Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section C
ARRET DU 7 FEVRIER 2008
(no , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/01279
Décision déférée à la Cour : Sentence arbitrale rendue à Paris le
13 janvier 2006 par le Tribunal arbitral composé de :
- M. Pierre BEZARD, Président, arbitre
- M. Gérard DIMITROFF, arbitre
- M. Français CHABAS, arbitre
APPELANTE
La Société SOCIETE FRANCAISE DE RENTES
ET DE FINANCEMENTS CREDIRENTE
ayant son siège : 56 rue des Acacias
75017 PARIS
agissant en la personne de son gérant
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE,
avoué à la Cour
assistée de Maître Mireille MARCHI,
avocat substituant Maître Jean-François MARCHI,
avocat au barreau de Paris D 1158
INTIMEE
La Société COMPAGNIE GENERALE DE GARANTIE- SA
ayant son siège : 10 Rue Chauchat
75009 PARIS
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES,
avoués à la Cour
assistée de Maître Valérie SPIGUELAIRE,
avocat plaidant pour la SCP REBEYRE DAVID et
associés du barreau de Lyon
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 octobre 2007, puis en continuation
les 29 novembre 2007 et 10 janvier 2008, en audience publique
le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Monsieur MATET, conseiller
Monsieur HASCHER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme B...
ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé en audience publique par Monsieur PÉRIÉ, Président,
- signé par Monsieur PÉRIÉ, Président, et par Mme B...,
greffier présent lors du prononcé.
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La société française de rentes et de financements Crédirente ("Crédirente") a fait appel le 20 janvier 2006 d'une sentence rendue à Paris le 13 janvier 2006 par M.M. Dimitroff, Chabas et Bézard, qui ,
"1 - sur les demandes de F.R.F.
- sur les sommes versées par F.R.F. pour maintenir le service des rentes
Rejette la demande de F.R.F.
- sur le montant des capitaux viagers substitutifs détenus par C.G.G.
Dit et juge que l'argumentation par F.R.F. est sans portée dans le présent litige et non fondée.
- Sur les honoraires de substitution et les vacations décès revendiqués par F.R.F.
Dit et juge que C.G.G. versera à F.R.F. la somme de 37.446, 68 €.
- Sur le manque à gagner de F.R.F.
Rejette la demande de F.R.F.
2 - Sur les demandes de C.G.G.
- Sur les dépôts de garantie dont C.G.G. demande la remise
Dit et juge que F.R.F. remettra les dépôts de garantie qu'elle détient pour un montant de 68.602,05 €
Rejette la demande d'astreinte formée par C.G.G.
Dit et juge que tout nouveau dépôt de garantie sera versé à C.G.G.
- Sur la remise des sommes reçues par F.R.F. de débirentiers contentieux et non
reversées à C.G.G.
Prend acte que F.R.F. ne conteste pas le principe de la demande de C.G.G.
Dit et juge que F.R.F. remettra à C.G.G. la somme de 206.047,12 € déterminée
avec certitude par l'expert.
- Sur la restitution, de la rétrocession/ristourne de 10 % sur commission de garant de C.G.G.
Dit et juge que F.R.F. n'a pas de droit sur les dossiers où C.G.G. n'encaisse pas
sa commission de garant ; qu'en conséquence, F.R.F. doit verser à C.G.G. la somme de 40.726,45€.
- Sur les honoraires de gestion de C.G.G. indûment perçus par F.R.F.
Dit et juge que F.R.F. n'a pas droit à des honoraires de gestion sur les dossiers de débirentiers précontentieux ou contentieux, de débirentiers retrayants pour lesquels F.R.F. n'a pas trouvé de débirentiers de substitution.
Dit et juge en conséquence que F.R.F. doit verser à C.G.G. la somme de 792.024,05 € concernant les montants dus au 31 décembre 2004.
Dit et juge que F.R.F. doit restituer à C.G.G. les honoraires de gestion perçus depuis le 31 décembre 2004.
Dit et juge que F.R.F. prendra toute mesure pour modifier le système informatique que cette société contrôle chez AXA BANQUE pour mettre fin à la perception par elle des honoraires, commissions, notamment rétrocessions sur les dossiers contentieux ou débirentiers pour lesquels F.R.F. n'a pas trouvé de débirentiers de substitution, sommes jugées indues ou injustifiées par la présente sentence, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard et par dossier, astreinte commençant à courir 3 semaines après la notification de la présente sentence.
- Sur les dommages- intérêts concernant des dossiers mis en place par F.R.F.
Sans autorisation préalable de C.G.G.
Dit et juge que F.R.F. versera à C.G.G. la somme de 3.048,98 € pour le dossier BRUNER,
Rejette la demande de C.G.G. pour le dossier OSSOLA.
- Sur les dommages-intérêts pour les fautes commises par F.R.F.
Dit et juge que F.R.F. versera à ce titre à C.G.G. la somme de 100.000 €.
- Sur les frais de procédure et d'arbitrage
Dit et juge que les parties gardent à leur charge les frais et honoraires de procédure, de conseils, et ceux relevant de l'article 700 du NCPC.
Dit et juge que les honoraires des arbitres sont répartis pour les deux tiers à la
charge de F.R.F. et pour un tiers à la charge de C.G.G.
- Sur les honoraires de l'expert
Dit et juge que les honoraires de l'expert seront répartis pour moitié entre
les parties.
Dit et juge que F.R.F. doit rembourser à C.G.G. les sommes de 23.920 € T.T.C.
et 53 830 € T.T.C. que cette société a versées à sa place pour que l'expertise, demandée par les deux parties, puisse se poursuivre.
- Sur l'exécution provisoire de la sentence
Dit et juge que la sentence est assortie de l'exécution provisoire.
Rejette toutes les autres demandes présentées par F.R.F. et C.G.G".
La société Créditrente demande à titre principal d'annuler la sentence pour non respect de leur mission par les arbitres, non respect du délai de l'arbitrage, manque d'indépendance de l'un des arbitres, M. Dimitroff et partialité du collège arbitral. Subsidiairement, la société Crédirente conclut à l'infirmation de la sentence et demande à Cour de statuer au fond. La société Crédirente demande enfin de condamner la Compagnie générale de garantie à lui verser la somme de 70.000 € sur la base de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens;
La Compagnie générale de garantie ("C.G.G.") conclut au rejet des demandes de la société Crédirente, et également au fond, au soutien de son appel incident au titre duquel elle demande la réformation de la sentence. Elle demande enfin de condamner la société Crédirente aux dépens et à lui verser une somme de 70.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'affaire est d'abord venue à l'audience le 30 octobre 2007 puis a été renvoyée à plaider en continuation des débats au jeudi 29 novembre 2007, puis au 10 janvier 2008. La C.G.G. a demandé la révocation de la clôture.
SUR CE LA COUR :
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Sur la révocation de la clôture :
Considérant que la C.G.G. ne faisant état d'aucune cause grave de révocation, sa demande est rejetée ;
Sur l'annulation de la sentence :
Considérant que la société Crédirente soutient d'abord que l'arbitre désigné par la C.G.G., M. Dimitroff, directeur des affaires juridiques de la société C.G.U Courtage, une société du groupe GAN auquel appartient également la C.G.G., se trouvait dans une situation de conflits d'intérêts qui aurait dû l'empêcher de siéger et de rendre la sentence;
Mais considérant que la règle de l'estoppel fait obstacle à ce que la société Crédirente, qui après s'être interrogée sur l'indépendance de M. Dimitroff dans un courrier adressé aux arbitres le 18 octobre 2004 où elle dit que "l'arbitre M. Gérard Dimitroff étant directeur juridique de la C.G.U. liée organiquement avec la C.G.G. le jour de sa nomination, puisse être considéré comme partie au conflit", n'a introduit une requête en recusation devant le juge d'appui que fin décembre 2005, irrecevable d'ailleurs puisque la sentence finale était déjà rendue au moment où l'affaire est venue à l'audience, qu'elle ne peut donc soulever ce moyen pour attaquer la sentence ;
Considérant que la société Crédirente soutient également que les dispositions de la sentence sont la marque de la partialité manifestée par les arbitres à son détriment, et relève sept illustrations qui le démontrerait :
- l'exécution provisoire assortissant la sentence et qui porte sur un montant de
1.210.448,05 € n'est étayée par une quelconque démonstration de son éventuelle
justification et de son bien fondé,
- les moyens qu'elle a soulevés n'ont pas été intégralement examinés par les
arbitres,
- la sentence a été rendue le 13 janvier 2006, de manière à rendre sans objet la
procédure de récusation introduite à l'encontre de M. Dimitroff devant le juge
d'appui,
- la question des délais de l'arbitrage a été volontairement et artificiellement éludée par le tribunal arbitral grâce à l'aide apportée par la C.G.G.,
- la procédure d'arbitrage a engendré des frais constants,
- le tribunal arbitral a décidé unilatéralement de ne retenir que la note rédigée par l'un de ses conseils dans le cadre d'une médiation qui n'a pas abouti entr les
parties pour déterminer ses demandes,
- le tribunal arbitral a enfin prononcé à son encontre une astreinte que la société
Crédirente évalue pratiquement à une somme journalière de 20.000 € ;
Mais considérant que si l'impartialité est une notion subjective à laquelle des atteintes peuvent transparaître dans la sentence, celles-ci ne sauraient en particulier se confondre avec des motifs qui donnent tout à une partie, que la société Crédirente ne fait ainsi aucune démonstration de la partialité du collège arbitral ;
Considérant que la société Crédirente soutient encore que le tribunal arbitral n'a ni suivi ni épuisé sa mission car il n'a examiné qu'un des mémoires sur les quatre, qu'elle a déposé devant les arbitres, mais que le tribunal arbitral pouvant toujours être saisi d'une omission de statuer, à supposer le grief de la société Crédirente fondé, il ne pourrait mener
à l'annulation de la sentence, pas plus que la décision des arbitres de retenir le mémoire de la société Crédirente où celle-ci exposait, à la différence de ses autres écritures, des demandes précises ;
Considérant que la société Crédirente soutient enfin que les délais d'arbitrage se trouvaient expirés depuis le 17 mai 2005 et n'avaient pas fait, avant cette date, l'objet d'une nouvelle prorogation régulière ; que la règle de l'estoppel, une nouvelle fois, rend la société Crédirente irrecevable à soutenir l'expiration du délai alors que les parties ont donné leur accord pour que la mission du tribunal arbitral soit prorogée d'une durée de neuf mois à partir du 24 mai 2005 ainsi que le relève l'ordonnance du juge d'appui rendue le 3 novembre 2005 ;
Sur la réformation de la sentence :
Considérant que lorsque les parties n'ont pas renoncé à l'appel contre une sentence arbitrale comme dans le cas de la clause d'arbitrage des conventions entre le C.G.G. et la société Crédirente, la voie de l'appel est seule ouverte, qu'elle tende à la réformation de la sentence arbitrale ou à son annulation, et que l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit;
Sur les demandes de la société Crédirente :
Considérant que la société Crédirente demande d'abord à être déchargée de toutes les condamnations mises à sa charge par les arbitres sur le sort des dépôts de garantie versés par le débirentier, les encaissements reçus sur les recours contentieux, les honoraires de gestion, les commissions de ristourne, les dommages intérêts relatifs au sort des dossiers mis en place sans l'accord préalable de la société C.G.G, les dommages intérêts pour les fautes qu'elle aurait commises ;
Considérant que, pour des motifs fondés et pertinents que la cour adopte, le tribunal arbitral, qui s'est appuyé notamment sur le rapport d'expertise dont les conclusions ne sont pas sérieusement remise en cause, a :
- en considération du montant forfaitaire compris entre 400.000 et 500.000 F d'après l'expert, tenu compte des dépenses effectuées par la société Crédirente pour fixer à 68.620,06 € (450.000 F) le montant représentant les dépôts de garantie à remettre à la société C.G.G.,
- fixé à la somme de 206.047,12 € (1.351.580,55 F) déterminée avec certitude
par l'expert, les montants reçus par la société Crédirente de débirentiers contentieux et non reversés à la société C.G.G. ;
- dit que la société Crédirente verse la somme de 40.726,45 € perçus à titre de rétrocession ou ristourne sur les dossiers de débirentiers défaillants en application de la convention du 6 septembre 1988, qu'il ne peut y avoir de rétrocession que s'il y a eu effectivement apports et sommes encaissées,
- fixé, compte tenu des éléments de l'expertise, au 31 décembre 2004, à la somme de 792.024,05 € le montant des honoraires de gestion que la société C.G.G. n'a pas à couvrir concernant les débirentiers contentieux ou retrayants pour lesquels la société Crédirente n'a pas trouvé de débirentiers de substitution, ceci en estimant que c'est à bon droit que la société C.G.G. soutient qu'en tant que caution solidaire tenue d'une obligation accessoire, elle est fondée à opposer à la société Crédirente les contestations liées à ses rapports contractuels avec celle-ci et aussi par application de l'article 2036 du code civil, les exceptions inhérentes à la dette, en l'espèce les honoraires de gestion,
- ordonné une astreinte de 200 € par jour de retard et par dossier pour modifier le système informatique contrôlé par la société Crédirente pour éviter la perception d'honoraires de gestion sur les dossiers contentieux que la sentence a dit indus ou injustifiés,
- condamné la société Crédirente à payer la somme de 3.048,98 € à titre de dommages intérêts pour le dossier du client Bruner sans que la consultation contractuellement prévue de la société C.G.G. pour lui permettre de refuser éventuellement son cautionnement ait été effectuée, le tribunal se référant à cet
égard à l'enquête minutieuse effectuée par l'expert,
- condamné la société Crédirente à payer une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect par celle-ci des stipulations contractuelles, obstacle à l'établissement des comptes entre les parties et tenue d'une comptabilité incomplète et irrégulière selon l'expertise,
Considérant que la société Crédirente demande ensuite que la cour lui alloue l'intégralité de ses demandes, le paiement des sommes qu'elle avait versées pour maintenir le service des rentes au niveau prévu par le contrat initial, des honoraires de substitution
et des vacations décès qui auraient dû lui être attribués, le sort des capitaux viagers substitutifs, la réparation de son manque à gagner ;
Considérant que par des motifs également fondés et pertinents que la cour adopte, le tribunal arbitral, prenant en compte les conclusions claires et incontestables du rapport d'expertise, en l'absence de preuve contraire, a :
- rejeté la demande de la société Crédirente concernant le remboursement des
sommes qu'elle avait versées pour maintenir le service des rentes au niveau prévu par le contrat initial, qui sur le fond, représentait une initiative unilatérale de la société Crédirente et qui, d'après l'expert ne faisait l'objet d'aucun justificatif à l'appui des sommes réclamées à la société C.G.G.,
- dit sans portée et non fondée l'argumentation présentée par la société Crédirente sur le montant des capitaux viagers substitutifs détenus par la société
C.G.G., aucun élément du rapport d'expertise n'allant dans le sens soutenu,
- rejeté la demande de manque à gagner présentée par la société Crédirente dans la mesure où la société C.G.G. ne pouvait être tenue pour responsable de la défaillance de la société Crédirente dans sa mission de retrouver un débirentier
de substitution qui reprenne le service de la rente en cas de résiliation par un débirentier,
Sur les demandes de la société C.G.G. :
Considérant que la société C.G.G., demande d'infirmer la sentence en ce qu'elle a limité le montant des dépôts de garantie à la somme de 68.602,05 € et d'ordonner à la société Crédirente de lui remettre l'ensemble des dépôts de garantie pour un montant qui ne saurait être inférieur à 150.000, 10 € sous astreinte de 1.000 € par jour de retard et par dossier passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à venir, de porter à un montant de 290.158,58 € le montant de la condamnation à la charge de la société Crédirente concernant les sommes qu'elle a perçues de débirentiers contentieux et qu'elle n'a pas reversées, de condamner la société Crédirente à lui verser une somme de 7.467,41€ pour le dossier du client Bruner et de 187.146,34 € pour le dossier du client Ossola, de porter à 500.000 € le montant de la condamnation mise à la charge de la société Crédirente au titre des dommages et intérêts en réparation des fautes qu'elle a commises, d'infirmer la sentence l'ayant condamnée à payer à la société Crédirente une somme de 37.446,68 € au titre de frais de justice ;
Mais considérant que la société C.G.G, au soutien de ses demandes, ne produit aucun élément permettant de remettre en cause les conclusions des arbitres, dont on a vu précédemment qu'elles étaient claires, pertinentes et fondées, s'appuyant sur les résultats incontestables de l'expertise ;
Qu'il n'y a pas non plus lieu de remettre en cause les décisions des arbitres sur la répartition des frais de procédure et d'arbitrage ou sur les honoraires et frais d'expertise;
Que la sentence est confirmée dans son intégralité, et le surplus des demandes rejetées, notamment l'astreinte ;
Sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que les dépens sont laissés à la charge de chaque partie et que leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile sont repoussées ;
PAR CES MOTIFS :
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Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
Confirme la sentence arbitrale rendue le 13 janvier 2006 par M.M. Dimitroff, Chabas et Bézard,
Rejette toute autre demande des parties ;
Dit que les dépens seront laissés à la charge de chaque partie.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
R. B... J.F. PERIE