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23/03/2010 | FRANCE | N°08/21366

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 23 mars 2010, 08/21366


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 23 MARS 2010



(n° 125, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21366



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/12883





APPELANT



Monsieur [M] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

et encore [Adresse 1]

[Loc

alité 3]

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Morgane HANVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : A 200

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/11261...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 23 MARS 2010

(n° 125, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21366

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/12883

APPELANT

Monsieur [M] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

et encore [Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assisté de Me Morgane HANVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : A 200

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/11261 du 03/04/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Direction des affaires juridiques - [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assistée de Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 141

SCP NORMAND & Associés

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 janvier 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC

Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a fait connaître ses conclusions

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

Considérant qu'à la suite d'un mandat d'arrêt décerné le 16 avril 1996, M. [M] [X], dirigeant d'une entreprise située au [Localité 7], a été arrêté et extradé en France le 4 novembre 1997 et placé et maintenu en détention par un jugement rendu le 10 novembre 1997 par le Tribunal correctionnel de Lille ; qu'il a été remis en liberté en vertu d'un arrêt rendu le 28 novembre 1997 part la Cour d'appel de Douai au motif qu'il n'avait pas été entendu au cours de l'instruction et qu'il justifiait d'un domicile et d'une situation familiale stable ;

Que, par un arrêt du 20 décembre 2001, la Cour d'appel de Douai, statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 16 octobre 1998 par le Tribunal correctionnel de Lille, l'a relaxé de sept chefs d'inculpation et condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour tentative d'escroquerie, condamnation maintenant amnistiée ; que, par arrêt du 27 novembre 2002, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt prononcé par la Cour d'appel de Douai ;

Que, par arrêt du 2 novembre 2004, la Cour européenne des droits de l'Homme a constaté la violation, imputable à la France, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme à raison du non-respect, devant la Cour de cassation, des principes de publicité des débats et du procès équitable en l'absence de communication du rapport dressé par le conseiller-rapporteur ; que M. [X] a donc bénéficié du réexamen de son pourvoi et que, par arrêt du 18 janvier 2006, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi ;

Que, soutenant que les circonstances de sa détention et notamment le fait qu'il a été statué sur elle plus de soixante-douze heures après son arrivée à la maison d'arrêt de [Localité 6] alors que l'article 133 du Code de procédure pénale prévoit un délai de vingt-quatre heures, M. [X] a saisi le Tribunal de grande instance de Paris d'une demande d'indemnisation du préjudice consécutif au fonctionnement défectueux de la justice ;

Que, par jugement du 22 octobre 2008, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté M. [X] de ses demandes et l'a condamné à verser à l'Agent judiciaire du Trésor une indemnité en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant qu'appelant de ce jugement, M. [M] [X] en poursuit l'infirmation pour demander que l'Agent judiciaire du Trésor soit condamné à lui verser la somme de 7.496.976 euros en réparation de son préjudice financier, la somme de 224.910 euros au titre de l'indemnité de remploi et la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 3.500 euros en vertu de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Qu'au soutien de son recours, M. [X] fait valoir que, comme l'a décidé le Tribunal de grande instance de Paris, son action est recevable même s'il a saisi le premier président de la Cour d'appel de Douai et la Commission nationale de réparation des détentions sur le fondement des articles 149 et suivants du Code de procédure pénale qui n'exclut pas l'action fondée sur le fonctionnement défectueux de la justice de sorte qu'en la cause, il n'y a pas autorité de la chose jugée ;

Qu'au fond, M. [X], qui reprend l'argumentation développée en première instance, invoque l'illicéité de son arrestation dès lors qu'en matière d'extradition, l'Etat requérant ne peut adresser une demande d'arrestation provisoire qu'en cas d'urgence et qu'en l'espèce, les conditions n'étaient pas réunies pour qu'une telle demande fût adressée par le parquet, la condition d'urgence n'étant pas remplie ; qu'il soutient encore que sa détention était arbitraire puisqu'il n'a été statué sur elle que plus de soixante-douze heures après son arrivée à la maison d'arrêt de [Localité 6] alors que l'article 133 du Code de procédure pénale prévoit un délai de vingt-quatre heures de sorte que le Tribunal correctionnel aurait dû ordonner sa remise en liberté ; qu'il en conclut qu'il a été victime de violations graves et renouvelées des textes encadrant l'extradition et la détention qui était arbitraire ;

Que, s'agissant de la réparation du préjudice, l'appelant fait valoir qu'il dirigeait une entreprise spécialisée en domiciliation de sociétés au [Localité 7] et qui avait une activité bénéficiaire prometteuse et que son arrestation a causé une désorganisation importante de l'entreprise qui, finalement, a été mise en faillite ; qu'il ajoute que ses ressources ont fortement diminué depuis l'époque de son arrestation ;

Qu'à la fin de ses conclusions, M. [X] expose le calcul opéré, compte tenu du chiffre d'affaires dégagé par son entreprise avant son arrestation, pour arrêter les sommes qu'il demande en réparation de son préjudice correspondant à la mise en liquidation judiciaire de la société Relais Saint-Michel, à la perte de recettes potentielles des Editions Les Lumières qui devaient publier un de ses ouvrages, à la perte de salaires, aux pertes financières diverses et à l'indemnité de remploi, égale au préjudice futur dû au délai nécessaire pour constituer une nouvelle société, ainsi qu'à la réparation de son préjudice moral ;

Considérant que l'Agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement au motif que M. [X], qui tente de remettre en cause la décision du premier président de la Cour d'appel de Douai et de la Commission nationale de réparation des détentions qui ont rejeté sa demande, n'établit pas le caractère arbitraire de son arrestation et de sa détention provisoire et qu'en outre, le service de la justice n'a commis aucune faute lourde qui ouvrirait droit à indemnisation, le fait qu'une décision judiciaire soit censurée par une juridiction supérieure n'établissant pas l'existence d'une telle faute ;

Considérant que Monsieur le procureur général, qui fait observer que la Cour de cassation n'a pas « implicitement reconnu le caractère illégal » de l'arrestation de M. [X], conclut pareillement à la confirmation du jugement au motif que le service de la justice n'a commis aucune faute lourde, ni à l'occasion de la demande d'arrestation et de l'extradition subséquente, ni à l'occasion du placement et du maintien en détention provisoire ;

Sur la recevabilité de l'action :

Considérant que les conclusions de l'Agent judiciaire du Trésor portent un titre intitulé « A titre principal, sur l'autorité de la chose jugée » ; que, toutefois, elles ne développent aucune argumentation tendant à soutenir, comme en première instance, que la décision de la Commission nationale de réparation des détentions s'opposerait à une nouvelle action fondée sur les dispositions de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

Qu'en tant que de besoin, il y a lieu d'approuver les premiers juges qui ont énoncé que l'action est recevable même si M. [X] a saisi le premier président de la Cour d'appel de Douai et, en appel, la Commission nationale de réparation des détentions sur le fondement des articles 149 et suivants du Code de procédure pénale, qui n'excluent pas l'action fondée sur le fonctionnement défectueux de la justice, de sorte qu'en la cause, il n'y a pas autorité de la chose jugée ;

Considérant qu'en cause d'appel, l'Agent judiciaire du Trésor ne reprend pas le moyen tiré d'une prétendue prescription quadriennale de l'action, justement rejetée par les premiers juges ;

Au fond :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, « l'Etat est tenu de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service de la justice » et que « sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice » ; qu'est regardée commune faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service de la justice à remplir la mission dont il est investi ;

a) Sur les conditions d'arrestation de M. [X] :

Considérant que M. [X] était impliqué dans une affaire d'abus de confiance, d'escroquerie et de tentative d'escroquerie instruite par l'un des juges d'instruction au Tribunal de grande instance de Lille et que ce magistrat n'avait pu entendre le susnommé qui, de fait, résidait au [Localité 7] ; que, le 16 avril 1996, ce magistrat a délivré un mandat d'arrêt en vertu de l'article 131 du Code de procédure pénale aux termes duquel « Si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République, le juge d'instruction, après avis du procureur de la République, peut décerner contre elle un mandat d'arrêt si le fait comporte une peine correctionnelle ou une peine plus grave » ;

Que, pour cette décision puisse être exécutée, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lille a demandé aux autorités judiciaires luxembourgeoises, sur le fondement des articles 2 et 16 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de procéder à l'arrestation provisoire de M. [X] et à son extradition ; que, sur cette demande, il a été placé en détention le 30 juin 1997 et remis aux autorités françaises le 4 novembre 1997 ;

Considérant que, d'une part, la demande d'arrestation n'est que la conséquence du mandat d'arrêt et que, d'autre part, la décision de donner suite à la demande d'arrestation incombe à l'autorité requise de sorte qu'en l'espèce et sur ce point, M. [X] n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat français ;

Considérant que, comme l'ont énoncé les premiers juges en de plus amples motifs qu'il échet d'adopter, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. [X], non pas en estimant implicitement que la demande d'arrestation provisoire était irrégulière, mais en retenant que le susnommé, qui n'avait pas soulevé le moyen devant le tribunal correctionnel avant toute défense au fond était irrecevable à le faire pour la première fois devant la cour, peu important que, de façon surabondante et erronée, la Cour d'appel de Douai ait estimé qu'il aurait dû soulever ledit moyen devant le juge d'instruction ; qu'en déclarant le moyen irrecevable, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'irrecevabilité de l'exception de nullité présentée pour la première fois devant la Cour d'appel de Douai ;

Qu'il résulte de ce qui précède que M. [X] n'a pas exercé toutes les voies de recours que la Loi mettait à sa disposition et qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que son arrestation serait la conséquence d'une faute lourde de l'Etat ;

b) Sur les conditions du maintien en détention de M. [X] :

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. [X] n'a pas été entendu dans les vingt-quatre heures de son arrestation ; que, toutefois, les dispositions de l'article 133 du Code de procédure pénale, qui prévoient ce délai, n'étaient pas applicables, à l'époque des faits, à la personne arrêtée après la clôture de l'information de sorte que M. [X] n'est pas fondé à invoquer une violation de cette règle ;

Considérant que, s'agissant de la détention, le Tribunal correctionnel n'a aucunement excédé ses pouvoirs en maintenant M. [X] en détention par jugement du 10 novembre 1997 dès lors que l'opportunité d'une telle mesure relevait de son pouvoir d'appréciation et que la mise en liberté du susnommé, prononcée par la Cour d'appel de Douai en son arrêt du 28 novembre de la même année, ne reflète qu'une divergence d'appréciation sur les garanties de représentation du prévenu ;

Considérant que, comme l'ont exposé les premiers juges, le service de la justice n'a, à cet égard, commis aucune faute lourde ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement frappé d'appel ;

Sur les demandes accessoires :

Considérant que M. [X], qui succombe en ses prétentions et supporte les dépens, sera débouté de la demande qu'il forme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'en revanche, l'équité commande qu'il soit condamné à payer à l'Agent judiciaire du Trésor la somme de 2.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 octobre 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de l'Agent judiciaire du Trésor ;

Déboute M. [M] [X] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Condamne le susnommé à payer à l'Agent judiciaire du Trésor la somme de 2.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [X] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Buret, avoué de l'Agent judiciaire du Trésor, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 08/21366
Date de la décision : 23/03/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°08/21366 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-23;08.21366 ?
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