Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
24ème Chambre - Section C
ARRET DU 04 OCTOBRE 2007
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 96/08249
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 février 1996 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS - Section B - RG no 94/43173 après arrêt rendu le 30 avril 2003 par la 24ème Chambre Section C de la Cour d'Appel de PARIS - RG 96/08249
APPELANT et INTIMÉ
Monsieur Philippe X...
né le 22 juillet 1956 à Angers (Maine et Loire)
demeurant 65 Central Park West, Appartement 17 A - NEW YORK NY 10023 - USA
représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assisté de Me Gaëlle DECOUSU du Cabinet de Me Jean-Charles MIRANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2143,
INTIMÉE et APPELANTE
Madame Valérie A... épouse B...
née le 16 octobre 1957 à Neuilly sur Seine (Hauts de Seine)
demeurant ...
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Nadine MARTIN-BESSE, avocat au barreau de PARIS, toque B740,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 Juillet 2007, en chambre du conseil, en présence de Mme A..., devant la Cour composée de :
Marie-Laure ROBINEAU, présidente chargée du rapport
Annick FELTZ, conseillère
Claire MONTPIED, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé en audience publique par Marie-Laure ROBINEAU, présidente.
- signé par Marie-Laure ROBINEAU, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière présente lors du prononcé.
****
LA COUR,
M. Philippe X..., né le 22 juillet 1956 à Angers (49), et Mme Valérie A..., née le 16 octobre 1957 à Neuilly (92), se sont mariés le 4 décembre 1982 devant l'officier d'état civil de Paris 1er. Un contrat de séparation de biens a été préalablement conclu le 12 novembre 1982 en l'étude de maître D..., notaire à Caen (Calvados).
De cette union sont nés trois enfants, Lorraine, le 28 juin 1985, Pierre, le 22 avril 1987 et Hadrien, le 19 décembre 1989.
Par jugement contradictoire, rendu le 27 février 1996, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a notamment :
- prononcé le divorce aux torts de Mme Valérie A...,
- autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom du mari jusqu'à la majorité du dernier enfant,
- débouté l'épouse de sa demande de prestation compensatoire,
- condamné l'épouse à verser à son mari la somme de un franc à titre de dommages-intérêts,
- dit que les deux parents exerceront en commun l'autorité parentale sur les enfants mineurs,
- fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère,
- organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
- fixé sa contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation des enfants mineurs à la somme de 5.000 francs par mois et par enfant, soit 15.000 francs au total, avec indexation,
- ordonné l'exécution provisoire quant au droit de visite et d'hébergement et à la pension,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit que les dépens seront supportés par l'épouse.
Par arrêt contradictoire en date du 3 juillet 1997, auquel il doit être référé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties cette chambre de la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement du 27 février 1996, sauf sur les causes du divorce, le droit de visite et d'hébergement, la prestation compensatoire et les dépens,
- le réformant de ces chefs et statuant à nouveau,
- prononcé le divorce aux torts partagés des époux,
- fixé le droit de visite et d'hébergement de M. Philippe X... à l'égard des trois enfants :
*la première moitié des grandes vacances scolaires les années paires et la deuxième moitié les années impaires,
*l'intégralité des vacances de février, Pâques et Toussaint,
*les vacances de Noël les années paires,
*l'ensemble des jours où le père est à Paris, à charge pour lui d'aller les chercher et de les raccompagner, sous réserve de prévenir Mme Valérie A... 48 heures à l'avance,
- dit que les dépens de première instance seront partagés,
- constaté l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de Mme Valérie A...,
- avant dire droit sur le montant de la prestation compensatoire :
*désigné le notaire choisi d'un commun accord par les deux époux et, à défaut, maître Pierre Jean Claux, avec pour mission de dresser un projet de liquidation de leur régime matrimonial,
*dit que le notaire devra déposer ce rapport dans les six mois de sa saisine,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- laissé à chacune des parties les dépens d'appel qu'elle a déjà exposés, les dépens à venir étant réservés.
M. Philippe X... a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt invoquant trois moyens de cassation tenant à l'accueil de la demande principale en divorce, à la constatation de l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respective des époux au détriment de Mme Valérie A... et à la fixation à 15.000 francs de sa contribution mensuelle à l'entretien et l'éducation des enfants.
Par arrêt en date du 12 mai 1999, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Après différents incidents, le rapport d'expertise a été déposé par maître Claux, notaire, le 16 octobre 2002.
Plusieurs décisions sont intervenues concernant les enfants, Lorraine vivant avec son père depuis la rentrée scolaire 2000 et les deux garçons, à l'exception d'une année pour Pierre, avec leur mère.
Par arrêt en date du 30 avril 2003, cette chambre a sursis à statuer sur toutes les demandes jusqu'à l'issue des opérations de liquidation du régime matrimonial des époux et réservé les dépens.
Par jugement en date du 27 septembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris, saisi de la liquidation du régime matrimonial, a notamment :
- dit que les paiements effectués par M. Philippe X..., pour le compte de son épouse, pour l'acquisition successives des trois biens immobiliers indivis étaient constitutifs de donations rémunératoires pour 1/6ème portant sur l'appartement de la rue Saint Sulpice et un reliquat de 304.398 euros,
- dit M. Philippe X... redevable d'une indemnité d'occupation pour la jouissance de l'appartement de la rue Saint Sulpice dont le sixième à revenir à Mme Valérie A... sera à déterminer par expertise,
- rejeté les demandes de M. Philippe X... d'attribution préférentielle de l'immeuble, de meubles et d'indemnité afférente,
- ordonné le partage par moitié du solde du compte joint de la Société générale, sous réserve qu'il ne soit pas inclus dans la somme de 18.437, 46 euros adressée par la banque au compte séquestre du bâtonnier le 22 décembre 1997.
Par arrêt en date du 14 février 2007, rectifié le 2 mai 2007, la 2ème chambre de cette cour a :
- réformé le jugement entrepris en ce qu'il a limité au 1/6ème les droits de Mme Valérie A... dans l'indemnité d'occupation,
- statuant à nouveau de ce chef, dit M. Philippe X... débiteur de l'indemnité d'occupation envers l'indivision depuis le 24 mars 1995 et créancier de l'indivision des taxes foncières, gros travaux et charges de copropriété attachées à la propriété et cotisations d'assurance relativement à l'appartement de Paris, le tout devant revenir ou incomber par moitié à chacun des indivisaires,
- confirmé le jugement pour le surplus et y ajoutant,
- dit M. Philippe X... créancier de Mme Valérie A... pour les 2/6èmes du financement du bien de la rue Saint Sulpice,
- dit M. Philippe X... débiteur envers Mme Valérie A... des intérêts légaux sur le 1/6ème de la somme de 304.398 euros depuis l'assignation du 24 mars 1995 et dit sa créance contre Mme Valérie A... des 2/6èmes de cette somme compensée par l'attribution déjà appréhendée de cette fraction,
- dit n'y avoir lieu à évocation sur la valeur vénale du bien et le montant de l'indemnité d'occupation,
- dit que le partage des meubles devra être fait par lot égalitaire à tirer au sort à défaut de meilleur accord entre les parties,
- rejeté les autres demandes,
- employé les dépens en frais privilégiés de partage.
Entre temps, M. Philippe X... a porté plainte contre X des chefs de faux et usage de faux. Par ordonnance du 10 mai 2006, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris a dit n'y avoir lieu à suivre dans cette procédure. M. Philippe X... a interjeté appel de cette ordonnance de non-lieu.
Par arrêt en date du 18 janvier 2007, la cour d'appel de Paris a :
- infirmé l'ordonnance entreprise,
- dit qu'il résultait de l'information charges suffisantes à l'encontre de Mme Valérie A... d'avoir :
*à Paris, en tout cas sur le territoire national, le 8 mars 2003, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, altéré frauduleusement la vérité d'une déclaration établie en application de l'article 271 du Code civil dans le cadre d'une instance en fixation de la prestation compensatoire,
*à Paris, en tout cas sur le territoire national, le 12 mars 2003, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, fait usage de cet écrit en le produisant par bordereau à l'occasion d'une instance en fixation d'une prestation compensatoire,
- ordonné un supplément d'information aux fins de mise en examen de Mme Valérie A... de ces chefs,
- dit que le juge d'instruction procédera aux vérifications et investigations qui apparaîtront nécessaires au vu des explications fournies par Mme Valérie A... et versera à la procédure un extrait du bulletin du casier judiciaire,
- commis Mme Julliand, juge d'instruction à Paris, pour procéder au supplément d'information.
Vu les dernières écritures, auxquelles la cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, en date des 29 mars 2007 pour M. Philippe X..., appelant, et 25 avril 2007 pour Mme Valérie A..., intimée, qui demandent à la Cour de :
*M. Philippe X... :
- débouter Mme Valérie A... de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme Valérie A... à lui payer la somme de 300.000 euros à titre de prestation compensatoire,
- condamner Mme Valérie A... à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens ;
*Mme Valérie A... :
- confirmer son droit à prestation compensatoire,
- dire que sa déclaration sur l'honneur en date du 8 mars 2003 n'est pas de nature à tromper la Cour sur le montant de la prestation compensatoire, en raison de l'exclusion des espérances successorales des droits prévisibles au sens des articles 270, 271 et 272 du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004,
- condamner M. Philippe X... à lui payer une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 250.000 euros pour compenser la disparité qu'elle subit dans ses conditions de vie,
- dire que M. Philippe X... supportera l'intégralité des droits d'enregistrement de la somme de 250.000 euros,
- condamner M. Philippe X... à lui payer une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 juin 2007 ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
Considérant que la présente instance ne porte plus que sur la prestation compensatoire ; qu'il est donc inutile de revenir sur les conditions de la rupture ; que la décision de la cour d'appel en date du 3 juillet 1997 est devenue définitive ; que la cour a constaté l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de Mme Valérie A... ; que la Cour de cassation a retenu que "c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à de simples allégations dont il n'était pas tiré de conséquences juridiques, a pris en considération l'ensemble des éléments de preuve soumis à son appréciation, et notamment, quelle que soit la décision prise par M. X... quant à la destination par lui donnée à la prime visée à la première branche du moyen, la disproportion des revenus tirés de leur activité professionnelle par chacun époux, pour retenir le principe d'une disparité dans leurs conditions de vie par la suite de la rupture du lien conjugal ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision" ;
Considérant, dès lors, que cette cour n'a pas à confirmer le droit à prestation compensatoire de Mme Valérie A... qui est acquis et ne peut que rejeter la demande de prestation compensatoire de M. Philippe X... laquelle se heurte à l'autorité de la chose jugée ;
Sur le quantum de la prestation compensatoire
Considérant que l'existence du principe de la disparité définitivement appréciée au préjudice de la femme est fondée sur "la disproportion des revenus tirés de leur activité professionnelle par chacun époux", le mari ayant à l'époque des revenus fixes supérieurs à 72.000 francs par mois, outre des bonus annuels de montants équivalents et la femme de 15.000 francs, sur leurs qualifications et cursus professionnels, la durée du mariage et sur le temps restant à consacrer aux enfants ; que, dès 1997, la cour a retenu que Mme Valérie A... avait le projet de refaire sa vie ;
Considérant que le mari n'allègue pas que sa situation se serait détériorée courant 1998 et 1999 ni qu'il était prévisible qu'elle périclite ultérieurement ; que la situation de la femme en 1998 et début 1999 s'est améliorée, ses revenus mensuels finissant par atteindre 20.000 francs ; qu'il était prévisible que sa situation continue à se développer ; qu'elle n'a pas travaillé durant quatre ans sur les douze de vie commune ; que Mme Valérie A... a bénéficié en 1993, avec ses quatre frères de la donation en nue propriété de deux biens immobiliers, un appartement de 130m² environ et une maison à Caen ; que les parents de Mme Valérie A... avaient alors moins de 70 ans ; qu'il était prévisible, en 1999, qu'elle puisse bénéficier ultérieurement d'autres libéralités ; qu'en revanche, les simples espérances successorales n'ont pas à être prises en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire ; qu'il était également prévisible que M. Philippe X..., homme d'affaires avisé, procède à des placements lui permettant à la fois un niveau de vie conséquent et de pallier les fluctuations de la vie entrepreneuriale ;
Considérant que la cour, à deux reprises en 1997 puis 2003, n'a pu fixer la compensation de la disparité en raison de l'impossibilité de déterminer les droits de chacun des époux dans la liquidation de leur régime matrimonial et le patrimoine qui en résultera pour eux ; que la déclaration sur l'honneur en date du 8 mars 2003 est dépassée, la cour prenant en compte, les déclarations actuelles des parties sur leur situation de 1999 ; que les évolutions effectives, mais non prévisibles, des revenus et des patrimoines des anciens époux depuis que le divorce est devenu irrévocable sont sans incidence sur la décision à intervenir ; que la compensation de la disparité doit être évaluée au mois de mai 1999 ;
Considérant que les seuls biens indivis entre époux dépendant du règlement du régime matrimonial sont un appartement de 42m², rue Saint-Sulpice à Paris 6ème, acquis en 1993 pour le prix de 1.430.000 francs, et une somme de 304.398 euros issue de la vente de précédents biens indivis et non réinvestie dans l'achat du dernier bien immobilier ; que Mme Valérie A..., propriétaire indivis à hauteur de moitié de l'appartement a été jugée bénéficiaire d'une donation rémunératoire à hauteur de 1/6ème seulement du financement de l'emprunt contracté par les époux et remboursé par le mari et de 1/6ème de la somme de 304.398 euros ; que le mari détient donc une créance à hauteur du solde de ses paiements pour le compte de l'épouse ; que le partage permettra schématiquement à M. Philippe X... de bénéficier de plus des deux tiers de la valeur du bien indivis, outre 253.665 euros, et à Mme Valérie A... de moins du tiers de celle-ci, outre 50.733 euros et les intérêts légaux ; que M. Philippe X... est en possession de la somme de 253.665 euros depuis plus de dix ans ; que les comptes d'indivision sont indifférents à la fixation de la prestation compensatoire ;
Considérant, au vu de l'ensemble de ces éléments, que la disparité prenant en considération les critères retenus en 1997, les revenus et le patrimoine des époux en mai1999, les évolutions prévisibles en 1999 ainsi que le patrimoine des époux après la liquidation du régime matrimonial sera justement compensée par l'allocation à Mme Valérie A... d'un capital de 220.000 euros à charge pour la bénéficiaire de supporter normalement les droits d'enregistrement lui incombant ;
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant qu'il a été statué de façon définitive sur le partage des dépens de première instance par moitié ; que la cour, en 1997, a laissé à chaque partie la charge des dépens d'appel déjà exposés ; qu'au regard de la présente décision, les dépens alors réservés, en ce compris les frais d'expertise, seront supportés pour 2/3 par M. Philippe X... et pour 1/3 par Mme Valérie A... ; qu'il sera alloué à Mme Valérie A... la somme de 3.000 euros au titre des frais judiciaires non taxables exposés ;
PREND LA DÉCISION SUIVANTE,
Condamne M. Philippe X... à payer à Mme Valérie A... à titre de prestation compensatoire un capital de 220.000 euros ;
Condamne M. Philippe X... à payer à Mme Valérie A... la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Fait masse des dépens d'appel exposés depuis 1997, en ce compris les frais d'expertise, et condamne M. Philippe X... et Mme Valérie A... à les payer pour les 2/3 par le premier et pour 1/3 par la seconde avec droit de recouvrement direct par les SCP Bernabé - Chardin - Cheviller et Bommart F... et Fromantin, avoués, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE