Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2007
(no 07/ , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/07281
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2005044240
APPELANTE
SARL AUCAIR INVEST, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ... - Les Terriers Nord
06600 ANTIBES
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me Letterio SETTINERI, avocat au barreau de GRASSE, (SCP STIFANI-FENOUD)
INTIMEE
Société OSEO FINANCEMENT venant aux droits de SA OSEO BDPME prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
94710 MAISONS ALFORT CEDEX
représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour
assistée de Me Jean Robert Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 209
(SELARL CAMPANA-RAVET)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseillère
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude Z...
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de Président et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
****
En 1981 et 1985, le CEPME, ensuite dénommé OSEO BDPME et aujourd'hui OSEO Financement, a consenti à M. A... un prêt de 1 000 000 francs et aux époux A... un prêt de 730 000 francs. Ces prêts étaient garantis par une hypothèque en premier rang sur des biens et droits immobiliers appartenant en indivision aux époux A... situés à Vallauris.
Le 25 octobre 1988, le CEPME a consenti à la SCI Sophie un prêt de 1 600 000 francs destiné à financer la construction d'un bâtiment commercial qui devait loué à son gérant, M. A.... Ce prêt était garanti par une hypothèque sur des biens et droits immobiliers appartenant à la SCI Sophie situés également à Vallauris et par une hypothèque en second rang sur les biens immobiliers appartenant aux époux A..., cautions hypothécaires.
M. A..., qui exploitait une entreprise d'enseignes de publicité et de travaux divers à l'enseigne Bice à Vallauris, a été déclaré en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 25 mars 1994. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 27 janvier 1995.
La liquidation judiciaire de la SCI Sophie a été prononcée le 20 septembre 1996 pour confusion de patrimoine.
Selon acte sous seing privé du 3 juillet 2002, le CEPME a cédé à la Sarl Aucair Invest les créances et garanties qu'il détenait à l'encontre des époux A... et de la SCI Sophie pour le prix de 548 807,46 euros. La créance procédant du prêt consenti à la SCI était évaluée au 15 mars 2002 à 655 503 euros et représentait 70 % du total des créances cédées.
Par acte du 9 juin 2005, la société Aucair Invest a assigné la cédante devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir prononcer la résolution de cette cession en raison de l'inexistence de la créance relative au prêt du 25 octobre 1988 non déclarée en temps et heure au passif des procédures collectives de l'emprunteuse et de M. A..., caution hypothécaire, ce dont elle prétendait ne pas avoir été informée à l'occasion de la signature de l'acte de cession de créances.
Par jugement contradictoire du 27 mars 2006, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Aucair Invest de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société OSEO BDPME la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 19 avril 2006, la société Aucair Invest a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 30 août 2007, elle demande à la Cour de:
- infirmer le jugement dont appel,
- statuant à nouveau,
- constater que la cédante ne l'a pas informée de l'existence, à la date du transport de créance, de la procédure pendante devant le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. A... et de la SCI Sophie aux fins de relevé de forclusion portant sur la plus élevée des créances cédées,
- prononcer, en conséquence, la résolution de l'acte de cession sur le fondement des articles 1692 et 1693 du Code civil,
- dire que la cédante s'est rendue coupable de réticence dolosive à son détriment,
- condamner l'intéressée à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 971 754,07 euros avec intérêts au taux des divers contrats de prêt échus depuis le 15 mars 2002,
- en toute hypothèse,
- condamner la société OSEO Financement à lui rembourser la somme de 548 807,46 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du Code civil, outre les frais et coûts du contrat résolu évalués à 10 000 euros et la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 3 septembre 2007, la société OSEO Financement demande à la Cour de:
- confirmer le jugement entrepris,
- subsidiairement, si la résolution de la cession de créances devait être prononcée,
- dire qu'elle sera substituée dans tous les droits de la société Aucair Invest à l'égard de la liquidation judiciaire M. B... Sophie,
- lui allouer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR :
Considérant qu'aux termes de l'acte de cession du 3 juillet 2002, le CEPME a cédé à la société Aucair Invest plusieurs créances parmi lesquelles une créance évaluée au 15 mars 2002 à 655 503,48 euros, correspondant au solde du prêt consenti à la SCI Sophie le 25 octobre 1988, garantie par une hypothèque sur un ensemble immobilier composé d'un terrain et de deux parties d'immeuble situés à Vallauris appartenant à l'emprunteuse et le cautionnement hypothécaire des époux A... portant sur les biens immobiliers appartenant aux intéressés situés aussi à Vallauris;
Considérant que la société Aucair Invest invoque en appel l'inexistence à la date de la cession, à elle dissimulée par le cédant et qu'elle n'aurait découverte qu'après la signature de l'acte, de la créance à l'encontre de M. A... pris en sa qualité de caution hypothécaire, et ce en raison de son extinction par suite de sa non déclaration dans les délais légaux au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de l'intéressé; qu'elle fait valoir que l'extinction de cette créance la prive du bénéfice de la garantie hypothécaire sur le bien immobilier de M. A... dont la valeur est bien supérieure à celle du bien appartenant à la SCI Sophie;
Considérant qu'il est constant que le CEPME a déclaré le 29 novembre 1994 la créance en cause au redressement judiciaire de M. A..., ouvert le 25 mars 1994; que le 28 août 1998, il a déposé une requête aux fins de se voir déclarer inopposable la forclusion au titre de cette déclaration; que par ordonnance du 12 novembre 2002, le juge commissaire a fait droit à sa demande; que par jugement du 14 mars 2003, le tribunal de commerce d'Antibes a cependant annulé cette ordonnance, retenant que la déclaration du 29 novembre 1994 et la requête en relevé de forclusion du 28 août 1998 étaient tardives et que l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de M. A... à la SCI Sophie n'avait aucune incidence sur le délai de déclaration de créance au passif de M A... et ne permettait pas aux créanciers de procéder à une nouvelle déclaration; que cette décision est aujourd'hui définitive, un arrêt du 5 janvier 2006 ayant dit irrecevable l'appel qui en avait été interjeté;
Considérant que la créance à l'égard de M. A... pris en qualité de caution hypothécaire du prêt consenti à la SCI Sophie est donc éteinte;
Considérant qu'il était précisé, dans l'acte de cession:
"Monsieur A... Jean-Louis a été déclaré en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 25 mars 1994. Le 27 janvier 1995, le même tribunal a prononcé sa liquidation judiciaire.
Le CEPME a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur par lettres recommandées en date du 26 mai 1994 et du 29 novembre 1994. (...)
La créance du CEPME à l'égard de Monsieur A... a été admise par décision du juge commissaire du 23 mars 1998 pour 1 152 641,04 francs à titre hypothécaire.
Le CEPME a interjeté appel de cette décision, afin qu'il soit tenu compte de sa déclaration de créance du 29 novembre 1994, qui a été manifestement omise (...).
Par ailleurs, le CEPME a présenté une requête au juge commissaire pour que soit rectifiée l'erreur matérielle commise dans la déclaration d'admission.
La procédure d'appel comme la procédure en rectification n'ont fait à ce jour l'objet d'aucune décision. (...).
Le CEPME subroge le cessionnaire dans tous ses droits, actions, privilèges et hypothèques relatifs aux créances et garanties cédées ainsi que dans le bénéfice des titres et décisions de justice qu'il détient, voulant qu'il soit substitué dans les procédures en cours, à charge de les poursuivre sous sa responsabilité.";
Considérant que son article 1, "Déclaration", est ainsi rédigé:
"Le cessionnaire déclare avoir procédé personnellement, sous sa seule responsabilité, à toutes recherches, analyses, évaluations et investigations qu'il a jugées nécessaires quant aux créances et garanties cédées et avoir obtenu du cédant tout renseignement ou information qu'il a jugé bon de solliciter. (...) Le cessionnaire réitère sa parfaite connaissance de l'ensemble des procédures en cours et confirme qu'il acquiert les créances et garanties en l'état.";
Considérant qu'il est constant que la société Aucair Invest était assistée pour négocier les termes et conditions de la cession par un avocat, Me C...; qu'une lettre par elle adressée le 17 décembre 2002 au CEPME révèle que l'acte de cession lui-même a été rédigé par cet avocat;
Considérant que Me C... a écrit le 20 février 2002 au cédant dans les termes suivants: "le cessionnaire sera substitué dans le bénéfice des procédures en cours dont il supportera les frais pour l'avenir seulement tant en ce qui concerne les débiteurs principaux que les cautions.";
Considérant que dans un courrier du 17 mai 2002, les dirigeants de la société Aucair Invest ont écrit au CEPME: "Nous sommes maintenant convenablement informés de la situation actuelle de la vérification du passif de la SCI Sophie et de M. Jean-Louis A... et c'est en connaissance de cause que nous réitérons notre proposition (...) nous ferons notre affaire de la poursuite de la procédure (...)";
Considérant que l'acte de cession informe donc la cessionnaire de la date des déclarations de créance effectuées par le cédant au passif de la procédure collective de M. A... ainsi que de la non admission de la créance déclarée le 29 novembre 1994 et de l'existence d'une procédure concernant cette déclaration;
Considérant que ces indications de l'acte étaient de nature à révéler à la professionnelle de l'investissement assistée d'un avocat qu'était la société Aucair Invest l'existence d'un problème concernant la déclaration de la créance objet du cautionnement hypothécaire de M. A... et à lui permettre, ainsi qu'à son conseil, de vérifier la nature et l'état de la procédure la concernant;
Considérant que la seule procédure mentionnée dans l'acte de cession est celle concernant la déclaration de créance cruciale du 29 novembre 1994; que, dès lors, lorsqu'elle écrit le 17 mai 2002 qu'elle est maintenant convenablement informée de la situation de la vérification du passif de M. A... et que c'est en connaissance de cause qu'elle réitère sa proposition et qu'elle fera son affaire de la poursuite de la procédure, la société Aucair Invest ne peut faire allusion qu'à cette procédure; qu'elle ne saurait être admise à invoquer la qualification de requête en rectification d'erreur matérielle que le rédacteur de l'acte, son conseil, a donné à cette procédure;
Considérant que l'extinction de la créance à l'encontre de M. A..., caution hypothécaire, a été consacrée par l'arrêt du 5 janvier 2006; qu'à la date de la cession, soit le 3 juillet 2002, le sort de la déclaration de créance du 29 novembre 1994 n'était donc pas tranché; qu'une ordonnance du juge commissaire du 12 novembre 2002 allait la dire recevable avant d'être annulée par un jugement du 14 mars 2003;
Considérant qu'il ne peut être fait grief, dans ces conditions, à la cédante de la moindre rétention dolosive; que la société Aucair Invest a fait l'acquisition d'une créance à l'encontre de M. A... qu'elle savait affectée, pour partie, d'un vice susceptible d'atteindre son existence même;
Considérant que l'appelante doit, en conséquence, être déboutée tant de sa demande en résolution de l'acte de cession que de sa demande de dommages et intérêts pour dol;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Aucair Invest à payer à la société OSEO Financement la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour la procédure d'appel;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Condamne la société Aucair Invest à payer la société OSEO Financement la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, pour la procédure d'appel;
Rejette toute autre demande;
Condamne la société Aucair Invest aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT