Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
24ème Chambre-Section C
ARRET DU 20 MARS 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 03 / 08255
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 5 Février 2003 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de CRETEIL- 6ème Chambre / Cabinet D
RG no 2000 / 09774
APPELANT
Monsieur Alain X...
Né le 15 octobre 1944 à Nogent sur Marne (Val de Marne)
demeurant ...1044 BRUXELLES-Belgique-
représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assisté de Me Lucien FELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D 467
INTIMÉE
Madame Mireille Y... épouse X...
Née le 14 août 1943 à La Houssaye en Brie (Seine et Marne)
demeurant ...94440 SANTENY
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe VOLKRINGER, de la Selarl Avocats et Conseils, avocat au barreau de MELUN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2008, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, en présence des parties, devant Marie-Laure ROBINEAU, présidente chargée du rapport et Claire MONTPIED, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Laure ROBINEAU, présidente
Claire MONTPIED, conseillère
Annick FELTZ, conseillère
Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé en audience publique par Marie-Laure ROBINEAU, présidente.
- signé par Marie-Laure ROBINEAU, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière présente lors du prononcé.
***
LA COUR,
M. Alain X..., né le 15 octobre 1944 à Nogent sur Marne (94), et Mme Mireille Y..., née le 14 août 1943 à La Houssaye en Brie (77), se sont mariés le 24 octobre 1964 devant l'officier d'état civil de Nogent sur Marne, sans contrat préalable. Ils ont adopté le régime de la séparation de biens en 1976.
De leur union, sont nés trois enfants, Nathalie, le 17 septembre 1965, Sylvie, le 10 novembre 1967 et Patricia, le 25 mars 1972, décédée en 1984.
Par jugement contradictoire dont appel, rendu le 5 février 2003, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Créteil a :
- prononcé aux torts du mari la séparation de corps des époux avec toutes les conséquences légales,
- dit qu'à titre de pension alimentaire mensuelle, M. Alain X...sera tenu de payer à Mme Mireille Y...la somme de 7. 622, 45 euros,
- dit que cette somme sera indexée,
- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par Mme Mireille Y...,
- condamné M. Alain X...à payer à Mme Mireille Y...la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de M. Alain X....
Par arrêt du 16 septembre 2004, devenu définitif, la cour d'appel de Paris a :
- déclaré l'appel recevable,
- infirmé le jugement et statuant à nouveau,
- prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés, avec toutes les conséquences légales,
- autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom du mari,
- dit que Mme Mireille Y...a droit au paiement d'une prestation compensatoire,
- avant dire droit sur son montant,
- désigné Maître Couzigou Suhas, notaire pour établir un projet de règlement des prestations et pensions après divorce et dresser un projet de liquidation du régime matrimonial des époux,
- ordonné également une expertise comptable et commis pour y procéder M. Alain Z..., avec mission de rechercher la consistance du patrimoine des époux,
- fixé à la somme mensuelle de 5. 000 euros la provision due par M. Alain X...à Mme Mireille Y...sur la prestation compensatoire,
- condamné M. Alain X...à payer à Mme Mireille Y...la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés,
- réservé les dépens à venir.
Par ordonnance en date du 24 mai 2007, le conseiller de la mise en état a débouté M. Alain X...de sa demande de diminution de la provision due au titre de la prestation compensatoire devant revenir à Mme Mireille Y...et l'a condamné aux dépens de l'incident ainsi qu'au paiement d'une somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières écritures, auxquelles la cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, en date des 31 janvier 2008 pour M. Alain X..., et 28 janvier 2008 pour Mme Mireille Y..., intimée, qui demandent de :
* M. Alain X...:
- le dire recevable et bien fondé en ses demandes,
- faire injonction à Mme Mireille Y...de communiquer les documents relatifs aux financements des acquisitions et construction de Corse, Santeny et parcelles, tels que crédit, versement en capital, factures, permis de construire, devis et relevés de compte,
à titre principal
-ordonner une contre-expertise aux fins de :
- déterminer les modalités de financement des acquisitions et construction des propriétés de Santeny et de Corse,
- déterminer la créance de M. Alain X...sur son épouse,
- évaluer la valeur du patrimoine immobilier de Mme Mireille Y...,
à titre subsidiaire
-ordonner un complément d'expertise aux fins :
- déterminer les modalités de financement des acquisitions et construction des propriétés de Santeny et de Corse,
- déterminer la créance de M. Alain X...sur son épouse,
- évaluer la valeur du patrimoine immobilier de Mme Mireille Y...,
à titre infiniment subsidiaire
-débouter Mme Mireille Y...de l'ensemble de ses demandes,
- prendre acte de ce qu'il propose à son épouse de conserver la propriété de Santeny sans fixer de créance à son profit à charge pour elle de lui laisser la maison de Corse en contrepartie de l'ensemble des créances outre une somme de 500. 000 euros sur la vente des deux parcelles de Santeny,
- ordonner la restitution par Mme Mireille Y...à son époux des meubles, objets et effets personnels lui appartenant en propre,
- la condamner au paiement de la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens ;
* Mme Mireille Y...:
- déclarer M. Alain X...recevable mais mal fondé en son appel, l'en débouter,
- le condamner à lui verser une somme de 1. 981. 000 euros à titre de prestation compensatoire,
- constater qu'il ne justifie aucunement du financement qu'il prétend avoir apporté aux acquisitions et constructions des immeubles de Santeny et de Porte Vecchio appartenant en propre à Mme Mireille Y...,
- dire, en tout état de cause, qu'à supposer qu'il justifie d'avoir procédé à une partie du financement des biens en question, ce financement constituerait une donation rémunératoire à son profit,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à lui verser une somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2008 ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
Considérant que la question de la prestation compensatoire, seule en litige, est soumise aux dispositions légales antérieures à la loi du 26 mai 2004 ; que la cour a déjà statué sur le droit de Mme Mireille Y...au paiement d'une prestation compensatoire ; que le montant de la demande, soit 1. 981. 000 euros, est égal à la capitalisation de la pension alimentaire que l'épouse avait obtenue en première instance ; que l'époux offrait une rente viagère mensuelle de 1. 500 euros, soit une somme capitalisée de 272. 754 euros ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant qu'il sera seulement rappelé que le mariage a duré 40 ans ; que, lors du prononcé du divorce, les époux étaient âgés, le mari, de 60 ans et, l'épouse, de 61 ans ; qu'ils ont fourni leur déclaration sur l'honneur ; que Mme Mireille Y..., institutrice, a cessé toute activité professionnelle en 1976 pour élever les enfants, dont notamment Patricia décédée en 1984 ; qu'à l'exception de revenus tirés de sa qualité de responsable d'aumônerie, inférieurs à 300 euros par mois et provisoire, Mme Mireille Y...ne perçoit qu'une retraite de 230 euros par mois ; que M. Alain X..., dirigeant de société, est à la retraite depuis 2006 ; qu'il perçoit environ 3. 500 euros par mois de la caisse nationale d'assurance vieillesse et de caisses complémentaires ; qu'il a déclaré aux services fiscaux français au titre de ses revenus, en 2001, 147. 051 euros et, en 2002, 128. 276 euros ; qu'en 2003, l'expert dit qu'il a déclaré 66. 010 euros de revenus fonciers et fait mention de revenus imposables en Belgique de 39. 606 euros ; que ses avis d'imposition pour les années 1965 à 1988 permettent de constater que jusqu'en 1968, les revenus de l'épouse étaient plus ou moins de la moitié de ceux du mari, imprimeur, qu'en1969 et 1970 ils ont été équivalents, en 1971à nouveau d'une petite moitié et, à partir de 1972, du tiers, puis du cinquième, du dixième et du trente deuxième, en 1976, de ceux du mari qui, en 1988, a déclaré 1. 276. 572 francs ; que ces déclarations sont, en revanche, sans intérêt pour déterminer le montant exact des revenus de M. Alain X...en France et à l'étranger en 2003 et 2004 ; que les pièces qui permettraient d'évaluer avec précision, à cette époque, le montant de ses revenus ne sont pas produites ; qu'en toute hypothèse, la disparité de la situation en revenus des anciens époux est fort importante ;
Considérant que les époux, mariés sous le régime de la communauté, ont acquis un appartement à Créteil et un petit terrain en Seine et Marne ; que, lors de la création de la société " Roto France Impression ", les époux ont adopté, avec effet au 16 février 1976, le régime matrimonial de la séparation de biens ; que les biens immobiliers ont été attribués à Mme Mireille Y...lors des opérations de comptes, liquidation et partage le 12 septembre 1978 ; que le terrain situé à Santeny, Val de Marne, sur lequel a été édifié le domicile conjugal, a été acheté, au seul nom de l'épouse, en 1976 pour la somme de 170. 000 francs ; que l'appartement de Créteil a, ensuite, été vendu ; que l'épouse produit différentes factures de travaux à son nom ; qu'au regard de ces éléments, de la nature du bien, de son prix d'acquisition, de la situation respective des parties à l'époque et de l'absence de toute preuve de son financement avec une intention libérale par le mari, il apparaît que ce bien doit être considéré comme non susceptible d'ouvrir droit à créance au profit de ce dernier auquel, au surplus, Mme Mireille Y...pourrait toujours opposer la qualification de donation rémunératoire ; que l'évaluation de ce bien, édifié sur un terrain de 12. 800 m ², n'est pas inférieure à 1. 700. 000 euros compte tenu de la possibilité de vente par parcelles d'une partie du terrain ; qu'en 1978, Mme Mireille Y...a acquis un terrain en Corse sur lequel a été édifié une maison ; que, bien que les époux soient divorcés depuis plus de trois ans, M. Alain X...n'a pas assigné Mme Mireille Y...en révocation des donations qu'il lui aurait consenties ; que, sur ce point, au regard des sommes que M. Alain X...dit avoir versé à son épouse, à titre de contribution aux charges du mariage, cette dernière avait la possibilité de procéder à certains investissements ; que quoi qu'il en soit, des comptes seront à faire pour ce bien et pour fixer la créance éventuelle du mari ; que cette maison est estimée aux environs de 1. 200. 000 euros ; que ce patrimoine est improductif ; que Mme Mireille Y...a également des avoirs financiers pour la somme arrondie de 200. 000 euros ; que la dernière déclaration ISF des deux époux versée aux débats est de 1999 et fait état d'un patrimoine net imposable de 3. 149. 518 francs ;
Considérant que M. Alain X...détient la moitié du capital d'une société civile immobilière " Les grands clos ", propriétaire d'un terrain, 2 % du capital de la société à responsabilité limitée " Chanteloup Hôtel ", des comptes en Belgique et au Luxembourg ; qu'il est porteur de parts des sociétés Parfinotel et Nathasys, à hauteur de 2 %, dont les comptes fournis sont postérieurs à la date à laquelle la cour doit se placer pour fixer la prestation compensatoire mais qui permettent d'affirmer, même si elles n'ont pas distribué de bénéfices, inférieur à 55. 000 euros pour l'une, l'autre étant déficitaire, que la première société est titulaire d'une importante créance sur la seconde dont les immobilisations sont supérieures à 2. 200. 000 euros ; que la société " Roto France " a été vendue en 1996, M. Alain X...ayant perçu une somme égale à 9. 362. 850 euros ; qu'en 2004, il a cédé des parts de la société SFDI pour la somme nette de 647. 562 euros ; qu'en décembre 2004, il a reçu de la cession des parts de la société Mialund holding une somme de 850. 000 euros, soit nette 809. 200 euros ; que ces rentrées d'argent sont totalisées pour plus de 10. 800. 000 euros ; que M. Alain X..., fait état parallèlement de dépenses s'élevant à 10. 274. 047 euros lesquelles comprennent à la fois une somme " escroquée " par un tiers, soit plus de 1. 700. 000 euros, des dépenses courantes pour 914. 000 euros sur 10 ans, les versements à l'épouse et des libéralités ; que l'escroquerie portant sur une somme d'au moins dix millions de francs s'est produite en 1999 et est relatée dans un réquisitoire du 23 juillet 2001 ; que M. Alain X...a donné à ses filles et petits enfants des valeurs mobilières évaluées à 2. 871. 453 euros, plus les frais d'enregistrement ; qu'il bénéficie de l'usufruit de ces actions ; que le Crédit agricole Luxembourg Private Bank a attesté le 12 octobre 2005 que " le montant global des actifs en dépôt sous le compte 1074980 s'élève à ce jour à 1. 901. 171, 78 euros " ; qu'il indique, en outre, avoir remboursé ou payé pour le compte de Sylvie et Nathalie, des sommes supérieures à 1. 340. 000 euros ; que le paiement en espèces d'un " dessous de table " de 600. 000 francs est révélateur, à tout le moins, de l'importance du patrimoine de l'intéressé ; qu'il dit encore avoir subi, sur deux contrats de capitalisation, des pertes boursières supérieures à 450. 000 euros ; qu'il est certain qu'il a versé des primes brutes sur chaque compte de plus de 625. 000 euros et qu'après avoir vu son épargne acquise plus que doublée, celle-ci, au 31 mars 2003, était inférieure, sans avances, à deux fois 462. 000 euros ; qu'il dit avoir subi des pertes cumulées " sur comptes du Crédit agricole Indosuez " de plus d'un million d'euros arrêtées soit en juillet 2002 soit en mars 2003 ; que certains relevés sont effectués au 30 décembre 1999, d'autres au 31 mars 2003 et le dernier au 29 juin 2001 ; qu'il indique à ce jour que ses avoirs financiers sont de 576. 054, 07 euros ; que, dans la reconstitution des flux financiers, les experts indiquent un écart de 1. 414. 488 euros et 1. 454. 420 euros de perte boursière non justifiée ; que sa déclaration sur l'honneur du 5 avril 2004 fait état de biens propres pour un montant cumulé dans une fourchette de 1. 895. 800 euros à 2. 501. 800 euros ; que M. Alain X...peut difficilement dans ces conditions prétendre que la disparité affectant les revenus des ex-époux est annihilée par la consistance de leurs patrimoines ;
Considérant que chaque époux supporte les charges usuelles de la vie courante, impôts, taxes, redevances, téléphone, électricité, etc, qu'il est inutile d'énumérer en proportion de sa situation ;
Considérant, enfin, que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les époux ;
Considérant que ces différentes constatations et déductions justifient le rejet de toute demande d'investigation nouvelle ; que la cour trouve, dans le rapport déposé et dans les pièces produites en annexe du rapport et de part et d'autre, les éléments nécessaires à la fixation de la prestation compensatoire ; que l'ensemble de ces données permet de dire que la disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de la femme sera justement compensée par l'allocation d'un capital de 850. 000 euros dont devront être déduites les sommes versées à titre provisionnel ;
Sur les demandes de restitution
Considérant, hors les cas prévus à l'article 264-1 du code civil non visés par les prétentions, qu'il n'appartient pas au juge du divorce de statuer sur les demandes intéressant la liquidation du régime matrimonial des époux ; que M. Alain X...sera donc débouté de ses demandes en restitution ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Considérant, chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, que les dépens seront partagés par moitié ; que l'équité commande, compte tenu de la situation respective des parties, de condamner M. Alain X...à payer à Mme Mireille Y...une somme limitée à 2. 000 euros en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
PREND LA DÉCISION SUIVANTE,
Vu l'arrêt du 16 septembre 2004,
Condamne M. Alain X...à payer à Mme Mireille Y...à titre de prestation compensatoire un capital de 850. 000 euros dont devront être déduits les versements effectués à titre provisionnel ;
Condamne M. Alain X...à payer à Mme Mireille Y...la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Fait masse des dépens, en ce compris le coût des expertises, et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties avec droit de recouvrement direct au profit de maître Lionel Melun et de la SCP Petit Lesenechal, avoués, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE