Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/15133
Sur renvoi après cassation du 11 juillet 2006 d'un arrêt rendu le 28 janvier 2005 par la Cour d'Appel de PARIS (3ème Ch. B) RG : 03/22214 sur appel d'une ordonnance rendue le 04 novembre 2003 par M. le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de PARIS RG : 00/3905
DEMANDERESSE A LA SAISINE
S.A. IMMOBILIERE PARIS SUD - SIPS
prise en la personne de son Président directeur général
ayant son siège 66 Avenue d'Ivry
75013 PARIS
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bernard CANCIANI et Me Matthieu CANCIANI, avocats au barreau de PARIS, toque : E 1193
DÉFENDERESSES A LA SAISINE
S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD, ès qualités de représentant des créanciers de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE PARIS SUD
ayant son siège 34 Rue Sainte-Anne
75040 PARIS CEDEX 01
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
S.A.S CHAURAY CONTRÔLE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 29 Rue de Monceau
75008 PARIS
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Rémy GOMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque L171
(Cabinet FRIED FRANK)
SOCIÉTÉ WHITE SAS
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 53 Rue de Châteaudun
75009 PARIS
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Rémy GOMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque L171
(Cabinet FRIED FRANK)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 6 octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal CABAT, Présidente
Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame CABAT, présidente, et par Madame HOUDIN, greffière.
Vu l'appel interjeté par LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, d'une ordonnance prononcée le 4 novembre 2003 par le juge commissaire à la procédure collective du Tribunal de commerce de Paris qui, après avoir constaté que la procédure de retrait litigieux ne pourrait prospérer qu'après admission de la créance concernée ou qui pourrait être concernée, après avoir débouté LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD de ses demandes fins et conclusions visant au sursis à statuer en raison de la procédure pénale, après avoir dit qu'après accord des parties sur les versements effectués en vertu des saisies-attribution à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective, la créance se chiffrait à cette dernière date à 8.303.144,95 FF en capital outre les frais financiers au jour d'ouverture du jugement déclaratif, à hauteur de 121.082,57 FF, soit un total de 8.424.227,52 FF ou 1.284.265,21€, tel que résultant des arrêts de la Cour d'Appel de PARIS en dates des 27 mai 1999 et 10 octobre 2000, a dit que la créance déclarée par la société WHITE S.A.S. serait admise à titre hypothécaire pour 1.284.265,21€ outre les intérêts au taux conventionnel de 7% jusqu'à parfait paiement;
Vu l'arrêt prononcé le 28 janvier 2005 par la Cour d'Appel de PARIS, autrement composée que la Cour statuant sur le présent litige, qui a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, qui a infirmé l'ordonnance et statuant de nouveau, qui a admis la société CHAURAY CONTRÔLE au passif de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD pour la somme de 940.431,06€ avec intérêts au taux de 7% l'an sur le capital restant dû avec application de la clause d'anatocisme;
Vu l'arrêt prononcé le 11 juillet 2006 par la Cour de Cassation, sur le pourvoi formé par LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, décision qui a cassé et annulé l'arrêt susvisé sauf en ce qu'il avait dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer en remettant, en conséquence, sur les points cassés, la cause et les parties dans l'état antérieur au prononcé de l'arrêt cassé et en les renvoyant devant la Cour d'appel de ce siège autrement composée;
Vu la déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'Appel de PARIS, remise le 30 juillet 2007 à la requête de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD à l'encontre de la S.C.P. BROUARD DAUDE, prise en sa qualité de représentant des créanciers de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, de la société CHAURAY CONTRÔLE et de la société WHITE S.A.S. ;
Vu les conclusions déposées le 26 septembre 2008 par LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, appelante;
Vu les écritures déposées le 12 septembre 2008 par la société CHAURAY CONTRÔLE et la société WHITE S.A.S., intimées;
Vu les conclusions déposées le 5 septembre 2008 par la S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD, en sa qualité de représentant des créanciers de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD;
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 29 septembre 2008 ;
SUR CE, LA COUR:
1) Sur la demande en nullité de la déclaration de créance soulevée par LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD:
Considérant que c'est à tort que la société CHAURAY CONTRÔLE et la société WHITE S.A.S. soutiennent que la cour de renvoi de ce siège devrait uniquement connaître de cette affaire à la lumière du moyen qu'elles ont soulevé à titre incident devant la Cour de Cassation;
Considérant qu'en effet, dès lors que la Cour de Cassation a cassé et annulé "sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, l'arrêt rendu le 28 janvier 2005...par la Cour d'Appel de PARIS", en application des articles 624, 625, 631 et 632 du Code de Procédure Civile, la Cour de ce siège doit donc de nouveau examiner les moyens d'appel de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, s'agissant tant de la validité de la déclaration de créance que du montant même de la créance;
Considérant que la créance a été déclarée le 12 janvier 2001 au nom de la société WHITE S.A.S., ce que ne conteste plus LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD devant la présente cour de renvoi, cette dernière société tentant de voir reconnaître une irrégularité de cette déclaration tirée du fait que l'identité et la qualité de l'auteur de cette déclaration ne sont pas indiquées;
Considérant que pour ce qui concerne "l'auteur" de cette déclaration de créance, un procès- verbal de l'Assemblée Générale désignant Jean DE Z..., comme président du Conseil d'Administration de la société WHITE S.A.S., avec les pouvoirs généraux de représentation, P.V. qui porte la signature de ce dernier, montre que c'est bien cette même personne qui est celui qui a porté la signature litigieuse sur la déclaration de créance, étant d'ailleurs observé que LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD fait une confusion entre l'auteur de la déclaration de créance qui est en l'espèce la société WHITE S.A.S. et dont le nom figure bien sur cette déclaration et le signataire représentant la même société, peu important en l'espèce que cette déclaration de créance ait été annexée ou non à une lettre d'accompagnement signée de ce même Jean DE Z...;
Considérant que la demande en nullité de celle-ci ne peut donc qu'être rejetée;
2) Sur l'opposabilité au représentant des créanciers, la S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD de la cession de créance intervenue entre la société WHITE S.A.S. et la société CHAURAY CONTRÔLE:
Considérant que la cession de la créance de la société WHITE S.A.S. sur LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, débitrice en redressement judiciaire, est intervenue le 31 janvier 2001, soit après que la cédante, la société WHITE S.A.S. eut déclaré sa créance auprès du représentant des créanciers;
Considérant que ce transport de créance, au sens de l'article 1689 du Code Civil, a été normalement signifié en application de l'article 1690 du même code, au débiteur, LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD ainsi qu'à son administrateur judiciaire, Maître A..., suivant acte du 21 mai 2002;
Considérant qu'en l'absence de disposition spéciale prévoyant la notification au représentant des créanciers, en sus du débiteur et de celui qui l'assiste dans la gestion de la société en redressement, d'une cession de créance, la S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD ne peut en conséquence utilement soutenir que cette cession ne lui est pas opposable à défaut de lui avoir été signifiée ;
Considérant que l'intérêt à agir de la société cessionnaire du droit est ainsi démontré et la fin de non recevoir soulevée par le représentant des créanciers doit être en conséquence rejetée;
3) Sur le montant de la créance à admettre:
Considérant qu'avant de tirer les conséquences juridiques de l'arrêt de cassation, la cour de ce siège doit examiner la portée des décisions rendues:
* d'une part, par le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris, le 10 décembre 1998 et par la Cour d'Appel de PARIS le 27 mai 1999, qui ont rejeté la demande de nullité et de main-levée des saisies attributions opérées entre les mains des locataires de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD,
*d'autre part, par la Chambre des Criées du Tribunal de Grande Instance de Paris le 10 février 2000 et par la Cour d'Appel de PARIS du 10 octobre 2000, qui ont rejeté la demande de nullité de la procédure de saisie-immobilière introduite par la société WHITE S.A.S.;
Considérant que ces décisions n'ont, en application de l'article 480 du Code de Procédure Civile, de portée que relativement à la contestation qu'elles tranchent, à savoir, la validité des saisies attributions et de la procédure de saisie immobilière, le montant des créances dues n'ayant pas été le point central de ces litiges;
Considérant d'ailleurs que l'écoulement de plusieurs mois avant la déclaration de créance fait nécessairement que le montant du principal et des intérêts échus ont évolué;
Considérant qu'il s'ensuit qu'avant que le juge commissaire ne statue sur le montant global de cette créance au 12 janvier 2001, n'est intervenue aucune décision judiciaire ayant autorité de chose jugée sur ce point;
Considérant que pour casser partiellement l'arrêt rendu le 28 janvier 2005 par la Cour d'Appel de PARIS, la Cour de Cassation a retenu les motifs suivants:
"Vu les articles L.621-43 et L.621-44 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises;
Attendu que pour admettre la créance de la société White S.A.S. au passif de la société SIPS pour la seule somme de 940.431,06€, outre les intérêts conventionnels, l'arrêt constate que la déclaration de créance intégrait, en outre, des intérêts échus, sans qu'aucune décision judiciaire n'autorise le créancier à le faire, de sorte que seul le montant figurant dans l'arrêt du 27 mai 1999 pouvait être admis;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'admission d'une créance n'est pas subordonnée à la production d'une décision de justice et que le créancier se prévalait d'un contrat de prêt, la Cour d'Appel a violé les textes susvisés;"
Considérant qu'il s'ensuit qu'il convient, pour la fixation de la créance litigieuse, de faire application de l'article 1134 du Code Civil, la convention faisant la loi des parties;
Considérant que LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD conclut au caractère incompréhensible du décompte présenté par la société CHAURAY CONTRÔLE ainsi qu'à l'incohérence du chiffre avancé par cette dernière comme étant celui du capital restant dû au 12 janvier 2001 au regard du montant du capital restant dû et figurant sur le nouveau tableau d'amortissement établi le 25 octobre 1994, après renégociation du prêt;
Considérant qu'elle indique en outre que la société CHAURAY CONTRÔLE n'a pas déduit du compte l'ensemble des échéances du prêt qu'elle a réglées après le 7 novembre 1990 et pas davantage, les sommes directement réglées à la société WHITE S.A.S. puis à la société CHAURAY CONTRÔLE, par les locataires de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD;
Considérant que pour ce qui concerne "l'incohérence susvisée", la société CHAURAY CONTRÔLE expose à bon droit que l'augmentation du capital restant dû entre 1994 et 2000 présenté dans le décompte de la société CHAURAY CONTRÔLE, ne résulte en l'espèce que de la capitalisation automatique des intérêts cumulés, capitalisation expressément stipulée par le contrat de prêt dont les clauses doivent être appliquées;
Considérant que contrairement à ce que soutient LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD, la société CHAURAY CONTRÔLE verse au débat un décompte du capital et des intérêts totalement clair et cohérent, qui a été actualisé en 2007, étant d'ailleurs observé que sa critique tenant à l'absence de déduction de sommes qu'elle aurait versées à la société WHITE S.A.S. ou à la société CHAURAY CONTRÔLE, n'est étayée par aucune pièce justificative des versements non décomptés ou par la présentation d'un décompte se substituant à celui de la créancière;
Considérant qu'il sera d'ailleurs rappelé à cet égard que celui qui se prétend déchargé d'une dette doit apporter la preuve de ses paiements non décomptés par le créancier, ce dont LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD s'abstient et qu'en l'espèce, la société WHITE S.A.S. a comptabilisé pour 134.535,94€ au total, après rappel détaillé des versements intervenus entre le 18 octobre 1999 et le 27 novembre 2000, les sommes obtenues au titre des saisies attributions pratiquées avant l'ouverture de la procédure collective et que les mêmes preuves des règlements intervenus entre le 26 janvier 2001 et le 14 janvier 2005 qui sont le produit des saisies-attributions pratiquées à l'encontre des sous-locataires de LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD et qui s'élèvent au total à 168.675,88€, sont versées au dossier de la Cour;
Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter la demande d'expertise formée par LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD et d'admettre le décompte présenté par la société CHAURAY CONTRÔLE à la date de l'ouverture de la procédure collective, dès lors que celui-ci est en conformité avec les stipulations contractuelles, en ce comprises celles tenant au décompte d'intérêts conventionnels de 7% ainsi qu'avec les chiffres des remboursements déjà opérés et non utilement contestés par la débitrice;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise du seul chef du montant dû, sauf à réparer l'omission de statuer du premier juge sur la demande de capitalisation des intérêts, laquelle était prévue par l'article cinq du contrat de prêt;
Considérant qu'étant donné le sort du recours, les dépens seront comptés en frais privilégiés dès lors que LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD succombe en l'ensemble de ses demandes ;
Considérant que l'équité ne commande pas pour autant de faire au profit des autres parties, une application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société CHAURAY CONTRÔLE, en sa qualité de cessionnaire de la créance de la société WHITE S.A.S. sur LA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE PARIS SUD;
Rejette l'ensemble des fins de non recevoir et exceptions de nullité, opposées par cette dernière ainsi que par la S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD;
Dit que la cession de créance de la société WHITE S.A.S. à la société CHAURAY CONTRÔLE est opposable à la S.C.P. BROUARD et DAUDE-BROUARD;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du 4 novembre 2003 ;
La complétant en application de l'article 462 du Code de Procédure Civile:
Dit que les intérêts échus sur la somme principale de 1.284.265,21€ au taux conventionnel de 7% l'an et dus à compter du 14 décembre 2000, produiront eux-mêmes automatiquement intérêts dès qu'ils seront dus pour une année entière;
Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dit que les dépens de première instance, d'appel, de cassation et d'appel sur renvoi, seront comptés en frais privilégiés et admet la SCP PETIT LESENECHAL et la S.C.P. LAGOURGUE et Ch.-H. OLIVIER, titulaires d'un Office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M.C HOUDIN C. CABAT