RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 10 Février 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08537
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Février 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Activités Diverses - RG n° 06/07327
APPELANTE
S.A.R.L. SALSABOR AFRO - CARIBBEAN SOUL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marie-Geneviève THENAUT, avocate au barreau de PARIS, B 161
INTIMÉ
Monsieur [J] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Alexandre MAILLOT, avocat au barreau de PARIS, R 71
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Janvier 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] a été engagé en qualité de directeur marketing et commercial à compter du 3 janvier 2005 par la Sarl Salsabor Afro Caribbean (ci-après Salsabor) qui exploite une école de danse.
Le 20 juin 2006, la société Salsabor a convoqué M. [C] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave.
Le 21 juin 2006, M. [C] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur puis, le 22 juin 2006, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Après avoir jugé que la prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et reconnu le statut de cadre à M. [C], le conseil de prud'hommes a, par jugement du 19 février 2008 :
- condamné la Sarl Salsabor Afro-Caribbean Soul à payer à M. [C] les sommes suivantes :
9 500,00 euros à titre de salaire de part variable et 950 euros au titre des congés payés afférents,
7 232,46 euros à titre d'indemnité de préavis et 723,25 euros au titre des congés payés afférents,
ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
7 232,46 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat,
300,00 euros pour défaut de cotisation à la caisse complémentaire des cadres,
ces sommes produisant intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- ordonné à la société de régulariser les cotisations auprès de la caisse des cadres sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard commençant à courir 2 mois après la notification du jugement dont il s'est réservé la liquidation,
- ordonné à la société la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Assedic et des bulletins de paie sous peine d'une même astreinte,
- condamné la Sarl Salsabor Afro-Caribbean à verser à M. [C] une indemnité de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les autres demandes, et mis les dépens à la charge de la société.
Régulièrement appelante, la Sarl Salsabor Afro-Caribbean a déposé des écritures visées par le greffier le 4 janvier 2010 et qu'elle a soutenues oralement à l'audience au terme desquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes.
Intimé, M. [C] requiert la Cour, aux termes de conclusions visées par le greffe le 4 janvier 2010 et qu'il a également soutenues oralement à la barre, de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner la société Salsabor à lui verser les sommes suivantes :
8 500 euros à titre de rappel de salaires correspondant à la part variable et 850 euros au titre des congés payés afférents,
267 euros à titre de solde de préavis et 26 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts légaux à compter de la date de réception par l'appelante de la convocation devant le bureau de conciliation,
17 767 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
9 700 euros de dommages-intérêts pour défaut de cotisation à la caisse complémentaire de retraite et de prévoyance des cadres.
A titre subsidiaire, M. [C] demande la condamnation de la Sarl Salsabor au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de 5 000 euros au titre des congés payés afférents, ainsi qu'une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de repos compensateur.
M. [C] demande enfin en tout état de cause la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la condamnation de la société Salsabor aux dépens comprenant la somme de 4 573 euros de frais d'huissier.
SUR CE, LA COUR
Considérant que, par une lettre datée du 20 juin 2006 remise en mains propres et adressée par voie recommandée, la société Salsabor a notifié à M. [C] sa convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave et sa mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de l'entretien fixé au 30 juin suivant; que le lendemain, soit par lettre du 21 juin 2006, M. [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits reprochés à son employeur; que cette initiative du salarié a consommé la rupture des relations contractuelles à la date à laquelle la société Salsabor a reçu la lettre précitée du 21 juin ; qu'elle produit les effets d'une démission ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse selon que les manquements reprochés à l'employeur sont ou non avérés ;
Considérant qu'aux termes de sa lettre de rupture, M. [C] reproche à son employeur le défaut de signature de son contrat de travail, le non-paiement de la part variable de son salaire, le 'défaut d'attribution de parts de la société', 'l'impossibilité de pouvoir prendre ses jours de congés malgré ses demandes répétées en ce sens', une 'réduction unilatérale' de ses fonctions, et 'le défaut de remboursement' de l'intégralité de ses frais exposés pour la société avec ses deniers personnels ;
Considérant qu'ajoutant aux manquements de l'employeur énoncés dans son écrit, lequel ne fixe pas les limites du litige, M. [C] ajoute un nouveau grief, tiré de la négation de son statut de cadre ;
Considérant, sur l'absence de contrat de travail écrit faute de signature, qu'il est certes vrai que la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels ici applicable pose l'exigence d'un contrat écrit; que M. [C], qui prétend avoir vainement demandé de signer un contrat de travail, ne verse cependant aucune pièce susceptible de justifier des réclamations qu'il invoque; qu'il ne justifie ainsi pas que ce manquement de l'employeur l'a conduit le 21 juin 2006 à prendre acte de la cessation immédiate de son contrat aux torts de la société Salsabor ;
Considérant que M. [C] ne justifie ensuite pas d'un engagement pris par son employeur de lui attribuer des parts dans la société et le rapport de la gérance à l'assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2006 versé au débat par la société Salsabor et relatant que '... M. [C]... a fait part de sa volonté de devenir associé. Nous vous proposons d'en prendre acte et d'étudier sa candidature' contredit l'existence d'un engagement pris par l'employeur ;
Considérant, sur le grief pris de ce que la Sarl Salsabor lui a à tort refusé le statut de cadre, que M. [C] invoque le poste de directeur commercial et marketing qu'il occupait, et ses fonctions de direction et d'encadrement de l'équipe commerciale; qu'il se prévaut d'attestations d'anciens collaborateurs de la Sarl Salsabor et des termes d'un courriel en date du 11 mars 2005 du représentant de la Sarl Salsabor ;
Mais considérant que M. [C] ne discute pas qu'il n'a pas été engagé avec un statut cadre ; que selon les énonciations portées sur ses bulletins de paie, le poste occupé par M. [C] relevait de l'indice 3, niveau IV, coefficient 280, de la convention collective; qu'à l'intérieur de la grille de classification prévue par la convention collective applicable, le niveau IV correspond à 'un emploi exigeant des connaissances générales et techniques qualifiées ainsi qu'une expérience professionnelle', et appelant l'intéressé à 'conseiller d'autres personnes, éventuellement les former et exercer un contrôle'; qu'au 3ème échelon coefficient 280, l'intéressé exerce des 'fonctions exigeant des connaissances acquises par formation spécifique ou par expérience justifiant 10 ans de présence effective dans l'entreprise'; que M. [C] ne justifie pas que ses fonctions et son niveau de responsabilité au sein de la société Salsabor excédaient ce niveau de classification qui lui était reconnu par son employeur ; que les termes du courriel du représentant de la société Salsabor en date du 11 mars 2005 attestent seulement d'une revendication insistante de M. [C] pour se voir reconnaître la qualité de cadre; que les attestations émanant de stagiaires ou d'anciens salariés de la société Salsabor lesquelles témoignent dans des termes similaires que M. [C] définissait leur mission et contrôlait leur activité, ne sont pas probantes dés lors que le niveau IV de la convention collective comporte la mission d'encadrement de certains collaborateurs; que le titre de 'directeur commercial' d'une entreprise exploitant une école de danse et occupant habituellement trois salariés ne saurait suffire à caractériser l'exercice de fonctions d'encadrement et de responsabilités justifiant la reconnaissance du statut de cadre; que pas davantage la rémunération convenue n'est révélatrice d'un poste de cadre ; qu'au surplus, M. [C] invoque disposer de diplômes d'ingénieur dont la société Salsabor indique qu'il n'en a jamais justifié ;
Que du tout, il résulte que la revendication du statut de cadre n'est pas justifiée ; qu'il s'ensuit que M. [C] ne peut donc prétendre imputer la rupture à un tel manquement de son employeur ;
Considérant, sur le grief pris d'une rétrogradation, que M. [C] allègue inexactement d'agissements fautifs de son employeur ayant consisté à lui retirer ses prérogatives sur l'activité internet de la société et à lui interdire l'accès au serveur de la société dans le but de le mettre à l'écart et le pousser au départ sans bourse délier, puisqu'il ressort des pièces du débat qu'il n'était pas webmaster et responsable du site et que ces responsabilités étaient confiées à un autre salarié, Mme [R] ;
Considérant enfin que M. [C] ne peut utilement soutenir que son employeur a failli à son engagement de lui verser une rémunération variable complémentaire de sa rémunération fixe de 1 500 euros mensuels, alors que les correspondances versées au débat établissent que les parties ont engagé une discussion sur cette revendication de M. [C], sans toutefois jamais convenir du versement d'une telle rémunération ; que M. [C] affirme sans en justifier de ce que ses salaires lui étaient 'souvent' versés avec retard; qu'il ne justifie pas de ce grief dont sa prise d'acte ne faisait pas état; qu'il ne justifie pas davantage de 'demandes réitérées' en vain et tendant à pouvoir prendre ses jours de congés ou d'obtenir le remboursement de ses frais ;
Considérant que du tout, et en l'absence de manquements suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur, il résulte que la prise d'acte de M. [C] produit les effets d'une démission ;
Que le jugement déféré sera par conséquent infirmé et M. [C] débouté des termes de sa demande principale ;
Considérant que M. [C] sollicite à titre subsidiaire le paiement de la somme de 50 000 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et celle de 20 000 euros de dommages-intérêts pour défaut de repos compensateur ;
Considérant cependant que si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, le salarié a néanmoins la charge de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Or considérant en l'espèce que M. [C] ne verse aucune pièce de nature à étayer ses prétentions qui seront donc rejetées ;
Considérant que M. [C] qui succombe sera débouté de sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement déféré,
DIT que la prise d'acte de M. [C] produit les effets d'une démission,
DÉBOUTE M. [C] de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNE M. [C] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE