Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 15 DECEMBRE 2009
(n° 398, 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/05583
Décision déférée à la Cour :
arrêt du 14 février 2008 Cour de cassation Civ 1
APPELANTS
DEMANDEURS À LA SAISINE
Maître [M] [X]
[Adresse 4]
[Localité 3]
SA LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentés par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistés de Me LICOINE, avocat au barreau d'ORLÉANS
INTIMEE
DÉFENDERESSE À LA SAISINE
CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST (CIO) venant aux droits de la BANQUE REGIONALE DE L'OUEST (BRO)
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée Me Ph. BERTRAND, avocat au barreau d'ORLÉANS
SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 novembre 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
M. [O] s'était, le 5 octobre 1973, porté caution solidaire envers la Banque Régionale de l'Ouest des sommes empruntées par l'entreprise qu'il dirigeait. A la suite de la mise en redressement judiciaire de l'entreprise, ces sommes lui ont été réclamées par la banque dont la créance a été admise au passif pour 1 871 621 francs.
Par arrêt irrévocable du 2 mai 1996, la cour d'appel d'Orléans a confirmé la rétractation d'une ordonnance d'injonction de payer obtenue par cette banque, au motif qu'elle reconnaissait dans ses conclusions devant ladite cour que l'acte de cautionnement, qu'elle avait momentanément égaré, avait été remis à son débiteur, le déchargeant par là même.
La Banque Régionale de l'Ouest a alors recherché la responsabilité de M. [X], son avoué, pour ces conclusions prises sans lui en référer et le tribunal de grande instance d'Orléans a, par jugement du 1er avril 2003, condamné ce dernier, in solidum avec la société mutuelle du Mans Assurances IARD, à lui payer la somme de 228 261 € en réparation du préjudice causé par sa faute, ainsi que celle de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en retenant que, en dépit de l'impossibilité pour la Banque Régionale de l'Ouest de produire l'original de son titre, elle avait des chances sérieuses d'obtenir la réformation du jugement et la condamnation de M. [O] qui était solvable, que néanmoins, s'agissant d'une perte de chance, elle a évalué son préjudice à 80% du montant de sa créance.
Saisie de l'appel de ce jugement, la cour de céans a, par arrêt du 9 mai 2006, confirmé le jugement en ce qu'il a reconnu une faute de l'avoué et un préjudice de la banque en lien avec cette faute mais l'a réformé sur le montant des dommages et intérêts alloués et, considérant qu'il n'y avait pas lieu de retenir une fraction de la créance car elle équivalait au préjudice subi, a condamné M. [X] et son assureur, in solidum, à payer à la Banque Régionale de l'Ouest la somme de 285 326,78 €.
Par arrêt du 14 février 2008, la Cour de cassation, saisie du pourvoi de la société mutuelle du Mans Assurances IARD et de M. [X], a cassé cet arrêt 'mais seulement en ce qui concerne les dommages et intérêts' et a remis les parties dans l'état antérieur sur ce point.
C'est en cet état que l'affaire revient devant la cour autrement composée.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'arrêt susvisé de la Cour de cassation ,
Vu la déclaration de saisine du 28 mars 2008 par M. [X] et la société mutuelle du Mans Assurances IARD,
Vu leurs dernières conclusions déposées le 19 octobre 2009 selon lesquelles ils demandent la condamnation de la Banque Régionale de l'Ouest à leur rembourser la somme de 288 326,78 € réglée par eux en exécution de l'arrêt du 9 mai 2006, avec intérêts 'de droit' à compter de l'arrêt de la Cour de cassation ou, subsidiairement, de leurs premières écritures devant la cour de renvoi (soit le 19 juin 2008) ainsi que sa condamnation à leur payer 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel ainsi que ceux de l'arrêt cassé,
Vu les dernières conclusions déposées le 8 octobre 2009 par lesquelles le Crédit Industriel de l'Ouest (CIO) venant aux droits de la Banque Régionale de l'Ouest demande la condamnation de M. [X] in solidum avec son assureur à lui payer la somme de 285 326,78 € ainsi que celle de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant que M. [X] et la société mutuelle du Mans Assurances IARD soutiennent que la banque n'avait aucune chance de voir la cour d'appel d'Orléans prononcer une décision plus favorable par application de l'article 1315 du code civil ; que sa perte de chance sans les conclusions de son avoué était inexistante comme l'est en conséquence son préjudice ; qu'ils rappellent que la banque avait égaré l'original de l'acte de caution et que ce seul fait rendait hypothétiques ses chances, comme l'avait retenu le tribunal de Montargis bien avant l'aveu judiciaire, au regard de l'absence de preuve de son engagement que M. [O] aurait soulevée ; que cette même banque ne s'explique pas sur les circonstances dans lesquelles elle a retrouvé l'acte de caution au cours de la procédure devant la Cour de cassation ; qu'elle a remis les autres originaux à d'autres membres de la famille [O] ;
Considérant cependant que, ainsi que le rappelle la CIO et comme l'a exactement retenu le jugement du tribunal de grande instance d'Orléans, la chance perdue par la faute de l'avoué était très importante puisque M. [O] ne prétendait pas ne pas avoir souscrit de cautionnement, ne contestant pas la conformité de sa photocopie à l'original, mais en avoir été libéré par la remise volontaire de l'acte, ce que, en l'absence de l'aveu judiciaire énoncé, il aurait été dans l'impossibilité de démontrer, la banque ayant seulement momentanément égaré l'original de cet acte qu'elle a ensuite retrouvé ;
Que dans ces conditions les développements relatifs à la remise du titre à d'autres cautions ou les circonstances de la récupération de l'original deviennent inopérants ;
Considérant que les premiers juges ont également relevé à juste titre que M. [O] était solvable, de sorte que la CIO avait toutes les chances de pouvoir récupérer sa créance ;
Q'au vu de ces considérations et alors que la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue et non être équivalente à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, le préjudice de la CIO doit s'évaluer à 95% de sa créance, soit à la somme, arrondie, de 271 100 € ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à la CIO, d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant dans les limites de la cassation,
Réforme le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 228 261 €,
Condamne in solidum M. [X] et la société mutuelle du Mans Assurances IARD à payer au Crédit Industriel de l'Ouest la somme de 271 100 € (deux cent soixante et onze mille cent euros),
Condamne in solidum M. [X] et la société mutuelle du Mans Assurances IARD aux dépens de 1ère instance et d'appel, comprenant ceux de l'arrêt cassé, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer au Crédit Industriel de l'Ouest la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT