RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 04 Février 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08144 - MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Avril 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 07/09287
APPELANTE
1° - Madame [I] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622
INTIMEE
2° - SAS JJW LUXURY HOTELS anciennement dénommée JJW LUXURY COLLECTION
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Patrick LEROYER GRAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K08
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président
Mme Irène LEBE, conseiller
Mme Marie-Antoinette COLAS, conseiller
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant un contrat à durée indéterminée en date du 17 Mai 1983, Madame [O] a été engagée en qualité de femme de chambre par l'hôtel Balzac, devenu SAS JJW LUXURY Collection, par changement de dénomination.
La convention collective applicable est celle des Cafés, Hôtels Restaurants, et celle des hôtels 3 et 4 étoiles de luxe, région parisienne.
Fin 2004, des travaux ont été engagés et l'hôtel a été fermé provisoirement. Pendant la durée des travaux, Madame [O] a été dispensée de se rendre sur son lieu de travail mais sa rémunération a été maintenue.
Dans un souci de compétitivité, l'entreprise a élaboré un projet de restructuration passant par l'externalisation de l'activité nettoyage.
Elle a saisi le comité d'entreprise de cette information lors d'une réunion du 25 Avril 2007.
Par une lettre du 26 Avril 2007, le SAS JJW LUXURY a adressé à Madame [O] une lettre aux termes de laquelle elle formulait une proposition de modification du contrat de travail passant par une reprise de son contrat avec les avantages accordés par la société Hypronet.
A la suite d'une réunion d'information à laquelle les salariées concernées étaient conviées, la SAS JJW LUXURY a adressé à Madame [O], le 14 Mai 2007, une nouvelle lettre avec le projet du contrat de travail de la société Hypronet avec reprise d'ancienneté et maintien des avantages acquis (mutuelle, 13ème mois et chèque restaurant).
Par une lettre du 21 mai 2007, Madame [O] a refusé la proposition formulée compte tenu de la clause de mobilité imposée.
Le comité d'entreprise a parallèlement donné un avis favorable au projet de licenciement économique.
Par une lettre du 11 Juin 2007, la SAS JJW LUXURY a adressé à Madame [O] la liste de 13 postes disponibles dans le groupe à titre de proposition de reclassement en précisant que ces postes seraient disponibles pendant 8 jours et qu'un déménagement en province serait financé dans la limite de 1.500 €.
Parallèlement, Madame [O] a été convoquée à un entretien préalable pour le 22 Juin 2007 puis licenciée pour motif économique, par lettre recommandée du 12 Juillet 2007.
Le 29 juin 2007, soit quelques jours avant le licenciement de Madame [O], la société Hôtel Balzac a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société mère, Pacific Hotels France et a reçu la dénomination 'JJW LUXURY collections'.
Contestant le motif de son licenciement et estimant que la société n'a pas satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant, Madame [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, qui, par un jugement du 11 Avril 2008, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Madame [O] a interjeté appel de ce jugement.
Dans des conclusions déposées et soutenues à l'audience, Madame [O] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de considérer que le jugement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et par voie de conséquence, de condamner la SAS JJW LUXURY à lui verser les sommes suivantes :
- 34.313,76 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 18.000 € pour le préjudice né de l'absence de toute augmentation de salaire pendant 24 années,
- 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures, reprises oralement lors des débats, la SAS JJW LUXURY conclut à la confirmation du jugement et réclame une indemnité de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens développés par elles.
MOTIFS
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement du 12 juillet faisant état du fait que le marché très concurrentiel et difficile de l'hôtellerie 4 étoiles nous oblige afin de sauvegarder la compétitivité de notre hôtel à opter dorénavenant pour des normes de gestion plus rigoureuses et adapter notre structure à celle mise en place dans les hôtels de catégorie comparable à la nôtre, a été adressée à Madame [O] alors qu'elle avait refusé les postes de reclassement proposés.
Outre qu'elle considère que le motif économique du licenciement n'est pas établi, Madame [O] soutient que la SAS JJW LUXURY n'a pas assumé l'obligation de reclassement lui incombant.
Il est à cet égard démontré que la SAS JJW LUXURY a formé auprès des entreprises du groupe dont elle dépend des demandes pour reclasser les femmes de ménage dont elle envisageait le licenciement pour motif économique.
Treize propositions de reclassement ont pu être formulées.
Parmi ces treize propositions, neuf correspondaient non seulement à des postes délocalisés en province mais surtout à des emplois saisonniers et/ou à temps partiel qui ne peuvent être qualifiées et considérées comme étant des propositions de reclassement loyales dès lors que Madame [O] avait une ancienneté au sein de l'entreprise de 24 ans dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, qu'elle était âgée de 57 ans et avait toujours assumé des fonctions de femme de chambre.
Quatre propositions de postes ont été faites sur [Localité 6], à savoir :
- un poste de réceptionniste dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein à l'hôtel Balzac avec une exigence particulière, la maîtrise de l'anglais,
- un poste d'assistant responsable de nuit dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec l'exigence particulière de la maîtrise de l'anglais,
- un poste de plongeur dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein,
- un poste de gouvernante dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel (16h hebdomadaires) à [Localité 5].
Ces propositions pour réelles qu'elles aient été ne correspondaient ni à la qualification professionnelle, ni à l'expérience de Madame [O] dont il faut rappeler qu'elle a assumé pendant 24 années au sein de l'hôtel, la fonction de femme de ménage, qu'il n'est pas établi qu'elle a suivi pendant toutes ces années, des formations susceptibles de favoriser sa reconversion professionnelle.
Dans ce contexte, la SAS JJW LUXURY n'a pas satisfait de façon loyale et sérieuse à l'obligation de reclassement lui incombant à l'égard de sa salariée.
Sans qu'il soit besoin de vérifier si le motif économique évoqué est réel et pertinent, la défaillance de l'employeur au regard de l'obligation de reclassement lui incombant impose de considérer que le licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé.
Sur la demande d'indemnité au titre de l'article L.1235-3 du code du travail :
Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'entreprise compte plus de onze salariés et que la salariée licenciée a une ancienneté supérieure à deux années, l'indemnité octroyée ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Madame [O] avait 24 années d'ancienneté. Elle était âgée de 57 ans lors de son licenciement Son revenu brut mensuel s'élevait à la somme de 1.429,74 € par mois.
Le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont elle a fait l'objet sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 34.000 €.
Sur la demande consécutive à une exécution fautive du contrat de travail :
Madame [O] sollicite une somme de 18.000 € en réparation du dommage résultant de ce qu'elle considère comme étant une exécution fautive du contrat de travail par l'employeur qui ne l'a rémunérée qu'au SMIC pendant les 24 années de son activité sans lui accorder la moindre augmentation de rémunération.
Il est patent que la société a toujours respecté les minima sociaux ou conventionnels, que la salariée n'a, quant à elle, pas failli dans sa mission et l'exécution de son contrat.
Toutefois, même si l'absence de reconnaissance par l'employeur des qualités professionnelles de sa salariée se traduisant par une évolution de rémunération est à déplorer, elle n'est pas suffisante pour caractériser une exécution fautive du contrat de travail de la part de la SAS JJW LUXURY dès lors que les obligations légales et conventionnelles ont été strictement assumées.
La demande de réparation du préjudice évoqué à ce titre ne peut en conséquence prospérer.
Le jugement déféré sera confirmé.
Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité impose d'allouer à la salariée une indemnité pour les frais qu'elle a exposés au soutien de son argumentaire dans la présente instance. Une somme de 2.000 € lui sera allouée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
Statuant contradictoirement et publiquement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [O] de sa demande de réparation de son préjudice pour défaut d'augmentation de salaires,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS JJW Luxury à verser à Madame [O] les sommes suivantes :
- 34.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS JJW Luxury aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,