Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 24 MARS 2010
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/17788
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15548
APPELANTS
1°) Monsieur [E] [U] [O]
[Adresse 4]
[Localité 5]
2°) Madame [B] [P] [O] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Me Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour
assistés de Me Henri HAJDENBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : A 455
INTIMÉE
Madame [X] [I] [H] veuve [O]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me James DUPICHOT de la SELARL PEISSE-DUPICHOT-ZIRAH-BOTHOREL et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J 149
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LACABARATS, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[K] [O] est décédé le [Date décès 1] 2004 en laissant pour lui succéder ses enfants issus de sa première union : [E] et [B] [O] et son épouse, [X] [H], avec laquelle il était marié, en secondes noces, sous le régime de la séparation de biens.
Aux termes d'un testament olographe du 22 janvier 1997, il avait légué à son épouse l'usufruit sur les biens et droits immobiliers formant les lots n° 33 (appartement au 3ème étage) 34 (cave) 23 (garage) et 20 (chambre de service) ainsi que l'usage des meubles meublants et objets mobiliers garnissant lesdits lots. Il lui léguait également la totalité des comptes joints qu'il avait avec elle et demandait expressément à ses enfants d'exécuter ces legs.
Par jugement du 10 juillet 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
- ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession,
- désigné un notaire et commis un juge,
- dit que Madame [H] était fondée à cumuler le legs résultant du testament du 22 janvier 1997 et la vocation successorale ab intestat que lui reconnaissent les dispositions issues de la loi du 3 décembre 2001,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage, dit qu'ils seraient supportés par les copartageants dans la proportion de leurs droits dans l'indivision et dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 23 décembre 2008, Monsieur [E] [O] et Madame [B] [O] épouse [D], appelants, (les consorts [O]) demandent à la cour, réformant le jugement, de :
- accorder à Madame [X] [H] les droits issus du testament à l'exclusion de tous autres,
- confirmer pour le surplus le jugement,
- condamner Madame [X] [H] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du même code.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 1er février 2010, Madame [X] [H] conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des consorts [O] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du même code.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la succession d'[K] [O] s'étant ouverte postérieurement au 1er juillet 2002 et la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 ayant abrogé la règle de l'imputation prescrite par l'article 767, alinéa 6, ancien du code civil, Madame [H] peut cumuler les droits successoraux prévus à l'article 757 du code civil avec la libéralité consentie par le défunt en application de l'article 1094-1 du même code, sous réserve de ne pas porter atteinte à la nue- propriété de la réserve héréditaire dont bénéficient les consorts [O] ni dépasser l'une des quotités disponibles spéciales permises entre époux ;
Que les consorts [O] ne peuvent utilement soutenir que, sous peine de la dénaturer, il convient d'interpréter et de rechercher la volonté du défunt à l'aune de la règle de l'imputation des libéralités sur les droits légaux du conjoint survivant en vigueur à la date de la rédaction du testament dès lors que les dispositions testamentaires, qui portent exclusivement sur l'assiette de l'usufruit auquel Madame [H] pouvait alors prétendre, sont claires, précises, dénuées de toute ambiguïté appelant une interprétation et qu'il n'appartient pas au juge de ' refaire ' un testament en considération de l'intention supposée du défunt au moment de sa rédaction ;
Qu'il convient d'ajouter que, contrairement à ce que prétendent les appelants, la volonté du défunt, qui conserve, jusqu'à son décès, la faculté de révoquer ou de modifier son testament, ne s'est pas nécessairement figée au moment de la rédaction de l'acte et a pu évoluer, notamment à la faveur de l'accroissement des droits successoraux du conjoint survivant ;
Qu'au demeurant, il ne peut se déduire du testament, qui manifeste le souci d'[K] [O] d'assurer les droits de son conjoint, sa vie durant, sur le logement familial, le mobilier le garnissant et les liquidités bancaires, une quelconque volonté de la priver de droits en pleine propriété que la loi ne lui reconnaissait pas au moment de sa rédaction ;
Que la circonstance que la loi du 3 décembre 2001 ait ultérieurement accordé au conjoint survivant des droits en pleine propriété et abrogé la règle de l'imputation des libéralités sur les droits successoraux prévus par la loi ne saurait autoriser le juge à déduire de l'intention libérale exprimée par le défunt à l'endroit de son conjoint celle de la priver de droits plus importants ;
Qu'enfin, force est de constater qu'alors qu'il était loisible au défunt, décédé plus de trois ans après sa publication, de modifier son testament à la lumière de la loi nouvelle, [K] [O] n'a pas jugé utile de prendre de nouvelles dispositions testamentaires ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de dire, confirmant le jugement, que Madame [H] peut cumuler les droits légaux conférés par l'article 757 du code civil avec la libéralité consentie le 22 janvier 1997 ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement,
DÉBOUTE les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE Monsieur [E] [O] et Madame [B] [O] épouse [D] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,