RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 09 Février 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/05115
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Avril 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 04/06701
APPELANT
Monsieur [F] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Paola LANSELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
INTIMÉES
S.A.S. ACTICALL venant aux droits de la société VITALICOM ACTICALL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Stéphane WOOG, avocat au barreau de PARIS, toque : P 283
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura BELHASSEN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Madame Nadine LAVILLE, greffière présente lors du prononcé.
Monsieur [F] [K], engagé par la société SNT France à compter du 4 novembre 2002 en qualité de directeur du développement, a été licencié le 24 octobre 2003 pour insuffisance professionnelle et de résultats dans les termes suivants :
'Votre contribution au développement du chiffre d'affaires est restée en deçà des attentes de l'entreprise. En effet, votre arrivée n'a pas permis d'enrayer la chute du chiffre d'affaires. A ce titre, nous déplorons une faible présence commerciale voir même une absence totale auprès des clients existants. Or, celle-ci était indispensable pour sécuriser les clients et développer le chiffre d'affaires avec eux. Nous relevons notamment l'absence de contrat avec de nombreux clients. Lorsque ceux-ci sont mis en place, ils sont conclus à notre désavantage du fait de bonus inférieurs et de malus supérieurs au standard du marché avec une durée contractuelle, trop courte, d'un an ou parfois moins. Les contrats avec les nouveaux clients ne sont pas systématiquement précédés de période d'observation/adaptation de 3 à 6 mois pourtant indispensable pour ce type de prestations. Certains sont signés avec des marges négatives, tels que La Poste et Sofinco. Trop souvent les plans de back-up et les investissements de démarrage restent à notre charge. En outre, les factures impayées à fin juin sont arrivées à un niveau record, les services commerciaux dont vous avez la responsabilité n'ont pas correctement rempli leur rôle à la fois pour éviter cette dégradation de la trésorerie et pour réduire les délais de paiement depuis juillet dernier votre contribution est restée généralement insuffisante en ce qui concerne les propositions et recommandations commerciales. Enfin, vous n'avez pas bâti de budget commercial prévisionnel ni de planning commercial, outils majeurs de pilotage qui faisaient défaut à la Direction du Développement.
Par ailleurs vous n'assurez pas votre fonction de Directeur du Développement en ce qui concerne l'encadrement de vos équipes. Préalablement à la réorganisation, votre responsabilité d'encadrement couvrait non seulement la prospection mais aussi l'avant-vente, les relations clients et les accounts managers. Or, votre responsable comme la Direction Générale ont constaté que vous n'aviez pratiquement pas de relation d'encadrement avec les équipes autres que celle chargée de la prospection. De plus, nous déplorons un manque de disponibilité vis-à-vis de vos collaborateurs, un rejet des échecs sur les autres et une appropriation de leurs succès. Ce comportement conduit à un manque de leadership sur ceux-ci. Nous déplorons à votre encontre un manque d'esprit de décision et de responsabilité concernant le choix de votre assistante commerciale, Mme [C] [J], qui manquait singulièrement de motivation et d'esprit d'équipe. Vous avez persisté dans cette attitude au terme de la mission de travail temporaire qui a précédé l'embauche en CD de votre assistante en refusant de prendre en compte les remarques et mises en garde de l'équipe D.R.H. qui auraient permis d'aboutir à une cessation ou une prolongation de mission et d'éviter une embauche et un licenciement. En effet, l'attitude de Mme [J] n'ayant pas changé, votre responsable a dû vous demander, moins de 3 mois après son embauche en CONTRAT DE TRAVAIL À DURÉE INDÉTERMINÉE, de mettre un terme à la collaboration de Mme [J] et de mener avec le D.R.H. la procédure de licenciement, en accord avec vous.
De plus, nous déplorons des difficultés pour obtenir des informations de votre part en ce qui concerne la mise à jour de votre emploi du temps, pour la présentation du Comité d'Entreprise ou les points commerciaux avec les clients, ainsi qu'un manque d'implication dans les réunions internes.
En définitive, nous considérons, eu égard à votre fonction et votre niveau de responsabilité, que votre contribution est restée insuffisante pour réussir le redressement de l'entreprise qui passe en grande partie par l'augmentation de notre chiffre d'affaires. ..'
Par jugement du 30 avril 2007 le conseil de prud'hommes de Paris a fait partiellement droit à la demande de [F] [K] en paiement de rappel de commissions et l'a débouté de ses demandes d'indemnisation au titre du licenciement.
[F] [K] a relevé appel de cette décision.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 7 décembre 2009.
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[F] [K] demande un rappel de commission en application de son contrat de travail. Il soutient que les termes du contrat sont parfaitement clairs sur les modalités de calcul de la partie variable de sa rémunération ; qu'il a droit à une commission sur toute nouvelle affaire sans distinction entre les clients existants et les nouveaux prospects ; que la directrice générale qui a signé son contrat de travail atteste que ce système de rémunération est conforme à la lettre et à l'esprit des parties lors de la signature du contrat ; que le directeur de la filiale hollandaise confirme cette analyse ; qu'en opérant cette distinction entre les clients existants et les nouveaux prospects, le conseil de prud'hommes a dénaturé les termes du contrat de travail ; que les calculs qu'il a effectués ne sont pas subsidiairement discutés. Par ailleurs [F] [K] considère son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que son employeur qui l'avait débauché, était satisfait de son travail ; que les griefs ne sont pas illustrés précisément ; qu'aucun objectif n'était fixé ; que ne peut donc lui être reproché une insuffisance de résultats ; que les pièces de la société qui concernent pour l'essentiel son accident du travail ne sont pas pertinentes ; qu'il n'y a aucune pièce sur sa prétendue insuffisance professionnelle ; que les pièces économique produites par la société Acticall n'individualisent pas sa propre activité ; qu'elles ne permettent pas de rendre le directeur du développement responsable du chiffre d'affaires ; que les comptes-rendus de comité d'entreprise et les notes internes ne font état d'aucun dysfonctionnement le concernant ; qu'au contraire y sont mis en valeur les contrats qu'il a apportés à la société ; qu'il ne lui a été fait aucune alerte sur ses résultats ; que son licenciement est en réalité lié à la réorganisation de la société SNT France ; qu'il a été notifié par son précédent employeur postérieurement au transfert de son contrat de travail en violation des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail ; qu'il a été licencié pour se voir substituer une nouvelle équipe ; que la procédure est irrégulière, son licenciement étant décidé avant l'entretien.
De son côté la société Acticall soutient que le licenciement de [F] [K] se justifiait. Elle fait valoir que le contexte économique était 'catastrophique' lors de la reprise ; qu'elle a cependant pu éviter la mise en oeuvre d'un plan social ; que [F] [K] avait été embauché pour développer les clients et prospects dans un secteur concurrentiel ; que néanmoins le chiffre d'affaires a baissé ; que la société a perdu des clients ; que l'insuffisance de résultats est matérialisée par l'échec du redressement du chiffre d'affaires ; que [F] [K] n'a pas comblé la perte par la société de contrats importants comme Orange ; que les contrats apportés par ce dernier déployaient des marges négatives ; que les résultats de la nouvelle direction démontre un développement du chiffre d'affaires ; qu'il n'avait pas mis en place de budget commercial ; qu'il était absent du comité de pilotage ; que les attestations produites par [F] [K] sont de complaisance ; qu'enfin celui-ci n'est pas fondé à réclamer des commissions sur un chiffre d'affaires en baisse ; que si [F] [K] avait bien droit à une rémunération variable sur les nouveaux contrats avec les clients existants c'est seulement sur la part correspondant à une augmentation du chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente ; qu'en effet la partie variable est basée sur le développement du portefeuille clients ; que la diminution du chiffre d'affaires encaissé en 2003 par rapport à l'exercice 2002 s'élève à 6 512 721 euros. La société Acticall soutient encore que pour la période d'arrêt-maladie du 1er au 5 décembre 2003, aucun complément de salaire n'est dû au salarié dont l'ancienneté était inférieure à deux ans ; que par ailleurs [F] [K] s'est abstenu de se présenter à son poste de travail du 6 au 17 décembre 2003, retardant la visite médicale de reprise ; que l'employeur n'est pas tenu de régler le salaire pendant la période de prolongement artificiel de la procédure de licenciement par le salarié.
Considérant sur les commissions que l'article 4 du contrat de travail prévoit : '...une partie variable basée sur le développement du portefeuille de clients et de prospects fixée comme suit : 1,5% du chiffre d'affaires HT, généré par les nouvelles affaires, facturé et encaissé de la première année des contrats...' ; qu'il n'est ainsi fait aucune distinction entre les clients existants et les nouveaux prospects, le droit à rémunération variable étant acquis sur toute nouvelle affaire facturée et encaissée, quelque soit le chiffre d'affaires généré par le client ; que l'assiette de cette partie variable est conforme au contrat de travail, l'apport de nouvelles affaires contribuant au développement du portefeuille ; que la directrice générale de la société SNT qui a signé le contrat de travail de [F] [K] atteste sur la rémunération variable en ce sens ; qu'elle indique avoir approché [F] [K] au cours de l'été 2002 pour redresser la société SNT alors en perte d'activité et lui avoir proposé ce système de rémunération pour réussir ce challenge ; que la lettre que lui a adressée la société SNT le 1er octobre 2003 confirme encore cette assiette de la rémunération variable sans distinction ' 1,5% du chiffre d'affaires facturé et non encore entièrement encaissé sur la base des commandes obtenues par les équipes commerciales, aussi bien en ce qui concerne les nouvelles affaires avec les clients existants que les nouveaux clients' ;
Considérant que la facturation sur le portefeuille clients et prospects pour l'exercice 2003 s'élève à 32 147 806 euros selon l'attestation du PDG de la société Acticall ; que [F] [K] qui limite sa demande au paiement de la somme de 402 940 euros au titre du 1,5% de cette facturation est bien fondé en sa demande ; qu'il y est fait droit et le jugement réformé en ce sens ;
Considérant sur le licenciement, la chronologie des faits suivants :
4 novembre 2002 début des relations contractuelles de travail avec la société SNT,
4 février 2003, fin de la période d'essai de trois mois, non renouvelée
Mai et juin 2003, audit par la future équipe dirigeante
juillet 2003 arrivée de la nouvelle équipe dirigeante
17 octobre 2003 convocation à un entretien préalable au licenciement,
24 octobre 2003 licenciement,
29 novembre 2003 date d'immatriculation de la société Vitalicom
1er décembre 2003 date d'effet rétroactif de l'apport partiel d'actif de la branche 'centre d'appels téléphoniques ' de la société SNT France à la société Vitalicom devenue société Acticall
Qu'il en ressort que [F] [K] a été licencié après seulement 11 mois d'activité dont 3 mois de période d'essai ; que cette période d'essai n'a pas été renouvelée ; que son embauche était destinée à redresser l'entreprise en situation difficile par suite de la perte de gros clients ; que notamment la résiliation par ORANGE en juillet 2002 a eu pour effet en 2003 la perte de 44% du chiffre d'affaires laquelle ne pouvait être imputable à [F] [K] ; qu'il en va de même des effets de la résiliation du contrat par le CREDIT LYONNAIS ; qu'il lui est en fait reproché de ne pas avoir immédiatement compenser la perte de clients historiques ; que cependant les actions inhérentes à la mission de la direction du développement pour acquérir de nouveaux contrats dans le secteur concurrentiel des centres d'appel téléphoniques, supposent des délais significatifs de mise en oeuvre notamment en termes de communication et de négociations ; qu'à cet égard, en l'absence de comportement fautif de l'intéressé, la décision de se séparer de [F] [K] était prématurée ; qu'en outre aucune pièce ne justifie d'une augmentation du chiffre d'affaires qui résulterait directement du développement du portefeuille clients ou prospect par la direction du développement après le départ de [F] [K] ;
Considérant encore qu'aucun objectif précis n'avait été contractuellement défini ; que les courriers électroniques produits aux débats témoignent de la satisfaction de l'employeur à l'égard de l'activité de [F] [K] ; que cette satisfaction s'est traduite par l'attribution d'une prime sur atteinte de résultats en octobre 2003 ; que l'insuffisance professionnelle de [F] [K] n'est pas établie par les pièces produites ; que les insuffisances de [F] [K] quant à la qualité de son encadrement ne sont justifiées par aucune pièce ; que son licenciement est bien lié à la modification de la société SNT ; qu'en effet, au cours de l'été 2003, la presse a annoncé l'arrivée d'une nouvelle équipe dont un directeur du développement ; que par courrier du 17 juillet 2003 [F] [K] s'inquiétait auprès du directeur général du devenir de son périmètre d'action et de son rattachement hiérarchique ; que [F] [K] a été remplacé à son poste par [P] [M] qui appartenait au personnel de la nouvelle équipe dirigeante ; qu'il n'est pas contesté que tous les membres du comité de direction ont été 'remerciés' ;
Considérant que le licenciement de [F] [K] lui a créé un préjudice qu'il convient de réparer ; que celui-ci a créé sa propre société un an et demi après avoir bénéficié des allocations chômage ; que compte tenu d'un salaire moyen de 40 013 euros, la cour fixe à 200 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi ; qu'il y a lieu d'y ajouter la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral causé par une brusque rupture injustifiée ;
Considérant que la procédure de licenciement n'est pas irrégulière par le seul fait que le lendemain de l'entretien préalable tenu le 22 octobre 2003, le directeur général a indiqué à un client que [F] [K] quittait l'entreprise ;
Considérant par ailleurs que n'est pas fondée la retenue pour absence du 1er au 13 décembre alors que [F] [K] avait été dispensé de travail dés le 22 octobre 2003 et qu'au surplus son contrat de travail était suspendu pour arrêt-maladie jusqu'au 19 décembre 2003 ; que la disposition du jugement qui a fait droit à la demande est confirmée ;
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement,
CONDAMNE la société Acticall à payer à [F] [K] :
- 402 940 euros 39 à titre de commissions
- 40294 euros à titre de congés payés afférents
- 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 50 000 euros au titre du préjudice moral,
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société Acticall à payer à [F] [K] une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes,
MET les dépens à la charge de la société Acticall.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,