Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 16 JANVIER 2008
(no33, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/13959
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Juillet 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 07/55618
APPELANTES ET INTIMÉES
LA SOCIÉTÉ SUNSHINE
SNC
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social au ...
75009 PARIS
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Stéphane X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D 1220
AFNIC- ASSOCIATION FRANCAISE POUR LE NOMMAGE INTERNET EN COOPERATION -
association loi 1901
Immeuble International
...
Montigny le Bretonneux
78181 SAINT QUENTIN EN YVELINES
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Eric Y... (ALAIN Z...), avocat au barreau de PARIS, toque : E241
INTIMES
Monsieur André A...
41, ...
75019 PARIS
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me Alexandre B...
LA SOCIÉTÉ OVH
SAS
ayant son siège social au ...
59100 ROUBAIX
représentée par Me Bruno NUT, avoué à la Cour
assistée de Me Blandine C..., avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marcel FOULON, Président
Madame Marie-José PERCHERON, Conseiller
Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Delphine LIEVEN
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Marcel FOULON, Président
- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Melle TREJAUT , greffier présent lors du prononcé.
*
FAITS CONSTANTS
La SNC SUNSHINE - la SNC - a le 19 juillet 2001 déposé à l'INPI la marque SUNSHINE sous le no013 112 371 pour la classe 25 (la classe 25 concerne les vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles).
Le 7 avril 2005 la SAS OVH - OVH - réservait auprès de l'association pour le nommage internet en coopération - AFNIC - et pour le compte de Monsieur André A... le nom de domaine "sunshine.fr".
Une société SARL SUNSHINE productions - la SARL - était enregistrée au registre du commerce et des sociétés le 22 juin 2005 dont le gérant est Monsieur A....
Par ordonnance contradictoire du 13 juillet 2007 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris :
- disait n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SAS tendant au transfert de l'enregistrement du nom de domaine "sunshine.fr" au bénéfice de la SAS,
- rejetait la demande de l'AFNIC tendant à retenir un abus de la SNC dans l'exercice de son droit d'agir.
La SAS interjetait appel le 31 juillet 2007 et l'AFNIC le 27 août 2007.
L'ordonnance de clôture était rendue le 4 décembre 2007.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE LA SNC
Par dernières conclusions du 13 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, la SNC critique la décision du premier juge:
- puisque Monsieur A..., qui n'avait pas annexé aux statuts de la société en formation, l'enregistrement du 7 avril 2005, ne pouvait dans ces conditions avoir agi pour le compte de la dite société,
- puisque conformément à l'article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques et à l'article 10 du règlement 874/2004 du 28 avril 2004, ses droits (ceux de la SNC) étaient antérieurs à ceux de Monsieur A...,
- puisque ni l'AFNIC ni OVH n'ont respecté les articles 12 et 14 du dit règlement,
- puisque Monsieur A... est de mauvaise foi (il n'a pas respecté les prescriptions de l'article 21 du dit règlement),
- puisque le juge des référés était "compétent" tant au regard du droit français que des normes européennes.
Elle demande :
- l'infirmation de l'ordonnance,
- d'ordonner le transfert du nom de domaine à son bénéfice,
- à Monsieur A..., OVH et à l'AFNIC, 2000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE M. A...
Par dernières conclusions du 28 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, Monsieur A... soutient :
- que les conditions de l'article 809 du NCPC ne sont pas réunies,
- que la SNC ne démontre pas qu'elle a un droit de propriété exclusif ni que sa marque est effectivement exploitée depuis 5 ans,
- avoir agi pour le compte de la société "SUNSHINE PRODUCTIONS" (qui exerce l'activité de réalisation de photographies) et de bonne foi,
- qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les deux sociétés qui ont des activités radicalement opposées,
- que sa réservation du 7 avril 2005 était très antérieure à l'article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques.
Il demande :
- la confirmation de l'ordonnance,
- 4000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE OVH
Par dernières conclusions du 30 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, OVH expose :
- n'être qu'un "bureau d'enregistrement" de noms de domaine (de l'article R.20-44-34 du code des postes et télécommunications électroniques) c'est à dire un prestataire technique,
- avoir dès réception de la lettre de la SNC, invité cette dernière à entrer en contact avec la SARL,
- qu'il ne lui appartient pas de se substituer à l'ordre judiciaire ou à l'office d'enregistrement (article R.20-44-49 du code des postes et télécommunications électroniques).
Elle demande :
- la confirmation de l'ordonnance,
- 2000 € au titre de l'article 700 du NCPC.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE L'AFNIC
Par dernières conclusions du 26 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, l'AFNIC constate :
- que tout demandeur à l'attribution d'un nom de domaine en .fr est réputé accepter la "charte de nommage.fr",
- que selon cette charte l'AFNIC n'est pas responsable du choix fait par le demandeur,
- que le règlement CE 874/2004 du 28 avril 2004 n'est pas applicable aux noms de domaine en .fr,
- que le litige concerne un nom de domaine enregistré avant le décret 2007-162 du 6 février 2007 (article R.20-44-46 et autres du code des postes et télécommunications électroniques),
- qu'elle n'est pas encore désignée "office d'enregistrement" au sens du décret,
- que Monsieur A... a manifestement agi pour le compte de la SARL,
- que Monsieur A... est de bonne foi.
Elle demande :
- de confirmer l'ordonnance entreprise,
- à la SNC 7000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 15 000 € au titre de l'article 700 du NCPC,
- de dire que l'éventuel transfert de nom ne pourrait se faire qu'aux frais de la SNC qui devra accepter les règles de la charte,
- à être éventuellement garantie par Monsieur A... et OVH.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du NCPC.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que pour apprécier la demande concernant le transfert du nom de domaine la cour doit se placer au jour où elle statue, alors que pour statuer sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive rejetée par le premier juge, elle doit se placer au jour où ce dernier s'est prononcé ;
Sur la demande de ce transfert
Considérant que s'il est établi que Monsieur A... a réservé le nom de domaine litigieux auprès d'OVH, absolument aucun élément ne permet de soutenir qu'il l'a fait pour le compte de la société - la SARL - dont il est le gérant, si ce n'est son affirmation ; qu'il ne communique d'ailleurs pas les documents justifiant qu'il ait effectué les démarches prévues par l'article R.210-5 du code de commerce (sans s'expliquer sur ce point, invoqué par la SNC), qu'il n'aurait pas manqué de le faire si tel avait été le cas ;
Considérant que Monsieur A... ne justifie donc d'aucun droit ni d'un intérêt légitime - au sens de l'article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques tel qu'il résulte du décret 2007-162 du 6 février 2007, applicable au jour où la cour statue - à choisir le nom de domaine qui est la marque - justifiée - de la SNC ;
Que le juge avec les pouvoirs de l'article 809 du NCPC peut donc ordonner le transfert du nom de domaine "sunshine.fr" au bénéfice de la SNC ;
Considérant que s'il n'est pas démontré que l'AFNIC a été nommée en qualité d'office prévu à l'article R.20-44-35 du code des postes et télécommunications électroniques il n'en demeure pas moins que l'AFNIC est tenue d'exécuter une décision de justice (ce qu'elle s'est d'ailleurs engagée à faire) et de respecter les prescriptions de la loi ; que de même la SNC, qui a recours aux services de l'AFNIC devra respecter les prescriptions contractuelles de celles-ci, non contraires à ladite loi ;
Sur la demande de dommages et intérêts de l'AFNIC
Considérant que cette demande n'est formée qu'à l'encontre de la SNC qui n'est pas condamnée ;
Sur les demandes au titre de l'article 700 du NCPC et sur les dépens
Considérant que les dépens seront supportés par Monsieur A... ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SNC SUNSHINE les frais non compris dans les dépens, qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de OVH les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de la débouter de ce chef de demande ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'évolution du litige ;
Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de l'AFNIC au titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau :
1- Ordonne le transfert de l'enregistrement du nom de domaine "sunshine.fr" au bénéfice de la SNC SUNSHINE,
2- Dit que cette décision sera opposable à l'AFNIC,
3- Dit que la SNC SUNSHINE devra souscrire à la charte de nommage de l'AFNIC dans ses dispositions non contraires à la règle légale actuelle ;
4- Dit que les frais de transfert seront à la charge de la SNC ;
Y ajoutant :
5- Condamne Monsieur André A... à payer 2500 € à la SNC SUNSHINE au titre de l'article 700 du NCPC ;
6- Déboute la SOCIÉTÉ OVH de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ;
7- Condamne Monsieur André A... aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT