Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 09 FEVRIER 2010
(n° 63 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21136
SUR RENVOI APRES CASSATION d'un Arrêt du 29 Mars 2006 rendu par la Cour d'Appel de PARIS - RG n° 05/16024 sur appel d'une ordonnance de référé rendue par le tribunal d'instance de PARIS 17ème en date du 23 juin 2005
APPELANTS
DEMANDEURS A LA SAISINE APRES CASSATION
Monsieur [V] [P]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assisté de Me Karine MARTEAU-FESSEL, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC306
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/059899 du 13/03/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Madame [D] [P]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Karine MARTEAU-FESSEL, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC306
INTIMES
DEFENDEURS A LA SAISINE APRES CASSATION
Monsieur [X] [T]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Madame [R] [G] épouse [T]
[Adresse 2]
[Localité 1]
S.A.R.L. D2C prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentés par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour
assistés de Me FRANCOISE HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque C 716
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Jöelle BOURQUARD, Président de chambre
Madame Claire DAVID, Conseiller
Madame Claude JOLY, Conseillère désignée par ordonnance du premier président en date du 5 janvier 2010 en l'empêchement de Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Jöelle BOURQUARD
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jöelle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Selon acte du 5 juin 1962, M. [J] a donné à bail à M. [C] un appartement situé [Adresse 7]. Les locataires sont décédés en [Date décès 3] et M. [P], leur légataire universel a alors occupé les lieux ainsi que son épouse. En suite du décès de Mlle [M], nouvelle propriétaire de cet appartement, le service des domaines a été nommé, courant 1998, administrateur provisoire de la succession vacante de cette dernière.
A l'occasion d'un litige opposant la Direction nationale d'interventions domaniales aux époux [P], le tribunal d'instance de Paris 17ème a, par jugement rendu le 12 septembre 2000, notamment,
Dit que les époux [P] pouvaient se prévaloir d'un bail sur l'appartement considéré, régulièrement transmis dans le cadre de la dévolution de la succession de M. et Mme [C],
Constaté que ce bail était soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948,
Condamné le directeur régional de la Direction nationale d'interventions domaniales, es qualité, à remettre à M. et Mme [P] un bail écrit et dit que le jugement vaudrait bail à défaut de remise de cet écrit dans un délai de deux mois à compter de sa signification.
Ayant acquis cet appartement de la société SARL D2C à laquelle il avait été cédé par jugement d'adjudication, les époux [T] ont fait délivrer le 23 mars 2005 aux époux [P] un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail du 5 juin 1962 et les époux [P] ont alors formé opposition à ce commandement devant le juge des référés du tribunal d'instance de Paris 17ème qui par ordonnance rendue le 23 juin 2005 a :
Reçu la SARL D2C en son intervention volontaire,
Débouté les époux [P] de leurs demandes,
Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail,
Ordonné l'expulsion des époux [P] et celle de tout occupant de leur fait, en les formes légales et accoutumées, avec l'assistance de la force publique si nécessaire et ordonné le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tout garde meuble au choix des bailleurs, ce aux frais, risques et périls des locataires,
Condamné M. et Mme [P] à verser à :
La SARL D2C la somme provisionnelle de 564, 50 € au titre des loyers du 6 février au 18 avril 2003,
M. et Mme [T] la somme provisionnelle de 3 135, 75 € au titre des loyers restant dus pour la période du 19 avril 2003 au 31 mars 2005,
Condamné M. et Mme [P] à payer à la SARL D2C et aux époux [T] la somme provisionnelle de 1 308, 39 € au titre de provisions pour charges locatives du 6 février 2006 au 31 mai 2005, à charge pour ceux-ci de s'en répartir le montant et les a condamnés au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par arrêt rendu le 29 mars 2006, la présente cour d'appel autrement composée, statuant sur l'appel formé à l'encontre de cette décision par les époux , a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,
Débouté les époux de leurs demandes, confirmé l'ordonnance entreprise et y ajoutant condamné M. et Mme à verser à M. et Mme [T] la somme de 2 283, 21 € au titre d'arriéré de loyers ou indemnités d'occupation pour la période du mois d'avril au mois de décembre 2005 et celle de 450 € au titre des charges pour la période du mois d'avril au mois de décembre 2005 outre une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés aux entiers dépens.
Sur le pourvoi formé M. [V] et Mme [D] , la cour de cassation, troisième chambre civile a, par arrêt du 17 septembre 2008, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties le 29 mars 2006 par la cour d'appel de Paris, au visa des articles 848 et 849 du code de procédure civile et au motif que « pour accueillir la demande reconventionnelle [des bailleurs en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire] l'arrêt retient que le jugement du 12 septembre 2000 a constaté que le bail dont pouvait se prévaloir les époux était celui qui leur avait été transmis au titre de la dévolution de la succession des époux [C] et retenu qu'en vertu de cette décision, même en l'absence d'un bail régularisé au nom des époux , ces derniers pouvaient se prévaloir d'un bail régularisé ayant les mêmes caractéristiques, constatées par le jugement, de celui consenti en 1962 à M. et régi par la loi du 1er septembre 1948, que ce jugement ne constituait ni un « bail judiciaire » ni un « bail verbal », qu'en statuant ainsi « alors que le jugement du 12 septembre 2000 prévoyait en son dispositif que le bailleur était condamné à remettre au époux un bail écrit et qu'à défaut de remise de cet écrit ce jugement vaudrait bail, la cour d'appel, qui, faisant application d'un bail que le jugement du 12 septembre 2000 en son dispositif ne visait pas, a tranché une contestation sérieuse et violé les textes susvisés » ;
Par déclaration déposée au greffe le 30 septembre 2009, M. [V] et Mme [D] [P] ont saisi la présente cour de renvoi.
Aux termes de leurs conclusions déposées le 7 décembre 2009, M. [V] [P] et Mme [D] [P] demandent de,
Constater que la déclaration de saisine n'est entachée d'aucune nullité,
Subsidiairement, vu la déclaration d'adresse en date du 18 juin 2009, constater qu'il n'est justifié d'aucun grief,
En tout état de cause, les déclarer recevables et bien fondés en leur recours,
Infirmer l'ordonnance entreprise,
Constater que les demandes formées par les époux [T] se heurtent à des contestations sérieuses,
En conséquence, constater que le commandement litigieux est inefficace, voire nul et de nul effet,
Renvoyer les époux [T] à se pourvoir ainsi qu'ils en aviseront,
Constatant qu'ils ont été contraints de quitter les lieux,
Condamner les intimés à leur verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 15 000 € de dommages et intérêts par an depuis leur expulsion,
Ordonner aux intimés de les réintégrer dans les lieux litigieux, sis [Adresse 7]et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et les condamner aux entiers dépens.
La société D2C, M. [X] [T] et Mme [R] [T] née [G], aux termes de leurs écritures déposées le 24 novembre 2009, demandent, vu les articles 901, 58 et 115 du code de procédure civile, de déclarer nulle pour vice de forme la déclaration de saisine régularisée le 30 octobre 2008 en l'absence de mention de leur adresse et déclarer en conséquence irrecevable la saisine régularisée par M. et Mme [P] après cassation et de déclarer en tout état de cause irrecevables toutes conclusions signifiées par eux au regard des dispositions de l'article 961 du code de procédure civile et ils sollicitent leur condamnation à leur payer une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Sur l'exception d'irrecevabilité de la déclaration de saisine de la cour et du recours des époux [P],
Considérant que les intimés soutiennent que les appelants doivent être déclarés irrecevables en leur déclaration de saisine, qu'en effet, ils se domicilient à l'association amicale des algériens en [Adresse 4] et que cette adresse est, ainsi qu'il résulte des constats établis par l'huissier chargé de signifier l'arrêt, fausse et ne constitue qu'une boite postale, qu'il résulte des propres pièces des appelants qu'ils dissimulent volontairement leur adresse, que cette irrégularité d'adresse leur cause nécessairement grief et que dès lors que la signification de leur adresse est intervenue alors que l'action était forclose, la nullité encourue ne peut plus être régularisée ;
Que les appelants soutiennent en réplique que les intimés ne démontrent pas qu'au jour de la déclaration de saisine, soit le 30 octobre 2009, l'adresse mentionnée sur cet acte, à savoir Association amicale des algériens en [Adresse 4] était fausse dès lors qu'ils se prévalent d'un acte de signification postérieur, qu'ils soutiennent qu'au demeurant cette association les a hébergés et que si les services sociaux de la ville de Paris les ont relogés ils ont conservé leur adresse [Adresse 4] où ils reçoivent leur courrier, qu'en tout état de cause, ils ont régulièrement dénoncé leur nouvelle adresse par acte du 18 juin 2009 et que cette dénonciation ne laisse subsister aucun grief ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 1034 du code de procédure civile, la déclaration de saisine de la cour de renvoi doit, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, être faite avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt de cassation faite à la partie ; que ce délai de saisine de la cour de renvoi est un délai de forclusion dont la sanction est soumise au régime des fins de non recevoir ;
Que conformément à l'article 58 du même code la déclaration de saisine de la juridiction contient à peine de nullité pour les personnes physiques : l'indication des noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
Que la nullité ainsi encourue est une nullité pour vice de forme qui, en application de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile, ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ;
Que conformément à l'article 115 du code de procédure civile, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ;
Qu'il se déduit de la combinaison de ces textes, que pour que l'inexactitude de l'adresse des appelants invoquée par les intimés soit susceptible d'entraîner la nullité de la déclaration de saisine de la cour, il leur revient de démontrer le grief que leur cause cette irrégularité de forme ;
Considérant qu'il est constant que les appelants dans leur déclaration de saisine se sont domiciliés à l'Association Amicale des Algériens en Ile de France, [Adresse 4] ;
Qu'il est établi que lors de la signification, le 16 février 2009, de l'arrêt de cassation, l'huissier a indiqué que M. [P] n'avait pas de domicile ou d'établissement à cette adresse et après avoir décrit très précisément les diligences concrètes qu'il avait accomplies pour tenter de signifier l'acte à personne, a dressé un procès verbal de recherches infructueuses ;
Considérant que les appelants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que les intimés ne justifieraient pas qu'à la date de la déclaration de saisine de la cour, ils ne démontreraient pas que l'adresse indiquée sur cet acte serait inexacte dès lors qu'il résulte de leurs propres pièces et écritures que cette adresse ne constituait pas leur domicile ;
Qu'en effet, la circonstance selon laquelle le président de l'Association Amicale des Algériens en Ile de France atteste avoir autorisé M. [P] à utiliser le bureau qu'il occupe dans ses locaux pour l'hébergement de sa famille après son expulsion en août 2006 ajouté au fait que M. [P] justifie avoir successivement demandé la réexpédition aux services postaux de son courrier les 5 juillet 2007, 20 mars 2008, 18 octobre 2008, et 7 avril 2009 à l'adresse de cette association ne permettent pas de à caractériser que l'Association Amicale des Algériens en Ile de France constitue le domicile des appelants, à savoir « le lieu du principal établissement » selon la définition de l'article 102 du code civil et cela alors même qu'il résulte de l'attestation établie le 17 juin 2009 par la directrice de la « [Adresse 8] » située [Adresse 8] que M. et Mme [P] sont hébergés dans cette résidence depuis le 17 mars 2007 et que cette résidence constitue donc à l'évidence le lieu de leur principal établissement ;
Qu'il est démontré que la mention de l'adresse de appelants telle que portée dans la déclaration de saisine de la cour est inexacte ;
Que cette irrégularité a nécessairement causé grief aux intimés en les privant d'exécuter les condamnations dont ils étaient bénéficiaires ;
Qu'il n'est pas contesté que la régularisation de leur domicile est intervenue postérieurement au délai de quatre mois imposé à peine de forclusion par l'article 1034 du code de procédure civile, délai dont la sanction est soumise aux fins de non recevoir ;
Que dans ces conditions, même si cette régularisation ne laisse subsister aucun grief, leur déclaration de saisine de la cour de renvoi doit être déclarée irrecevable ;
Que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que les appelants doivent supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la saisine régularisée par M. et Mme [P] après cassation le 30 septembre 2009,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] [P] et Mme [D] [P] aux entiers dépens et autorise la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués associés à les recouvrer directement comme il est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT