Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRET DU 09 AVRIL 2008
(no , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15250
Sur renvoi après cassation, par arrêt prononcé le 28 juin 2006 par de la Cour de Cassation, des arrêts des 10 juin 2004 et 3 février 2005 prononcés par la 2ème chambre section B de la Cour d'appel de Paris sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 21 janvier 2003
APPELANTS
Madame Cidalia X... épouse Y...
103 rue d'Amboile
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
Monsieur Arturo Y...
103 rue d'Amboile
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
représentés par Me Bruno NUT, avoué à la Cour
assistés de Me Léa HADAD-TAIEB, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC 087
INTIMES
Monsieur Fernando A...
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
B... Marie Grace C... épouse A...
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
Société Civile de Construction Vente RÉSIDENCE LES FORSYTHIAS
prise en la personne de ses représentants légaux
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
représentés par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
assistés de Me Philippe D..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 249
S.A.R.L. ATRIUM CONSEIL
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
représentée par la SCP LAMARCHE-BEQUET- REGNIER-AUBERT - REGNIER - MOISAN, avoués à la Cour
assistée de Me Christian E..., avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC029
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Présidente
Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère
Madame Dominique REYGNER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie F...
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Valérie BERTINO, greffier.
****
Le 17 janvier 2002 les époux Y... ont promis de vendre un immeuble aux époux A... lesquels se sont substitués la Sté Forsythias ainsi qu'ils en avaient la faculté. La vente, qui était assortie de conditions suspensives, devait être authentifiée au plus tard le 17 juillet 2002 ; elle ne l'a pas été.
Saisi par les époux Y... contre les époux A... et la Sarl Atrium Conseil, agent immobilier mandataire des époux Y... de demandes de nullité de l'acte du 17 janvier 2002 et de dommages-intérêts contre l'intermédiaire, le tribunal de grande instance de Créteil, par jugement du 21 janvier 2003 a:
-dit que l'agence Atrium conseil a commis des fautes dans l'exécution de sa mission et l'a condamnée à payer aux époux Y... 10.000 € de dommages-intérêts avec exécution provisoire pour moitié
-rejeté la demande de nullité de l'acte du 17 janvier 2002
-condamné Atrium Conseil à verser aux époux Y... 1.200 €pour frais irrépétibles
-rejeté la demande d'expertise "graphologique"
-rejeté les demandes reconventionnelles
Sur l'appel relevé par les époux Y..., la cour (2e chambre section B) après avoir, par arrêt du 10 juin 2004, invité les parties à s'expliquer sur la qualification juridique de l'acte du 17 janvier 2002 a, par arrêt du 3 février 2005 :
-infirmé le jugement
-requalifié l'acte de vente en promesse unilatérale de vente
-dit cette promesse nulle faute d'enregistrement dans les dix jours de son acceptation
-dit les demandes de condamnation dirigées par les époux A... et la Sté SCCV Résidence les Forsythias contre la Sarl Atrium Conseil recevables mais mal fondées
-rejeté toute autre demande
Sur pourvoi formé par les époux A... contre les arrêts des 10 juin 2004 et 3 février 2005, la cour de cassation, par arrêt du 28 juin 2006 a cassé et annulé dans toutes leurs dispositions ces arrêts et remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et renvoyé celles-ci devant la cour de Paris autrement composée
Vu les dernières conclusions du 3 octobre 2007 pour Monsieur et Madame Y..., appelants, qui demandent de :
-infirmer partiellement le jugement
-dire que la promesse doit être analysée en une promesse unilatérale de vente
-vu le défaut d'enregistrement dans le délai de 10 jours
-prononcer la nullité de l'acte signé le 17 janvier 2002 entre eux-mêmes et les époux A... et ses annexes
-condamner l'agence Laforet Atrium Conseil à leur payer 50.000 € de dommages-intérêts
-subsidiairement,
-vu les deux conditions suspensives non levées par les époux A... avant la date de réalisation de l'acte définitif, prononcer la résiliation de la vente aux torts des époux A... et de la SCCV Résidence les Forsythias
-condamner solidairement Monsieur et Madame A... à leur payer 42.200 € à titre d'indemnité forfaitaire de résiliation
-en tous cas,
-condamner les intimés à leur payer 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les dernières conclusions du 13 juin 2007 pour Monsieur et Madame A... et la Sté SCCV Résidence les Forsythias qui demandent de :
-rejeter l'appel
-dire que l'acte du 17 janvier 2002 constitue une promesse synallagmatique de vente
-confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la vente
-dire irrecevables et mal fondés les époux Y... en leurs demandes de résiliation de la vente et paiement d'une indemnité d'immobilisation
-condamner ceux-ci à leur payer 3.000 € de dommages-intérêts et 5.000 € pour frais irrépétibles
-à titre subsidiaire, au cas où la cour annulerait l'acte au visa de l'article 1840 A du CGI,
-dire que la Sté Atrium Conseil a engagé sa responsabilité et doit réparer leur préjudice
-ce faisant la condamner à rembourser à SCCV Résidence les frais engagés pour l'établissement du dossier soit 20.750 € et à payer aux époux A... la somme de 20.000 en réparation de leur préjudice et aux concluants 5.000 € pour frais irrépétibles
-rejeter toutes prétentions contraires
Vu les dernières conclusions du 13 juin 2007 pour la Sté Atrium Conseil qui demande:
-vu l'arrêt de la cour de cassation
-vu l'article 1135 du code civil
-dire que l'acte renfermant engagement réciproque de vendre et d'acheter à un prix donné est un acte synallagmatique de vente même s'il contient des conditions suspensives sans que l'existence d'une clause de substitution d'acquéreur à des conditions identiques lui fasse perdre ce caractère
-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux Y... 10.000 e de dommages-intérêts et 3.000 € pour frais irrépétibles et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts
-statuant à nouveau,
-condamner solidairement les époux Y... au paiement de 15.000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5.000 € pour frais irrépétibles
-débouter les époux Y... de toutes leurs demandes
-rejeter toutes les demandes des époux A... et de la Sté Résidence les Forsythias.
Sur ce, la Cour,
Considérant que le 15 décembre 2001 M et Mme Y... ont donné mandat à la Sarl Atrium de vendre dans un terrain de 1177 m2 à partager le lot B pour le prix de 198.000 € maximum et 168.000 € minimum en ce compris la rémunération du mandataire fixée à 11500 € ; que le 28 décembre 2001, un second mandat au même agent portait sur une maison et un terrain la jouxtant pour le prix de 404.000 €, en ce compris la rémunération de l'agent de 23.000 € ; que le 17 janvier 2002 ils ont signé, par l'intermédiaire d'Atrium Conseil une vente avec M et Mme A... portant sur une maison édifiée sur un terrain de 1814 m2 en vue de la construction de deux immeubles collectifs au prix de 292.000 € outre la commission de 12.000 € à la charge de l'acquéreur ;
Considérant que la vente était soumise à une condition suspensive de financement à réaliser au plus tard le 17 avril 2002, outre la condition suspensive d'obtention du permis de construire avant la passation de l'acte authentique, l'acquéreur s'obligeant à toutes les diligences nécessaires "au plus tard dans les trois mois de la signature des présentes. L'obtention du permis s'entendant "complet" c'est à dire sans réserves, les délais de recours des tiers étant épuisés, cette mention figurant en marge de la page 6 de l'acte ;
Que la signature de l'acte authentique était fixée à la date du 17 juillet 2002 devant Me François G... notaire à la Queue en Brie ;
Considérant que les époux Y... poursuivent à nouveau la nullité de la vente au motif du défaut d'enregistrement ; que toutefois contrairement à leur prétention la faculté de substitution prévue à l'acte ne confère pas à celle-ci le caractère d'une promesse unilatérale ; que l'acte du 17 janvier 2002 outre qu'il est intitulé vente comporte des engagements réciproques de vendre et d'acquérir en sorte qu'il doit être qualifié de promesse synallagmatique, dispensée de ce fait de la formalité de l'enregistrement ; qu'il n'a lieu à nullité de l'acte ;
Considérant qu'après avoir contesté la mention en marge rappelée ci-dessus comme n'ayant pas été acceptée par eux, M et Mme Y... ne développe plus cette prétention et n'en tirent plus de conséquences de droit ;
Considérant que les appelants prétendent que les conditions suspensives de prêt et d'obtention du permis de construire n'ayant pas été levées dans les délais convenus et les acquéreurs n'ayant pas décidé d'y renoncer, la promesse est privée de tout effet et qu'ils sont fondés à avoir paiement de la somme de 42.200 € à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation de leur bien ; que les époux A..., pour leur part, soutiennent que la non obtention du permis de construire à la date du 17 juillet 2002 devait conduire obligatoirement à une prorogation de la promesse ainsi que l'a rappelé le notaire et que les époux Y..., qui ne les ont pas sommé de signer l'acte authentique, ne pouvaient s'estimer déliés de leurs engagements ;
Considérant que les époux A... ont déposé leur demande de permis de construire le 9 mars 2002 soit dans le délai de trois mois convenu dans la promesse; que la mairie a imposé un délai complémentaire ; que le permis de démolir a été délivré le 25 juin 2002 et le permis de construire le 24 septembre 2002 soit après l'expiration du délai fixé au 17 juillet 2002 jour de signature de l'acte authentique ; qu'après interventions des époux Y... il a été retiré le 26 novembre 2002, une nouvelle demande étant déposée le 27 février 2003 pour un permis accordé le 15 mai 2003, lequel a fait l'objet d'un recours par les époux Y... ;
Considérant en conséquence que la condition suspensive d'obtention du permis de construire au plus tard le 17 juillet 2002, date impérative, n'a pas été réalisée ; qu'aucune faute n'est alléguée contre les époux A... qui aurait conduit à la défaillance de cette condition ; que pour autant cette défaillance de la condition suspensive n'entraînait pas de droit une prorogation des engagements des parties ; que la condition était enfermée dans un délai déterminé en sorte qu'elle n'était pas sans terme et obligeant les vendeurs à sommer les acquéreurs de signer l'acte authentique ; que la clause de l'acte stipulant que l'acte authentique aurait lieu le 17 juillet 2002 "sous réserve de l'obtention par ce dernier (le notaire) de toutes les pièces, titres et documents nécessaires à la perfection de l'acte" étant étrangère aux engagements eux-mêmes des parties et que les époux A... ne tirent d'aucune autre stipulation l'existence d'une prorogation automatique du délai de réalisation de la condition suspensive, et que cette prorogation sans limitation dans le temps aurait été contraire à l'économie même du contrat ;
Que l'affirmation du notaire dans sa lettre du 11 juillet 2002 à la mairie de Chennevières que le compromis se trouvait prorogé jusqu'à la réalisation de la condition d'obtention du permis de construire résulte d'une interprétation erronée de l'acte et au surplus par lettre de leur conseil du 23 juillet 2002 les époux Y... ont refusé expressément toute prorogation de délai ;
Considérant en outre que l'obtention d'une offre de prêt conforme aux stipulations de la promesse n'a pas été justifiée ;
Considérant alors que conformément à la clause page 6 de l'acte relative à la non réalisation des conditions suspensives chacune des parties a pu reprendre sa pleine et entière liberté ; que cette libération ayant lieu sans indemnité de part et d'autre en cette circonstance M et Mme Y..., quoique recevables à la formuler pour la première fois en appel dès lors qu'elle est accessoire de leurs prétentions initiales, ne sont pas fondés à obtenir paiement de la somme de 41.200 € stipulée à titre de clause pénale pour le refus "sauf application des conditions suspensives " d'une partie de signer l'acte authentique de réalisation de la vente ;
Considérant que les époux A... et la SCI Les Forsythias reprochent aux époux Y... d'être revenus sur leurs engagements et d'avoir tenté de faire échec à leurs droits en usant d'arguments fallacieux et de mauvaise foi ; que cependant s'il est établi que les époux Y... ont critiqué le permis de construire c'est postérieurement à sa délivrance et donc à une date où la condition suspensive à ce titre était d'ores et déjà caduque et qu'au surplus si le permis a été retiré c'est au motif de sa non conformité au PLU de la ville, ce qui n'est imputable à faute aux époux Y... ; que la demande de dommages-intérêts formée contre ceux-ci sera donc rejetée ;
Considérant que les époux Y... invoquent des manoeuvres frauduleuses de l'agence Atrium ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé , que l'existence de plusieurs mandats, d'ailleurs non exclusif ne traduit pas la volonté de tromper le mandant ; que les parties à l'acte n'ont pas été empêchées de négocier leurs accords et qu'il n'est nullement établi que les époux Y... n'avaient pas une maîtrise suffisante de la langue française, alors qu'il est démontré qu'ils ont su faire des démarches précises auprès de la mairie; que le manquement allégué au devoir de conseil invoqué en outre contre l'agence Atrium n'est pas caractérisé par les conditions de paiement pour partie en prix et pour partie en dation d'appartement à construire dans l'opération immobilière envisagée par les époux A... ; que le jugement sera en conséquence réformé et les époux Y... déboutés de leur demande de dommages-intérêts dirigée contre l'agence Atrium ;
Considérant que la nullité pour défaut d'enregistrement ne pouvant être retenue, les demandes formées par les époux A... et la SCCV Résidence les Forsythias contre l'agence Atrium en remboursement des frais et dépenses engagées inutilement pour 20.750 € et perte de chance de réaliser une opération immobilière pour 20.000 € ne sont pas fondées, étant relevé qu'en tout état de cause les intimés ont exposé des frais à leurs risques et péril et que la perte d'investissement résulte de la caducité de la vente ;
Considérant qu'il n'y a lieu de donner acte aux époux A... de ce qu'ils se réservent d'assigner les époux Y... en vente forcée ou en paiement de dommages-intérêts, un donné acte ne créant aucun droit ;
Considérant que les exigences respectives jugées non fondées des deux parties à l'acte du 17 janvier 2002 a conduit à une poursuite prolongée de la procédure sans qu'elles doivent être retenues comme un abus caractérisé d'user des voies de recours ouvrant à dommages-intérêts de ce chef au profit de l'agence Atrium contre les époux Y... ;
Considérant que les dépens de la présente instance resteront à la charge de chaque partie qui les a exposés, ceux de l'arrêt cassé étant à la charge des époux Y... et qu'aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application à quiconque des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Par ces motifs,
Réforme le jugement du 21 janvier 2003 sur la nullité et les dommages-intérêts à la charge de l'agence Atrium
-Rejette la demande de nullité de la vente du 17 janvier 2002
-Déboute les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre de l'agence Atrium
Dit la vente caduque.
Rejette le surplus des demandes.
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés pour la présente instance, les dépens de l'arrêt de cassation restant à la charge des époux Y....
Le Greffier Le Président