus de plus de 2400 € pendant 36 mois jusqu'à cette date, de la perte de 4300 € mensuels jusqu'au 22 octobre 2008 (soit à l'âge de 60 ans), de l'incidence de ces données sur le montant de sa retraite et de son préjudice moral compte tenu des circonstances ci-dessus relevées de son licenciement , il apparaît que la réclamation de M. X... à hauteur de 117 724 € est inférieure aux pertes cumulées ci-dessus décrites : il en résulte qu'il convient de faire droit à son appel incident et de lui accorder la somme demandée.
M. X... justifie, par la production des trois factures émises par son conseil, de la somme de 4485 € dont il demande l'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du NCPC . Il convient donc d'y faire droit.
Compte tenu des circonstances de ce licenciement décrites ci-dessus, la Cour ne trouve pas les éléments de nature à réduire le remboursement par l'employeur des indemnités chômage perçues par le salarié dans la limite légale de six mois prévue par l'article L. 122 – 14 – 4 du code du travail.
Les dépens doivent suivre le sort du principal.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la société SONACOTRA et recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. X... à l'encontre du jugement prononcé le 9 mars 2005 par le Conseil de Prud'hommes de Paris.
En conséquence,
Mettant à néant la décision déférée dans toutes ses dispositions autres que celle qui a condamné la société SONACOTRA aux dépens qui est confirmée , statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant ,
Condamne la société SONACOTRA
1o) à payer à M. X... les sommes suivantes :
•117 724 € en conséquence de la nullité du licenciement
•4485 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
2o) aux entiers dépens d'appel
3o) à rembourser aux ASSEDIC de son lieu d'affiliation le montant des indemnités chômage perçues par M. X... dans la limite légale des six mois prévue à l'article L. 122 – 14 – 4 du code du travail.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,