Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 30 JANVIER 2008
No du répertoire général : 06/19296
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Sophie DARBOIS, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée au greffe le 9 novembre 2006 par Maître Aurélie LUBOT, avocat substituant Maître William JULIE, avocat de Madame Dounia Y... divorcée Z..., demeurant chez Madame Samia A..., 12 résidence Auguste Renoir 59494 PETITE FORET ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 19 décembre 2007 à 9 heures 30 ;
Vu l'absence de Madame Dounia Y... ;
Ouï, Maître William JULIE, avocat représentant Madame Dounia Y..., Maître Sandrine B..., avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 19 décembre 2007, le conseil de la requérante ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Madame Dounia Y... (ex épouse Z...), poursuivie pour infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et détention d'armes, a été placée sous mandat de dépôt le 19 mars 2004 et a été mise en liberté sous contrôle judiciaire le 6 juillet 2004 ;
Qu'elle a été relaxée le 11 mai 2006 par le tribunal de grande instance de BOBIGNY ; que cette décision est définitive ;
Qu'elle a ainsi été incarcérée pendant 3 mois et 19 jours ;
Attendu que Madame Dounia Y... sollicite une indemnité globale de 22.310 € - et non pas 24.310 € comme indiqué par erreur dans sa requête - (8.310 € au titre de son préjudice matériel et 14.000 € au titre de son préjudice moral) ainsi qu'une somme de 2.000€ en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor nous demande de limiter à 1.775,06 € la réparation de son préjudice matériel et à 2.500 € celle de son préjudice moral ;
Attendu que la demande de Madame Dounia Y..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;
Que les moyens développés par la requérante, tirés de la nécessité de s'installer dans une autre région chez sa mère et de la perte de chance, pour cette raison, de retrouver un emploi, étant liés à une interdiction de se rendre à STAINS du fait du contrôle judiciaire auquel elle a été astreinte, n'ont donc pas à être pris en considération ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu qu'au vu des pièces communiquées (contrat de travail de vendeuse à domicile indépendante et chèque d'un montant de 906,70 € correspondant à deux mois de commissions), Madame Dounia Y... établit l'existence d'une perte de revenus directement imputable à sa détention provisoire, justifiant qu'il lui soit versé une somme de 3.600 € à ce titre durant les trois mois et demi de détention et durant quatre mois et demi supplémentaires le temps qu'elle puisse retrouver normalement un emploi ;
Qu'étant indemnisée de la perte de revenus dont elle aurait consacré une partie au paiement de ses loyers et charges, Madame Y... ne saurait prétendre obtenir, en outre, une somme destinée à compenser le fait qu'elle est redevable de loyers malgré l'inoccupation de son logement durant sa détention ; qu'en revanche, même si elle avait une dette locative
antérieure à son incarcération, le fait qu'elle ait été détenue au moment de la délivrance du commandement d'avoir à la payer sous peine de voir son contrat de bail résilié de plein droit et qu'elle ait été de ce fait privée de la possibilité d'y réagir est générateur d'un préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 300 € ;
Attendu qu'il ressort de la facture de son avocat que les honoraires demandés par ce dernier à Madame Dounia Y... en rapport avec sa période de détention provisoire se sont élevés à la somme de 3.217,06 € ; qu'il importe peu que le paiement de ces honoraires ait été différé, aucune disposition n'exigeant que la requérante justifie s'être acquittée du paiement des honoraires pour prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice matériel en rapport direct avec son incarcération et dont elle demeure débitrice à l'égard de son conseil ;
Qu'il y a donc lieu de lui verser la somme précitée à ce titre ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Attendu que Madame Dounia Y..., née le 17 décembre 1980, était âgée de 23 ans et mariée lors de sa mise en détention ; qu'elle était en instance de divorce au jour du dépôt de sa requête ;
Que sa mère et son époux n'ont été autorisés à lui rendre visite qu'au bout d'un mois ;
Que son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation et qu'il s'agissait d'une première incarcération ;
Attendu que la détention qu'elle a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 5.000€;
Attendu que l'article 700 du nouveau code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnité due au titre des frais irrépétibles à la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS,
ALLOUONS à Madame Dounia Y... une indemnité de DOUZE MILLE CENT DIX-SEPT EUROS SIX CENTIMES (12.117,06 €) en réparation de son préjudice matériel et moral outre la somme de MILLE EUROS (1.000 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
REJETONS le surplus des prétentions de Madame Dounia Y....
Décision rendue le 30 janvier 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE