Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRET DU 14 NOVEMBRE 2007
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/13926
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2006 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 05/00337
APPELANTE
Madame Jacqueline X... divorcée Y...
Route départementale 402
Lieu-dit "L'Epinette"
77131 PEZARCHES
représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
assistée de Me Claudine ARNAUD Z..., avocat au barreau de Paris, toque : D 208
INTIME
Monsieur Joseph Y...
...
91800 BRUNOY
représenté par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assisté de Me Léonel DE A..., avocat au barreau de Paris, toque : D 278
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile, le 10 octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
Madame Dominique REYGNER, Conseiller
Madame Isabelle LACABARATS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle COCHET
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Gisèle COCHET, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire
Jacqueline X... et Joseph Y... mariés sous le régime de la séparation des biens ont acquis pendant leur mariage le 31 mars 1976 un terrain à Luzarches (Seine et Marne) avec clause dite d'accroissement sous le régime de propriété de la tontine sur lequel ils ont fait édifier une construction ; ils sont divorcés par arrêt confirmatif, sauf réformation sur la prestation compensatoire, du 30 octobre 1997.
Les parties n'ayant pu s'entendre pour liquider leur régime matrimonial, un jugement du 30 mai 2006 du tribunal de grande instance de Meaux a :
- en premier ressort,
- dit que le pacte tontinier n'est pas une libéralité et qu'il n'a pas été conclu par les deux acquéreurs avec un tiers
- dit en conséquence que Giuseppe dit Joseph Y... n'est déchu d'aucun de ses droits sur l'immeuble
- dit que Giuseppe dit Joseph Y... et Jacqueline X... divorcée Y... ont tant que la condition du prédécès de l'un d'eux ne s'est pas réalisée des droits concurrents sur l'immeuble qui emportent celui d'en jouir indivisément
- constaté que Jacqueline X... jouit seule du bien sans l'accord de Giuseppe dit Joseph Y... depuis le 1er avril 1998
- débouté Giuseppe dit Joseph Y... de ses demandes de remboursement des assurances habitation et des impôts fonciers
- condamné Jacqueline X... à payer à Giuseppe dit Joseph Y... la somme de 793,49 € pour indu avec intérêts au taux légal à compter du jugement
- débouté Jacqueline X... de ses demandes en paiement de 26.874,65 € pour travaux réalisés dans l'immeuble et de1.618,86 € pour droits d'enregistement
- débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts
- avant dire droit sur les autres demandes,
- ordonné une expertise et commis à cette fin M. B... pour estimer l'immeuble, dire la part occupée par SEEB et les loyers dus par celle-ci et par Mme X..., dire si l'immeuble est divisible pour sa jouissance et dans ce cas proposer des lots en chiffrant les travaux éventuels et proposer une solution amiable
- précisé que l'organisation de la jouissance n'a pas pour objet de réinstituer une cohabitation entre les parties
- rappelé que les dispositions légales relatives à l'attribution préférentielle sont inapplicables en l'espèce
- rappelé que les loyers dus par Sté SEEB et les parties aux tontiniers sont soumis à la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil et que les tontiniers devront s'en partager également le produit
- ordonné l'exécution provisoire .
Vu les dernières conclusions du 9 août 2007 pour Mme X..., appelante, qui demande :
- d'infirmer le jugement
- de débouter M. Y... de ses demandes
- de dire que celui-ci et elle n'ont pas de droits concurrents sur l'immeuble, que M. Y... est seul responsable de l'impossibilité de mettre en oeuvre la jouissance divise et qu'il ne peut prétendre à une quelconque indemnité tant qu'il n'en a pas fait fixer par le juge les conditions d'exercice
- de confirmer le jugement sur le rejet des demandes pour assurances habitation et impôts fonciers
- de l'infirmer pour le surplus,
- de se déclarer incompétent au bénéfice du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux pour remboursement d'indu en exécution du jugement de divorce
- subsidiairement , dire n'y a pas lieu à répétition
- dans tous les cas de condamner M. Y... à lui payer la somme de 7.500 € de dommages-intérêts pour procédure abusive
- vu les articles 267, 1099-1 et 1469 alinéa 3 du code civil
- de condamner M. Y... à lui rembourser la somme de 179.362,81 € pour dépenses de construction de la maison en sus des emprunts remboursés par les deux outre 1.361, 22 € pour solde des droits d'enregistrement
- de la condamner au paiement de 4.000 € pour frais irrépétibles .
Vu les dernières conclusions du 4 septembre 2007 pour M. Y..., intimé, qui demande :
- de débouter Mme X...
- vu l'article 564 du nouveau code de procédure civile, de dire que la demande en paiement de quote-part des travaux d'assainissement est une demande nouvelle, donc irrecevable
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- de condamner Mme X... à lui payer 2.937,07 € et 1.500,16 €
- de confirmer le jugement pour le surplus
- de condamner l'appelante à lui payer 3.000 € pour frais irrépétibles
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que Mme X... soutient que, par sa faute ayant entraîné le prononcé du divorce à ses torts exclusifs M. Y... a perdu les bénéfices qu'il tirait du contrat de tontine ; que l'époux contre lequel le divorce est prononcé perd les avantages que le conjoint lui avait consentis et qu'en conséquence il ne peut prétendre, par le biais d'une indemnité d'occupation, compenser la perte qui lui incombe de son droit à la jouissance du bien immobilier acquis en tontine ; qu'il ne peut invoquer de plus l'enrichissement sans cause à son détriment dès lors qu'elle même tire son droit de l'acte d'acquisition alors que son ex-époux l'a perdu par sa faute ; qu'au demeurant il n'a pas fait statuer sur son droit de jouissance ; qu'enfin il occupe une partie des lieux ;
Considérant que par acte du 31 mars 1976 M. Y... et Mme X..., alors mariés, ont acquis un terrain à Pezarches ; qu'aux termes de cet acte ils sont convenus de mettre l'immeuble en tontine à titre de pacte aléatoire au profit de celui d'entre eux qui survivra à l'autre sans que les héritiers et représentants du prédécédé puissent prétendre à aucun droit sur l'immeuble ; que par l'effet de cette clause le survivant est réputé avoir été seul propriétaire depuis l'acte d'achat ; que de leur vivant les deux acquéreurs sont propriétaires sous condition suspensive, sans qu'il y ait indivision et, partant sans droit de provoquer le partage ; qu'ils ont en outre des droits de jouissance concurrents ;
Considérant que si dans le cas d'une grande différence d'âge ou de maladie connue du co-contractant la clause aléatoire peut dissimuler une donation, le fait, en l'espèce que Mme X... soit plus agée de 11 ans que M. Y... ne suffit pas à caractériser une libéralité ; que Mme X..., qui a souscrit une clause aléatoire, ne prouve pas l'intention libérale qui l'aurait inspirée lors de l'acquisiiton ; qu'en conséquence la règle de la perte, par le divorce prononcé aux torts exclusifs, des avantages consentis n'est pas applicable ;
Considérant que par l'ordonnance de non conciliation du 27 mars 1992 la jouissance de la maison de Pezarches a été attribuée à Mme X... pendant la durée de la procédure jusqu'à l'arrêt du 30 octobre 1997 ; que la jouissance gratuite prenait fin à la date de l'arrêt définitif soit le 1er avril 1998;
Considérant que M. Y... justifie par deux constats d'huissier, des 23 février 1999 et 20 décembre 2004, soit à des dates postérieures au divorce devenu définitif, qu'il lui est impossible d'accéder à la propriété ; qu'il s'ensuit que Mme X... fait obstacle à la jouissance des lieux par le co-propriétaire ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise en vue de rechercher si l'immeuble pouvait être partagé en jouissance et déterminer la valeur vénale et la valeur locative, ainsi que pour le surplus de la mission confiée à l'expert ;
Considérant que Mme X... soutient avoir investi pour 179.362,81 € par des fonds propres dans la construction de la maison en sus des emprunts remboursés conjointement ; que M. Y... conteste cette créance en l'absence de preuves de paiement ;
Considérant que la seule liste de travaux financés établie par Mme X..., les dits travaux couvrant la période avril 1978 à février 1982, dont le paiement aurait été assuré par des chèques sur le crédit lyonnais compte 100.156 R a été à bon droit jugée insuffisante ; que la SCP Boisseau, notaire a dressé dans le cadre de la procédure de divorce un état des patrimoines des époux et émis qu'une créance pourrait être évaluée pour Mme X... pour investissement de prix de vente d'un maison à Brunoy vendue en 1980 ; que la preuve n'en a toutefois pas été rapportée d'autant que les travaux commencés en 1978 ne pouvaient pas être payés dès cette date au moyen du prix de vente du bien de Mme X... et que les parties remboursaient conjointement un prêt du crédit mutuel de 200.000 F et un prêt BICS de 40.000 F pour cette construction ; que certaines factures produites sont afférentes à d'autres chantiers ou portent le nom de l'entreprise de M. Y... ; qu'il n'est au demeurant pas produit de preuves certaines de paiement ; que Mme X..., qui ne prouve pas avoir remis des fonds propres à son mari en vue de cette construction ne peut prétendre à une donation déguisée et ne peut davantage faire valoir une créance calculée selon le mode des récompenses en l'absence de preuve des paiements allégués ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Considérant que la demande au titre des travaux d'assainissement n'est pas nouvelle dès lors qu'elle s'inscrit dans les opérations de comptes et est en lien suffisant avec celles déjà présentées devant le premier juge ; que s'agissant toutefois de travaux d'entretien, leur coût en incombe à Mme X... seule occupante de l'immeuble ;
Considérant que M. Y... ne maintient pas sa demande au titre des primes d'assurance habitation ; qu'il justifie avoir payé intégralement les impôts fonciers des années 1999 à 2003 pour 5 420,75 € ; que s'agissant d'une charge des deux propriétaires, il est fondé à avoir remboursement par Mme X... de la moitié soit 2 710,37 € ;
Considérant que la demande de remboursement d'un trop versé ne constitue pas une difficulté d'exécution ; que M. Y... soutient qu'en exécution du jugement de divorce il a payé 76.931,17 € comprenant la prestation compensatoire, les dommages-intérêts, les frais irrépétibles, les dépens, frais et émoluments de Me du Chalard et autres frais irrépétibles alors qu'il n'était tenu de payer que 74.308,85 € soit un trop versé de 2.622,32 € ; qu'après compensation avec la somme de 1.122,16 € payée par Mme X... pour frais d'hypothèque et frais de commandement, l'indû qu'il a payé s'élève à 1.500,16 € ;
Considérant qu'au titre de la procédure de divorce M. Y... devait et s'est acquitté de la somme de 74.308, 86 € représentant la prestation compensatoire, les dommages-intérêts, les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'ayant été condamné aux dépens, il a justement réglé 1.402,72 € pour frais et émoluments de Me Du Chalard, avocat de son ex-épouse, conformément à la demande que celui-ci lui avait faite par lettre du 26 novembre 2002 outre 1.219, 59 pour frais irrépétibles prononcées par le jugement du JEX du 5 juin 1999 ;
Considérant que M. Y... n'établit pas pouvoir prétendre à restitution d'un indu ;
Considérant que Mme X... soutient quant à elle qu'il lui reste du 1.361,22 € ; que c'est toutefois à bon droit que le premier juge a retenu que s'agissant de partie des droits d'enregistrement sur la prestation compensatoire, cette somme devait rester à sa charge conformément à l'article 1712 du CGI ;
Considérant que si les parties ne se sont pas accordées sur la vente amiable du bien immobilier, il n'est pas établi que M. Y... en soit le plus responsable; que l'appel émane de Mme C... ; qu'elle ne saurait invoquer le caractère abusif et malicieux de la procédure ; que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
Considérant qu'eu égard à la nature de l'affaire l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Réformant partiellement et statuant à nouveau,
Déboute M. Y... de sa demande au titre du remboursement de l'indu
Condamne Mme X... à payer à M Y... la somme de 2.710,37 € pour taxes foncières
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.
Le greffier Le président