Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AUX PARTIES LE : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
8ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 02 OCTOBRE 2008
(no , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/01619
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 07/83238
APPELANT
Monsieur Francis X...
né le 2 janvier 1947 à PARIS 16ème
de nationalité française
demeurant ...
représenté par Maître Rémi PAMART, avoué à la Cour
assisté de Maître Michel Y... avocat plaidant pour la SCP Y... DOR DE SAINT PULGENT, avocats au barreau de PARIS, toque : P 180
INTIMÉS
Monsieur Alfred Prosper Marie Tony Z...
né le 19 juillet 1951 à VERVIERS
demeurant ... - 75006 PARIS
mais résidant ...
non comparant
(assignation devant la cour en date du 19 mai 2008 - procès-verbal de recherches - article 659 du code de procédure civile)
SARLBRINK'S EVOLUTION
agissant poursuites et diligences de son gérant
ayant son siège ...
représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoués à la Cour
assistés de Maître Martine A..., avocat au barreau de PARIS, toque : B 30
SARL BUMOWA
agissant poursuites et diligences de son gérant
ayant son siège ...
Société SOFI venant aux droits de Monsieur Gilbert B...
agissant en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
représentées par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline C..., avoués à la Cour
assistées de Maître Pierre André D..., avocat au barreau de PARIS, toque : P 297, plaidant pour la SCP GABORIT-RUCKER
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 septembre 2008, en audience publique, après rapport oral, devant la Cour composée de :
Madame Annie BALAND, présidente
Madame Alberte ROINE, conseillère
Madame Martine FOREST-HORNECKER, conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER :
lors des débats : Madame Jacqueline E...
lors du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane F...
ARRÊT : DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Annie BALAND, présidente et par Madame Christiane F..., greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par ordonnance du 13 juin 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a condamné Alfred Z... à payer à Francis X... la somme de 200.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2005 et celle de 1.200 euros à titre d'indemnité de procédure.
Par acte du 8 novembre 2006 Francis X... a fait pratiquer une saisie conservatoire de la collection de timbres de Alfred Z... déposée dans les locaux de la Société Brink's Evolution. Cette saisie, dénoncée à Alfred Z... le 14 novembre 2006, a été convertie en saisie-vente par acte du 22 novembre 2006.
Par courrier du 19 mars 2007, la Société Brink's Evolution s'est opposée à la remise de la collection de timbres en avisant l'huissier d'une part de son droit de rétention pour frais de garde, d'autre part de l'existence de tiers invoquant des droits sur la collection.
Par acte du 16 juillet 2007, Francis X... a fait assigner Alfred Z..., la Société Brink's Evolution, la Société Bumowa et Gilbert B..., aux droits duquel vient la société SOFI, devant le juge de l'exécution pour voir ordonner à la Société Brink's Evolution de se dessaisir de la collection de timbres entre les mains de l'huissier poursuivant.
Par jugement du 8 janvier 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a débouté Francis X... de cette demande au motif que la société Bumowa était fondée à s'opposer à la saisie en sa qualité de propriétaire de la collection.
Par dernières conclusions du 25 avril 2008, Francis X... demande à la cour de réformer la décision, de dire que le juge de l'exécution est bien compétent pour statuer sur l'opposabilité et sur la validité des titres présentés par des tiers pour tenter de s'opposer à la vente des objets saisis, de lui déclarer inopposables les documents présentés par les intimés qui n'avaient pas acquis date certaine à la date de la saisie conservatoire, de débouter les intimés de leur demande de distraction de la collection de timbres, enfin de condamner les intimés chacun pour le tout à la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts et à 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure.
Il fait valoir :
- qu'à partir du 8 novembre 2006, date de la saisie conservatoire, la collection de timbres est devenue indisponible,
- que lors de la saisie, la Société Brink's Evolution n'a pas indiqué l'existence de droits quelconques à son profit ou au profit des autres intimés, qu'elle doit être condamnée sur le fondement de l'article 99 du décret du 31 juillet 1992 au paiement de dommages-intérêts,
- que tous les actes allégués par les intimés qui n'avaient pas acquis date certaine avant la saisie conservatoire lui sont inopposables et que la vente doit être poursuivie.
Par dernières conclusions du 24 juin 2008, la Société Brink's Evolution demande à la cour de dire que le droit de rétention et le privilège du conservateur est opposable à tous, de dire que la partie qui sera déclarée propriétaire de la collection devra préalablement à sa restitution, s'acquitter des frais de garde d'un montant de 33.570 euros pour la période du 1er décembre 2006 au 1er juillet 2008 et au delà à raison de 1.865 euros par mois, de condamner Francis X... à lui payer une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Par dernières conclusions du 19 mai 2008, la Société Bumowa et la Société SOFI demandent à la cour de faire injonction à la Société Brink's Evolution d'avoir à se dessaisir entre les mains de la Société Bumowa de l'intégralité de la collection de timbres contre paiement des droits de garde à elle dus, de condamner Francis X... à leur payer, chacun 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure.
Elles font valoir notamment :
* concernant la Société Bumowa :
- que la Société Bumowa est propriétaire de la collection de timbres ainsi qu'il résulte de l'acte de cession du 24 novembre 2006 qu'elle en a acquitté le prix et n'a pas agi en fraude des droits de Francis X...,
* concernant la Société SOFI :
- que Gilbert B..., aux droits duquel vient la Société SOFI, a signé un contrat de mandat avec Alfred Z..., qu'il a exécuté ce mandat en payant à la Société Brink's Evolution la somme de 42.550 euros et qu'en garantie du paiement des sommes dues en vertu de ce mandat, la collection de timbres lui a été donnée en gage,
- que la déclaration de gage datée du 17 octobre 2006 a été enregistrée le 15 novembre et signifiée à la Société Brink's Evolution le 21 novembre 2006,
- que Francis X... doit être débouté de toutes ses prétentions.
Alfred Z..., assigné selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile, n'a pas constitué avoué, l'arrêt sera en conséquence rendu par défaut.
SUR CE, LA COUR :
qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Sur les droits de gage et de propriété opposés à Francis X... par les sociétés SOFI et Bumowa :
Considérant que lorsque des tiers s'opposent au créancier saisissant alléguant un droit de gage ou un droit de propriété sur les biens saisis, il appartient au juge de l'exécution, saisi dans le cadre de la procédure de saisie-vente de dire si ces droits sont opposables ou non au créancier saisissant ;
Considérant que la saisie conservatoire du 8 novembre 2006 a eu pour effet de rendre indisponibles les biens saisis entre les mains de la Société Brink's Evolution en application de l'article 74 de la loi du 9 juillet 1991 ; que le droit de gage dont se prévaut la société SOFI qui n'a été enregistré que le 15 novembre 2006 à la trésorerie principale d'Evry acquérant ainsi date certaine n'est pas opposable à Francis X... ;
Considérant que l'acte de cession de la collection de timbres dont se prévaut la société Bumowa a été établi sous signature privée le 24 novembre 2006 et enregistré à la recette des impôts de Strasbourg Est le 27 décembre 2006, soit postérieurement à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente ; qu'il ne saurait pas plus être opposé à Francis X... dans le cadre de la poursuite des opérations de saisie-vente ; que le jugement entrepris qui a dit la société Bumowa fondée à s'opposer à la saisie en sa qualité de propriétaire de la collection doit être infirmé ;
Sur le droit de rétention :
Considérant que la saisie conservatoire puis la saisie-vente ont été faites entre les mains d'un tiers, la Société Brink's Evolution ; qu'aux termes de l'article 106 du décret du 31 juillet 1992, si le tiers se prévaut d'un droit de rétention sur le bien saisi, il en informe l'huissier de justice par lettre recommandée avec accusé de réception à moins qu'il n'en ait fait la déclaration au moment de la saisie ; que dans le délai d'un mois, le créancier saisissant peut contester ce droit de rétention devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le tiers ; qu'à défaut de contestation dans le délai d'un mois, la prétention du tiers est réputée fondée pour les besoins de la saisie.
Considérant que la Société Brink's Evolution, après avoir été destinataire le 7 mars 2007 d'une dénonciation à tiers du procès-verbal de conversion de la saisie conservatoire et d'un procès-verbal de vérification d'objets saisis, a adressé à la SCP d'huissier Robert-Robert le 19 mars 2007, un courrier dans lequel elle déclare son droit de rétention sur les biens saisis ; que cependant, la Société Brink's Evolution ne justifie pas d'un accusé de réception par l'huissier qui aurait fait courir le délai de contestation ; que la contestation du droit de rétention, formée par Francis X..., par assignation du 16 juillet 2007 est donc recevable ;
Considérant que la Société Brink's Evolution produit un contrat de dépôt salarié conclu avec Alfred Z... le 24 octobre 2003, une ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 15 mai 2006 condamnant Alfred Z..., au titre des droits de garde, au paiement de la somme de 40.050,88 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2006 ; qu'elle justifie certes avoir été réglée des ses droits de garde par Gilbert B... le 19 octobre 2006, ce qui explique qu'elle n'a opposé aucun doit de rétention lors de la saisie conservatoire ; que cependant, toujours dépositaire de la collection de timbres, elle peut opposer à tous son droit de rétention, en application de l'article 1948 du Code civil, pour les droits de garde ayant couru depuis la saisie et notamment à Francis X... bien que tiers non tenu à la dette ; que l'appelant ne pourra en conséquence obtenir la remise des biens saisis en vue de leur vente sans paiement préalable des droits de garde ;
Sur les dommages et intérêts :
Considérant que Francis X... sollicite la condamnation de la Société Brink's Evolution au paiement de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'aucune fausse déclaration ne peut être reprochée à la Société Brink's Evolution qui, lors de la saisie conservatoire était réglée de ses droits de garde et ne pouvait donc opposer un quelconque droit de rétention ; que Francis X... doit être débouté de cette demande ;
Considérant que Francis X... sollicite également la condamnation des sociétés Bumowa et SOFI à paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts pour "revendication abusive et soutien à revendication abusive" ; qu'il ne rapporte pas la preuve que ces sociétés aient agi dans l'intention de nuire, commis dans l'appréciation de leurs droits une erreur grossière ou fait preuve d'une légèreté blâmable caractéristique d'un abus ; que Francis X... doit également être débouté de cette demande ;
Sur les frais et les dépens :
Considérant que les sociétés Bumowa et SOFI qui succombent doivent supporter la charge des dépens de première instance et d'appel et ne sauraient bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il convient de condamner chacune de ces sociétés à payer à Francis X..., au titre des frais judiciaires non taxables exposés devant le premier juge et la cour, la somme de 2.000 euros ; que l'équité ne commande pas d'indemniser la Société Brink's Evolution de ses frais judiciaires non taxables ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau,
Dit inopposables à Francis X... tant le gage consenti par Alfred Z... à Gilbert B..., aux droits duquel vient la société SOFI, que la cession du 24 novembre 2006 consentie par Alfred Z... à la société Bumowa,
Dit que la Société Brink's Evolution devra remettre les biens saisis à l'huissier, poursuivant la procédure de saisie-vente initiée par Francis X..., contre paiement de ses droits de garde,
Condamne les sociétés Bumowa et SOFI à payer à Francis X... chacune la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne les sociétés Bumowa et SOFI aux dépens de première instance et d'appel ces derniers recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,