Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRET DU 14 NOVEMBRE 2007
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/22395
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG no 04/07787
APPELANTE et INTIMEE
Madame Micheline X... épouse Y...
...
93160 NOISY LE GRAND
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me Sandrine Z..., avocat au barreau de Nanterre, toque : PN 225
INTERVENANTE VOLONTAIRE et comme telle APPELANTE
Madame Danielle Marcelle Jeanne B... divorcée C...
es qualité d'héritière de Jeanne B... née X...
9 Bld Albert Cornation
91290 ARPAJON
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me Sandrine Z..., avocat au barreau de Nanterre, toque : PN 225
INTIMEE et APPELANTE
S.A.S. BRICORAMA FRANCE agissant poursuites et diligences de son président
Rue Alexandre Raffin
42300 ROANNE
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Paul-Gabriel D..., avocat au barreau de Paris, toque : R.101
INTIMEE
SOCIETE FINANCIERE ET IMMOBILIERE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
...
92200 NEUILLY SUR SEINE
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline E..., avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Olivier F..., avocat au barreau de Paris, toque C 1774
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile, le 10 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
Madame Dominique REYGNER, Conseiller
Madame Isabelle LACABARATS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle COCHET
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Gisèle COCHET, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire
Par acte authentique du 15 février 2000, Madame Jeanne X... épouse B... et Madame Micheline X... épouse Y..., ci-après consorts X..., ont consenti à la SOCIETE FINANCIERE ET IMMOBILIERE SOFINIM, qui l'a acceptée, une promesse unilatérale de vente ferme et irrévocable portant sur un immeuble sis à Nogent sur Marne (Val de Marne), ..., libre de toute location ou occupation, moyennant le prix principal de 3 000 000 francs soit 457 347,05 euros, payable comptant le jour de la signature de l'acte authentique, sous diverses conditions suspensives dont celle de l'obtention par le bénéficiaire de permis de démolir et de construire sur la parcelle objet de la promesse et sur la parcelle voisine, à charge pour lui d'avoir obtenu, à peine de caducité de la promesse, une promesse de vente de ladite parcelle au plus tard le 16 août 2000 et de déposer une demande de permis de démolir et de construire dans un délai de huit mois.
L'acte stipulait que la réalisation de la promesse pourrait être demandée par le bénéficiaire jusqu'au 16 septembre 2001, celui-ci s'engageant à produire dans le délai de trois semaines, à peine de nullité de la promesse, une caution bancaire de 150 000 francs soit 22 867,35 euros consentie pour une durée égale à celle de la promesse, et les promettants à rendre l'immeuble libre de toute location et occupation et à supporter toutes indemnités d'éviction pouvant être dues au locataire actuel pour le jour de la signature de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente.
A la date de la signature de la promesse, les consorts X... avaient en effet engagé une procédure judiciaire aux fins de détermination de l'indemnité d'éviction due au locataire des locaux bénéficiant du statut des baux commerciaux, la société HOME DECOR BRICOLAGE, à laquelle ils avaient fait délivrer un congé avec refus de renouvellement de bail le 26 septembre 1995.
A la demande du bénéficiaire, le délai prévu pour l'obtention d'une promesse de vente sur la parcelle voisine a été conventionnellement prorogé au 16 octobre 2000 puis au 15 décembre 2000.
Par lettre du 11 janvier 2001 Maître G..., notaire, a fait savoir à la société SOFINIM que celle-ci ne s'étant pas manifestée pour faire connaître l'existence d'une éventuelle promesse de vente du fonds voisin, les consorts X... constataient être déliés de leurs engagements à son égard.
Le 23 janvier 2001, la société SOFINIM a répondu qu'elle renonçait à la condition suspensive en cause et par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril suivant a notifié au notaire sa déclaration d'intention d'acquérir le bien dans les termes et conditions de la promesse du 15 février 2000.
Par actes d'huissier des 3 et 5 avril 2001, la société SOFINIM a assigné les consorts X... en réalisation forcée de la vente.
En cours de procédure, les parties se sont rapprochées et ont signé les 24 décembre 2002 et 5 février 2003 un protocole d'accord aux termes duquel elles se sont engagées à signer une nouvelle promesse de vente moyennant le prix de 365 878 euros pour le bien occupé, ce dans les dix jours et au plus tard dans les deux mois de la signature du protocole, la SOFINIM acceptant de se désister de l'action judiciaire engagée.
Ce protocole n'ayant pas été exécuté et la société SOFINIM ayant appris que les consorts X... entendaient vendre à la société BRICORAMA FRANCE (ci-après BRICORAMA), venant aux droits de la société HOME DECOR BRICOLAGE, a sollicité la reprise d'instance le 19 juillet 2004 et assigné cette société en intervention forcée le 27 décembre suivant.
Par acte authentique du 5 novembre 2004, les consorts X... ont effectivement vendu l'immeuble en litige à la société BRICORAMA FRANCE, moyennant le prix de 335 388 euros.
La cour est saisie de l'appel relevé par les consorts X... et la société BRICORAMA du jugement rendu le 28 novembre 2006 par le tribunal de grande instance de Créteil qui a, en substance :
- débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir prononcer la caducité et la nullité de la promesse de vente du 15 février 2000,
- constaté que par l'effet de la levée d'option par la société SOFINIM, la vente est parfaite,
- ordonné la réïtération de la vente par acte authentique dans les deux mois suivant la signification du jugement,
- dit que les consorts X... devront fournir au notaire rédacteur tous les documents nécessaires à l'établissement de l'acte authentique,
- dit que faute par les consorts X... de signer l'acte authentique après y avoir été invités par lettre recommandée avec avis de réception par le notaire rédacteur quinze jours au moins à l'avance, le jugement vaudra vente entre les consorts X... et la société SOFINIM moyennant le versement comptant du prix de "(457 347,05 euros) 365 878 euros" (sic),
- déclaré inopposable à la société SOFINIM la vente intervenue entre la société BRICORAMA et les consorts X...,
- débouté la société SOFINIM de sa demande de dommages et intérêts tant contre les consorts X... que contre la société BRICORAMA,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum les consorts X... et la société BRICORAMA à payer à la société SOFINIM la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens,
et du jugement rectificatif rendu le 23 janvier 2007 qui a notamment précisé le dispositif de la décision précédente quant au prix de la vente, fixé à 457 347,05 euros, les deux procédures ayant été jointes par ordonnance du 26 septembre 2007.
Dans leurs dernières conclusions du 26 septembre 2007, Madame B... divorcée C..., agissant en qualité d'héritière de Madame X... veuve B..., décédée le 16 avril 2007, et Madame X... épouse Y... demandent en substance à la cour, sous divers constats, de :
- les recevoir en leurs appels,
- recevoir Madame C... née B... en son intervention volontaire,
- infirmer les jugements entrepris,
- constater la caducité, subsidiairement la nullité, de la promesse de vente du 15 février 2000,
- dire et juger que le protocole d'accord signé les 24 décembre 2002 et 5 février 2003 est nul et de nul effet,
- en tout état de cause, dire et juger que la vente portant sur les biens situés ... sur Marne conclue entre les consorts X... et la société BRICORAMA FRANCE le 5 novembre 2004 est parfaite et opposable à la société SOFINIM,
- débouter la société SOFINIM de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à leur payer chacune la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elles exposent que la société SOFINIM n'ayant pas satisfait aux obligations mises à sa charge par la promesse de vente tenant au dépôt d'une demande de permis de construire et de démolir et à la production d'une caution bancaire, cette promesse est nulle et non avenue, et que le protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003 est également nul et de nul effet en l'absence de concessions réciproques.
Elles soutiennent encore que la société BRICORAMA, venant aux droits de la société HOME DECOR BRICOLAGE à laquelle un congé avec offre de renouvellement avait été délivré le 26 septembre 1995, était bien fondée à exercer son droit de préemption en exécution des clauses et conditions du bail, applicables pendant son maintien dans les lieux en vertu de l'article L. 145-28 du code de commerce, de sorte que c'est à bon droit que la vente a été réalisée à son profit.
Dans ses dernières conclusions du 26 septembre 2007, la société BRICORAMA demande en substance à la Cour de :
- la recevoir en son appel, l'y dire bien fondée et y faire droit,
- infirmer les jugements entrepris,
- dire et juger que la promesse de vente du 15 février 2000 lui est inopposable,
- dire et juger que la société SOFINIM a perdu son droit à agir en vertu de ladite promesse,
- dire et juger le protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003 nul et de nul effet,
- en conséquence, débouter la société SOFINIM de toutes ses demandes à son encontre,
- dire et juger que la vente à elle consentie le 5 novembre 2004 par les consorts X..., régulièrement publiée au bureau des hypothèques, est opposable aux tiers et à SOFINIM,
- débouter tout contestant de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner la SOFINIM à lui payer une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Subsidiairement
- condamner solidairement Mesdames X... et B... à lui payer les sommes de 335 388 euros en remboursement du prix de vente du bien immobilier situé ... sur Marne et de 16 401 euros en remboursement des droits de mutation payés par elle, outre les intérêts au taux légal,
- condamner la société SOFINIM aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que la promesse de vente du 15 février 2000 n'a pas été publiée au bureau des hypothèques de la situation de l'immeuble dans les formes et conditions prévues par le décret du 4 janvier 1955 et que la vente intervenue entre elle et les consorts X... est parfaite.
Elle développe à cet égard qu'elle était bien fondée à exercer le droit de préemption prévu dans le bail consenti le 1er avril 1978 à la société L'AMORTISSEUR FRANCAIS, transmis à la société HOME DECOR BRICOLAGE, aux droits de laquelle elle vient, par l'effet de la cession à cette dernière du droit au bail du locataire d'origine, les clauses et conditions dudit bail demeurant applicables pendant la durée du maintien dans les lieux édicté par l'article L. 145-28 du code de commerce, que le fait que la vente à son profit soit intervenue à un prix inférieur à celui fixé dans la promesse est inopérant, que le droit de préemption était opposable à la SOFINIM et que la promesse de vente litigieuse, invalidée par le protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003, ne peut produire aucun effet juridique, ce protocole d'accord étant lui-même nul en l'absence de concessions réciproques.
Elle sollicite à titre subsidiaire le remboursement par les venderesses du prix de vente et des droits de mutation qu'elle a réglés.
Dans ses uniques conclusions du 19 septembre 2007, la SOFINIM demande en substance à la cour de :
Concernant les consorts X...
- condamner les consorts X... à régulariser, dans les conditions de la promesse de vente du 15 février 2000, l'acte authentique de vente portant sur les biens sis ... sur Marne,
- subsidiairement, condamner les mêmes à régulariser, dans les conditions du protocole d'accord en date des 24 décembre 2002 et 5 février 2003, l'acte authentique de vente portant sur les biens susvisés,
- en toute hypothèse dire qu'à défaut de régularisation de l'acte de vente dans un délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir, celle-ci vaudra acte de vente et fera l'objet d'une publication à la conservation des hypothèques compétentes,
Concernant la société BRICORAMA FRANCE
- dire nuls les droits concernant le bien immobilier revendiqué par la société BRICORAMA,
- subsidiairement, dire et juger que la fraude paulienne commise par les consorts X... a pour effet de révoquer rétroactivement la vente consentie à la société BRICORAMA, avec retour dudit bien immobilier dans le patrimoine des consorts X... aux fins d'acquisition par elle,
- condamner in solidum les consorts X... à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et préjudices subis du chef de leurs agissements,
- condamner la société BRICORAMA à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du chef de ses agissements,
- condamner in solidum les appelantes à lui payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle s'estime fondée à obtenir la réalisation de la vente par application de la promesse de vente du 15 février 2000 dont elle a régulièrement levé l'option le 28 mars 2001, dés lors qu'elle a renoncé à la condition suspensive de l'obtention d'une promesse de vente sur la parcelle voisine, stipulée dans son seul intérêt, que l'obligation qui lui était faite de déposer une demande de permis de construire est sans objet et qu'elle justifie avoir obtenu la caution bancaire convenue le 9 mars 2000, et subsidiairement par application du protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003, ayant autorité de la chose jugée en vertu de l'article 2052 du code civil.
Elle affirme que les droits revendiqués par la société BRICORAMA sont nuls et à tout le moins lui sont inopposables, cette société ayant de mauvaise foi conclu l'acte de vente du 5 novembre 2004 alors qu'elle était parfaitement informée des droits concurrents précédemment consentis à SOFINIM, sa demande étant subsidiairement fondée sur l'article 1167 du code civil.
Elle ajoute que la promesse de vente en litige n'était pas assujettie à la publication au fichier immobilier et que la société BRICORAMA ne peut se prévaloir de la règle de l'inopposabilité des actes non publiés eu égard à sa mauvaise foi.
Elle développe encore que la société BRICORAMA n'est pas non plus fondée à invoquer le droit de préemption, qui n'a pas été transmis à la société HOME DECOR BRICOLAGE, qu'en tout état de cause la vente litigieuse du 5 novembre 2004, réalisée à un prix inférieur à celui de la promesse, n'est pas la réalisation du droit de préemption mais procède d'une collusion frauduleuse entre les consorts X... et cette société et qu'au surplus le droit de préemption stipulé dans le cadre de rapports locatifs auxquels elle est étrangère lui est inopposable dés lors qu'elle n'a pas été informée de l'intention de l'occupant de s'en prévaloir lors de la conclusion de la promesse puis du protocole d'accord.
Elle prétend que le protocole d'accord comportait bien des concessions réciproques et leur interdépendance mais que les consorts X... n'ayant pas respecté leur engagement de signer une nouvelle promesse, elle était parfaitement fondée à poursuivre son action en réalisation de vente forcée sur le fondement de la promesse du 5 février 2000, qui a conservé sa pleine portée juridique.
Elle excipe enfin de l'extrême mauvaise foi et de la déloyauté des appelantes à son égard.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la promesse de vente du 15 février 2000 était consentie et acceptée sous cinq conditions suspensives dont la condition V - Permis de construire visant l'obtention par le bénéficiaire de la délivrance d'un permis de démolir les constructions existantes et un permis de construire purgé de tous recours des tiers sur la parcelle faisant l'objet de la promesse et la parcelle voisine, observation étant faite que le bénéficiaire devrait avoir obtenu, à peine de caducité de la promesse, une promesse de vente de la parcelle voisine, au plus tard le 16 août 2000 ; que le bénéficiaire s'obligeait à déposer sa demande de permis de démolir et de permis de construire dans un délai de huit mois et à justifier de ce dépôt au promettant, faute de quoi la promesse serait considérée comme nulle et non avenue, sans indemnité de part ni d'autre ;
Considérant qu'il était précisé que ces conditions suspensives étaient stipulées dans l'intérêt exclusif du bénéficiaire de la promesse, et qu'en conséquence, en cas de non réalisation d'une seule d'entre elles au jour fixé pour la réalisation de l'acte authentique de vente, il aurait seul qualité pour s'en prévaloir et, s'il le désirait, se trouver délié de tout engagement ;
Considérant que les consorts X... ne pouvaient donc le 11 janvier 2001 se considérer déliés de leurs engagements à l'égard de la SOFINIM, faute d'avoir été informés de l'obtention ou de la non-obtention par celle-ci d'une promesse de vente sur la parcelle voisine, seule la SOFINIM pouvant s'en prévaloir ; que celle-ci a expressément renoncé à cette condition par lettre du 23 janvier 2001 ;
Que de même, les appelantes ne peuvent utilement invoquer le non dépôt par la SOFINIM de permis de démolir et de construire dans les huit mois de la signature de la promesse, cette obligation à la charge du bénéficiaire s'inscrivant dans le cadre de la mise en oeuvre de la condition suspensive précitée, dont, comme il l'a été dit, lui seul avait la faculté de se prévaloir et à laquelle il a renoncé ;
Considérant par ailleurs que la SOFINIM justifie avoir obtenu le 9 mars 2000 du Groupe Comptoir des Entrepreneurs - La Hénin une caution de 150 000 francs destinée à garantir le paiement de l'indemnité d'immobilisation, répondant aux conditions stipulées dans la promesse et valable jusqu'au 15 octobre 2001 ; que les promettants, qui ne lui ont jamais fait grief avant l'introduction de la procédure de ne pas avoir fourni cette caution, puisque notamment ils ont accepté deux prorogations du délai prévu pour l'obtention par le bénéficiaire d'une promesse de vente de la parcelle voisine sans opposer l'absence de fourniture de ladite caution et ne s'en sont pas non plus prévalus dans leur lettre du 11 janvier 2001, ne sauraient aujourd'hui de bonne foi soutenir qu'ils n'ont jamais été informés de l'obtention de cette caution et invoquer la nullité de la promesse pour non production de la caution dans les délais prévus ;
Considérant que la promesse unilatérale de vente consentie à la SOFINIM n'étant ni caduque ni nulle, il s'ensuit que la levée d'option de cette société, qui a régulièrement notifié au notaire par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2001, dans les délais et selon les modalités prévues à l'acte, son intention d'acquérir dans les termes et conditions de la promesse du 15 février 2000, en lui demandant de procéder à l'établissement de l'acte authentique de vente, a eu pour effet de rendre la vente parfaite, la levée d'option caractérisant la rencontre de volonté des parties sur la chose et sur le prix, les promettants, qui s'étaient engagés de façon ferme et irrévocable sans pouvoir se prévaloir de l'article 1590 du code civil et en renonçant expressément à l'application de l'article 1142 du même code, ne pouvant dés lors se refuser à la réalisation de la vente par acte authentique ;
Considérant que la société BRICORAMA, qui prétend que la SOFINIM aurait perdu son droit à agir en vertu de la promesse de vente du 15 février 2000, ne peut sans se contredire soutenir à la fois que ladite promesse a été "invalidée" par le protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003 et que ce protocole est nul ;
Que quoiqu'il en soit, ce protocole comportait bien des concessions réciproques puisque la nouvelle promesse de vente que les consorts X... et la SOFINIM avaient convenu de signer prévoyait certes un prix inférieur à celui stipulé dans la promesse du 15 février 2000 mais pour un bien occupé par le locataire actuel, BRICORAMA, au lieu de libre de toute location ou occupation ; que les consorts X... s'étant finalement refusés à exécuter ce protocole, la société SOFINIM s'est trouvée déliée de l'engagement qu'elle avait pris de se désister de son action en réalisation de la vente en contrepartie de celui pris par les consorts X... de signer une nouvelle promesse de vente aux conditions modifiées, et a donc pu valablement reprendre et poursuivre l'action qu'elle avait engagée sur le fondement de la promesse ;
Considérant par ailleurs que l'acte en litige, contrairement à ce que soutient encore la société BRICORAMA, n'était pas soumis à la publication obligatoire au bureau des hypothèques prévue par l'article 28 du décret no 55-22 du 4 janvier 1955, s'agissant d'une promesse unilatérale visée par l'article 37 dudit décret, de sorte que le bénéficiaire a valablement pu dispenser le notaire rédacteur de cette formalité ; que cet acte n'en est pas moins opposable à la société BRICORAMA, qui a acquis l'immeuble par acte authentique du 5 novembre 2004 du même auteur, en parfaite connaissance des droits antérieurs revendiqués par la société SOFINIM, laquelle a fait publier ses assignations en réalisation forcée de la vente le 19 avril 2001 et informé tant la société BRICORAMA que son notaire de sa revendication par lettres recommandées avec accusé de réception du 18 mars 2004, le notaire rédacteur de l'acte du 5 novembre 2004 ayant au surplus clairement averti la société BRICORAMA de la procédure en cours et du risque auquel elle s'exposait de voir son droit de propriété remis en cause ;
Considérant, enfin, que le bail consenti le 1er avril 1978 sur les biens en litige à la société L'AMORTISSEUR FRANCAIS comportait effectivement au titre des conditions particulières une clause ainsi libellée :
"Promesse de vente : Au cas où les bailleurs seraient amenés à mettre en vente les terrain et locaux faisant l'objet du présent bail, un droit de préemption à prix égal est donné au locataire actuel. Un délai de trois mois de réflexion lui sera consenti à partir de la date de signification par lettre recommandée de ladite offre. Cette clause est transmissible de plein droit à tous successeurs, tel qu'il est prévu dans le paragraphe 8 du présent bail." ;
Qu'aux termes du paragraphe 8, les bailleurs autorisaient dés à présent la société preneuse à céder ledit bail à tout successeur qui se rendrait acquéreur ou locataire des locaux.....actuellement occupés par la société preneuse ;
Considérant que la société L'AMORTISSEUR FRANCAIS ayant cédé son droit au bail à la société HOME DECOR BRICOLAGE par acte notarié du 12 avril 1969, cette dernière, qui succédait ainsi en tant que locataire des locaux au locataire d'origine, s'est vue transmettre le pacte de préférence prévu au bail ;
Qu'en application de l'article L. 145-28 du code de commerce, cette société, en suite du congé avec refus de renouvellement de bail et offre d'indemnité d'éviction qui lui avait été délivré par les bailleurs pour le 31 mars 1996, date d'expiration du bail, bénéficiait du droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction qui lui était due, de même que la société BRICORAMA FRANCE, venant aux droits de la société HOME DECOR BRICOLAGE par suite d'une cession de parts sociales intervenue le 27 avril 2001 puis d'une opération de fusion absorption du 28 juin 2002 ;
Considérant que si la société BRICORAMA pouvait donc en principe se prévaloir du droit de préemption prévu au bail, force est de constater qu'elle n'a pas usé de ce droit dans les conditions requises ; qu'en effet la vente entre les dames X... et la société BRICORAMA n'est pas intervenue au prix prévu dans la promesse de vente consentie à la SOFINIM de 457 347,05 euros mais à celui de 335 388 euros, inférieur même à celui convenu dans le protocole d'accord des 24 décembre 2002 et 5 février 2003 de 365 878 euros ;
Considérant qu'il s'ensuit que la vente conclue le 5 novembre 2004 entre les consorts X... et la société BRICORAMA ne procède pas de l'exercice régulier par cette dernière de son droit de préemption, le rendant opposable à la SOFINIM, mais d'une acquisition dans des conditions différentes de celles prévues dans la promesse de vente consentie à cette société, entre des vendeurs qui n'avaient toujours pas versé l'indemnité d'occupation due à l'occupant des biens objet de la promesse et une société bénéficiant du droit au maintien dans les lieux tant que cette indemnité ne lui était pas payée ; que cette vente a manifestement été passée en fraude des droits antérieurs de la SOFINIM ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de réalisation forcée de la vente à son profit formée par la SOFINIM, sauf à dire que la vente conclue le 5 novembre 2004 en fraude de ses droits ne lui est pas simplement inopposable mais est nulle, et à préciser que Madame Danielle B... divorcée C... interviendra à la vente aux lieu et place de Jeanne PINSON née DUBOUT, décédée en cours de procédure, dont elle est l'héritière ;
Considérant que la société SOFINIM ne justifiant pas du préjudice que la mauvaise foi des appelantes lui a causé, a été à juste titre déboutée de sa demande de dommages et intérêts par le premier juge ;
Considérant que la vente conclue entre la société BRICORAMA et les dames PINSON et Y... étant annulée, il convient de faire droit à la demande en restitution du prix de vente du bien, soit 335 388 euros, formée à titre subsidiaire par la société BRICORAMA à l'encontre des venderesses, la demande en restitution des droits de mutation de 16 401 euros, que ces dernières n'ont pas personnellement reçus, ne pouvant en revanche prospérer ;
Considérant que la solution du litige conduit à allouer à la SOFINIM la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel à la charge des appelantes in solidum, lesquelles seront également condamnées aux dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément aux décisions entreprises.
PAR CES MOTIFS
Reçoit Madame Danielle B... divorcée C... en son intervention volontaire, en sa qualité d'héritière de Jeanne B... née X...,
Confirme le jugement du 28 novembre 2006, sauf en ce qu'il a déclaré inopposable à la société SOFINIM la vente intervenue entre la société BRICORAMA et les consorts X..., et à modifier l'identité de la partie venderesse, compte tenu du décès intervenu en cours de procédure de Jeanne DUBOUT épouse PINSON, ainsi que le jugement rectificatif du 23 janvier 2007,
Réformant le jugement du 28 novembre 2006 des chefs susvisés et statuant à nouveau,
Dit la vente conclue le 5 novembre 2004 entre la société BRICORAMA FRANCE et les consorts X... nulle,
Dit que Madame B... divorcée C... interviendra à la vente au profit de la société FINANCIERE ET IMMOBILIERE SOFINIM en sa qualité d'héritière de Jeanne X... épouse B..., aux lieu et place de cette dernière,
Condamne Madame B... divorcée C... et Madame Y... née X... in solidum à restituer à la société BRICORAMA FRANCE la somme de 335 388 euros au titre du prix de vente de l'immeuble du ... sur Marne (Val de Marne),
Condamne in solidum Mesdames B... divorcée C... et Y... née X... d'une part, la société BRICORAMA FRANCE d'autre part, à payer à la société FINANCIERE ET IMMOBILIERE SOFINIM la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum Mesdames B... divorcée C... et Y... née X... d'une part, la société BRICORAMA FRANCE d'autre part, aux dépens d'appel, que la SCP d'avoué NABOUDET-HATET pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,