Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 03 DÉCEMBRE 2009
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/02489
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2007 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2007F00383
APPELANTE
SARL TEXTILE ASSISTANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me Rémi MOUZON (SCP Rémi MOUZON), avocat au barreau de PARIS, toque : P 409,
INTIMEE
SOCIETE COOPERATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC SC GALEC prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège : [Adresse 2]
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me Bertrand JANSSENS plaidant et intervenant en tant que collaborateur de Me Laurent PARLEANI, avocats au barreau de PARIS, toque : L 36,
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral de Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Hélène DEURBERGUE, Présidente
Madame Catherine LE BAIL, Conseillère
Madame Agnès MOUILLARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Nadine BASTIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Hélène DEURBERGUE, président et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société Coopérative Groupements d'achats des centres Leclerc (ci-après le Galec) était en relation d'affaires avec la société Textile Assistance depuis 1989 pour le contrôle de conformité de ses produits textiles commercialisés sous sa marque de distributeur 'Tissaïa'. Le travail de Textile Assistance consistait, à partir de janvier ou de juillet de chaque année, à établir un barème dimensionnel à partir de prototypes proposés par les fabricants afin de les rendre conformes aux normes standardisées communes aux professions textiles, puis à analyser les têtes de série, enfin à délivrer un certificat de conformité, aucune production ne pouvant être lancée sans son accord.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 décembre 2003, le Galec a invité Textile Assistance à remédier à la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait à son égard, lui notifiant par la même occasion qu'il mettrait fin à leurs relations commerciales, en toute hypothèse, le 31 décembre 2005.
Le 7 juillet 2004, le Galec a confirmé qu'il entendait réduire progressivement leur activité commune et que leurs relations prendraient fin après la collection printemps/été 2006.
C'est dans ces conditions que Textile Assistance a, par acte du 9 août 2006, assigné le Galec devant le tribunal de commerce de Nanterre, en lui réclamant des dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies, outre diverses sommes au titre de factures impayées.
Par jugement du 19 janvier 2007, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Créteil.
Par jugement du 13 décembre 2007, le tribunal de commerce de Créteil a dit que le Galec n'a pas accordé un prévis véritable et suffisant à Textile Assistance en réduisant dès janvier 2004 le volume des affaires traitées avec cette dernière, qu'il a ainsi violé les dispositions de l'article L. 442-6, 1, 5° du code de commerce et engagé sa responsabilité sur l'année 2004 mais a débouté Textile Assistance de sa demande d'indemnisation, faute de justification, rejetant aussi ses autres demandes, et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA COUR :
Vu l'appel de ce jugement interjeté par Textile Assistance le 5 février 2008 ;
Vu les conclusions signifiées le 19 mars 2009 par lesquelles l'appelante poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il retient la faute du Galec et le principe d'une indemnisation calculée sur la marge brute mais son infirmation en ce qu'il la déboute de ses demandes et prie la cour de condamner le Galec à lui payer les sommes suivantes :
1°) au titre de la rupture :
- 86 040 € pour la première année du préavis,
- 239 529 € pour la diminution de marge brute au cours de la deuxième année de préavis, soit entre les exercices 2003 et 2005, ou, subsidiairement, 153 489 € entre les exercices 2004 et 2005,
2°) au titre du licenciement de 5 salariés : 62 756,33 €,
3°) en règlement des factures 4396 et 4397 d'abord cédées en bordereau Dailly à la banque populaire du Val de France puis rétrocédées : 54 100,67 €
4°) en règlement de factures impayées :
- 19 399,38 € TTC au titre de la facture 4414 dont le paiement était exigible au 10 avril 2006, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- 7 314,93 € au titre de la facturation des écarts sur encaissements,
enfin, 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 29 juin 2009 par lesquelles le Galec poursuit la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il retient qu'il n'a pas concédé un préavis suffisant, et formant appel incident, prie la cour de constater qu'il n'a commis aucune faute et qu'en tout état de cause, Textile Assistance n'a pas subi de préjudice, de lui donner acte de l'abandon par Textile Assistance de sa demande en paiement des factures 4414 et 4415 et de son acquiescement au jugement sur ce point, et de la débouter de ses demandes, enfin de la condamner à lui payer une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE :
Sur la rupture des relations commerciales établies
Considérant que Textile Assistance fait valoir tout d'abord que le tribunal a retenu à juste titre la faute du Galec pour, après lui avoir notifié ses intentions en décembre 2003, ne pas lui avoir laissé de véritable préavis en réduisant son activité avec elle de 24 % dès janvier 2004, alors qu'il aurait dû la maintenir égale toute l'année 2004, eu égard à son caractère saisonnier ; qu'elle ajoute toutefois que, compte tenu de ce que ses prestations portaient sur les produits de la marque du distributeur, elle était en droit de revendiquer une durée de préavis double de celle qui aurait été applicable en se référant aux usages du commerce, soit, selon elle, un préavis de deux ans ; qu'elle en déduit la brutalité de la rupture ;
Qu'elle soutient ensuite que les premiers juges auraient dû retenir également deux circonstances aggravantes, à savoir l'exclusivité de fait qui lui était imposée par le Galec, et la rupture à contretemps, qui conféraient à la rupture un caractère abusif ; qu'elle expose à cet égard qu'outre le fait que le Galec lui imposait en permanence une charge et des cadences de travail qui la conduisaient à ne travailler que pour lui, il lui avait infligé, au printemps 2002, un augmentation massive de travail (30 %), qui l'avait conduite à recruter du personnel spécialisé et avait encore aggravé sa situation de dépendance économique, puis, dès le second semestre 2003, avait commencé à réduire sensiblement sa charge de travail pour la préparation de la collection été 2004 ; qu'elle estime qu'en procédant ainsi, le Galec lui a notifié une rupture à contretemps, comme intervenue à peine plus de 18 mois après la période au cours de laquelle elle avait dû recruter des techniciens spécialisés et des employés, qu'elle a dû licencier en septembre 2004 ;
Qu'elle estime que son préjudice doit être calculé par référence à sa marge brute, à savoir le chiffre d'affaires diminué du montant versé au titre de la sous-traitance directe, aucune autre déduction n'ayant à être faite au titre de la vente ou de l'achat de marchandises, ou même de variations de stock, ces postes étant dépourvus d'objet en ce qui la concerne, et précise qu'ainsi déterminée, sa diminution de marge brute entre les exercices 2003 et 2004 s'élève à 86 040 € et entre les exercices 2003 et 2005 à 239 529 € ;
Considérant que le Galec conteste avoir anticipé la résiliation en diminuant le nombre de dossiers confiés à Textile Assistance en 2003, cette situation étant la conséquence d'un pic d'activité ponctuel et limité, survenu au cours de l'année 2002 ;
Qu'il souligne que l'embauche de cinq salariés supplémentaires résulte d'une décision de stratégie propre aux dirigeants de Textile Assistance, qui avaient eu recours préalablement, pendant des années, à des sous-traitants ;
Qu'il prétend n'avoir commis aucune faute lors de la rupture des relations commerciales, ayant respecté un préavis de deux années, soit le double du préavis d'usage, dont le caractère dégressif était justifié, d'une part, par la nécessité de s'adapter aux évolutions du marché de la confection, le nombre de ses fournisseurs francophones ayant diminué progressivement au cours des années concernées, réduisant d'autant le nombre de fournisseurs dont Textile Assistance pouvait assurer le suivi technique et justifiant le transfert de cette activité à la société Siplec, société d'importation du 'mouvement Leclerc' basée de longue date en Extrême-Orient et, plus à même de contrôler la production émanant de cette région du monde, d'autre part, par l'intérêt de sa partenaire, qui n'aurait pu assurer sa reconversion s'il avait continué à lui confier le même nombre de dossiers et à la maintenir ainsi dans sa dépendance économique, soulignant à cet égard que lui-même a respecté le plan d'activité annoncé en décembre 2003 et en juillet 2004 ;
Qu'il objecte encore que la rupture n'a généré aucun préjudice pour Textile Assistance, puisque celle-ci a réalisé en deux ans de préavis dégressif un chiffre d'affaires supérieur à celui qu'elle aurait enregistré au cours d'une seule année de préavis plein et qu'en tout état de cause, elle a réalisé en 2004 et 2005 des résultats bruts d'exploitation (112 919 € et 75 377 €) supérieurs à celui de 2003 (69 101 €) ;
Qu'il ajoute que Textile Assistance est responsable pour partie du préjudice dont elle se prévaut, pour s'être placée volontairement en situation de dépendance économique, aucune exclusivité ne lui ayant été imposée, et pour s'être abstenue de mettre en oeuvre un plan de diversification de ses activités, malgré ses invitations en ce sens ;
Qu'ayant rappelé, enfin, que le préjudice est en général calculé par référence à la perte de marge brute, et non de chiffre d'affaires, il soutient que, s'agissant en l'espèce d'une entreprise de services et non de négoce, le préjudice doit être calculé par référence à la perte de résultat d'exploitation, laquelle est nulle, Textile Assistance ayant au contraire augmenté ses résultats au cours du préavis ;
Considérant, sur le cadre juridique applicable à l'espèce, que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, et que, lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ;
Considérant que ce texte prohibe toute rupture, même partielle, d'une relation commerciale établie, ce dont il se déduit que le Galec ne pouvait, immédiatement après avoir notifié son intention de rompre, réduire le nombre de dossiers confiés à Textile Assistance, fût-ce au prétexte de l'inciter à diversifier ses activités, cette dernière étant libre de s'organiser sans y être contrainte par son partenaire exclusif ; qu'en outre, même si le secteur de l'habillement connaissait des mutations profondes à cette époque, qui justifient sans doute les décisions prises, à terme, par le Galec, celui-ci ne démontre pas qu'il se soit trouvé économiquement contraint de réduire, immédiatement, ses activités en France au profit d'une délocalisation en Extrême-Orient, étant d'ailleurs observé qu'il était moins catégorique dans son courrier de rupture du 23 décembre 2003 puisqu'il expliquait alors l'évolution de sa 'stratégie de marque propre' ainsi : 'la concurrence nous oblige, pour des raisons de compétitivité, à délocaliser progressivement la production de notre marque Tissaïa sur l'Asie et à recourir à notre logistique interne (société Siplec)' ; qu'au demeurant, ce courrier est empreint de contradictions puisque le Galec y invitait Textile Assistance à lui fournir, 'd'ici à 6 mois', un plan de mesures pour remédier à sa situation de dépendance économique dans un délai de deux ans, ce dont il résultait qu'il s'imposait un minimum de préavis total de 6 mois et qu'il ne pouvait, comme il le précisait quelques lignes au dessous, réduire l'activité de 30 % dès la saison hiver 2004 et que, de toute façon, il importait peu que Textile Assistance lui fournisse un plan en ce sens puisqu'il lui avait indiqué expressément qu'en toute hypothèse, à l'expiration des deux ans, leurs relations prendraient fin, le contrôle de conformité et la mise au point des produits Tissaïa étant transférés à son pôle technique interne, Siplec ;
Considérant que c'est à juste titre que Textile Assistance revendique un délai deux fois plus long que le délai d'usage, puisque les prestations qu'elle fournissait au Galec s'incorporaient dans le cycle de production des produits sous marque de distributeur, ce qui revient à dire, au sens du texte susvisé, que la relation commerciale portait sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; que cette exigence est d'autant plus justifiée en l'espèce qu'au moment de la notification, Textile Assistance travaillait pour le Galec depuis plus de 14 ans, qu'elle était alors dans une totale situation de dépendance économique, ce que celui-ci lui avait du reste rappelé dans son courrier de résiliation du 23 décembre 2003, peu important de déterminer à qui cette situation, objective, était imputable, que son activité, par sa saisonnalité, revêtait une rigidité certaine puisqu'elle se répartissait sur deux périodes de six mois commençant, l'une en janvier, l'autre en juillet, qu'enfin, elle venait d'embaucher cinq personnes supplémentaires en raison du surcroît d'activité survenu au cours de l'année 2002, dont manifestement le Galec ne l'avait pas prévenue qu'il risquait d'être temporaire et dont d'ailleurs, ce dernier n'établit pas le caractère purement conjoncturel ;
Considérant qu'en considération de ces éléments, la cour estime que Textile Assistance était fondée à bénéficier d'un préavis total de deux ans ;
Considérant, en fait, que si les parties s'opposent sur le chiffre d'affaires exact effectué par Textile Assistance au titre de l'activité confiée par le Galec, leurs données concordent en revanche, à une ou deux unités près, sur le nombre de dossiers concernés ; qu'ainsi, le Galec a confié à Textile Assistance :
- en 1999 : 332 dossiers pour la collection P/E 2000,
- en 2000 : 357 dossiers pour la collection A/H 2000, 358 dossiers pour la collection P/E 2001 soit 715 dossiers ;
- en 2001 : 359 dossiers pour la collection A/H 2001, 362 dossiers pour la collection P/E 2002 soit 721 dossiers ;
- en 2002 : 476 dossiers pour la collection A/H 2002, 503 dossiers pour la collection P/E 2003, soit 979 dossiers ;
- en 2003 : 412 dossiers pour la collection A/H 2003, 393 dossiers pour la collection P/E 2004 soit 805 dossiers ;
- en 2004 : 248 dossiers pour la collection A/H 2004, 179 dossiers pour la collection P/E 2005 soit 427 dossiers ;
- en 2005 : 175 dossiers pour la collection A/H 2005, 117 dossiers pour la collection P/E 2006, soit 292 dossiers ;
Considérant qu'il résulte de cette simple énumération que, dès la notification, intervenue à la fin de l'année 2003, le Galec a commencé à réduire, drastiquement, le nombre de dossiers confiés à Textile Assistance, puisque, pour la première saison (automne/hiver 2004), il l'a diminué de 36 %, pour atteindre une réduction globale de 47 % sur l'année et porter l'ensemble de la baisse du flux d'affaires à 63 % en 2005 par rapport à 2003 ; que, dans ces conditions, le Galec ne saurait prétendre avoir laissé à Textile Assistance les moyens d'organiser sa reconversion, celle-ci s'étant trouvée, au contraire, d'emblée confrontée à d'importantes difficultés économiques, dont attestent au demeurant ses documents comptables qui font état d'une baisse de chiffre d'affaires de 20 % en 2004 (361 945 €) et de 45 % en 2005 (247 740 €) par rapport à 2003 (453 949 €) ; qu'il suit de là que la rupture a été brutale, Textile Assistance ayant été privée d'un véritable préavis de deux ans ;
Considérant, sur le préjudice, que c'est à juste titre que Textile Assistance revendique l'indemnisation de son manque à gagner en tenant compte de la situation qui était la sienne, notamment du point de vue de ses charges salariales, au moment où la résiliation lui a été notifiée ; qu'elle est donc fondée à réclamer la diminution de sa marge brute au cours des deux années de préavis par rapport à l'année 2003 (laquelle au demeurant était moins fructueuse que 2002) ; que la remontée de ses résultats bruts d'exploitation en 2004, soulignée par le Galec, résulte en réalité des décisions opportunes prises en matière sociale au cours de l'exercice, qui lui ont permis de réduire ses charges salariales, mais la cour observe néanmoins qu'en définitive, pour un résultat net de 39 481 € en 2003, Textile Assistance ne déclarait plus que 11 181 € en 2004 et 27 274 € en 2005, ce qui invalide l'affirmation du Galec selon laquelle cette société n'aurait pas subi de préjudice ;
Considérant qu'il résulte des documents comptables et attestations d'expert-comptable produits par Textile Assistance que sa marge brute s'élevait à 442 235 € en 2003, à 256 195 € en 2004 et à 202 706 € en 2005, de sorte qu'elle est fondée à obtenir à ce titre, ainsi qu'elle le demande, 86 040 € au titre de l'année 2004 et 239 529 € au titre de l'année 2005, soit au total 325 569 € ;
Considérant en revanche qu'en ce qui concerne le licenciement des cinq salariés, c'est à juste titre que le Galec objecte que cette situation est le fruit de l'organisation voulue par Textile Assistance, qui ne conteste pas qu'elle avait recours jusqu'alors à la sous-traitance et qui ne justifie pas de la nécessité impérieuse où elle se serait soudainement trouvée, même en présence d'un surplus de dossiers à traiter, d'embaucher cinq salariés supplémentaires ; qu'au demeurant, les sommes réclamées, pour l'essentiel, (coût de la formation, indemnités de congés payés, indemnités de préavis...) font double emploi avec l'indemnisation allouée au titre de la perte de marge brute, dont ne sont pas déduits les frais de personnel ; que ce chef de demande doit donc être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette la demande en paiement des frais de licenciement mais partiellement infirmé, en ce qu'il limite à un an le préavis auquel aurait eu droit Textile Assistance et en ce qu'il la déboute de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la perte de marge brute ;
Sur les factures
Considérant que Textile Assistance réclame tout d'abord au Galec le paiement de deux factures n° 4396 et n° 4397 -de 52 874,55 € et de 1 226,12 €-, initialement cédées par bordereau Dailly à la Banque Populaire de Val de France, puis 'rétrocédée' par contre-passation d'écriture sur ses comptes, 'correspondant au relevé des agios de Factorem à 30 jours plus les écarts au delà de trente jours allant jusqu'à 65 jours d'échéances', indiquant qu'il s'agit d'un système mis en place par son affactureur, Factorem, pour pallier le non respect des échéances au comptant, le Galec lui devant, au 10 juillet 2002, la somme considérable de 185 481,01 € ; qu'elle précise que le Galec n'a jamais contesté l'existence de cet encours et que le fait qu'il n'ait pas été informé du choix de l'affacturage comme mode de financement de sa créancière ou qu'il n'y ait pas donné son accord est indifférent, puisque c'est lui qui est responsable de la contrainte économique dans laquelle, par ses propres retards de paiement, il a placé Textile Assistance, la conduisant à recourir au financement de sa trésorerie courante par la mise en place d'un contrat d'affacturage ; qu'elle estime que ces retards importants, même en l'absence de mise en demeure, représentaient de la part du Galec une modification unilatérale des conditions tarifaires, sans préavis, constituant une négligence fautive au sens de l'article 1382 du code civil ;
Qu'elle revendique ensuite le paiement de deux factures n° 4414 et n° 4415 -de 19 399,38 € TTC et de 154 714,55 €-, représentant respectivement les agios des 'factures établies comptant sous 10 jours et réglées entre 20 et 158 jours après l'échéance', et 'les écarts sur les dossiers imposés en 2002 et non respectés en 2003, 2004 et 2005 alors que Textile Assistance avait toute sa charge de personnel à assumer' qui reprend, pour chaque saison, à compter de l'hiver 2002, 'le nombre de dossiers annulés et non reçus par rapport au volume d'activité, c'est à dire au chiffre imposé pour chaque saison, pour tous les rayons d'activité', ce qui permet de dégager son manque à gagner 'par rapport au plan d'activité programmé sur les différentes saisons printemps/été 2005, automne/hiver 2005 et printemps/été 2006', annoncé et rappelé par le Galec dans des courriers valant engagements contractuels au titre du préavis de deux ans courant sur les années 2004 et 2005 ;
Mais considérant, tout d'abord, s'agissant des créances prétendues pour paiement tardif, que c'est Textile Assistance qui prétend imposer une modification unilatérale de ses conditions tarifaires en les aggravant par la perception d'agios non prévus ; qu'il convient de rappeler à cet égard les dispositions de l'article 1153 du code civil selon lesquelles, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent, à moins que le créancier n'établisse que son débiteur en retard lui a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, Textile Assistance se bornant à de simples affirmations en la matière, impropres à démontrer la mauvaise foi du Galec, qu'elle ne justifie d'ailleurs pas avoir prévenu de la nécessité où elle se trouvait, par suite de sa négligence, de recourir à l'affacturage, source de frais supplémentaires ;
Considérant, ensuite, que le préjudice résultant du non-respect prétendu des engagements souscrits par le Galec au cours du préavis fait double emploi avec celui constitué par la perte de marge brute, déjà indemnisé, et ne saurait donner lieu à la perception de dommages et intérêts supplémentaires ;
Qu'il suit de là que les demandes en paiement au titre de factures impayées ne sont pas fondées et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il les a rejetées ;
Et considérant que Textile Assistance a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il y a donc lieu de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dans la mesure qui sera précisée au dispositif, et de rejeter la demande présentée par l'intimé à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il retient la faute délictuelle de la société SC Galec pour rupture brutale d'une relation commerciale établie avec la société Textile Assistance et en ce qu'il rejette la demande de la société Textile Assistance en remboursement de frais de licenciement ainsi que ses demandes en paiement de factures,
L'INFIRME en ce qu'il limite à un an le préavis auquel aurait eu droit la société Textile Assistance et en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts présentée par cette dernière à ce titre,
Et statuant à nouveau de ce chef,
Dit que la société SC Galec a engagé sa responsabilité, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, en n'accordant pas la société Textile Assistance un délai de préavis de deux ans à compter du 31 décembre 2003,
La condamne à payer à la société Textile Assistance une indemnité de 325 569 € en réparation du préjudice subi,
Condamne la société SC Galec à payer à la société Textile Assistance une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande formée à ce titre,
Condamne la société SC Galec aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A.BOISNARD
La Présidente
H. DEURBERGUE