RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 11 Mars 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 08864
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2005 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU RG no 04 / 00987
APPELANTE
S. A. COMPAGNIE GÉNÉRALE DE GÉOPHYSIQUE (CGG)
1 rue Léon Migaux
91300 MASSY
représentée par Me Catherine BRUN- LORENZI (Cabinet DS AVOCATS), avocat au barreau de PARIS, toque : T 0700 substitué par Me Véronique DAGAN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ
Monsieur Thierry Y...
...
35360 MEDREAC
représenté par Me Bernard DUMONTEIL (Cabinet DUMONTEIL et MAZUR), avocat au barreau de PARIS, toque : K 158, substitué par Me Christine CHEVAL, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 Février 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.
Monsieur Thierry Y..., engagé par la Compagnie Générale de Géophysique
(ci- après CGG) à compter du 14 janvier 1991 en qualité de Prospecteur Technicien Observeur, a été licencié par lettre du 31 décembre 2003 dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique :
" L'entreprise CGG connaît des difficultés économiques dans un secteur actuellement fortement concurrentiel.
En particulier, le secteur de l'activité sismique terrestre fait peser une charge importante sur les résultats de l'entreprise et cela depuis 4 années. Combinés avec la situation du marché sismique terrestre mondial, particulièrement atomisé et fortement concurrentiel, la situation de l'activité Terrestre au sein de CGG est préoccupante.
Sur la période 1999 à 2003, les pertes cumulées de la SBU Terrestre auront pesé pour environ 90 M € sur les résultats de la CGG, aussi bien en termes de résultats opérationnels qu'en terme de trésorerie.
Pour préserver sa compétitivité, CGG est donc contrainte de procéder à une restructuration qui conduit à réduire drastiquement les coûts de structure en adaptant le nombre de postes occupés, tant au sein de la SBU Terrestre qu'au sein des services supports associés, au regard de la baisse d'activité. En conséquence, votre poste (...) est supprimé... Malgré nos efforts de recherche à cet égard, nous sommes par ailleurs dans l'impossibilité de vous proposer un poste de reclassement correspondant à votre profil, tant à CGG SA, que dans les autres entités du Groupe CGG... "
Par jugement du 20 juin 2005 le conseil de prud'hommes de Longjumeau a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la société CGG à lui payer une somme de 75 000 € " à titre de dommages et intérêts " pour réparer le préjudice né de l'absence de rémunération d'heures supplémentaires.
La société CGG en a relevé appel.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 5 février 2008.
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L'activité d'acquisition des données sismiques de la société CGG comprend le département Terrestre pour lequel sont envoyées en mission à l'étranger des équipes comprenant des salariés permanents, les prospecteurs, et du personnel recruté localement. M. Y... était affecté à ce secteur. Les premiers juges ont considéré que la loi française était applicable au contrat de travail de M. Y... et cette disposition n'est pas discutée en appel.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement qui énonce des résultats chiffrés pour caractériser des pertes dans le secteur de l'activité Terrestre qui concernait le poste de M. Y... et qui fournit l'information relative au devenir de son emploi, répond aux exigences légales de motivation.
Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte de résultat consolidé des exercices 2003 et 2004, du procès- verbal du comité d'entreprise de septembre 2003, du rapport confié par le comité d'entreprise au cabinet SECAFI ALPHA dont l'activité est celle d'expertise comptable, d'analyse financière diagnostic stratégique ainsi que des prévisions d'activité et de résultat de la société pour 2004, que si le chiffre d'affaires total du groupe CGG connaissait pour le troisième trimestre 2004 une hausse de 23 % en € par rapport au troisième trimestre 2003, le résultat net était déficitaire pour ces mêmes trimestres : 25, 5 millions d'€ en 2003 et 3, 2 millions d'€ en 2004, que depuis 1999 le segment Terrestre et des supports associés accumule les déficits (cumuls 81 M € sur 5 exercices), que ces mauvaises performances sont dues à une industrie sismique en crise conduisant à une forte baisse des appels d'offre et à une diminution de moitié des équipes en activité entre 1999 et fin 2002 se prolongeant en 2003 en premier lieu pour le segment Terrestre, qu'enfin une concurrence accrue pèse sur les prix et que le compte prévisionnel 2004 retenait un chiffre d'affaires (168 M €) en très forte diminution par rapport à celui de 2003 et un résultat d'exploitation toujours en perte accrue par rapport à 2003. Cette situation conduisait la société CGG à effectuer un plan de redressement pour juguler les pertes en réorganisant notamment le secteur Terrestre dont la structure était trop lourde en ne couvrant que 60 % de ses charges fixes.
Il se déduit de ces éléments que la société CGG connaissait bien une nécessité de réorganiser le secteur Terrestre pour sauvegarder sa compétitivité.
La société mettait en oeuvre une procédure de licenciement économique collectif conduisant notamment à la suppression de 96 salariés France (250 salariés au niveau du groupe) en ce compris les 58 postes prospecteurs dont les postes de 12 chefs Topographes sur 20 comprenant celui qu'occupait M. Y.... Cette suppression était effective même s'il n'est pas contesté que des entreprises partenaires de la société CGG basées à l'étranger ont démarché des prospecteurs licenciés pour des missions en Asie, cette poursuite du développement de partenariats étant une option pour assurer le devenir de la division terrestre. Les autres arguments formulés par M. Y..., qui n'a pas été remplacé à son poste, ne sont pas opérants eu égard à la suppression de son poste. La suppression de contrats France alors qu'étaient maintenus ou embauchés des topographes sur des contrats " Genève " pouvaient être un choix stratégique parmi les mesures de réorganisation.
M. Y... a adhéré au congé de reclassement rémunéré de 6 mois proposé par le plan de sauvegarde de l'emploi et a retrouvé un emploi dés le 15 juillet 2004 avec l'aide de l'antenne- emploi.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement de M. Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse, étant précisé que les données économiques ci- dessus rappelées ne sont remises en cause ni par les indications données par le site Boursorama qui indique une augmentation du chiffre d'affaires du groupe ni par la vente par la société CGG de son matériel de prospection pétrolière.
Le jugement est donc confirmé sur ce point.
Sur la priorité de réembauchage et sur les critères d'ordre des licenciements (90 000 €)
M. Y... soutient que l'employeur a violé la priorité de réembauchage en s'abstenant de lui proposer les postes d'observeur marine publiés sur le site internet ainsi que les postes de plusieurs topographes embauchés par la filiale CGGI en contrats Genève. Il fait également valoir que la société CGG n'a pas répondu à sa demande relative aux critères d'ordre des licenciement retenus et n'établit pas les avoir respectés.
Mais s'agissant de la priorité de réembauchage, il n'est pas établi qu'au sein de la société CGG, qui constitue le périmètre d'application de son obligation, il existait des postes disponibles correspondant aux qualifications de M. Y... dans l'année du licenciement. Par ailleurs, celui- ci avait connaissance des postes d'Observeur marine pour lesquels il s'était porté candidat. Il s'en déduit qu'il n'est pas établi que la société a violé son obligation relative à la priorité de réembauchage.
D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que les critères de licenciement ont été approuvés par le Comité d'entreprise dans la mesure où les critères professionnels et sociaux " étaient rééquilibrés à 50-50 " la société CGG n'apporte aucun élément permettant d'apprécier objectivement le choix opéré parmi les salariés selon les critères définis pour déterminer l'ordre des licenciements. Il s'ensuit que cette circonstance crée nécessairement un préjudice à M. Y... ouvrant droit à réparation. La cour fixe à 20 000 € le montant de cette réparation.
Sur les heures supplémentaires
Selon l'article L 215-5 du code du travail l'employeur a la " possibilité de remplacer tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations y afférentes par un repos équivalent par accord d'entreprise "
La convention d'entreprise intervenue au sein de la CGG encadre très précisément " les conditions particulières applicables aux prospecteurs " et notamment il est prévu au chapitre de l'organisation du travail en mission :
2-1 La période de travail est normalement fixée à 8 semaines sans pouvoir dépasser 12 semaines consécutives.
2-2 Le calendrier de rotation sera établi de sorte que le Prospecteur puisse bénéficier en moyenne d'un jour de repos (incluant récupération et congés) pour deux jours d'affectation (hors Europe)...
2-3 Le temps de travail en mission comprend les déplacements (base / terrain) et les réunions de service.
Compte tenu de la spécificité des opérations, de leur extra- territorialité et des usages de la profession, les parties signataires reconnaissent l'intérêt de préserver la souplesse qui doit accompagner l'organisation du travail en mission.
Cependant lorsque les conditions de travail ne peuvent plus être considérées comme normales, notamment en raison du temps de travail effectif moyen supérieur à 12 heures par jour pendant un mois donné (hors périodes particulières de démarrage des missions), il appartient à l'encadrement de la mission de mettre en oeuvre les moyens appropriés permettant de revenir à une situation acceptable par tous.
3-1 le rythme d'acquisition des récupérations est adapté en fonction des conditions de travail des différents types de mission :
-0, 30 jour calendaire pour un jour de travail en mission ne travaillant pas le week- end à condition que la durée totale de la mission soit au moins égale à 21 jours consécutifs
-0, 40 jour calendaire pour un jour de travail en mission travaillant 7 jours sur 7 ;
-0, 56 jour calendaire pour un jour de travail en haute mer....
3-3 Rémunération et récupérations Pendant la durée de ses récupérations, le Prospecteur perçoit ses appointements fixes et la prime d'affectation correspondant aux périodes ayant ouvert les droits à récupération. "
Au titre de la rémunération, l'article 24 stipule : " La Direction fixe pour chaque Prospecteur ou Sédentaire, au moment de son embauche, des appointements mensuels de base forfaitaires ou correspondant à un horaire déterminé, en fonction de son classement.
En raison de leurs conditions particulières de travail, les Prospecteurs reçoivent des appointements mensuels de base forfaitaires... "
Ainsi l'activité des prospecteurs donne lieu à une comptabilisation précise des jours travaillés et à l'attribution d'un nombre de jours de repos et de récupération. Les bulletins de salaire qui mentionnent " Horaire : FORFAIT " se réfèrent tous à la convention d'entreprise.
Chaque jour de travail donne lieu à récupération quelque soit le nombre d'heures travaillées, la journée normale atteindre jusqu'à 12 heures.
M. Y..., non cadre, sans horaire déterminé, n'a jamais perçu un paiement pour des heures supplémentaires mais a bénéficié des jours de récupération. Pour réclamer le paiement d'heures supplémentaires, M. Y... produit un calcul en prétendant, de manière globale et indifférenciée, avoir travaillé pendant 5 ans 12 heures par jour, pendant les 20, 21, 23 ou 29 semaines travaillées suivant les années. Mais il ne fait en aucune façon référence au nombre de jours de récupération dont il a bénéficié dans les conditions de la convention d'entreprise de sorte que sa demande tendant à faire constater, par expertise s'il y a lieu, qu'il n'a pas été rempli de ses droits en matière d'heures supplémentaires alors qu'il relevait d'un dispositif précis de récupération, n'est pas étayée.
Il n'est donc pas fait droit à sa demande et le jugement est réformé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement,
DEBOUTE M. Y... de ses demandes relatives à des heures supplémentaires,
CONDAMNE la société CGG à payer à M. Y... une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements,
MET les dépens à la charge de la société CGG,
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE