Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 12 FEVRIER 2010
(n°56, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/18569
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 octobre 2007 - Tribunal de commerce de PARIS - 13ème chambre - RG n°2006058931
APPELANTE
S.A.R.L. CARTHAGO FILMS, agissant en la personne de son gérant et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par la SCP BLIN, avoué à la Cour
assistée de Me Fiorella VECCHIOLI DE FOURNAS plaidant pour la SCP CARBONNIER - LAMAZE - RASLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque PARIS 298
INTERVENANTE VOLONTAIRE et comme telle APPELANTE
Société ITALIAN INTERNATIONAL FILMS, société de droit italien, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 5]
[Localité 1]
ITALIE
représentée par la SCP BLIN, avoué à la Cour
assistée de Me Fiorella VECCHIOLI DE FOURNAS plaidant pour la SCP CARBONNIER - LAMAZE - RASLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 298
INTIMEE
S.A.R.L. BABEL PRODUCTIONS, prise en la personne de son gérant, M. [C] [T], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Gérald BIGLE, avocat au barreau de PARIS, toque B 498
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 novembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Fabrice JACOMET, Président
M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller
M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
M. [V] [S] a préalablement été entendu en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
En 1981-1982 et 1984, les sociétés Carthago Films et Babel Productions ont produit ou co-produit trois films qui ont connu un succès important et généré d'importantes recettes ;
Le contrat de production de chacun des films comportait une clause compromissoire ;
En raison de leur désaccord sur les comptes les deux sociétés ont décidé de recourir à une mesure d'arbitrage ;
Les parties ont désigné Mme [X] [N] et M. [A] [G] qui ont eux- mêmes désigné M. Le professeur [Y] en qualité de 3ème arbitre ;
La sentence arbitrale prononcée le 22 décembre 1999 a statué ainsi qu'il suit :
- déclare la société Carthago Films mal fondée dans ses prétentions financières, tant à titre principal qu'à titre reconventionnel,
- condamne la société Carthago Films à verser à la société Babel Productions au titre des trois films : 514'956 F, 1'215'952 F et 345'905 F,
- la condamne à payer les intérêts légaux à compter du 16 avril 1992 pour le premier film du 12 septembre 1986 et du 25 avril 1989 pour les deux autres ainsi que :
* 400'000 F à titre de dommages-intérêts,
* 100'000 F par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la prescription n'est pas acquise en ce qui concerne les comptes entre les parties ;
-devant la carence des parties à donner communication de tous les contrats, avenants et lettres modificatives, particulièrement en ce qui concerne l'exportation des films à l'étranger, prononce la résiliation des accords aux torts partagés des parties et décide la désignation d'un administrateur chargé de la liquidation des sociétés de fait ayant existé entre les sociétés Carthago Films et Babel Productions ;
À la demande de la société Carthago Films, le président du tribunal de commerce de Paris, par ordonnance de référé du 6 décembre 2005, a désigné Me [F] [E], huissier audiencier, aux fins de faire les comptes entre les parties ;
Par ordonnance de référé du 19 mai 2006, à la demande de la société Carthago Films, la mission de Me [E] a été étendue par le président du tribunal de commerce de Paris à la vérification des comptes d'auteurs relatifs à la distribution des trois films, non traités dans la sentence arbitrale, tout en faisant injonction à la société Carthago Films de communiquer les comptes d'auteurs relatifs à l'exploitation des trois films, ce sous astreinte et, se déclarant incompétent sur ces points, et en invitant les parties à saisir le juge du fond afin de faire procéder à la rectification et au rétablissement des omissions ainsi qu'à l'interprétation de certains éléments de la sentence arbitrale pour ce qui est de la TVA et de l'anatocisme ;
Par arrêt du 12 janvier 2007, le Premier Président de cette Cour, statuant en référé, a constaté la désignation de Me [J] [K] pour procéder à la liquidation des sociétés de fait ;
Il a infirmé l'ordonnance du 19 mai 2006 en ce qu'elle a fait injonction à la société Carthago Films de communiquer les comptes d'auteurs au constatant ;
Il a confirmé la décision du premier juge qui a dit y avoir lieu à référé du chef de la TVA et des intérêts ;
Il a constaté que Me [E] avait fait les comptes mais souligné aux termes de sa décision que la question de l'anatocisme posait une sérieuse difficulté ;
Par assignation délivrée le 23 août 2006, la société Babel Productions a saisi le tribunal de commerce de Paris et demandé à la juridiction saisie :
1/ prealablement :
- la condamnation de la société Carthago Films à lui payer la somme de 680'000 € à titre de provision sur les rémunérations des droits de producteurs,
- la désignation d'un expert autorisé à examiner les archives du tribunal arbitral de façon à pouvoir fixer les sommes qui lui sont dues par la société Carthago Films,
- de façon générale, de donner mission à l'expert de procéder à toutes les corrections des sommes dues au regard des modes d'exploitation des trois films et d'opérer le calcul des sommes dues et des sommes déjà versées ;
2/ en second lieu :
- de proposer une interprétation de la règle de calcul des soldes apparents annuels,
- d'interpréter la phrase concernant la prescription des comptes entre les parties,
- de rectifier les erreurs matérielles,
- de dire que la sentence en cause présente une omission des chiffres d'affaires des exploitations étrangères et que les comptes entre les parties devront faire l'objet d'un redressement ;
Par jugement prononcé le 10 octobre 2007, dont appel, le Tribunal a, au vu du décompte du 7 février 2006 établi par la SCP Agnus et Parker, huissiers de justice, en exécution de la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 :
1°/ considéré qu''il n'apparaît pas que la société Babel Productions justifie d'une créance non contestée et exigible au titre de la sentence arbitrale, puisque la société Carthago Films prétend l'avoir soldée',
2°/ considéré que la sentence arbitrale n'a pas statué sur les comptes d'auteur et les droits voisins sans qu'il soit nécessaire de recourir à la mesure d'expertise demandée par la société Babel Productions,
3°/ en ce qui concerne la demande d'application des dispositions de l'article 1475 du code de procédure civile, jugé que rien ne s'opposait à la rectification des erreurs matérielles et à l'interprétation de toutes les dispositions dans la mesure où cela ne modifie pas les droits et obligations des parties,
4°/ sur l''interprétation de la sentence et sur la non prescription des comptes, jugé que la coproduction Carthago Films est toujours redevable des comptes à l'égard de l'ensemble de la production mais 'c'est en raison de la carence des parties à donner tous les contrats avenants et lettres modificatifs aux accords, particulièrement en ce qui concerne l'exploitation des films à l'étranger, qu'il prononce la résiliation des accords aux torts partagés et désigne un administrateur chargé de la liquidation des sociétés de fait'(page 9),
5°/ sur les rectifications d'erreurs ou omissions, rejeté la demande dont il a considéré qu'elle n'était qu'un moyen détourné de remettre en cause la sentence arbitrale malgré l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision,
6°/ sur le quantum de la demande de provision de la société Babel Productions, fait droit à la demande de provision de la société Babel Productions, en condamnant la société Carthago Films à lui payer une provision de 200'000 € eu égard au décompte établi par l'huissier faisant apparaître une créance certaine évaluée à 682'270,87 €,
7°/ sur la demande reconventionnelle de la société Carthago Films de vente sur licitation des trois films litigieux, a estimé nécessaire qu'avant de désigner Me [B] pour établir l'arrêté définitif des comptes entre les parties et liquider les sociétés de fait, conformément aux dispositions de l'article 1873 du Code civil, il convenait d'ordonner la licitation des trois films, par lots distincts, conformément à l'article L 132-30 du code de la propriété intellectuelle, par Me [W], commissaire-priseur ;
La société La société Carthago Films ayant relevé appel de la décision, par dernières conclusions signifiées le 4 novembre 2009, en présence de la société Italian International Films, intervenante volontaire, demande à la Cour d'infirmer le jugement au motif :
- qu'il a ordonné le versement d'une provision à la société Babel Productions d'un montant de 200'000 €,
- constater qu'aucune capitalisation des intérêts au taux légal n'a été prévue dans la sentence arbitrale,
- dire que les intérêts au taux légal doivent être calculés sur les soldes apparents tels que visés dans les comptes annexés à la sentence arbitrale,
- constater que le rapport établi par Me [E], en l'état, est contesté par la société Carthago Films et ne peut servir de référence pour établir les comptes entre les parties,
- en conséquence,
- constater que la SARL Carthago Films a versé la quasi-intégralité des sommes dues au titre de la sentence arbitrale à la SARL Babel Productions,
- étendre la mission de Me [B] en vue d'établir l'arrêté définitif des comptes et de liquider les sociétés de fait avec les missions suivantes:
* établir les comptes entre les parties et déterminer le montant des sommes dues au regard de la sentence arbitrale et de l'intégralité des décisions de justice intervenue jusqu'à ce jour,
* veiller au bon déroulement de la vente aux enchères des trois films,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- rectifier le jugement du tribunal de commerce de Paris pour la partie du dispositif indiquant 'dit que cette vente...',
-en tout état de cause, débouter la société Babel Productions de sa demande de désignation d'un expert et la condamner à verser 50'000 € pour procédure abusive et 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par dernières conclusions signifiées le 12 novembre 2009, la société Babel Productions, intimée et appelante, au visa des articles :
- 1475 du code de procédure civile,
- L 111-3 alinéa 1 et L 113-30 du code de la propriété intellectuelle, du code de l'industrie cinématographique devenue la loi du 5 mars 2009, du code du cinéma et de l'image animée,
- l'article L 621-22 du code de commerce,
- les articles 1150 et 1872-2 alinéa 2 1000 du code civil,
- l'ordonnance 45-2593 (article 1er) du 2 novembre 1945,
demande à la Cour de :
1°/ confirmer le jugement du 10 octobre 2007 en ce qu'il a :
* interprété la clause de calcul d'intérêts de la sentence arbitrale du 22 décembre 1999,
* condamné à titre provisionnel la société Carthago Films à lui payer la somme de 200'000 €,
2°/ d'infirmer le jugement du 10 octobre 2007 en ce qu'il a :
* refusé de rectifier l'omission de la mention hors taxes sur les montants exprimés dans la sentence du 22 décembre 1999,
* décidé de vendre sur licitation les trois films litigieux avant que les comptes de production ne soient faits entre les parties et que les comptes d'auteur et de droits voisins soient purgés,
3°/ elle demande en tout état de cause de :
* débouter la société La société Carthago Films de sa demande d'indemnité à hauteur de 50'000 € au titre de la prétendue opposition systématique qu'elle ferait pour s'opposer à la vente aux enchères des trois films,
* la condamnation de la société Carthago Films à lui payer 200'000 €d e dommages-intérêts pour résistance abusive,
* 180'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Au soutien de ces demandes, elle fait valoir, pour l'essentiel, qu'elle approuve l'interprétation faite par le tribunal du calcul des intérêts et s'oppose à la position de la société Carthago Films ;
Elle entend rappeler, par ailleurs, que de nombreux points ne sont pas réglés en ce qui concerne les comptes des trois sociétés :
- paiement de certains auteurs (droits d'auteur) et procédure pendante devant le tribunal de grande instance,
- procédure intentée par elle-même devant le tribunal de commerce à l'encontre de l'appelante, aux fins d'ouvrir une procédure collective, en raison de l'impossibilité d'obtenir le paiement de ses droits et désignation, le 26 octobre 2009, par ce tribunal d'un juge enquêteur et de Me [L] mandataire enquêteur désigné ;
Elle expose que, de façon générale, la société Carthago Films a tenté à différentes reprises d'obtenir une modification de la sentence arbitrale notamment au regard des intérêts et des sommes que cette société lui doit ;
Elle soutient que l'appelante ne démontre pas l'inexactitude des comptes établis par la SCP Agnus et Parker et par Me [E], huissiers de justice ;
En ce qui concerne une somme de 89'583,10 € versée à la société Babel Productions, elle rappelle qu'il s'agit d'un règlement de droits d'auteur et non pas d'une somme devant être affectée à la coproduction, ainsi que rappelé en page 2 de l'arrêt du 12 janvier 2007 (appel de référé du président du tribunal de commerce de Paris) ;
Me [E] n'a donc pas tenu compte de cette somme affectée aux comptes d'auteurs indépendants, non visés par la sentence arbitrale
Sur la capitalisation des intérêts, l'intimée soutient que sa volonté n'est pas de remettre en cause les comptes de coproduction mais seulement d'interpréter le dispositif de calcul des intérêts fixé par le tribunal arbitral et interprété par le tribunal de commerce. Selon elle, la société Carthago Films utilise à tort l'expression d'intérêts capitalisés mais il convient de confirmer le jugement du 10 octobre 2007 en ce qu'il a interprété la clause de calcul d'intérêts de la sentence arbitrale du 22 décembre 1999 sans faire état de la capitalisation ;
Elle entend rappeler que les intérêts ne portent pas sur des comptes courants, ainsi que cité en page huit du jugement, mais sur des comptes consolidés de production des trois films, et que le calcul des intérêts ne se heurte donc pas, en tout état de cause, quelle que soit la qualification qui leur est appliquée, à l'interdiction de l'anatocisme relative aux comptes-courants ;
Elle fait état également de la non prescription des comptes de production, ainsi que la sentence arbitrale l'indique s'agissant de comptes présentant un caractère provisoire, les arbitres ayant retenu que les comptes n'étaient pas arrêtés, qu'ils présentaient un caractère provisoire et que, par voie de conséquence, ils n'étaient pas prescrits ;
Elle réplique, à cet égard, que les comptes analysés par M. [P] sont présentés dans son rapport du 25 août 1998 comme étant de nature à être complétés après qu'auront été tranchés les points de divergence ; qu'ainsi, la conséquence en est également la non- prescription ainsi qu'il a été conclu par la sentence arbitrale (dernier paragraphe de la page 13) ;
SUR CE :
Considérant que la Cour d'appel de Céans a jugé de façon définitive que la sentence arbitrale prononcée le 22 septembre 1999 avait fait l'objet d'une procédure régulière et ne contenait pas de cause d'annulation ; qu'il s'ensuit que les décisions contenues dans cette sentence ont l'autorité de la chose jugée ;
Considérant que la Cour n'est donc régulièrement saisie, à ce jour, que de demandes fondées sur les dispositions de l'article 1475 du code de procédure civile, c'est-à-dire par l'appel interjeté contre la décision de premier degré prononcée par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle porte exclusivement sur l'interprétation de la sentence, ce Tribunal étant le juge de l'interprétation dès lors qu'il aurait été compétent à défaut d'arbitrage (et non le juge d'appel pour cette sentence) et que la disparition de l'un des trois arbitres rend définitivement impossible la réunion du tribunal arbitral afin qu'il réponde aux demandes de rectification ou d'interprétation de la sentence rendue ;
Considérant qu'il est expressément prévu dans l'énoncé de l'article 1475 de code de procédure civile que son application emporte celle des articles 461 à 463 du même code ;
Considérant que les parties ne sont donc pas recevables à soumettre au tribunal de commerce puis à la Cour des questions qui n'entrent pas directement dans le champ d'application des articles précités, c'est-à-dire de la seule interprétation faite par le Tribunal de commerce de la sentence arbitrale pour demander des décisions accessoires, relevant notamment de la compétence du juge de l'exécution ;
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Considérant que l'appelante, avant toute interprétation, a relevé que tant dans les motifs que le dispositif, les comptes de production ne sont pas prescrits ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à interprétation ou à rectification, les parties n'ayant que la faculté de discuter entre elles les comptes et non de demander le réexamen de la décision, cette faculté ne pouvant s'exercer que lorsque les comptes feront l'objet d'une visibilité d'ensemble ;
Considérant, à cet égard, que les arbitres ont volontairement statué sur un nombre limité de comptes compte tenu de l'impossibilité à laquelle ils se sont heurtés de façon répétée d'obtenir des parties - qui les ont pourtant choisis - l'ensemble des documents permettant d'accomplir la mission qui leur avait été confiée ;
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Sur le décompte des intérêts par les arbitres puis par le tribunal
Considérant que la sentence a décidé que la société Carthago Films devrait payer à la société Babel Productions au titre de chacun des films, des sommes qu'elle fixe, en précisant le point de départ des intérêts, pour les films 1, 2, 3, au 16 avril 1992, au 12 septembre 1986 et au 25 avril 1989, 'ces intérêts étant calculés au 31 décembre de chaque année en fonction de l'évolution des soldes apparents' ;
Considérant que le tribunal de commerce, saisi d'une demande dl'interprétation de la dernière disposition, a mentionné dans son dispositif : «le solde apparent est augmenté chaque année des intérêts au taux légal compte tenu des recettes qui l'augmentent et des remboursements qui le diminuent» ;
Considérant que c'est à juste titre que l'appelante expose que l'interprétation donnée par le Tribunal de commerce instaure un anatocisme non prévu par les arbitres dès lors que cette juridiction propose en fait que chaque solde apparent annuel porte intérêts, et que le tout, c'est-à-dire le solde annuel augmenté de ses intérêts de fin d'année, constitue un nouveau compte pour l'année suivante, sur lequel seront calculés des intérêts ;
Considérant que le fait que les intérêts deviennent variables d'une année sur l'autre est sans incidence sur la qualification de la nature des intérêts, l'anatocisme étant caractérisé dès que la convention est rédigée ou interprétée de façon à ce que les intérêts d'une année s'ajoutent au total du compte-courant et ne fassent pas l'objet d'un compte séparé de telle sorte que des intérêts seront calculés sur les sommes inscrites au compte augmentées de ces intérêts, les intérêts ayant été ainsi calculés de façon à être producteurs eux-mêmes d'intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant enfin qu'il importe peu que le compte varie d'une année sur l'autre, puisque les variations ne se produisent pas sur les intérêts de l'année passée mais sur les sommes qui viennent en hausse ou en baisse augmenter ou diminuer le niveau du compte sur lequel seront calculés les intérêts de l'année suivante ;
Considérant ainsi que la lecture de la sentence ne conduit donc pas à intégrer les intérêts dans le compte annuel aux fins de calculer chaque année des intérêts sur le tout ; elle indique seulement qu'il sera procédé à un compte des intérêts, année par année ;
Considérant que, par conséquent, il existera un compte d'intérêts, venant s'accroître année par année, par simple addition des seuls intérêts calculés annuellement sur le montant du compte arrêté en fin d'année ;
Considérant qu'il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point en ce que le développement du sens de la formule ne correspond pas au sens de la sentence arbitrale ;
Sur les valeurs hors taxes ou ttc
Considérant qu'il n'y a pas lieu, sur ce point, de considérer que la décision donnera lieu à réparation d'erreurs ou d'omission en ce qui concerne la mention de la TVA ;
Considérant que les signataires avaient la faculté de recourir à l'une ou l'autre des mentions mais que leur absence implique que la TVA est comprise, et qu'il appartient aux parties, le cas échéant, de faire ressortir la TVA si elles le souhaitent ;
Sur la vente aux encheres
Considérant que la sentence a prononcé la résiliation des accords aux torts partagés des parties et décidé la désignation d'un administrateur chargé de la liquidation des sociétés de fait ayant existé entre les sociétés Babel Productions et Carthago Films en indiquant dans le dispositif même que la liquidation était rendue nécessaire par la carence des parties à fournir les contrats, avenants, lettres modificatives aux accords particulièrement en ce qui concerne l'exploitation des films à l'étranger ;
Considérant que les parties ne démontrent pas, par ailleurs, qu'il existe une impossibilité juridique ou pratique de procéder à la vente aux enchères des droits intellectuels attachés à chacun des trois films conforme à l'article L 132-30 du code de la propriété intellectuelle, puis de faire les comptes après cette vente laquelle n'a pas d'incidence directe sur les comptes ;
Considérant, d'ailleurs, que c'est en connaissance de cause que la sentence arbitrale a ainsi décidé de procéder à la vente avant d'obtenir les comptes faute de parvenir à un tableau complet ;
Considérant notamment que les comptes courants individuels pourront ainsi être soldés indépendamment de la vente et postérieurement, en conformité avec la nature même de ces comptes définis à l'article L 132-28 du même code ;
Considérant qu'il résulte tant de la sentence que de la nature même de la présente procédure qu'il n'y a pas lieu d'examiner les comptes pour une quelconque raison aussi
longtemps qu'il n'aura pas été procédé à la vente des trois films ;
Sur les autres demandes
Considérant que par application de l'article 1475 du code de procédure civile, examinant en appel la seule décision du tribunal de commerce, il convient de rejeter comme irrecevables les demandes de dommages et intérêts qui seraient dus en raison d'une mauvaise exécution fautive de la sentence arbitrale ;
Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies ;
Considérant que les parties succombant chacune pour moitié, elles conserveront la charge de leurs dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la vente des trois films aurait lieu avant d'établir l'arrêté définitif des comptes ;
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Dit que les intérêts calculés sur les comptes annuels feront l'objet d'un décompte
année par année, en fonction de l'évolution annuelle des soldes apparents, et d'un relevé distinct de sorte qu'ils ne pourront pas être eux-mêmes productifs d'intérêts ;
Ajoutant au jugement,
Dit que toutes les valeurs non précisées sont toutes taxes comprises ;
L'infirme pour le surplus et rejette toutes autres demandes ;
Dit que les parties conserveront la charge de leurs dépens.
Le Greffier Le Président