RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 15 décembre 2009
(n° 12 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08435
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 avril 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil section encadrement RG n° 06/01554
APPELANT
M. [D] [X]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne, représenté par Me Christian DELUCCA, avocat au barreau de Paris, toque : E0030 substitué par Me Martine BONSON-DELUCCA avocate au barreau de Paris toque : E 0030
INTIMÉE
Société LA RESEAUTIQUE-NGR FRANCE SAS
Europarc
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nathalie DAUXERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : K 020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 juin 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR
M. [X] a été engagé le 1er octobre 2003 par la société IKON OFFICE SOLUTIONS en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre, niveau 5, coefficient 2002 de la convention collective nationale du commerce du détail de papeterie et bureautique et affecté à l'agence de [Localité 5] de l'entreprise.
Il devait percevoir d'une part un salaire fixe de base en dernier lieu de 1 525 euros pour 151,67 heures, augmenté d'une prime de certification pendant un an, cette prime devant être intégrée ensuite dans le salaire de base en cas de 'certification', d'autre part un salaire variable sur objectifs définis chaque année selon plan de rémunération contractuel. Un premier plan était signé entre les parties le 19 octobre 2003 à effet à compter de cette date et jusqu'au 30 septembre 2004.
En juillet 2005 son contrat de travail était transféré à la société LA RESEAUTIQUE appartenant au groupe NRG France.
La société RICOH France vient maintenant aux droits de la société LA RESEAUTIQUE qui avait été absorbée en avril 2006 par la SA NRG France.
La convention collective nationale de la métallurgie est désormais applicable à l'entreprise.
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Par courrier daté du 28 mai 2006, M. [X] confirmait à la société LA RESEAUTIQUE son refus d'un nouveau plan de rémunération. Il demandait au directeur général de la société de 'faire cesser les mesures discriminatoires et de harcèlement qu'il subissait depuis son refus'. Il indiquait que son contrat n'étant pas respecté 'sur plusieurs points' il s'adressait à un avocat pour saisir la juridiction prud'homale.
Par courrier du 11 juillet 2006, la société LA RESEAUTIQUE, faisant état de la réception le 03 juillet 2006 du courrier de M. [X] du 28 mai précédent, prenait acte du refus de M. [X] de son nouveau plan de rémunération et contestait les griefs avancés par le salarié.
A la suite d'une lettre du 11 juillet 2006 du syndicat Commerce et Services du Puy de Dôme - CFDT faisant part de harcèlement du fait de M. [X] des élus CFDT,
Mme [C] et M. [K], la société LA RESEAUTIQUE par courrier du
18 juillet 2006 convoquait M. [X] à un entretien en leur présence fixé au 21 juillet.
M. [X] saisissait le 21 juillet 2006 le conseil de prud'hommes de Créteil aux fins de paiement de commissions, de résiliation judiciaire de son contrat de travail, de paiement d'indemnité de rupture.
Par lettre du 31 juillet 2006 la société LA RESEAUTIQUE s'étonnait auprès de
M. [X] de la réception d'une convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Créteil saisi le jour même de la confrontation qu'elle avait organisée et l'informait qu'une nouvelle confrontation aurait lieu le 30 août 2006 à l'agence de Clermont-Ferrand.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 septembre 2006, la société LA RESEAUTIQUE 'invitait' M. [X] dont 'le comportement avait pu être jugé comme vexatoire par certains de ses collègues ... à faire des efforts sur le plan relationnel, en direction de tous, d'un minimum de courtoisie ... et pour l'avenir à signaler à son responsable hiérarchique toute situation conflictuelle afin de permettre en temps utile d'y apporter le cas échéant les réponses adaptées'.
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Par lettre du 05 novembre 2006, M. [X] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et aux motifs suivants :
'Je suis contraint de constater que depuis le jour où j'ai osé refuser le nouveau plan de rémunération élaboré par la société La Réseautique, plan, s'il était appliqué représenterait un manque à gagner du point de vue de ma rémunération, j'ai fait l'objet de pressions, de mesures de discrimination et d'un harcèlement permanent pour me faire revenir sur ma position.
Ces pratiques se sont notamment traduites par : la réduction de mon secteur en terme de potentiel ainsi que la suppression de certains comptes y compris les grands comptes !!!!
Face à un tel comportement, je ne pouvais que réagir mais je constate que, malheureusement, la direction de la société La Réseautique, bien loin de s'en excuser, n'impute l'ensemble des fautes commises et m'accuse d'être moi même à l'origine de pratiques de harcèlement sur une partie du personnel.
Comprenez que la situation devient totalement intolérable pour moi, qui ai déjà des problèmes de santé qui me handicapent gravement.
.... Les pressions et harcèlements ... se sont aggravés depuis le jour de la saisine du conseil de prud'hommes'.
M. [X] indiquait n'être tenu par aucun préavis 'eu égard à la manière dont [la société] avait rompu son contrat de travail' mais indiquait qu' 'en revanche avec son accord, il resterait jusqu'au 17 novembre pour permettre une passation de ses comptes et affaires en cours'.
Il précisait que sa lettre 'n'était pas une démission'.
Par jugement rendu le 17 avril 2008, la section encadrement du conseil des prud'hommes de Créteil déboutant M. [X] de toutes ses prétentions.
M. [X] interjetait appel le 12 juin 2008, la décision lui ayant été notifiée le 06 juin précédent.
SUR QUOI
Vu les conclusions du 22 juin 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de M. [X] qui demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de dire que sa prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société RICOH France à lui payer les sommes suivantes :
- 12 778,95 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 1 277,89 euros au titre de l'incidence des congés payés,
- 2 626,78 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 25 557,90 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et ajoutant au jugement de condamner l'intimée à lui payer les sommes de :
- 6 316,16 euros à titre de rappel de commissions,
- 631,62 euros au titre de l'incidence des congés payés,
- 2 250 euros à titre de compensation d'un manque à gagner sur 'reversions techniques'
- 225 euros au titre de l'incidence des congés payés, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions du 22 juin 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de la société RICOH France aux fins de rejet de toutes les prétentions de M. [X] et de condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Sur les commissions
Attendu qu'aux termes du contrat de travail de M. [X], devait être chaque année signé entre les parties un avenant fixant les conditions de rémunération variable de cet ingénieur commercial ;
Que seul un premier plan de rémunération variable pour 2003-2004 était cependant soumis à la signature de M. [X] et accepté, un second ne l'étant que pour l'année 2006 mais refusé par le salarié ;
Attendu que M. [X] fait valoir qu'à compter de janvier 2005 la société IKON OFFICE SOLUTIONS alors encore son employeur a mis en oeuvre unilatéralement une politique tarifaire accentuée sur la maintenance du matériel, dite 'transfert technique', politique qui a conduit à retirer une partie de la marge commerciale servant d'assiette aux commissions pour l'affecter sur le poste de la 'maintenance technique' non rémunéré, que dès juillet 2005, avec la cession de la société devenant LA RÉSEAUTIQUE au groupe NRG France, les commissions des commerciaux de l'entreprise ont chuté, et cela pour lui-même également alors qu'il figurait toujours en bonne place dans les documents des vendeurs, que cette baisse s'est accentuée avec la restructuration ayant suivi la fusion ainsi qu'avec l'abandon par LA RÉSEAUTIQUE de la commercialisation d'un certains nombres de produits, dont les imprimeries CANON, au bénéfice des produits NRG, que l'offre d'un nouveau plan de rémunération variable pour 2006 et la nouvelle politique commerciale mise en place sont intervenues dans le cadre de ces restructurations ; que sa baisse de commissionnement résulte de la réduction du prix des copies facturé (reversions techniques), de la mise en place d'un prix maximum 'vendeurs anciens Pay Plan' se substituant au commissionnement sur les marges brutes, du changement de son secteur géographique avec une nouvelle liste de comptes restreinte ayant un potentiel inférieur, le retrait de grands comptes comme l'ANEF, l'INRA, la mairie de [Localité 6], l'attribution de compte sans contrats avec LA RÉSEAUTIQUE ou sous contrats avec d'autres sociétés du groupe ;
Qu'en réponse, la société RICOH France soutient que M. [X] ayant refusé d'adhérer au nouveau Pay Plan de 2006, seul le Pay Plan de 2003 lui a été appliqué aux conditions antérieures ; qu'elle conteste avoir appliqué des 'prix minis' du Pay Plan de 2006, ceux-ci ne devant pas se confondre avec les tarifs clients relevant de la politique commerciale de l'entreprise et les 'prix minis' de 2003 ayant toujours été appliqués à
M. [X] ; qu'elle fait valoir que les modalités de calcul de la rémunération de
M. [X] ont été maintenues et que la modification de son secteur d'activité n'est pas fautive, le salarié n'ayant pas contractuellement l'exclusivité d'une clientèle, que certains comptes ne faisaient plus parties de la clientèle de l'entreprise ;
Qu'il s'évince de ces éléments présentés par les parties que sont intervenus une modification des conditions tarifaires en clientèle, l'abandon ou la perte de la commercialisation de certains produits, notamment de la marque CANON, le retrait de compte et l'affectation de nouveaux comptes au salarié ;
Que M. [X] pour le surplus ne rapporte pas la preuve que ses commissions n'étaient plus calculées sur la marge brute définie au Pay Plan du 1er octobre 2003, pour un an au demeurant ; qu'en effet il ne produit aucun document révélant que lors du calcul de ses commissions ont été pris en compte des prix forfaitaires minimum pour leur servir d'assiette, plutôt que les marges brutes définies en 2003 sur ventes d'équipements et sur ventes de services, avec application des seuils mensuels contractuels relatifs à ces deux activités commerciales ;
Que ce document intitulé 'catalogues et tarifs - matériels et services - mai 2006 - vendeurs ancien Pay Plan' produit défini pour la vente de matériel des prix public et des 'prix mini' vendeur 'ancien Pay Plan' sans mention d'un abandon de la référence à la marge brute ;
Que ce document n'implique que la définition des prix en dessous desquels les vendeurs de l'ancien 'Pay Plan' ne peuvent faire d'offre mais n'écarte pas la possibilité pour eux de vendre à meilleur prix et notamment aux prix publics ;
Que la politique de tarification, même si elle peut avoir une incidence sur le niveau de rémunération variable de l'ingénieur commercial ne constitue pas en soi une modification contractuelle ; qu'aucun élément en la cause ne démontre que la politique suivie a été mise en place pour réduire le niveau de rémunération de M. [X] ; que la société LA RÉSEAUTIQUE de même n'était pas tenue contractuellement de maintenir la commercialisation de tous produits ;
Que de même l'affectation de tels ou tels comptes-clients à M. [X] n'était pas contractuellement immuable ; que celui-ci ne démontre pas surtout que l'attribution de comptes fin juin 2006, tels une base aérienne, l'hôtel des Impôts, des bureaux de Poste, une trésorerie, un laboratoire - une sous-préfecture - un collège, un lycée etc..., à [Localité 9] et [Localité 8], plutôt qu'à [Localité 7] ou [Localité 11] et [Localité 10], l'attribution de multiples comptes d'inégale importance, lui a occasionné une baisse de sa rémunération variable sur la courte période où il a pu travailler de juillet à octobre 2006, alors que par ailleurs étaient perdus les produits CANON ;
Que de même M. [X] ne démontre pas avoir perdu des machines neuves lui ouvrant droit à paiement de prime sur la période litigieuse ;
Que la demande en paiement d'un rappel de commissions sur la base d'une comparaison d'une année sur l'autre et non au mois le mois et de simples évaluations n'est pas fondée ;
Sur les 'reversions techniques'
Attendu que M. [X] se prévaut d'un 'manque à gagner' à ce titre ; que cependant, ce manque à gagner, si tant est qu'il soit établi, n'est invoqué que par référence à une baisse des tarifs des consommables ; que la demande de M. [X] qui ne peut se prévaloir d'une clause contractuelle de maintien des tarifs à ce titre n'est pas fondée en conséquence ;
Sur la rupture
Attendu que M. [X] pour justifier la rupture dont il a pris l'initiative se prévaut de modifications unilatérales de son contrat de travail relatives à sa rémunération et son secteur géographique, d'une inégalité de traitement, d'un harcèlement moral ;
Attendu sur les modifications unilatérales de son contrat de travail avancées, qu'il s'évince des motifs qui précèdent que M. [X] a refusé de signer le plan de rémunération variable pour 2006 sans démontrer que le plan de 2003 qui continuait à être appliqué depuis octobre 2004, n'a plus été honoré par la société LA RÉSEAUTIQUE ;
Que la politique de tarification des consommables (copies) ne procède pas du contrat ; que le moyen tiré du mécanisme dit 'des reversions techniques' n'est pas fondé ; que
M. [X] qui a quitté l'entreprise en novembre 2006 ne justifie d'ailleurs pas d'un manque à gagner d'une année sur l'autre comme ci-dessus constaté ;
Que le document dit 'vendeurs anciens Pay Plan' n'emporte pas en soi, comme précédemment apprécié par la cour, une modification contractuelle, le commercial restant libre de négocier ses prix dans la fourchette définie sans qu'il y ait modification du principe de calcul sur la marge brute par seuil mensuel ;
Que M. [X] ne justifie pas d'une modification de l'économie de son contrat de travail ;
Que concernant la modification du secteur géographique, M. [X] était rattaché à la région de [Localité 5], celle-ci pouvant aller jusqu'en Allier comme le démontre la liste des clients dont il se revendique pour la période antérieure à fin juin 2006 ;
Qu'une clause de mobilité géographique est en outre inscrite au contrat de travail qui le liait ; que la modification imposée en juin 2006 était très limitée ; que M. [X] là encore ne justifie pas, alors que des grands comptes lui étaient attribués à nouveau, que son niveau de rémunération devait être affecté alors qu'il n'a travaillé que quelques semaines sur ce nouveau secteur ;
Attendu sur l'inégalité de traitement et le harcèlement moral allégué, que M. [X] pour établir des faits laissant supposer une inégalité de traitement vient dire qu'il a été exclu comme les autres commerciaux sous 'ancien Pay Plan'd'un concours permettant aux six meilleurs vendeurs de bénéficier d'un voyage, comme mentionné au règlement de ce concours, que des commerciaux moins bien classés que lui ont donc gagné ledit voyage ; qu'il vient dire également ne pas avoir bénéficié, avec les autres commerciaux ayant refusé le nouveau plan de rémunération, d'animations commerciales ; que par cette argumentation, l'appelant vient lui même démontrer que sa situation est distincte de celle des commerciaux ayant accepté les nouvelles modalités de rémunération ; que cette différence résultant de son refus, même s'il était en droit de l'opposer, le moyen tiré d'une inégalité de traitement n'est pas fondé ;
Que M. [X] admet lui même que le nouveau Pay Plan relevait d'une modification de la stratégie commerciale à laquelle il n'a pas adhéré ;
Que de même, l'application de tarifs d'achat distincts pour les vendeurs ayant accepté de nouvelles conditions de rémunération procède de la modification de la stratégie commerciale de l'entreprise et des nouvelles modalités de calcul des rémunérations variables ; que le refus de M. [X] explique là encore la différence de situation dans laquelle il se trouvait ;
Que sur la harcèlement, M. [X] se contente d'invoquer son état de santé sans établir, ni même évoquer des arguments constitutifs de harcèlement ;
Attendu en conséquence de l'ensemble des motifs qui précèdent, que la rupture du contrat de travail dont M. [X] a pris l'initiative produit les effets d'une démission ;
Que l'appel au titre de cette rupture n'est pas fondée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Déboute M. [X] de ses demandes en paiement au titre de 'reversions techniques' et de commissions,
Le condamne aux dépens d'appel,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes à ce titre.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE