Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
24ème Chambre - Section C
ARRET DU 10 JANVIER 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/17143
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Septembre 2006 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de PARIS - Section C / Cabinet 7
RG no 04/42899
APPELANTE
Madame X...
Née le 26 janvier 1976 à Sig (Algérie)
demeurant ...
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - ... Y..., avoués à la Cour
assistée de Me Francois Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : A 249,
INTIMÉ
Monsieur ... A...
Né le 24 novembre 1967 à Mostaganem (Algérie)
demeurant ...
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me Sophie B..., avocat au barreau de PARIS, toque : A173, substituant le jour de l'audience Me Nicolay C..., avocat au barreau de PARIS, toque C1234,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Novembre 2007, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Marie-Laure ROBINEAU, présidente
Annick FELTZ, conseillère
Claire MONTPIED, conseillère chargée du rapport
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé en audience publique par Marie-Laure ROBINEAU, présidente.
- signé par Marie-Laure ROBINEAU, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière présente lors du prononcé.
****
LA COUR,
M. .A..., né le 24 novembre 1967 à Mostaganem (Algérie), et Mme . X..., née le 26 janvier 1976 à Sig (Algérie), se sont mariés le 26 mai 2001 devant l'officier d'état civil de Paris (75), sans contrat de mariage préalable.
De leur union, est né V..., le 16 octobre 2002 .
Par ordonnance du 9 mars 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a ,
- autorisé les époux à résider séparément,
- attribué à l'épouse le jouissance du logement familial,
- fixé à 800€ par mois la pension alimentaire due par l'époux au titre du devoir de secours,
- rappelé l'exercice en commun de l'autorité parentale,
- fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère avec un droit de visite et d'hébergement au père les 2ème et 4ème fins de semaine de chaque mois,
- fixé à 500€ par mois la part contributive du père à l'entretien de l'enfant.
Par assignation du 23 mai 2005, M. A... a formé une demande en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code civil.
Par jugement contradictoire dont appel, rendu le 12 septembre 2006, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a :
- prononcé aux torts de M. A... le divorce des époux, avec toutes conséquences de droit
- autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom de son mari,
- dit qu'à titre de prestation compensatoire, M. A... devra verser payer à Mme X..., la somme de 10.000 euros,
- débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts,
- rappelé que l'autorité parentale est exercée en commun par les parents sur l'enfant V...,
- fixé la résidence habituelle chez la mère,
- dit que sauf meilleur accord, le père recevra l'enfant :
- les 2ème et 4ème fins de semaine de chaque mois du vendredi 17 heures au dimanche 19 heures,
- la première moitié des petites vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires,
- durant les vacances d'été, la première quinzaine de juillet et d'août les années paires, la seconde quinzaine de juillet et d'août les années impaires,
- fixé la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation de V... à la somme de 500 euros indexée, qui devra être versée d'avance par le père au domicile ou à la résidence de la mère, prestations familiales en sus,
- prononcé l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant sans l'autorisation des deux parents,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- dit que M. A... devra payer à Mme X... la somme de 1.500 euros en application de l'article l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit que les dépens seront supportés par M. A....
Mme ... X... a interjeté appel de ce jugement le 3 octobre 2006.
Vu les dernières conclusions, auxquelles la Cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, en date des 24 octobre 2007 pour Mme... X..., appelante, et 8 novembre 2007 pour M. ... A..., intimé, qui demandent à la Cour de :
*Mme .... X...,
- déclarer recevable et bien fondé son appel
- débouter M. A... de son appel incident,
- confirmer le jugement donc appel en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari, et en ce qui concerne les mesures pour l'enfant ...,
- réformer le dit jugement et porter à la somme de 80.000 euros, le montant de la prestation compensatoire,
- condamner M. A... au paiement de ladite somme,
- condamner M. A... , à lui payer 60.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- dont 30.000 euros au visa de l'article 266 du Code civil et 30 000 euros au visa de l'article 1382 du même Code,
- le condamner au paiement de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- confirmer, pour le surplus, le jugement dont appel,
- débouter M. A... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
*M. A...,
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,
- débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé le divorce à ses torts exlusifs,
- fixé la contribution à l'entretien et à l'éducation de V. à la somme de 500 euros par mois,
- ordonné le versement à son épouse d'une prestation compensatoire d'un montant de 10.000 euros,
statuant à nouveau,
- prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme ... X...,
- fixer à 200 euros sa contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant outre la prise en charge par moitié des éventuels frais de scolarité,
- débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire
- confirmer le jugement entrepris sur le surplus,
- ordonner le mention du jugement à intervenir en marge de l'acte de mariage des époux,
et des actes de naissance des époux,
- condamner Mme ... X... au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 novembre 2007 ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
Sur la procédure
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée; que les pièces du dossier ne font apparaître aucune fin de non recevoir susceptible d'être relevée d'office; que l'appel sera déclaré recevable ;
Considérant, bien que l'appel soit général, que les parties ne remettent pas en cause les dispositions du jugement relatives à l'autorité parentale, à la résidence de l'enfant et aux droits de visite et d'hébergement du père ainsi qu'à l'interdiction de sortie du territoire français sans l'accord des deux parents lesquelles, reposant sur une analyse pertinente du premier juge au vu des documents probants produits, doivent être confirmées ; que, par ailleurs, M. ... A... ne s'oppose pas à ce que Mme ... X... conserve l'usage du nom marital ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 ; que la procédure est postérieure ; que les dispositions de cette loi sont applicables ; qu'en conséquence les articles du code civil seront visées sous leur nouvelle numérotation ;
Sur le divorce
Considérant que, sur le fondement de l'article 242 du code civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune ;
Considérant que Mme .... X... reproche à son mari de n'avoir cherché en l'épousant qu'à régulariser sa situation en France, d'avoir abandonné le domicile conjugal, d'avoir mené une double vie, de s'être désintéressé d'elle, de n'avoir qu'insuffisamment participé aux charges du mariage malgré ses moyens ainsi que ses propos outrageants et agressifs ;
Considérant que M. ... A... reproche à son épouse son désintérêt pour lui et son infidélité; qu'il l'accuse également de n'avoir pas participé aux charges du ménage et d'avoir fait des dépenses inconsidérées ;
Considérant que M. ... A... reconnaît avoir quitté en février 2004 le domicile conjugal sans autre motif que celui de préserver leur enfant des disputes conjugales, ce qui ne justifie pas son départ brutal avant d'y avoir été autorisé par le juge conciliateur ; qu'il est également établi par les attestations de M. Abed D... et de Mme E... que M. ... A... a tenu des propos agressifs à l'égard de Mme ... X... ; qu'une telle attitude constitue une violation des obligations du mariage rendant intolérable la poursuite de la vie commune ;
Considérant, en revanche, que M. .. A... n'établit pas les griefs qu'il allègue à l'encontre de son épouse ; qu'il se borne en effet à indiquer qu'il avait des doutes sur sa fidélité sans autrement en justifier ; que rien n'établit non plus le désintérêt de cette dernière pour son mari; qu'enfin, l'examen des seuls relevés du compte joint ouvert par les époux à la Bred ne permet pas de constater la réalité du caractère dépensier de Mme ... X... ni son absence de contribution aux charges du ménage, le seul fait que Mme... X... n'y verse pas ses revenus ne prouvant pas qu'elle ne faisait de son côté aucune dépense pour le ménage;
Considérant, en conséquence, nonobstant les griefs soit non démontrés soit non pertinents, que sont ainsi établis, à l'encontre de M. ... A... seul des faits constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce à ses torts exclusifs ; que le jugement dont appel sera confirmé de ce chef ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant que le divorce met fin au devoir de secours mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible ; que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera ;
Considérant que, dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment, la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux durant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles et leur situation respective en matière de pension de retraite ;
Considérant que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera, versement d'une somme d'argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire en viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier, sous réserve de l'accord de l'époux débiteur quand il s'agit de l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation ;
Considérant que le mariage a duré 6 ans à ce jour ; que M. ... A... est âgé de 40 ans et Mme ... X... de 31 ans ; qu'ils ont un enfant ;
Considérant que Mme ... X... qui est préparatrice en pharmacie travaille à mi-temps dans le cadre d'un contrat à durée déterminée et perçoit un revenu de 1.100€ ; qu'elle a la charge essentielle de V âgé d'à peine 5 ans et peut difficilement, en l'état, envisager un emploi à plein temps;
Considérant que M. ... A... est, selon ses bulletins de salaire de 2006, directeur général de la société SAS ...Mvp... ; que, selon ses bulletins de salaire de l'année 2004, il était directeur général de la SAS Victoires Opéra ; qu'il est également, selon l'extrait Kbis de septembre 2007, directeur général d'une SAS Grand Hotel du Havre au capital de 2.550.776,96€ situé ... ; que les bulletins de salaire produits permettent de constater qu'il perçoit environ 2.000€ de salaire mensuel net ; qu'il perçoit, en outre, des revenus fonciers d'un montant déclaré de 22.362€ en 2005 et de 50.521€ en 2006, soit, en 2006, 4.210€ par mois ; qu'il a, en conséquence, perçu au cours de l'année 2006 au moins 6.210€ par mois; qu 'il a également, en mai 2003, reçu de ses parents en donation partage diverses parts sociales, dont certaines en pleine propriété, pour une valeur de 589.740€ provenant de son père et de 79.520€ provenant de sa mère ; qu'il doit cependant verser une soulte à ses frère et soeur d'un montant de 2.654€ par mois ; qu'il admet également avoir reçu des fonds provenant de la vente d'un fonds de commerce en Algérie acquis avant son mariage ; que Mme ... X... qui allègue qu'il dispose d'autres biens en Algérie n'en apporte pas la preuve ;
Considérant que si la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux elle doit néanmoins permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ; Considérant que, des éléments ci-dessus rappelés, il ressort que le prononcé du divorce entraînera une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de la femme ; qu'il convient de compenser cette disparité, compte tenu du jeune âge de Mme .... X... et de la faible durée du mariage par le versement d'un capital de 20.000€ ;
Sur la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants
Considérant que chaque parent doit participer en fonction de ses capacités contributives à l'entretien des enfants; que cette obligation subsiste tant que l'enfant n'est pas capable de subvenir seul à ses besoins ;
Considérant qu'eu égard aux besoins de l'enfant de santé fragile et aux montants respectifs des revenus des parties tels que ci-dessus exposés , il convient de confirmer le montant de la part contributive mise à la charge du père par le premier juge; que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les dommages-intérêts
Considérant, sur le fondement de l'article 266 du Code civil, que le conjoint innocent peut obtenir la réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage ; que, sur le fondement de l'article 1382, chacun d'eux ne peut prétendre à des dommages-intérêts qu'en apportant la preuve d'une faute de l'autre époux entraînant pour lui un préjudice particulier indépendant de celui résultant de la rupture du lien conjugal ;
Considérant que Mme ... X... justifie des difficultés qu'elle a dû supporter pour faire face aux impayés de loyers et de téléphone et des répercussions sur sa santé des diverses démarches et procédures auxquelles elle a dû faire face notamment devant le tribunal d'instance, sans le soutien de son mari qui ne s'est pas présenté à l'audience, pour les impayés du loyer de l'appartement situé ... dont il a été également l'occupant ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que le comportement fautif du mari et la dissolution du mariage font subir à Mme ... X... un préjudice à la fois matériel et moral qu'il y a lieu de réparer en lui allouant la somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts ;
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Considérant que M. ... A... , qui succombe, doit supporter les dépens et ne saurait bénéficier d'une indemnité pour frais de procédure ; qu'il convient d'allouer à Mme ... X... , au titre des frais judiciaires non taxables exposés en appel, la somme de 1.500 euros ;
PREND LA DÉCISION SUIVANTE,
Infirme le jugement déféré en ce qui concerne le montant de la prestation compensatoire et les dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne M. ...A... à payer à Mme .. X... à titre de prestation compensatoire un capital de 20.000€ ;
Condamne M. ... A... au paiement d'une somme de 1.500€ à titre de dommages et intérêts ;
Confirme pour le surplus la décision déférée ;
Condamne, en outre, M. ... A... à payer à Mme ... X... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne M. ... A... aux dépens d'appel dont le montant sera recouvré par la SCP Naboudet-Hatet, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,