Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 12 MARS 2008
No du répertoire général : 07/00652
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Martine PROVOST-LOPIN, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 23 janvier 2007 par Maître Frédéric TROVATO, avocat représentant Monsieur Jean-Michel Y..., demeurant chez Madame Sandra Z..., ... LES ROSES ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 13 février 2008 à 9 heures 30 ;
Vu l'absence de Monsieur Jean-Michel Y... ;
Ouï, Maître Frédéric TROVATO, avocat représentant Monsieur Jean-Michel Y..., Maître Gauthier A..., avocat plaidant pour la SCP NORMAND ET ASSOCIES, avocats associés représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 13 février 2008, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Monsieur Jean-Michel Y..., mis en examen des chefs de vol en bande organisée, recel de vol commis en bande organisée, mise en circulation d'un véhicule faussement immatriculé, association de malfaiteurs en vue de préparer et commettre le crime de vol en bande organisée et recel de vol en bande organisée a fait l'objet d'une ordonnance d'incarcération provisoire et d'un mandat de dépôt à durée déterminée puis d'une ordonnance de mise en détention provisoire et d'un mandat de dépôt en date du 7 juillet 2004 ;
Que par ordonnance du 22 juin 2006, il a bénéficié d'un non-lieu partiel et a été renvoyé des chefs de vol avec violence ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à 8 jours et de participation à un groupent formé ou une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs délits punis de 10 ans d'emprisonnement devant le tribunal correctionnel de Créteil qui, par jugement définitif du 21 septembre 2006, l'a relaxé des fins de la poursuite ;
Que la période pouvant donner lieu à réparation est celle du 2 juillet 2004 au 27 octobre 2004 (date du mandat de dépôt délivré à cette date en exécution d'une peine de 6 ans prononcée par arrêt de la cour d'assisses des Hauts de Seine) soit durant trois mois et 26 jours ;
Que le requérant sollicite en indemnisation de cette détention injustifiée les sommes suivantes :
- 2.500 € en réparation du préjudice matériel,
- 20.000 € en réparation du préjudice moral,
- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au débouté de la demande de Monsieur Y... au titre des frais d'avocat et demande de voir ramener à de plus justes proportions sa demande au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder 4.000 € ;
Attendu que Madame l'avocat général conclut au rejet, en l'état du préjudice économique et à réparation du préjudice moral et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la demande, déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;
Sur la réparation du préjudice matériel :
Attendu que la somme de 2.500 € que revendique le requérant correspond à deux factures d'honoraires de son conseil, l'une en date du 3 août 2005 de 1.000 € TTC au titre de "l'assistance et l'intervention dans le cadre de l'instruction préparatoire ouverte au TGI de Créteil" et l'autre en date du 2 novembre 2006 de 1.500 € TTC au titre de "l'assistance devant la 10ème chambre du tribunal correctionnel de Créteil dans le cadre de l'audience du 21 septembre 2006 - préparation du dossier avec rédaction de conclusions écrites de relaxe et plaidoirie" ;
Qu'il n'est nullement établi, comme en témoigne leur intitulé, que ces factures justifient des diligences de l'avocat directement liées à la mise en liberté du demandeur ; que dès lors, la demande doit être rejetée ;
Sur la réparation du préjudice moral :
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est, notamment, fonction de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention déjà effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Attendu que Monsieur Jean-Michel Y... demande à ce titre la somme de 20.000€ ; qu'il indique que du fait de son incarcération, qu'il n'a pas pu assister à la naissance de son troisième enfant le 22 octobre 2004, qu'il s'est présenté détenu dans l'affaire jugée devant la cour d'assises de Nanterre, il n'a pas pu bénéficier plus tôt d'une mesure de libération conditionnelle, invoquant une perte de chance d'aménagement de sa peine et enfin qu'il n'a pu obtenir un transfert vers un centre de détention pour purger sa peine ;
Attendu que le demandeur était, lors de sa mise en détention, âgé de 36 ans, vivait en concubinage avec Madame Z... avec laquelle il a eu trois enfants dont le dernier est effectivement né le 22 octobre 2004 ; qu'il n'a donc pu assister à la naissance de son troisième enfant et être présent auprès de sa compagne ;
Que du fait de cette détention injustifiée, le requérant n'a effectivement pu être transféré avant le 21 septembre 2006 vers un centre de détention pour exécuter la peine prononcée par la cour d'assises des Hauts de Seine ;
Que par ailleurs, la requête en libération conditionnelle qu'il avait déposée devant le juge de l'application des peines de Créteil le 27 juillet 2005 a été déclarée irrecevable du fait qu'il était détenu provisoire et en cours d'exécution de peine ; que ce n'est que postérieurement au jugement de relaxe du 21 septembre 2006, qu'il a été libéré conditionnel à compter du 4 décembre 2006 ; qu'ainsi, du fait de son incarcération, le requérant a perdu une chance de voir aménager sa peine en raison de sa situation pénale ;
Qu'enfin, il a subi un choc carcéral alors même qu'il avait antérieurement fait l'objet de plusieurs incarcérations en 1990, 1993, 1995 et 1998 ;
Que dès lors, en considération de ces éléments et de la durée de la détention subie, il convient d'allouer à Monsieur Jean-Michel Y... la somme de 12.000 € en réparation du préjudice moral toutes causes confondues ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à ce dernier la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la présente procédure ;
PAR CES MOTIFS
ALLOUONS à Monsieur Jean-Michel Y..., les sommes de 12.000 € au titre du préjudice moral et de 500 € au titre des frais irrépétibles ;
REJETONS la demande en réparation du préjudice matériel ;
DISONS que les dépens de la présente instance resteront à la charge du trésor public ;
Décision rendue le 12 mars 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE