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02/02/2010 | FRANCE | N°09/01916

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 02 février 2010, 09/01916


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 2 FEVRIER 2010



(n° 35, 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/01916



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00102



APPELANTE



Madame [J] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER

- FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me St. LATASTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137





INTIME



Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par la SCP HARDOUIN, av...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 2 FEVRIER 2010

(n° 35, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/01916

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00102

APPELANTE

Madame [J] [X]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour

assistée de Me St. LATASTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 137

INTIME

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assisté de Me J-P. BLATTER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 441

SCP BLATTER RACLET

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 novembre 2009, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour,

Considérant qu'en fait, M. [O] [E] a donné à bail à la société des Etablissements Charles Demery des locaux à usage commercial situés [Adresse 1] et [Adresse 5] pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 1996 ; que, par acte sous seing privé du 27 juin 2001, ce bail a été cédé à la société C.I.R. qui exerce une activité de vente de bougies décoratives ;

Qu'à la requête de M. [E] et par acte d'huissier du 29 septembre 2004, Mme [J] [X], avocat, a fait délivrer à la société C.I.R. un congé avec offre de renouvellement du bail et proposition d'un prix de loyer porté à la somme de 92.000 euros par an ; que la société n'a pas accepté cette proposition et que M. [E] a souhaité engager une procédure judiciaire en vue de la fixation d'un nouveau loyer ; que, pour ce faire, il a donné mandat à Mme [X] ;

Que, par lettre du 30 mai 2007, Mme [X] a écrit à M. [E] : « Suite à une erreur de date, je n'ai pas saisi dans le délai de deux années le tribunal aux fins de fixation des loyers qui pourraient être dus. Je suis désolée de cette erreur et vous remercie de bien vouloir me contacter » ;

Que, dans ces circonstances, M. [E] a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 7 janvier 2009, a condamné Mme [X] à lui payer la somme de 360.000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que Mme [J] [X] a interjeté appel de ce jugement en limitant son recours aux dispositions en vertu desquelles les premiers juges ont décidé qu'il y avait lieu à déplafonnement du loyer, constaté l'existence d'une perte de chance et l'ont condamnée au payement d'une somme de 360.000 euros à M. [E] ; qu'elle demande donc que M. [E] soit débouté de toutes ses réclamations ;

Qu'à cette fin, Mme [X], qui ne conteste pas sa faute, rappelle qu'en vertu des dispositions de l'article L. 145-34 du Code de commerce, le loyer est plafonné à moins d'une modification des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties et des facteurs locaux de commercialité ; qu'elle fait valoir qu'en l'espèce, comme l'a décidé le tribunal et malgré ce que soutient M. [E] à nouveau en appel, les trois premiers éléments n'ont pas été modifiés ; que, s'agissant du quatrième élément, et critiquant le jugement sur ce point, elle soutient que M. [E] ne démontre pas l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité au regard de l'activité commerciale spécifique de la société C.I.R., fondée sur le savoir-faire ancestral et la tradition, et caractérisée par une production de luxe, s'adressant à une clientèle sociale et professionnelle indifférente à l'environnement immédiat tels que marchés et aires de stationnement, et aux transports en commun ;

Qu'à titre subsidiaire, Mme [X] soutient que, si la Cour estime fondé le déplafonnement du loyer, il y a lieu d'appliquer les règles de la perte de chance qui ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée  de sorte qu'il y aurait lieu de réduire, dans de fortes proportions, la somme attribuée à M. [E] ;

Considérant que M. [O] [E], qui forme appel incident, demande que Mme [X] soit condamnée à lui verser la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Qu'à cet effet, M. [E] fait valoir qu'en s'abstenant d'agir, Mme [X] a engagé sa responsabilité professionnelle alors que, contrairement à ce qu'elle soutient à titre principal, les conditions étaient réunies pour obtenir le déplafonnement du loyer ; qu'il estime que le bail renouvelé aurait été fixé à 63.700 euros par an au lieu de 24.390 euros de sorte que, sur neuf ans, la perte s'élève à la somme de 353.790 euros sans tenir compte de l'incidence des révisions triennales ;

Qu'à titre subsidiaire, M. [E] sollicite une mesure d'expertise ;

Considérant que, d'une part, Mme [X] ne conteste pas la réalité de l'erreur qu'elle a commise en n'accomplissant pas la mission que M. [E] lui avait confiée de sorte qu'elle a engagé sa responsabilité professionnelle ; qu'il convient, pour évaluer le préjudice de M. [E], de reconstituer, au vu de l'argumentation développée par les parties et des pièces versées aux débats, la discussion qui aurait pu s'instaurer devant le juge chargé de trancher l'affaire si la procédure avait été menée ;

Considérant que, d'autre part, les parties conviennent que, pour ce faire, sont applicables aux faits de la cause les dispositions des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-2 à 145-11 du Code de commerce ;

Considérant qu'aux termes du premier de ces textes, « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative ; qu'à défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après : 1. Les caractéristiques du local considéré ; 2. La destination des lieux ; 3. Les obligations respectives des parties ; 4. Les facteurs locaux de commercialité ; 5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage » ;

Qu'en vertu du second, « à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction » ;

Considérant qu'au regard des quatre motifs de déplafonnement du loyer, les parties n'élèvent aucune contestation sur la destination des lieux ;

Considérant qu'en cause d'appel comme devant les premiers juges, M. [E] ne fournit aucune description des locaux tels qu'ils étaient avant et après les « importants travaux de modification » qu'il prétend avoir été réalisés avant la fin du bail ; qu'il y a donc lieu d'approuver les premiers juges qui n'ont pas retenu la modification notable des caractéristiques de la chose louée ;

Considérant que, s'agissant des obligations des parties, l'autorisation qu'a donnée M. [E], lors de la cession du bail, en vue de permettre la cession du droit au bail indépendamment de la cession du fonds de commerce ne saurait être regardée comme étant une modification notable des obligations contractuelles au sens des dispositions susvisées ; que, sur ce point également, le jugement sera approuvé ;

Considérant qu'il reste à examiner si les facteurs locaux de commercialité ont été modifiés notablement dans le quartier où sont installés les lieux loués et ce, au regard des dispositions de l'article R. 145-6 du code de commerce en vertu duquel « les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire » ;

Considérant qu'en l'espèce, pour retenir la réalité d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité, les premiers juges et l'intimé s'appuient sur deux rapports d'expertise relatifs, l'un à une boutique d'équipement de la personne, située, [Adresse 9], l'autre à un café-restaurant situé au carrefour de l'[Localité 8], faisant apparaître une amélioration de la commercialité dans le voisinage des locaux dont il s'agit et comportant des termes de comparaison sur les prix habituellement pratiqués à proximité de ces locaux ;

Que l'appelant ajoute, aux mêmes fins, divers documents établissant que la création, en 1995, de la galerie marchande du marché Saint-Germain, située à 74 mètres des locaux de la société C.I.R., la fréquentation accrue, entre 1997 et 2005, de la station de métro [Localité 8] et la proximité de la F.N.A.C.-Digitale et de la Maison des conservatoires ont modifié la commercialité de cette partie du sixième arrondissement ; qu'il ajoute que de grandes enseignes se sont installées [Adresse 7] ou, en 2001 et 2002, de plus modestes commerces [Adresse 10] ;

Considérant que, toutefois, les considérations qui précèdent ne prennent aucunement en compte les particularités du commerce exercé par la société C.I.R. alors qu'il y a lieu de rechercher si l'afflux de la clientèle attirée par les nouveaux commerces et du public fréquentant les lieux publics du quartier a présenté un intérêt pour l'activité dont il s'agit ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société C.I.R., fabrique ses produits selon une tradition remontant à 1643, des cierges et des bougies ;

Que, surtout, la société C.I.R. précise et prouve sans être contredite qu'elle vend des cierges à des paroisses et des bougies de luxe à de grandes marques françaises ou étrangères telles que Hermès, Cartier, Dior, Guerlain ou Kenzo ; qu'elle fournit également de grands hôtels et restaurants ;

Que, s'il n'est pas contesté qu'une partie de la production de la société C.I.R. est destinée aux particuliers, il n'en demeure pas moins que cette société exerce un commerce de luxe et d'une nature particulière réservé à une clientèle choisie de sorte que ni l'afflux des utilisateurs du métro [Localité 8], ni la fréquentation des nouvelles enseignes installées dans le quartier, ni la présence du carré Saint-Germain et d'un parking n'ont eu une influence sensible sur la fréquentation de la boutique ;

Considérant qu'en réalité, M. [E], bailleur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas que se serait effectivement produite, au cours du bail expiré, une modification notable des facteurs locaux de commercialité dans un sens favorable à la société C.I.R. ;

Qu'il suit de là qu'il n'est nullement établi que M. [E] aurait obtenu gain de cause s'il avait engagé une action aux fins de déplafonnement de loyers ; que la perte de chance qu'il allègue n'est donc pas démontrée ;

Que, par voie de conséquence, il convient d'infirmer le jugement frappé d'appel et, sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée, de débouter M. [E] de ses demandes ;

Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions, M. [E] sera débouté de sa réclamation ; que l'équité ne commande pas qu'il soit satisfait à la demande présentée de ce chef par Mme [X] ;

Et considérant que, compte tenu de la faute retenue, Mme [X] supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 7 janvier 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a condamné Mme [J] [X] aux dépens ;

Faisant droit à nouveau sur le surplus :

Déboute M. [O] [E] de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute M. [O] [E] et Mme [J] [X], chacun de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Mme [J] [X] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Patricia Hardouin, avoué de M. [E], conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/01916
Date de la décision : 02/02/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°09/01916 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-02-02;09.01916 ?
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