RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 09 Février 2010
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/05924
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 04/15774
APPELANT
Monsieur [X] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Karim HAMOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E282
INTIMEE
SA SAP FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Flore ASSELINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 563
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura BELHASSEN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, présidente et par Madame Anne-Marie CHEVTZOFF greffière présente lors du prononcé.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [F] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 du 16 juillet 2007 statuant en départage qui l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer la somme de 600 € pour frais irrépétibles.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [F] est né en 1962, est titulaire en 1985 du diplôme d'ingénieur de l'[3] de [Localité 4], a commencé à travailler en 1986, est titulaire de licence de sciences économiques en 1988, de diplôme du centre de perfectionnement des affaires du groupe HEC en décembre 2002 ;
M. [F] a été engagé avec effet au 2 mars 1998 en qualité d'ingénieur technico-commercial, catégorie ingénieurs et cadres, position 2.3 coefficient hiérarchique 150, au salaire fixe de 3963.67 € sur 13 mois et variable à préciser au cours du 1er trimestre de chaque année civile, sous forme d'avenant au contrat, par la société Sap France, filiale française de Sap AG mère en Allemagne, éditeur de progiciels de gestion, comptant environ 600 salariés dont 200 consultants ;
Selon avenant du 1er juin 1999 il lui est donné la qualité de consultant applicatif à compter du 17 mai 1999, ce qui est reporté sur ses salaires à partir de février 2000 avec la position 3.1 coefficient 170 et conservé sur tous les bulletins de salaire des années en litige ;
Selon avenant du 2 avril 2001, dernier avenant de rémunération fixant les objectifs de la partie variable signé par les deux parties, il est qualifié consultant expert et il est fixé une rémunération annuelle de 9 909.18€ à objectifs atteints qui a donné lieu à une rémunération variable de 14 453 € notifiée le 22 février 2002 ;
Les autres avenants annuels signifiés par la société reprennent la qualification de consultant expert jusqu'au plan bonus 2005 qui le qualifie à nouveau de consulting ;
M. [F] a saisi le 6 décembre 2004 le conseil des prud'hommes d'une action en rappel de salaire fixe à compter de l'année 2001 et sur la partie variable à compter de l'année 2002 ;
L'entreprise est soumise à la convention collective Syntec ;
M. [F] demande de réformer le jugement, de dire nulle la clause 5.4 du contrat de travail et applicable l'avenant de 2001 et de condamner la société Sap à payer les rappels de salaires de 122 330 € et 12 233 € de congés payés afférents sur la partie fixe de salaire sur la période de 2001 à 2009, par rapport à la rémunération de M. [N] avec intérêt légal à dater de la saisine du conseil et la somme de 38 067 € brut à titre de rappel de rémunération sur la partie variable pour la période de 2002 à 2008, la somme de 50 000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral, avec intérêt légal à dater de la réception par la défenderesse de la saisine et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil à la date du dépôt des conclusions.
La société Sap France demande de confirmer le jugement et de condamner M. [F] à payer la somme de 4000 € pour frais irrépétibles en appel.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
Sur la demande de rappel de salaire sur la partie fixe de rémunération sur le principe de salaire égal à travail égal
M. [F] revendique les fonctions de consultant expert applicatif 3.1 coefficient 170 depuis le 1er janvier 2001 alors que la société Sap lui délivre des bulletins de salaire de consultant applicatif et fait des comparaisons avec ces fonctions ;
La société ayant notifié le 2 avril 2001 un avenant d'objectifs de rémunération variable au titre de la fonction de consultant expert position 3.1 coefficient 170 signé par le salarié, M. [F] est fondé à opposer cette qualification à compter du 2 avril 2001 (et non 1er janvier 2001), reconnue à cette date par les deux parties et du reste reprise dans les notifications d'objectifs de salaire variable faites les années postérieures 2002 à 2004, nonobstant la délivrance de bulletins de salaire pendant toutes les années en litige le qualifiant de consultant applicatif et le retour à une qualification de consulting dans les notifications d'objectifs faites à partir de 2005 qui sont contraires à son statut contractuel tel que résultant de l'avenant du 2 avril 2001 ;
Les conseillers rapporteurs commis par le Conseil des Prud'hommes de Melun pour déterminer si M. [F] est victime d'une discrimination syndicale, ont déposé un rapport le 28 octobre 2005 disant que M. [F] est consultant applicatif et qu'il perçoit un salaire supérieur ou égal aux autres consultants applicatifs de même niveau de telle sorte que la discrimination n'est pas fondée ;
Ce rapport est sans portée puisque M. [F] justifie être consultant expert applicatif depuis le 2 avril 2001 selon avenant signé par les deux parties et n'a pas été comparé par les conseillers rapporteurs avec les autres consultants experts ; Par ailleurs la discrimination syndicale n'est plus évoquée devant la cour ;
M. [F] verse des éléments de preuve qui établissent une grande diversité de rémunération pour les salariés ayant les fonctions de consultant expert applicatif 3.1 coefficient 170 figurant dans ses conclusions dans un tableau comparatif page 17/18 concernant 10 salariés, se montant en 2002, respectivement par mois, à 3 631 € pour M. [S], 4 116 € pour lui (en fait 4 117 €) et M. [P], entre 4 332€ et 4 460€ pour MM. [G], [E], [H], [O], [M] et [T] et 5 083 € pour M. [N] ;
Les indications professionnelles données dans ce tableau comparatif sont exactes ou très proches par rapport aux pièces produites par la société sauf que la qualification de consultant expert pour M. [F] n'est établie qu'à partir d'avril 2001 et non janvier 2001, en ce qui concerne M. [G], qu'il est rentré dans la société le 1er octobre 1991 et non le 1er octobre 1999 ;
Par contre la société Sap ne justifie pas le fait qu'elle allègue et repris par le premier juge que M. [E] serait devenu consultant expert avant M. [F] dans la mesure où elle ne produit pas de bulletin de salaire de M. [E] portant cette mention avant celui versé en pièce 59 pour le mois de décembre 2002, ce qui confirme les mentions du tableau fait par M. [F] selon lequel M. [E] serait devenu consultant expert à cette date ;
La disparité de salaire avec M. [N] est justifiée par le fait que celui-ci est né en 1955, (1962 pour M. [F]), a commencé à travailler en 1979, (contre1986), a une expérience internationale notamment aux Etats-Unis, est rentré dans la société le 1er juillet 1995, (contre le 2 mars 1998), et est rémunéré au niveau K5 depuis janvier 2004 et est considéré comme consultant platinium, (M. [F] étant facturé K4 jusqu'en juin 2009 à part une exception K5 entre mars et mai 2006 restée sans suite et régulièrement K5 après juin 2009 ou plus ) ;
Il en résulte une notable antériorité et richesse dans l'expérience professionnelle et dans l'ancienneté dans l'entreprise au profit de M. [N], qui a été recruté et payé à un niveau bien supérieur en rapport à une valeur qui est reconnue dans le secteur du progiciel de gestion par le taux de prestation plus élevé pendant plus de cinq ans facturé et accepté par les clients pour les services tels que rendus par le salarié, étant observé que l'intérêt de la société Sap est d'obtenir la tarification la plus élevée pour tout son personnel envoyé en mission ;
La référence au salaire de M. [N] faite par le salarié pour les rappels de salaire n'est donc pas fondée ;
La disparité de salaire avec M. [E] telle qu'établie en comparaison avec son salaire de 4 460 € par mois en décembre 2002 n'est par contre pas justifiée : Si celui-ci est né en 1956 et justifie ainsi d'une expérience professionnelle plus ancienne que M [F], cette expérience était connue au moment de son engagement : Elle a alors été appréciée comme équivalente à celle de M. [F], puisqu'il a été recruté le 1er octobre 1999 au même salaire de 3963€ que M. [F] le 2 mars 1998 ; Bien que promu consultant expert le 1er décembre 2002 après M. [F], et non avant comme allégué sans preuve par la société, il est rémunéré 4 460 € par mois à compter de cette date, de telle sorte que sa rémunération a cru beaucoup plus vite que celle de M. [F] alors même que son avancement est plus tardif ; En 2004 il a été rémunéré au salaire de 4 527 € et 4 640€ selon la pièce 78 de M. [F] de tableau récapitulatif de salaire pour l'année 2006 ;
La disparité de salaire entre M. [F] et M. [E], donné en référence dans ses observations, est établie à partir de décembre 2002, (et pas pour la période antérieure à laquelle son salaire n'est pas connu et alors qu'il n'avait pas la même qualification) ;
Les différences de salaires avec les autres salariés sont justifiées, en ce qui concerne M. [G], par une ancienneté plus grande dans l'entreprise et le niveau comme rentré en octobre 1991 et promu en octobre 1999, pour M. [H] pour être responsable de groupe, pour M. [O] pour avoir une expérience professionnelle beaucoup plus ancienne comme étant né en 1950 et avoir été recruté directement en juillet 2000 comme déjà qualifié consultant expert, M. [M] comme étant né en 1954 et être plus ancien dans l'entreprise dans laquelle il est rentré en février 1995, M. [T] pour avoir été recruté en janvier 1999 directement comme consultant applicatif et promu expert en janvier 2000 ;
La société ne peut opposer une moyenne de rémunération mensuelle pour les salariés du niveau et du coefficient de M. [F] concernant les consultants applicatifs alors que la qualité de consultant expert lui est reconnue ;
M. [F] qui établit être discriminé par rapport à M. [E] ayant les mêmes fonctions et niveau est fondé à réclamer le salaire obtenu par celui-ci, et d'autant plus en l'espèce concernant M. [E] que son ancienneté est moindre tant dans la société et dans le niveau de fonctions;
Le rappel de salaire sera fixé :
pour décembre 2002 à la somme de 4460 € - 4117 € = 343 €
de janvier 2003 à fin 2003 à la somme de (4 460 € - 4117 €) X 13 = 4 459 €
de janvier 2004 à fin 2005 à la somme de (4 527 €- 4179 € )X 13 X 2 = 9 048 €
de janvier 2006 à fin 2007 à la somme de ( 4 640 €- 4 179 €) X 13 X 2 = 11 986€
de janvier 2008 à fin 2009 à la somme de (4 640 € - 4 295 € ) X 13 X 2 = 8 970€, faisant une somme totale de 34 806 €, outre congés payés afférents, étant observé que M. [F] a décompté deux fois l'année 2007 dans sa demande ;
Les intérêts légaux courront à compter du 9 décembre 2004, lors de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation sur les rappels relatifs aux années 2002 à fin 2004 alors échus, soit sur la somme de 10 258 € congés payés afférents inclus, à dater du 4 juin 2007 sur les rappels complémentaires relatifs aux années 2005 à mai 2007 échus au jour du dépôt des conclusions lors de l'audience de plaidoiries devant le premier juge, soit sur la somme de 10 231 € congés payés afférents inclus, et à compter de l'audience de plaidoirie devant la cour le 5 janvier 2010 pour le surplus ;
Il sera alloué la somme de 5000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi pour avoir enfreint l'égalité de traitement due à M. [F] vainement réclamée depuis plusieurs années avec intérêt légal à dater du présent arrêt qui en fixe le montant ;
Sur la demande de nullité de la clause du contrat de travail relative à la part variable du salaire qualifiée de potestative et la revendication de la rémunération variable sur le fondement du dernier avenant signé le 2 avril 2001
L'article 5.4 du contrat de travail stipule qu' 'à la rémunération fixe viendra s'ajouter une rémunération variable sous forme d'intéressement, dont les modalités seront précisées au cours du 1er trimestre de chaque année civile, sous forme d'avenant au contrat' ;
Cette clause se référant à la souscription d'avenant annuel n'est pas nulle puisqu'elle réserve l'accord du salarié à la souscription de l'avenant qui est proposé annuellement et soumis à sa signature et qui consiste en fixation d'objectifs individuels et collectifs ;
Dans la mesure où M. [F] a refusé de signer les avenants après celui d'avril 2001, les avenants suivants sur les modifications des objectifs déterminant la part de salaire variable ne lui sont pas opposables et il convient de fixer la rémunération variable pour les années suivantes, en fonction du dernier avenant contractuel, dont l'application se poursuit à défaut de modification de critère de calcul de la partie variable ;
Les objectifs donnés en 2001 par rapport à un variable annuel de base de 9 909 € étaient fixés comme suit : pour 10% en fonction de l'atteinte de revenu et de profitabilité, pour 20% en fonction du qualitatif, pour 70% en fonction du chiffre d'affaire individuel fixé à 0.1024M€ au cours de l'année 2001 à réaliser au moins à 70% pour y avoir droit ; L'accomplissement des objectifs cette année-là a donné lieu à un bonus de 14 453 € versé le 22 février 2002 ;
Le salarié ne peut se contenter de demander arbitrairement le bonus perçu le 22 février 2002 en fonction de la réalisation cette année là des objectifs, donnant par-là un caractère fixe à une rémunération variable ;
Aucune des parties en l'état ne donne les éléments suffisants à la cour pour procéder à la vérification de la réalisation des objectifs ;
Dans ces conditions, la cour ordonnera à la société Sap France de produire à M. [F] le calcul des salaires variables des années 2002 à 2008 selon les objectifs donnés par avenant du 2 avril 2001 appliqués à l'activité de M. [F] au regard des objectifs et notamment du chiffre d'affaire individuel réalisé chaque année et à apurer le compte des salaires variables dus par rapport à ceux déjà versés, en tenant compte pour le cours des intérêts légaux éventuellement dus, des règles ci-dessus énoncées relativement aux sommes successivement échues ;
La procédure sera radiée et pourra être ré-enrôlée à la demande de la partie la plus diligente s'il se présente une difficulté de calcul ou d'apurement des comptes ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Condamne la société Sap France à payer à M. [F] une rappel de 34 806€ sur la partie fixe du salaire sur la période de décembre 2002 à décembre 2009, outre la somme de 3 408.60 € de congés payés afférents ;
Dit que les intérêts légaux courent sur un montant de 10 258 € à compter du 9 décembre 2004, sur une somme complémentaire de 10 231 € à compter du 4 juin 2007 et sur le surplus à compter du 5 janvier 2010 ;
Condamne la société Sap France à payer à M. [F] la somme de 5000€ de dommages-intérêts pour préjudice moral attaché à ce chef de demande avec intérêt légal à dater du présent arrêt ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Rejette la demande de nullité afférente à la clause 5.4 du contrat de travail;
Dit que la part variable du salaire de M. [F] doit être calculé pour les années 2002 et suivantes selon la réalisation année par année des objectifs donnés par le dernier avenant contractuel du 2 avril 2001 ;
Ordonne à la société Sap France de produire à M. [F] dans un délai de 3 mois à compter de l'arrêt, le calcul des salaires variables des années 2002 à 2008 selon les objectifs donnés par avenant du 2 avril 2001 appliqués à l'activité de M. [F] au regard des objectifs et notamment du chiffre d'affaire individuel réalisé chaque année et à apurer le compte des salaires variables par rapport à ceux déjà versés, en tenant compte pour le cours éventuel des intérêts légaux, des règles ci-dessus énoncées relativement aux sommes successivement échues ;
La procédure sera radiée et pourra être ré-enrôlée à la demande de la partie la plus diligente s'il se présente une difficulté de calcul ou d'apurement des comptes ;
Condamne la société Sap France aux entiers dépens et à payer une somme de 3000 € pour frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT