Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2009
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09659
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/03147
APPELANT:
Monsieur [V] [L]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoué à la Cour
assisté de Maître Dan NAHUM, avocat au barreau du VAL DE MARNE (Palais de Créteil), toque : PC 36
INTIMÉES:
S.A. LA BANQUE POSTALE venant aux droits de la POSTE CRSF ILE DE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Maître Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Maître Jean-Damien BOURCIER, avocat au barreau de PARIS, toque : G 279
S.A. FININFO
prise en la personne de son Directeur Général
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Maître Constance PACQUEMENT-CHAUDET, avocat au barreau de Paris, toque P 346 ( SCP LSK et associés )
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Claude APELLE, Président
Madame Françoise CHANDELON, Conseiller
Madame Caroline FEVRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile
GREFFIER : lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Madame Marie-Claude HOUDIN, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [V] [L] a acquis par l'intermédiaire du service téléphonique de LA POSTE, aux droits de qui se trouve aujourd'hui la BANQUE POSTALE, 230.000 warrants sur le CAC 40 émis par la BNP, dont l'échéance était fixée au 28 novembre 2003 de la manière suivante:
- 10.000 titres le 4 novembre 2003,
- 30.000 titres le 17 novembre 2003,
- 40.000 titres le 18 novembre 2003,
- 150.000 titres le 20 novembre 2003.
Le 26 novembre 2003, il a informé son banquier de sa décision d'exercer son droit d'acheter le sous jacent au prix d'exercice de 3.400 points sur les 220.000 titres encore en sa possession à l'échéance.
LA POSTE a refusé d'accéder à sa demande précisant que le prix d'exercice était en réalité de 3500 points et que la référence qui lui avait été donnée: WCAC40 3400 2811103 BNPAI était erronée, le nombre figurant après la dénomination du sous jacent devant être '3500".
C'est dans ce contexte que M. [L] a assigné LA POSTE en paiement de la somme principale de 32.000 € correspondant à la plus value qu'il aurait réalisée en exerçant son droit de vendre à 3400 points ou, subsidiairement, de 8.677,40 €, coût d'acquisition des titres.
Par exploit du 23 septembre 2005, la BANQUE POSTALE a appelé en garantie la société FININFO qui l'assistait dans la mise en place des relations contractuelles avec les sociétés de bourse ou fournisseurs d'indice pour signer avec ces derniers des contrats de rediffusion de données de marché sur INTERNET.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance de mise en état du 22 mai 2006.
Par jugement du 19 février 2007, le tribunal a débouté M. [L] de ses demandes, et l'a condamné à une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Par déclaration du 4 juin 2007, M. [L] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 13 février 2009, M. [L] demande à la Cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la Poste avait incontestablement commis une faute en émettant des titres ayant un intitulé de nature à induire un investissement;
- infirmer le jugement pour le surplus;
- condamner la BANQUE POSTALE et, subsidiairement la société FININCO à lui payer, à titre principal, la somme de 35.200 €, subsidiairement celle de 8.677,40 €,
- condamner la BANQUE POSTALE et, subsidiairement la société FININCO à lui payer 3.000 € de dommages intérêts pour procédure abusive outre une indemnité de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 17 décembre 2007, la BANQUE POSTALE demande à la Cour de:
- confirmer le jugement déféré,
- condamner M. [L] à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 20 mai 2009, la société FININFO demande à la Cour de:
- confirmer le jugement déféré,
- condamner LA BANQUE POSTALE et M. [L] à lui verser, chacun, la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Considérant qu'il est constant qu'à la suite d'une erreur technique l'alimentation
des fichiers électroniques de LA POSTE a laissé apparaître tant sur les sites dédiés du service des valeurs mobilières que sur les avis d'opérés, une fausse référence pour un des warrants émis par BNP Paribas Arbitrage Issuance BV (BNP) et admis sur le marché international le 29 septembre 2003; que le Tribunal a relevé que la Poste ne contestait pas cette erreur mais n'en a tiré aucune conséquence juridique;
Considérant que cette erreur n'a pu abuser M. [L], pour les raisons suivantes:
Considérant qu'il résulte d'une notice diffusée par EURONEXT que le 29 septembre 2003, BNP a émis 20 tranches de bons d'option d'achat ('call') référencés sur l'indice CAC40, dont 6 présentaient deux caractéristiques communes: une parité de 200 et une échéance au 28 novembre 2003 mais un prix d'exercice, et en conséquence d'émission, différents:
Code Euronext du Warrant Prix d'exercice Prix d'émission
320661 3.200 € 1,32 €
320679 3.300 € 0,99 €
320687 3.400 € 0,71 €
320695 3.500 € 0,49 €
320703 3.600 € 0,32 €
320711 3.700 € 0,20 €
Considérant que les pièces produites par la BANQUE POSTALE établissent que M. [L] a spéculé à plusieurs reprises sur le produit n° 320687, notamment les 12, 13, 14, 17, 18 novembre 2003, ne lui permettant pas d'ignorer la valeur à ces dates d'un warrant à prix d'exercice de 3.400 €; que pour prendre l'exemple de la journée du
13 novembre 2003, il apparaît qu'il a procédé à un achat de 20.000 titres pour un montant
de 8072 € et à un 'aller-retour' (achat et vente) de 25.000 autres titres lui permettant de dégager une marge positive, le prix de vente s'établissant à 8.423,50 €;
Qu'à la même date il vendait 15.000 titres n° 320695 pour un montant de 2.675,70 € et en rachetait un nombre identique pour 2.118,90 €;
Que la différence de valeur (proche de 1 à 8) et de référence des deux produits ne pouvait ainsi lui permettre de supposer qu'ils étaient identiques;
Considérant encore que les relevés téléphoniques démontrent que M. [L] était spéculateur averti, parfaitement conscient des caractéristiques des valeurs sur lesquelles il opérait et que toute information utile lui avait été prodiguée par l'opérateur;
Considérant, en effet, que la retranscription de l'enregistrement du 4 novembre 2003 permet de constater que si M. [L] n'avait jamais spéculé sur les warrants, il s'est borné à poser à l'opérateur la question de savoir si ce marché admettait les 'ordres avec limites de cours', manifestant ainsi une connaissance certaine des mécanismes boursiers;
Qu'au cours de la conversation, c'est lui qui a indiqué la référence Euronext du titre (320695), qu'il n'a pu connaître qu'en se référant à la notice précitée, puis mentionné sa date d'échéance, n'interrogeant l'opérateur que sur la date exacte d'arrêt de la cotation qu'il savait intervenir quelques jours avant l'échéance; qu'en toute hypothèse, l'opérateur lui a rappelé le prix d'exercice de 3.500 € de ce titre;
Qu'il s'est porté acquéreur de 10.000 titres à prix unitaire de 0,20 €, ordre réalisé et constaté dans le premier avis d'opéré du même jour portant la référence erronée précitée;
Considérant que la retranscription de la conversation du 20 novembre 2003 permet de constater qu'il a donné un ordre d'achat de 150.000 titres au prix unitaire de un centime d'euros sur le produit dont il a encore précisé la référence Euronext 320695, qui ne figure pas sur les avis d'opéré;
Que le montant dérisoire du prix de l'option s'explique par la baisse de l'indice CAC40 qui atteignait à cette date le cours le plus bas du mois de novembre (3.324,99 à la clôture); qu'un warrant à un prix d'exercice de 3.400 €, valeur presque toujours dépassée au cours
de cette période, n'aurait pu être acquis à ce montant;
Considérant que pour contester ces enregistrements M. [L] soutient qu'effectués à son insu, ils constitueraient un procédé déloyal et comme tels ne pouvant être retenus comme preuve et ajoute que la sincérité de la retranscription quant au contenu ou à la date mentionnée n'est pas établie;
Considérant que l'article 313-52 du Règlement général de l'Autorité des Marchés financiers (AMF) autorisant expressément l'enregistrement des conversations téléphoniques des ordres de bourse, il ne peut s'agir en l'espèce de moyen déloyal; qu'au surplus l'article 7 des conditions générales du service 'Allô Poste Bourse', acceptées par l'appelant, dispose:
'Lors de la transmission des ordres, les parties sont convenues que la preuve des caractéristiques de l'ordre sera matérialisée par un enregistrement des conversations qui sera détruit après un délai de 6 mois';
Considérant enfin que M. [L] ne peut mettre en cause la sincérité des
transcriptions sans apporter le moindre élément confortant une telle allégation en application aussi bien de la présomption de bonne foi de LA POSTE que de la 'convention de compte d'instruments financiers' qui dispose dans le paragraphe concernant la 'transmission des ordres':
'Dans tous les cas, y compris les ordres donnés par téléphone n'ayant pas fait l'objet d'une confirmation écrite, les éléments attestant de la passation de ces ordres et les écritures de LA POSTE font foi jusqu'à preuve contraire apportée par le titulaire;
Qu'au surplus l'AMF, intervenue dans ce dossier comme médiateur à la demande de
M. [L] a pris connaissance de la transcription de l'enregistrement téléphonique du 4 novembre, a informé ce dernier, par courrier du 19 janvier 2004, que l'opérateur avait rappelé le prix d'exercice réel sans susciter d'observation de sa part;
Considérant en conséquence que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, le Tribunal ayant débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes et condamné M. [L] à payer à la POSTE et à la société FININFO la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant qu'il paraît équitable de condamner M. [L] à verser à LA BANQUE POSTALE d'une part, à la société FININFO d'autre part, une indemnité de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés par ces parties en cause d'appel;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris;
Condamne M. [V] [L] à payer à la BANQUE POSTALE et à la société FININFO la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel;
Condamne M. [V] [L] aux dépens avec distraction au profit de Maître Luc COUTURIER et de la SCP LAGOURGUE-OLIVIER dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT