Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2009
(n° 280, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/06895
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 90/07249
arrêt avant dire droit du 10 mars 2009
APPELANTS
Maître [R] [C]
[Adresse 7]
[Localité 31]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me LAVERNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90
SCP KUHN
Maître [E] [X], Notaire honoraire
Intimée dans le RG 07/6935
[Adresse 20]
[Localité 17]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me LAVERNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90
SCP KUHN
Société MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général
[Adresse 4]
[Localité 15]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me LAVERNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90
SCP KUHN
INTIMES
CAISSE REGIONALE DE GARANTIE DES NOTAIRES prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 16]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Nathalie de LA FERRIERE, avocat au barreau de , toque : P 238
S.A. A DIRECTOIRE & CONSEIL DE SURVEILLANCE LE CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC), prise en la personne de ses représentants légaux.
[Adresse 14]
[Localité 18]
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Me LE JARIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P 235
SCP CONSTANT, avocats au barreau de PARIS
Madame [L] [W] épouse [O]
Appelante dans le RG 07/6935
[Adresse 3]
[Localité 26]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me GERNIGON, avocat au barreau de PARIS, toque :A 175
Maître [D] [J], pris en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la SARL L'AGE D'OR.
[Adresse 22]
[Localité 24]
non comparant
SOCIETE CTY LIMITED, prise en la personne de ses représentants légaux, venant aux droits de CITIBANK INTERNATIONAL Plc, Société de droit étranger régie par le FSA dont le siège social est [Adresse 28], ROYAUME UNI, prise en son principal établissement en France, [Adresse 27] venant aux droits de la CITIBANK INTERNATIONAL SA, cette dernière venant elle-même aux droits de la CGB-CITIBANK, prise elle même en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 29]
ROYAUME UNI
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me B. LEBOUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 888
S.C.A. GE MONEY BANK venant aux droits de la ROYALE SAINT GEORGES BANQUE anciennement dénommée FINANCEMENT SAINT GEORGES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 32]
[Adresse 32]
[Localité 23]
représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assistée de Me CHAVENEAU, avocat au barreau de NANTES, qui a fait déposer son dossier
CREDIT FONCIER DE FRANCE anciennement dénommé S.A. LE COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 9]
et encore [Adresse 6]
représenté par la SCP LAMARCHE-BEQUET- REGNIER-AUBERT - REGNIER - MOISAN, avoués à la Cour
assisté de Me Léopold COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, qui a fait déposer son dossier
S.C.P. LE DORTZ & BODELET prise en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [M] [O].
[Adresse 30]
[Adresse 30]
[Localité 13]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me J. LE BRUSQ, avocat au barreau de LORIENT, qui a fait déposer son dossier
Madame [S] [CM] épouse [G]
[Adresse 21]
[Localité 19]
non comparante
Monsieur [V] [G]
[Adresse 21]
[Localité 19]
non comparant
Monsieur [I] [T]
[Adresse 5]
[Localité 25]
non comparant
Madame [B] [P] épouse [Y]
[Adresse 10]
[Localité 19]
non comparante
Monsieur [E] [N] [NU] [Y]
[Adresse 10]
[Localité 19]
non comparant
Monsieur [K] [U]
Appelant dans le RG 07/6935
[Adresse 1]
[Localité 11]
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assisté de Me GERNIGON, avocat au barreau de PARIS, toque : A 175
SOCIETE UHR LIMITED, venant aux droits de l'UBR, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 29]
ANGLETERRE
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Bruno LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0595
Maître [H] [Z] [F] agissant en qualité de mandataire ad hoc de M. [O]
Intervenant volontaire
[Adresse 8]
[Localité 12]
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me J. LE BRUSQ, avocat au barreau de LORIENT, qui a fait déposer son dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Juin 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Paul BETCH, Président
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- réputé contradictoire
- rendu publiquement
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé, en l'empêchement du président, par Madame Brigitte HORBETTE conseiller ayant délibéré et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***************
Par plusieurs actes reçus par M. [C], notaire à [Localité 31], entre juillet 1988 et juin 1990, cinq personnes ont acquis d'une SARL 'L'âge d'or', agent immobilier, de nombreux appartements constituant des invendus de programmes immobiliers. Pour ce faire elles ont contracté auprès de plusieurs organismes bancaires des emprunts dont le remboursement devait être assuré par la location des appartements.
Les revenus locatifs espérés n'ayant pas été suffisants pour rembourser les prêts, les acquéreurs n'ont pu s'acquitter des remboursements, les établissements prêteurs faisant saisir et vendre les biens affectés hypothécairement, après déchéance du terme.
Sur plainte avec constitution de partie civile formée contre Mme [A], gérante de la SARL 'l'âge d'or', le tribunal correctionnel de Paris l'a relaxée par jugement définitif du 31 octobre 2001 qui a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de MM. [U] et [T] et des époux [O].
Les acquéreurs ainsi que les organismes financiers prêteurs ont alors recherché la responsabilité tant de M. [C] que de M. [X], notaire qui avait reçu les actes concernant l'un des acquéreurs, leur reprochant selon les cas soit un manquement à leurs devoirs de conseil soit une faute extra-contractuelle.
Par jugement du 22 février 2007, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
'déclaré recevables les interventions volontaires des organismes financiers et des mandataires liquidateurs de plusieurs parties,
'dit que M. [C] et M. [X] ont commis une faute engageant leur responsabilité professionnelle à l'égard de la société Crédit Industriel et Commercial (CIC), de la société UHR limited (UHR), de la société GE MONEY BANK (GE)et de la société CTY limited (CTY),
'condamné M. [C] à payer au CIC la somme de 184 199,55 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné M. [C], in solidum avec la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD, à payer à :
'GE la somme de 104 969,07 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'UHR la somme de 1 202 822,88 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'CTY la somme de 135 753,82 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
'condamné M. [X], in solidum avec la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD, à payer à CTY la somme de 117 753,48 € de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
'condamné solidairement les époux [G] à payer à CTY la somme de 135 753,82 € au titre de leur prêt impayé avec intérêts au taux contractuel de 10,25% à compter du 23 février 2005 et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
'condamné solidairement les époux [Y] à payer à CTY la somme de 117 753,48 € au titre de leur prêt impayé avec intérêts au taux contractuel de 10,50% à compter du 23 février 2005 et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil,
'condamné in solidum M. [C], M. [X] et la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD à payer à CTY la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
'débouté les autres parties de leurs demandes.
Par arrêt avant dire droit du 10 mars 2009, la cour a rouvert les débats pour permettre aux parties de régulariser la procédure.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'arrêt ci dessus visé auquel il est renvoyé pour l'exposé complet des faits et de la procédure,
Vu les assignations devant la cour avec dénonciation de conclusions effectuées le 13 mars 2009 à la SA le Comptoir des Entrepreneurs à personne habilitée, puis, ayant fait l'objet de procès verbal conformément à l'article 659 du code de procédure civile à M. et Mme [G], M. [T], M. et Mme [Y] et M. [J],
Vu les conclusions déposées le 2 avril 2009 aux termes desquelles la société CTY limited poursuit la confirmation du jugement, notamment en ce qu'il l'a déclarée recevable en son intervention volontaire en sa qualité de cessionnaire des créances de Citibank International Plc, venue aux droits de CGB-CITIBANK par suite de fusion absorption et apport partiel d'actif, et demande la condamnation de M. [C], de M. [X] et de la société mutuelle du Mans Assurances IARD in solidum à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 15 mai 2008 par lesquelles Mme [W] épouse [O] et M. [U] demandent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutés et, au constat de la méconnaissance des obligations de conseil et d'information de M. [C] à leur égard, le condamner à payer, sous garantie de la Caisse régionale de garantie des notaires et de la société mutuelle du Mans Assurances IARD, à M. [U] les sommes de 281 228 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1991, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et de 25 000 € en réparation de son préjudice moral et à payer à Mme [O] les sommes de 235 330 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1991, capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial et de 25 000 € en réparation de son préjudice moral et condamner solidairement M. [C], la Caisse Régionale de Garantie des Notaires et la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD à leur verser 12 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 8 avril 2009 aux termes desquelles la SCP Le DORTZ-BODELET, mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [O] et M. [F], mandataire judiciaire, désigné comme mandataire ad hoc chargé de le représenter, demandent la réformation du jugement et la condamnation de M. [C] à leur payer, ès qualités, la somme de 390 345,38 € outre les intérêts contractuellement prévus aux actes de prêts y compris les intérêts majorés et celle de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 27 avril 2009 par lesquelles la société Crédit Industriel et Commercial demande la confirmation du jugement, sauf à condamner in solidum M.[C] et la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD à lui payer la somme de 184 199,55 € de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation annuelle des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil et celle de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 2 juin 2009 par le Crédit Foncier de France, venant aux droits du Comptoir des Entrepreneurs qui demande la condamnation in solidum de la société mutuelle du Mans Assurances IARD, de M. [X] et de M. [C] à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où les appelants ne leur réclament rien mais les ont néanmoins intimés,
Vu les conclusions déposées le 8 juin 2009 par lesquelles M. [X] et la société mutuelle du Mans Assurances IARD poursuivent l'irrecevabilité de la demande de CTY au constat que la chaîne des cessions de créance n'est pas établie, subsidiairement son débouté, et la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les acquéreurs aux constats de leur participation active à la réalisation de leur préjudice et de l'absence de faute de sa part, sa réformation en ce qu'il les a condamnés envers CTY et la débouter et, en tout état de cause, condamner la partie succombante à leur payer 3 000 € chacun,
Vu les conclusions déposées le 8 juin 2009 selon lesquelles M. [C] et la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD demandent à la cour de constater l'irrecevabilité de la demande de CTY, le fait que les acquéreurs ont délibérément et activement participé à la réalisation de leur préjudice et que le notaire n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, n'ayant pas eu conscience de la fraude, en conséquence confirmer le jugement qui a débouté ces derniers, le réformer pour le surplus et débouter CTY, UHR, GE, le CIC et le Comptoir des Entrepreneurs ainsi que la SCP Le DORTZ-BODELET, ès qualités, et condamner la partie succombante à leur payer 3 000 € chacun,
A la suite de l'arrêt précité les sociétés UHR limited et GE MONEY BANK n'ont pas conclu et M. et Mme [G], M. [T], M. et Mme [Y], ne se sont pas constitués devant la cour.
SUR CE,
Sur la qualité à agir de la société CTY limited :
Considérant que MM. [C] et [X] soutiennent tout d'abord, avec leur compagnie d'assurances, le défaut de qualité à agir de la société CTY limited au motif qu'elle ne justifierait pas de la chaîne de cessions de créances dont elle serait titulaire ;
Considérant à cet égard que, tout au contraire, cette société produit les documents propres à attester de ce qu'elle s'est vue céder, par acte authentique du 23 décembre 2002, régulièrement signifiés aux intéressés le 23 septembre 2004, les créances détenues par la 'citybank International Plc' les créances que détenait cette société sur les époux [G] et sur les époux [Y] ; qu'elle justifie de même venir aux droits de cette même société à la suite d'une opération de fusion absorption intervenue le 24 octobre 1994 ; qu'elle est donc recevable ;
Sur la responsabilité des notaires envers les acquéreurs :
Considérant que M. [C] fait valoir, tout comme M. [X] pour les trois ventes auxquelles il a prêté son concours (celles des époux [Y]), qu'il n'a pas manqué à son devoir de conseil envers les acquéreurs en ne les mettant pas en garde contre le risque important de surendettement ni en ne les informant pas des importantes plus values faites par le vendeur ; qu'ils affirment qu'ils n'avaient pas à donner d'information sur ce point, le vendeur étant un marchand de biens dont c'est précisément l'objectif ; que les 'investissements hasardeux' des acquéreurs l'ont été en toute connaissance de cause dans l'espoir d'une opération lucrative et qu'ils ont sciemment dissimulé leur endettement aux organismes bancaires ;
Considérant que le notaire est tenu d'un devoir de conseil envers son client dont il ne peut être déchargé par les compétences de celui-ci ;
Considérant que, dans le cadre de l'obligation de conseil envers les acquéreurs, les notaires n'avaient pas à les informer des plus values éventuelles faites par le vendeur, ceci n'entrant pas dans sa mission dès lors que les prix des ventes effectuées n'étaient pas lésionnaires et alors que les dits acquéreurs entendaient, par l'opération en question, réaliser eux mêmes de substantiels bénéfices ;
Considérant que le notaire se doit d'alerter son client sur le risque d'endettement qu'il court en multipliant, comme en l'espèce, les achats immobiliers dans un très court laps de temps, en l'absence de financement propre suffisant et donc en multipliant également le nombre d'emprunts nécessaires à ces acquisitions ;
Que cependant, au cas particulier, il ressort du rapport d'expertise établi au cours de l'instance pénale dirigée contre Mme [A] gérante de la société venderesse, que ce sont les acquéreurs qui ont eux mêmes, souvent avec l'aide de cette dernière qui, notamment, surévaluait le prix des appartements pour leur permettre d'obtenir des prêts d'un montant supérieur, fait en sorte que leur situation financière réelle ne soit pas connue, certains d'entre eux, tels les époux [G] et les époux [Y], produisant même des faux pour y parvenir ; que c'est ainsi que les époux [G] ont pu acquérir 10 appartements, les époux [Y] 11, les époux [O]7, M. [U] 9 et M [T] 3, certains d'entre eux ayant des salaires très faibles ;
Considérant que, dans ces conditions, il ne peut être reproché au notaire un manquement à son devoir de conseil dans la mesure où la dissimulation savamment organisée par ses clients ne le mettait pas en mesure de fournir un conseil éclairé ; que la décision des premiers juges, qui ont justement retenu les mêmes éléments, sera confirmée sur ce point ;
Sur la responsabilité des notaires envers les organismes prêteurs :
Considérant que MM. [C] et M. [X] soutiennent que les prêteurs n'étaient pas parties aux actes qu'ils ont reçus mais seulement des tiers envers lesquels ils n'ont aucune obligation de conseil ; qu'ils affirment également qu'ils n'ont pas à se substituer aux banques dans la recherche de la solvabilité des acquéreurs ;
Considérant toutefois que, pour tous les actes passés, les établissements prêteurs sont intervenus selon les mêmes modalités de sorte que, même si les actes considérés sont tous des actes de vente, le prêteur y était nécessairement partie puisqu'il indique la part de financement qu'il assure dans l'acquisition ;
Considérant qu'il résulte de la lecture des dits actes que ceux ci se limitent à constater qu'un prêt a été accordé dont ils reprennent les modalités essentielles (montant, durée, taux, garanties, assurances éventuelles), démontrant ainsi que ces modalités ont fait l'objet de discussions antérieures, discussions en tout état de cause imposées par le législateur pour permettre l'exercice du délai de réflexion ; que ce n'est donc pas l'acte notarié critiqué qui a constitué ni l'offre de prêt ni son acceptation ; que le notaire, dont ce n'est pas le métier, ne saurait être tenu pour responsable de la mauvaise appréciation faite par les établissements bancaires ou financiers des capacités de remboursement des emprunteurs, alors surtout qu'en l'espèce il résulte du rapport d'expertise précité produit pour les besoins de la procédure pénale que ces établissements, en lien d'affaires avec Mme [A], la gérante de la société venderesse, lui faisaient une entière confiance pour lui présenter des acheteurs emprunteurs et lui donnaient carte blanche pour établir les dossiers de financement ;
Considérant dans ces conditions que les négligences commises par les prêteurs sont à l'origine de leur préjudice ;
Que MM. [C] et M. [X] pouvaient légitimement ignorer que les différents acquéreurs avaient dissimulé aux prêteurs le fait qu'ils avaient contracté plusieurs prêts auprès de plusieurs d'entre eux pour financer leurs diverses acquisitions alors qu'ils n'ont pas négocié les dits prêts et n'avaient aucun moyen de savoir si l'opération envisagée ne serait pas financièrement viable pour chacun ;
Qu'il ne ressort en outre d'aucune pièce que ces notaires ont, malgré la connaissance qu'ils avaient du nombre des acquisitions effectuées, sciemment trompé les établissements financiers ou bancaires concernés et ce d'autant que, ainsi qu'énoncé ci-avant, ils ne pouvaient connaître les manoeuvres auxquelles les acquéreurs se sont livrés avec l'assistance de la gérante de la SARL 'L'âge d'or' pour faire croire à une solvabilité illusoire que seule une information pénale a pu mettre au jour ;
Considérant dès lors que le jugement sera infirmé en ce qu'il a, tout en rappelant la 'véritable opération concertée de fraude aux droits des organismes bancaires ou financiers', retenu une faute des notaires à ce titre ;
Sur les indemnités procédurales :
Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile envers quiconque ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Déboute la société Crédit Industriel et Commercial, la société UHR limited, la société GE MONEY BANK, la société CTY limited, la société Crédit Foncier de France venant aux droits de la SA Comptoir des entrepreneurs, Mme [O], M. [U], la SCP Le DORTZ-BODELET, mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. [O] et M. [F], mandataire judiciaire de toutes leurs demandes ,
Les condamne in solidum aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER /LE PRÉSIDENT