Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 14 MAI 2008
No du répertoire général : 07/13138
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée au greffe le 26 juillet 2007 par Maître Jean-Michel LEBLANC, avocat de Monsieur Hamid X..., demeurant ... ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 12 mars 2008 ;
Vu l'absence de Monsieur Hamid X... ;
Ouï, Maître Jean-Michel LEBLANC, avocat représentant Monsieur Hamid X..., Maître Jean-Marc DELAS, avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GÖRGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 12 mars 2008, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
* *
Monsieur Hamid X..., né le 6 janvier 1984, a été mis en examen du chef de violences avec arme et en réunion. Il a été placé en détention provisoire le 4 juillet 2005, puis a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire le 22 juillet 2005, après avoir subi une incarcération de 19 jours. Il a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu du 30 janvier 2007, cette décision étant définitive.
Par requête déposée le 26 juillet 2007, aux fins de réparation à raison d'une détention, Monsieur Hamid X... fait valoir :- S'agissant du préjudice économique :
qu'il a subi une perte de salaire de 2.184 €
- S'agissant des honoraires d'avocat :
qu'il a engagé des frais d'avocat à concurrence de 750 €
- S'agissant de son préjudice moral :
qu'il n'avait jamais été condamné ni incarcéré, que cette épreuve l'a douloureusement affecté, qu'il a été confronté à la violence de la prison, aux fouilles à corps répétées, à des conditions d'hygiène déplorables, à la surpopulation carcérale, au non-respect de son droit à l'intimité, à l'éloignement de sa famille, alors qu'il vivait au domicile de ses parents ; que peu avant son incarcération, le 1er juillet 2005, il venait de signer un contrat de travail à effet immédiat pour une durée de deux mois, qu'il n'a pu honorer du fait de la détention ; que ce préjudice pourrait être évalué à la somme de 5.700 €.
- Il sollicite 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 12 novembre 2007, Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, estimant la requête recevable, fait valoir :
- S'agissant du préjudice économique invoqué :
qu'il est produit un contrat de travail pour une durée de deux mois commençant à courir le 1er juillet 2005, qui est un vendredi, mentionnant une rémunération horaire, comme manœuvre, de 7,80 € ; qu'il conviendrait que soit communiquée la fiche de paie correspondant à la journée de travail effectuée ; qu'en l'état des informations communiquées, seule pourrait être prise en compte la perte d'une chance d'avoir pu exercer une activité salariée pendant ces deux mois d'été, laquelle n'est pas strictement égale au salaire qu'aurait pu percevoir le requérant (1.396,20 €) et ne semble pas pouvoir excéder 1.000 €.
- S'agissant du préjudice moral :
qu'il doit être tenu compte du fait que le requérant était âgé de 21 ans au moment des faits et n'avait jamais subi de choc carcéral.
Il estime que la réparation de ce préjudice ne semble pouvoir excéder 1.000 €.
Monsieur le Procureur Général, estimant la requête recevable, fait valoir :
- S'agissant du préjudice matériel :
que compte tenu des documents produits, il convient de faire droit à la demande de réparation au titre des salaires réellement perçus, et qu'il convient d'indiquer que seule la part des frais prouvés et en lien avec la détention peuvent donner lieu à réparation
- S'agissant du préjudice moral :
qu'il doit être tenu compte de la durée de la détention, du fait que le requérant était, à la date de son incarcération, âgé de 21 ans et célibataire, qu'il vivait au domicile de ses parents et qu'il s'agissait d'une première incarcération, d'où l'importance du choc carcéral.
- Il conclut également à réparation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI :
Sur la requête :
Attendu que la demande, déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;
Sur le préjudice économique :
Attendu, sur la perte de salaire, que Monsieur Hamid X... produit un contrat de travail à durée déterminée, conclu avec l'entreprise LYS RENOVATION pour une période de deux mois, du 1er juillet 2005 au 31 août 2005, en qualité de manœuvre, avec un salaire brut horaire de 7,80 €, pour 35 heures par semaine ;
Qu'incarcéré le 4 juillet 2005, Monsieur Hamid X... ne produit aucun document justifiant qu'il a travaillé la journée du vendredi 1er juillet 2005 ; qu'en outre, le contrat a été conclu avec une période d'essai de 4 jours ;
Qu'ainsi, il convient d'indemniser la perte de chance de Monsieur Hamid X... d'avoir pu exercer une activité salariée pendant deux mois ; que le montant de cette indemnisation doit être apprécié au regard des difficultés pour un jeune de 21 ans de trouver un emploi, et des chances, réelles, de Monsieur Hamid X... de voir son contrat poursuivi au-delà de la période d'essai, dès lors que celui-ci justifie, par des fiches de paie de la Ville de La Courneuve ou de l‘association "SOS, ça bouge" avoir déjà exercé un travail salarié, en qualité d'animateur, par intermittence, en 2002, 2004 et février 2005, pendant plusieurs mois, et est titulaire d'un Brevet d'Etudes Professionnelles en électrotechnique ; qu'il lui sera allouée une somme de 1.500 € ;
Attendu, sur les frais de défense, que Monsieur Hamid X... justifie, par la production d'une facture d'honoraires, d'un montant de 750 €, dont les postes, détaillés, sont en rapport avec le contentieux de la détention subie, que son préjudice au titre des frais d'avocat s'élève à ce montant ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que Monsieur Hamid X... était âgé de 21 ans lors de son placement en détention, qu'il était célibataire et vivait au domicile de ses parents ;
Que son casier judiciaire porte trace de condamnations antérieures à la date considérée, qui constituait une première incarcération ;
Que la détention qu'il a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, particulièrement de l'importance du choc carcéral, il y a lieu d'indemniser à concurrence de la somme de 5.700 € ;
Attendu que l'article 700 du code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnité due au titre des frais irrépétibles à la somme de 1.000 € ;
PAR CES MOTIFS,
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
DISONS la requête recevable,
ALLOUONS à Monsieur Hamid X... :
- une indemnité de 2.250 € au titre de son préjudice matériel,
- une indemnité de 5.700 € au titre de son préjudice moral,
- la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision rendue le 14 mai 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE