RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 15 Avril 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 05 / 06140
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Mars 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 03 / 00336
APPELANTE
Madame Hélène Jade A...
...
75014 PARIS
comparante en personne, assistée de Me Cécile Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E 826
INTIMÉE
SA AFRICA MEDIA
33 rue du Faubourg Saint Antoine
75011 PARIS
représentée par Me Patrick BERJAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K 110 substitué par Me Céline GORTYCH, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.
Madame Hélène Jade A... engagée à compter du 1er janvier 1993 en qualité de commerciale par la société EURAFRIPUB aux droits de laquelle vient la société AFRICA MEDIA, au dernier salaire mensuel brut moyen de 2439, 18 €, a saisi le conseil de prud'hommes le 9 janvier 2003 pour obtenir la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur et obtenir des indemnités de rupture.
Avant l'audience de plaidoiries devant le conseil de prud'hommes, Mme A... a été licenciée pour faute grave par lettre du 4 novembre 2005.
Par jugement du 11 mars 2005, le conseil de prud'hommes de Paris, analysant les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, les a considérés comme suffisamment établis et caractérisant la faute grave, a débouté Mme A... de ses demandes.
Mme A... en a relevé appel.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 11 mars 2008.
* *
*
Sur la rupture des relations contractuelles
C'est à juste titre que Mme A... soutient que lorsque le salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Il convient donc d'examiner les griefs formulés par Mme A... à l'encontre de la société.
La chronologie des pièces du dossier et leur examen témoignent de ce que le litige se développe dés le départ de M. G... alors président directeur général. En effet, un an avant le départ de celui- ci, Mme A... avait reçu une notable augmentation et le président directeur général lui précisait entre autre qu'elle bénéficierait d'un budget pour frais de représentation et frais de voyage et déplacements dans le cadre de ses activités commerciales et que " comme par le passé " ses communications téléphoniques SFR seraient prises en charge ". Il concluait " En espérant que ces différentes mesures vous donnent satisfaction et vous encouragent à poursuivre le développement commercial du support d'AFRICA no1... ". Cette lettre permet d'accréditer l'affirmation de Mme A... selon laquelle elle avait formulé des demandes auxquelles son employeur avait donné satisfaction. Or de manière concomitante au départ de M. G..., M. F... directeur général, a reproché à Mme A... une facturation excessive de ses appels téléphoniques et a pris d'emblée une mesure contraire aux engagements de la société qui n'apparaît pas avoir été discutée " votre numéro SFR est résilié en ce qui concerne AFRICA MEDIA qui ne réglera plus cette facture " (cf lettre du 2 mai 2001). La mésentente de Mme A... avec M. F... s'est ainsi cristallisée notamment sur les notes de téléphone de la salariée. Or d'une part, sur ce point précis, il n'est produit aucun comparatif sur les montants des factures antérieures et le caractère excessif n'est pas expliqué au regard des correspondants étrangers et du travail de prospection commerciale incombant à Mme A....
Les désaccords se sont encore manifestés dés 2001 au travers de l'échange de courrier entre le président directeur général et M. F... sur les conditions de travail ou de départ de la salarié qui donnait lieu aux précisions suivantes par M. G... par lettre du 18 Mai 2001 : ".. le Conseil s'était interrogé sur les conditions dans lesquelles Mme Jade A... demandait à quitter son emploi et, en fin de débat, a chargé M. Dominique AA... de prendre contact avec Mme A... afin d'examiner avec elle les problèmes qui se posent, pour qu'elle puisse travailler dans de meilleures conditions ou éventuellement quitter la société, si elle le souhaite.
En tout cas, il est hors de question d'envisager le départ de l'intéressée, comme elle me l'a dit elle- même dans les conditions que vous semblez suggérer.
Mme A..., en cas de départ, pourra réclamer l'application de la Convention de la Sofirad, que vous avez réclamée pour vous- même et que je vous ai accordée, à savoir 1 mois de salaire par année de présence... "
Il est ainsi rapporté la preuve que dés ce moment xx rencontrait des problèmes dans ses conditions de travail qui hypothéquaient, de son point de vue, son devenir au sein de la société.
Par ailleurs outre la restriction opérée sur ses appels téléphoniques, Mme A... avait l'interdiction d'entrer dans le studio, mesure vexatoire non expliquée à ce jour. Elle se voyait soumise à une série de contrôle de son emploi du temps qui traduisait une méfiance alors même que la qualité de ses résultats, au cours des huit années de service au sein de l'entreprise, n'avait pas été remise en cause.
Les relations se sont ainsi détériorées au cours de la période allant des mois de mai / juin 2001 jusqu'au début du mois de mai 2002 date à laquelle, Mme A..., par lettre adressée à M. F... et copie au Président Directeur Général Paris et au Président Directeur Général Africa No1 Gabon, rappelait les conditions de travail qui lui étaient réservées " depuis quelques mois... sans délation aucune je note un comportement à mon égard qui je l'avoue me déstabilise... depuis quelque temps je ne peux disposer d'originaux de contrats Vierges. Lorsque j'en fait la demande à qui de droit, on me fournit des photocopies de la page 1... lorsque le service qui doit veiller au suivi administratif des contrats publicitaires me répond à chaque sollicitation relative à mon travail, je cite : « Monsieur Dominique I... dit que tu es une demeurée mentale et qu'ils veulent te dégommer, sors de mon bureau je ne veux plus te voir " fin de citation..., lorsque ce dernier (service technique) prend la peine de me contacter par téléphone à mon domicile à 20H00 en me signifiant, je cite : « j'en ai marre de tes campagnes de merde " fin de citation... je note que depuis quelques mois la régie publicitaire à été livrée à deux services qui ont agi à leur guise sans se soucier ni des annonceurs ni de l'entreprise, sans en assumer aucune conséquence et avec une absence totale de la direction générale..... je souhaite de votre part que soit organisé une réunion d'entreprise avec tous les partis concernés afin de clarifier la situation ; à savoir définir le rôle de chacun et l'interpénétration de chaque secteur, afin d'avancer tous dans le même sens.
Je tiens beaucoup à cette réunion, non seulement dans l'intérêt de l'entreprise. Mais aussi pour mon équilibre, car compte tenu des faits que je vous ai relatés. Je subis actuellement un véritable « harcèlement moral » et ma santé en est affectée. Et en aucun cas je ne veux laisser cette dernière se détériorer.
J'ai le sentiment profond que ma présence au sein de l'entreprise est de moins en moins souhaitée, peut- être pourrait- on trouver une façon acceptable pour les deux partis de mettre un terme à notre collaboration ?
Je vous rappelle que le « harcèlement moral " est puni par la loi, et que si cela devait se prolonger, je me verrais dans l'obligation de saisir le conseil des Prud'hommes afin de trouver une solution à ce problème... "
Or, en dépit de l'insistance exprimée pour obtenir cette réunion, ce n'est que le 24 juin 2002 que Mme A... obtenait une réponse du Président Directeur Général qui occultait totalement les récriminations pourtant circonstanciées de la salariée et, sans davantage se préoccuper de son état de santé, profitait de cette lettre pour faire une " mise au point " sur les conditions dans lesquelles Mme A... devait rendre compte systématiquement de sa " journée de travail " et de sa présence au sein de l'entreprise.
Par la suite les récriminations de Mme A... se sont poursuivies très précisément en juillet 2002. Elle constate que son activité est limitée " vous limitez mon activité à de la possible prospection en me mettant au même niveau que le second commercial que vous venez de recruter alors que je suis présente dans la Société depuis la création de cette Entreprise, et depuis 5 ans, le seul agent commercial. Je n'ai plus le droit depuis le mois de décembre 2001 de mettre les pieds au studio, je n'ai plus non plus la lecture des traitements des contrats de mes annonceurs au risque de menaces physiques et verbales. Je ne comprends pas non plus pourquoi le nouveau commercial dispose de toute l'attention et de la logistique de l'Entreprise et que celui- ci soit en négociations directes avec mes propres clients...
Les conséquences de votre harcèlement ont véritablement joué sur ma santé : qui m'oblige aujourd'hui à être en arrêt maladie... "
La réponse du président directeur général du 25 juillet 2002 reste toujours aussi indifférente aux difficultés émises.
Pourtant Mme A... développait des symptômes d'anxiété et de stress dans une période précédant la saisine du conseil de prud'hommes et dont elle a averti en vain le président directeur général.
A la lumière de ce contexte, le comportement de Mme A... notamment lors de l'incident avec M. F... sanctionné par un avertissement du 24 octobre 2002, même s'il ne peut être approuvé, doit être relativisé. Il en va de même s'agissant de l'avertissement du 19 mars 2003 qui n'est que la conséquence du malaise des parties et du désaccord sous- jacent sur l'imputabilité de la rupture.
Dans ces circonstances, la demande de résiliation aux torts de l'employeur se justifiait.
Mme A... n'a pas pu retrouver de travail. La Cour dispose des éléments nécessaires pour fixer le montant de la réparation du préjudice subi à la somme de 20 000 € toutes causes de préjudice confondues sur le fondement de l'article L 122-14-5 du code du travail.
Sur l'annulation de l'avertissement du 19 mars 2003
Compte tenu des éléments ci- dessus rapportés, l'avertissement du 19 mars 2003 qui n'était que la conséquence d'une situation non gérée à temps par l'employeur, est annulé.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
La société AFRICA MEDIA s'oppose à la demande en paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement de la Sofirad au motif que " il résulte tant du contrat de travail de la salariée que de ses bulletins de salaire que cette convention ne lui est pas applicable ".
Mais si ni les bulletins de salaire ni le contrat de travail ne font mention d'une convention collective, il convient de retenir l'application de la convention Sofirad à laquelle le président directeur général de la société AFRICA MEDIA se référait dans la lettre qu'il adressait au Directeur général, faute d'explication utile par la société AFRICA MEDIA sur son activité principale. Il n'est notamment pas expliquer la raison pour laquelle cette convention collective appliquée à M. F... ne pourrait l'être au profit de Mme A....
La somme réclamée de 30 797, 52 € dont le montant n'est pas subsidiairement discuté, est allouée.
En l'absence de stipulations prévoyant un cumul des indemnités légale et conventionnelle de licenciement, seule l'indemnité de licenciement conventionnelle plus élevée est due. Il n'est donc pas fait droit à la demande en paiement de l'indemnité légale de licenciement.
Sur le licenciement pour faute grave
L'envoi de la lettre de licenciement a opéré la rupture des relations contractuelles. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée dans sa demande en paiement des salaires au- delà de la notification du licenciement.
Il convient d'observer sur les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, que ces reproches n'avaient pas justifiés en leur temps une mesure de licenciement et, en l'absence de faits nouveaux datés, ne pouvaient être invoqués à l'appui d'une faute grave.
Cette mesure ne pouvait donc priver Mme A... d'une indemnité de préavis ni du salaire sur mise à pied. Il est fait droit à ces demandes.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement,
CONDAMNE la société AFRICA MEDIA à payer à Mme A... :
-5 022 € au titre de l'indemnité de préavis
-502 € congés payés afférents
-1 255, 50 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied
-30 797, 52 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
-20 000 € à titre de dommages et intérêts
-2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
MET les dépens à la charge de la société AFRICA MEDIA.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE