RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 09 Juin 2009
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/07753
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2006 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 05/01215
APPELANT
Monsieur [V] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Catherine ZVILOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A 401
INTIMÉE
Société CEWE COLOR venant aux droits de la société PHOTOC
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe BOUDIAS (SCP SIMON - WURMSER - SCHWACH - BOUDIAS - FREZARD), avocat au barreau de PARIS, toque : P 475
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Avril 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller, et Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère
Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par [V] [E] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en date du 14 février 2006 ayant condamné la société PHOTOC à lui verser
1905,36 € à titre de salaire correspondant à la mise à pied
190,53 € au titre des congés payés
15668,79 € à titre d'indemnité de préavis
1566,88 € au titre des congés payés
13753,71 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ordonné la remise d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et d'un bulletin de salaire conformes et débouté le salarié du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 28 avril 2009 de [V] [E] appelant, qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société intimée à lui verser
1197,92 € à titre de rappel de salaire consécutif à cinq jours de RTT
2611,47 € au titre de la mise à pied
261,14 € au titre des congés payés
15668,79 € à titre d'indemnité de préavis
1566,88 € au titre des congés payés
18975,97 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
156687 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
64377,63 € à titre d'indemnité consécutive à la clause de non concurrence
3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 28 avril 2009 de la société CEWE COLOR intimée venant aux droits de la société PHOTOC qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris conclut à la non application de la convention collective de la chimie, en tout état de cause au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui verser 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [V] [E] a été embauché à compter du 1er janvier 1997 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de responsable des permanences photos ; qu'à compter du 1er février 2001 il est devenu responsable du service logistique ; qu'il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4309,74 € ; que l'entreprise occupait de façon habituelle au moins onze salariés ;
Qu'après convocation à un entretien préalable organisé le 4 novembre 2002, avec mise à pied à titre conservatoire à compter du 25 octobre 2002, son employeur lui a, par lettre recommandée en date du 7 novembre 2002, notifié son licenciement pour faute grave ;
Que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont les suivants :
'Le contexte
Vous avez intégré l'entreprise dans un contexte atypique. En effet, originellement, vous étiez associé et président du conseil d'administration de la société VISUEL PHOT qui avait une activité concurrente de la nôtre et qui était, par ailleurs, notre cliente pour les travaux photo.
Nous avons en 1996 racheté le fonds de commerce de cette société.
C'est alors, et à l'origine pour assurer la continuité des relations avec les clients de la société VISUEL PHOT, que vous avez intégré notre société et en êtes devenu salarié.
La société VISUEL PHOT, dont vous avez continué à être associé, est demeurée par la suite notre cliente et, par ailleurs, est devenue notre fournisseur pour l'activité transport - livraison de nos clients. La société VISUEL PHOTO s'est alors dénommée la société CT PHOTO.
En 2000, CT PHOTO, en sa propre, qualité de cliente, n'a pas payé les prestations que nous lui avions fournies.
Elle a été amenée à céder à la société TDH son activité livraison - transport.
Nous avons alors consenti suite à votre demande, pour faciliter cette cession, à établir un contrat avec TDH pour l'activité transport - livraison alors que nous travaillions avec CT PHOTO à la prestation.
Vous êtes, de votre côté, devenu notre responsable logistique en titre.
Nous avons connu avec TDH d'importants et graves déboires et une dérive notable de nos coûts.
Nous avons donc dû, en 2002 mettre fin à nos relations contractuelles avec TDH.
Il est ainsi notable qu'en deux occasions, nous avons été à l'origine de la valorisation de vos intérêts personnels mais étrangers à vos fonctions salariales dans l'entreprise :
en rachetant le fonds de commerce de VISUEL PHOT (devenue CT PHOTO).
en concluant un contrat avec TDH pour permettre à CT PHOTO de vendre son activité transport à notre service.
Dans le même temps, nous avons subi une perte de 96 042,48 euros puisque TDH qui devait éponger les dettes de CT PHOTO et nous avait remis 24 effets de commerce, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et il est plus que probable que les créanciers chirographaires ne seront pas payés.
De votre côté, au plan de votre activité salariale à notre service, vous avez gravement failli à vos obligations les plus essentielles.
Les motifs
En votre qualité de responsable logistique (cadre coefficient 550), vous avez la charge de notre activité transport - livraison.
A ce titre, vous assumez :
la maîtrise des coûts,
l'organisation et la gestion de la prestation transport tant en interne qu'en externe puisqu'en plus de nos propres équipes, nous recourons à des prestataires.
Votre mission est essentielle à plus d'un titre du point de la satisfaction de nos clients.
En effet :
En l'état de la concurrence, les travaux techniques de développement photo doivent sans cesse s'améliorer sur le plan qualitatif mais, par ailleurs, obéissent à une logique de prix très serrés, voire sans cesse à la baisse.
Nos marges sont donc étroites.
Dans cette configuration, la maîtrise des coûts du transport est essentielle si nous voulons préserver nos marges déjà faibles.
L'indice de satisfaction de nos clients passe certes par la qualité des travaux mais également par la ponctualité des livraisons.
Ainsi des retards ou difficultés de livraison peuvent-ils ruiner le travail réalisé en amont.
Or, nous avons à déplorer, de votre part, depuis plusieurs semaines, un total laisser-aller, voire une anarchie dans la gestion du service logistique.
Au plan budgétaire, vous avez établi fin 2001 le budget de votre service pour 2002. Plusieurs réunions ont eu lieu dès le mois d'octobre 2002 à ce sujet.
Ce budget a un caractère essentiel puisqu'il est intégré dans le calcul de nos prix et de nos marges.
Or, nous observons un très net dépassement de ce budget par la logistique interne dont vous avez la responsabilité directe.
Vous vous étiez engagé par écrit en 2001 à avoir un effectif en 2002 de 55 personnes dans votre service pour une baisse de chiffre d'affaires de 4 120 000 francs soit
628 089 euros, alors que vous êtes 64 personnes pour une baisse de C.A de 760 000 euros et l'arrêt de 400 clients en livraisons ramassages. Dans ces 64 personnes, il faut ajouter les trois personnes sorties suite à la cession de notre fonds de commerce d'[Localité 5] qui n'était pas prévue dans le budget.
Cette dérive des coûts de la logistique interne qui pour nous est d'autant plus inadmissible que la direction financière a pu démontrer de son côté pendant la même période, en gérant le coût de la logistique externe sa capacité elle à réduire le coût de celle-ci et ce alors que la clientèle gérée par la logistique externe est restée quant à elle constante en nombre de clients (économie de 400 000 euros par rapport à 2001 soit 35% de baisse).
Ainsi pour la gestion des coûts là aussi, nous observons un déficit manifeste de votre organisation entraînant une dérive des coûts.
Les tournées sont mal organisées.
Certains de nos livreurs sont sous-employés, ne sont pas occupés durant tout le temps de travail, tandis que d'autres sont surchargés ce qui entraîne l'appel à des sociétés de travail temporaire.
La prise de congé au sein du service doit être planifiée de sorte de pouvoir assurer la continuité du service. Des problèmes importants sont intervenus cet été du fait de votre carence d'organisation à ce niveau. Les conséquences s'en sont ressenties chez nos clients mais aussi dans votre service où des employés se plaignent continuellement de l'inorganisation récurrente de votre service.
Bien que vous ayez été alerté sur les graves difficultés survenues cet été de votre fait, vous n'avez nullement réformé la situation.
Ainsi et en réalité, c'est une totale anarchie qui règne à ce niveau dans votre service avec des conséquences graves puisque le départ concomitant de plusieurs livreurs nécessite la mobilisation d'intérimaires ou de prestataires.
Les plans de livraison sont mal établis et les clients souffrent de retard de livraison '.
Que l'appelant a saisi le conseil de prud'hommes le 8 avril 2005 en vue de faire constater l'illégitimité de son licenciement ;
Considérant que [V] [E] expose que les faits qui lui sont reprochés sont un dépassement du budget du service pour l'année 2002 ; que le grief est dénué de tout fondement ; que l'appelant a été victime d'une suppression de poste dans le cadre d'une restructuration en raison du rachat de la société PHOTOC par l'intimée ; qu'il a perçu jusqu'au dernier jour sa rémunération variable intitulée prime d'objectif logistique ; que l'indemnité qu'il a perçue au titre de la clause de non concurrence est inférieure à celle prévue par la convention collective applicable ;
Considérant que la société CEWE COLOR soutient que le licenciement de l'appelant est fondé sur des défaillances fautives ; qu'en raison de la baisse du chiffre d'affaires il devait obtenir une baisse des coûts de la logistique ; qu'il n'effectuait aucun travail de gestion ; qu'il a eu recours massivement à des intérimaires sans besoin réel ; qu'il ne s'est pas occupé de la gestion et de la planification des congés ; qu'il n'a pas planifié et suivi les tournées ; qu'en raison de l'activité de la société la convention de la chimie n'est pas applicable ; que la société ne l'a jamais appliquée volontairement ;
Considérant en application des articles L1234-1 et L1235-1 du code du travail que les faits allégués à l'appui de la faute grave sont un défaut de contrôle de la gestion du service logistique et une carence dans l'organisation du travail ; que toutefois l'ensemble de ces faits sont dépourvus de tout caractère fautif et ne sont de nature qu'à établir l'existence d'insuffisances professionnelles exclusives de toute faute ;
Considérant que l'appelant était chargé en exécution de son contrat de travail de missions précises définies à l'article 2 dudit contrat ; qu'en sa qualité de responsable du service logistique de la société PHOTOC il devait en particulier gérer les personnels externes et internes et en obtenir la meilleure productivité ; qu'il devait veiller à la meilleure organisation des tournées ; qu'il devait exiger des commerciaux de préciser le chiffre d'affaires envisagé et leurs perspectives en vue de l'établissement d'un ratio/coût validé par la direction commerciale ; qu'il devait tenir à jour les surcoûts de re-livraisons générés par différents facteurs ; qu'il s'ensuit que le contrôle des coûts qui est impliqué dans chacune de ces missions, constituait une des obligations principales que son employeur avait mises à sa charge ; qu'il résulte de la lettre de licenciement que l'appelant n'a pas été en mesure de veiller à un tel contrôle ; que les faits allégués pour démontrer ce défaut de contrôle sont établis ; qu'en effet il apparaît du rapport d'audit de la société par le cabinet PricewaterhouseCoopers en date du 8 septembre 2003 qu'en octobre 2002 le nombre de personnes employées dans le service dirigé par l'appelant s'élevait à 68 personnes alors que selon le tableau prévisionnel logistique préparé par l'appelant lui même le 4 décembre 2001 ce nombre de personnes ne devait s'élever qu'à 55 ; que les coûts de la société résultant d'une mauvaise gestion du personnel ont été accrus par un recours massif et constant à du personnel intérimaire chargé de la vente durant la période au cours de laquelle l'appelant a assuré les fonctions de responsable du service, comme le démontrent les multiples factures versées aux débats établies par la société Manpower et visées par l'appelant ; que dès le 29 avril 2002 il a été destinataire d'une note de la société relative aux coûts de la logistique, établie après la constatation d'une dérive ; qu'il lui était rappelé que le budget 2002 était limité à 70 000 € mensuels, que tout dépassement était inacceptable ; qu'une seconde note de service a été établie à son attention personnelle le 13 mai 2002 ; qu'après avoir dressé le constat de cette dérive, son auteur lui reprochait de ne pas avoir veillé au montant des prestations facturées par les sous-traitants et l'invitait à établir des contrats globaux ou des contrats par tournée avec ceux-ci, et à mettre en place dès le mois de juin 2002 cette organisation ; qu'enfin selon le tableau prévisionnel établi par l'appelant le 4 décembre 2001 le chiffre d'affaires ne devait baisser que de 4 120 000 francs soit 628000 € environ ; qu'il résulte du rapport d'audit précité que cette baisse s'est élevée en réalité à la somme de 1 978 000 € ; que le fait que l'appelant ait perçu durant l'année 2002 sa rémunération variable ne suffit pas en soi, comme le soutient pourtant l'appelant, à démontrer le défaut de cause réelle et sérieuse de son licenciement ; que les différents rappels à l'ordre de son employeur sur les dérives constatés et imputées à sa personne et le défaut de réalisation des objectifs que s'était assigné l'appelant lui même démontrent que le versement de la rémunération variable due est sans conséquence sur la réalité de l'insuffisance professionnelle dont a fait preuve l'appelant en qualité de responsable du service logistique ; que les faits analysés imputés à l'appelant étant établis et caractérisant à eux seuls une cause réelle et sérieuse de licenciement, il convient de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que le contrat de travail ne prévoit pas que l'appelant soit assujetti à une convention collective ; que la seule mention sur quelques bulletins de paye de la convention collective de la chimie ne confère tout au plus à l'appelant que le droit de se prévaloir des dispositions de la convention auxquelles la société a entendu se référer, soit sa seule classification et son niveau de rémunération ; qu'il n'existe sur ce point aucune contestation ;
Considérant qu'il résulte du bulletin de paye produit que la mise à pied devenue dépourvue de fondement a conduit à la retenue de la somme de 1905,36€ ; qu'il convient de confirmer la condamnation de la société au versement de cette somme et de 190,53 € au titre des congés payés ;
Considérant que l'existence d'un reliquat de cinq jours dus au titre de la réduction du temps de travail n'est pas démontrée ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris l'ayant débouté de cette demande ;
Considérant que l'indemnité compensatrice de préavis doit être évaluée à la somme de 12929,22 € et de 1292,92 € au titre des congés payés ;
Considérant en application de l'article L1234-9 du code du travail que l'ancienneté de l'appelant ne remonte qu'au 1er janvier 1997 et non à compter du 1er juillet 1996 comme il le soutient sans le démontrer ; que le montant de l'indemnité doit être calculé en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat, la durée du préavis devant être intégrée ; que l'indemnité légale de licenciement doit être évaluée à la somme de 2083,03 € ;
Considérant aux termes de l'article 9 du contrat de travail qu'en contrepartie de l'obligation de non concurrence l'appelant percevait mensuellement une somme de 770 francs ; que les contestations qu'il émet sont relatives à la seule revendication du bénéfice des dispositions de l'article 16 de la convention collective de la chimie ; que l'appelant n'étant pas assujetti à cette convention il ne peut en solliciter le bénéfice ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris l'ayant débouté de cette demande ;
Considérant qu'il convient de confirmer l'obligation par la société de la remise d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et d'un bulletin de salaire conformes ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de le débouter de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris,
CONDAMNE la société CEWE COLOR venant aux droits de la société PHOTOC à verser à [V] [E] :
- 12929,22 € à titre d'indemnité de préavis
- 1292,92 € au titre des congés payés
- 2083,03 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,
CONDAMNE la société CEWE COLOR aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE