RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 25 Mars 2010
(n° 12 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01920 LL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 08-00106
APPELANTE
SA AGRANA FRUIT FRANCE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Franck SINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 903
INTIMEE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE SEINE ET MARNE (URSSAF 77)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par M. [L] en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2010, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Mademoiselle Séverine GUICHERD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Agrana Fruit France d'un jugement rendu le 15 janvier 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux dans un litige l'opposant à l'URSSAF de Seine et Marne ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler qu'à la suite des décisions de la commission de recours amiable de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne ayant déclaré inopposable à la société Agrana Fruit France la prise en charge des accidents du travail survenus à deux de ses salariés, cette société a contesté, le 27 décembre 2005, le taux des cotisations d'accidents du travail et maladies professionnelles dont elle s'était indûment acquittée ; que la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France (CRAMIF) a notifié à la société les taux de cotisations rectifiés de 1999 à 2006 et de 2002 à 2005 concernant chacun des salariés concernés ; que l'URSSAF de Seine et Marne a cependant limité le remboursement aux seules cotisations versées à compter du 27 décembre 2002, en opposant la prescription triennale prévue par l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale ; que la commission de recours amiable a rejeté la contestation de la société Agrana qui a ensuite saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;
Par jugement du 15 janvier 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a décidé que les cotisations 'accidents du travail et maladies professionnelles' réglées antérieurement au 27 décembre 2002 étaient prescrites, a condamné l'URSSAF de Seine et marne à rembourser les cotisations indues à compter du 27 décembre 2002 et a débouté la société Agrana Fruit France du surplus de ses demandes.
La société Agrana Fruit France fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions aux termes desquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement et d'ordonner à l'URSSAF de Seine et Marne, en sa qualité de mandataire légal des organismes de sécurité sociale, de procéder au remboursement des cotisations indues sur la période du 1er janvier 1999 au 27 décembre 2002, conformément aux décisions de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie et à la rectification des taux de cotisations Accidents du travail établie par la CRAMIF.
Elle fait valoir que, par deux décisions en date des 20 septembre et 10 octobre 2006, la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne a déclaré inopposable les prises en charge des accidents du travail dont ont été victimes deux de ses salariés en juin 2000 et janvier 2005. Elle ajoute que la caisse lui a indiqué faire le nécessaire pour que les services de la CRAMIF chargés de la tarification appliquent ces décisions. Elle invoque, en effet, deux lettres en date des 6 novembre et 18 décembre 2006, aux termes desquelles sont rectifiés les taux de cotisations Accidents du travail 2002 à 2005 et 1999 à 2006 concernant chacun des salariés concernés. Elle reproche à l'URSSAF de Seine et Marne de ne pas avoir respecté ces décisions, en invoquant la règle de la prescription pour les années 1999 à 2002 alors que cette prescription n'avait pas été soulevée par les organismes de sécurité sociale dont l'URSSAF n'est que mandataire. Elle rappelle que l'URSSAF n'est pas un tiers par rapport à la CRAMIF mais lui est substituée pour le recouvrement ou le remboursement des cotisations Accidents du travail, de sorte qu'elle ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat. Elle en déduit que cet organisme ne pouvait, de son propre chef, invoquer une prescription que la CRAMIF n'avait pas retenue et agir ainsi en contravention avec la décision prise par son mandataire. Elle ajoute que les tarifications rectifiées par la CRAMIF ont acquis l'autorité de chose décidée et ne peuvent être remises en cause par l'URSSAF. Elle considère que la position prise par l'URSSAF porte atteinte au principe de l'estoppel, qui interdit de se contredire au détriment d'autrui. Enfin, elle estime que le refus de cet organisme d'exécuter les ordres de son mandant contrevient aux articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en le privant de son droit à l'exécution des décisions de justice et en portant atteinte au droit à un recours effectif.
L'URSSAF de Seine et Marne fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué.
Elle fait valoir que la société Agrana n'a contesté l'application des taux majorés d'accident du travail que le 27 décembre 2005 alors qu'elle s'en était acquittée depuis le mois de janvier 1999 pour l'un des salariés et depuis le mois de janvier 2002 pour l'autre. Elle considère, dans ces conditions, que la prescription triennale prévue par l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale s'oppose au remboursement des cotisations acquittées avant le 27 décembre 2002. Elle soutient que les décisions successivement prises par la caisse primaire en matière d'inopposabilité et par la CRAMIF sur la rectification des taux de cotisation ne font pas obstacle au jeu de la prescription. Ensuite, elle précise que si la loi lui confère la mission de recouvrer ou rembourser les cotisations de sécurité sociale pour le compte des caisses de sécurité sociale, ces organismes ne disposent d'aucun pouvoir d'injonction à son égard pour lui ordonner un quelconque remboursement. Elle en déduit que les unions de recouvrement sont seules habilitées à se prononcer sur le remboursement des cotisations et à opposer une prescription. Enfin, elle indique que l'application en l'espèce de cette prescription ne porte aucune atteinte aux droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ajoute qu'il appartenait à la société Agrana de contester plus rapidement l'exigibilité des taux de cotisations.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
Sur quoi la Cour :
Considérant qu'aux termes de l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale, la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été versées ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Agrana Fruit France s'est acquittée des cotisations d'accident sur la base d'un taux majoré concernant deux de ses salariés, victimes d'accident du travail, avant d'obtenir en 2006, de la caisse primaire d'assurance maladie, la reconnaissance de l'inopposabilité des décisions de prise en charge de ces accidents et, de la CRAMIF, un nouveau calcul de tarification ;
Considérant que ces décisions ont été prises en compte par l'URSSAF pour procéder au remboursement des cotisations majorées d'accident du travail exigées au cours des trois années écoulées de 2003 à 2005 ;
Considérant qu'en revanche, aucun obstacle n'ayant empêché la société Agrana de contester les décisions de la caisse et de réclamer en conséquence le remboursement des cotisations dont elle s'était indûment acquittée avant l'expiration du délai de trois ans, elle ne peut échapper aux conséquences de la prescription au motif que seules les caisses de sécurité sociale seraient habilitées à se prévaloir de la prescription prévue à l'article L 243-6 précité ;
Considérant qu'en effet, si l'URSSAF est mandataire des caisses de sécurité sociale, elle tient directement de l'article L 213-1 du code de la sécurité sociale la mission de procéder au recouvrement ou au remboursement des cotisations ; que la loi lui confère ainsi le pouvoir de prendre des décisions sur tout ce qui concerne le recouvrement ou le remboursement et les caisses de sécurité sociale n'ont aucun pouvoir d'injonction à l'égard de l'URSSAF pour procéder à cette mission ;
Considérant que cela implique que l'URSSAF dispose de la possibilité de se prévaloir de la prescription applicable à l'action en remboursement même si les caisses de sécurité sociale ont reconnu le principe d'une créance ;
Considérant que, dans ces conditions, la circonstance que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne ait reconnu l'inopposabilité à la société Agrana Fruit France de la prise en charge de deux accidents du travail et que la CRAMIF ait rectifié, en conséquence, la cotisation applicable en matière d'accident du travail, n'interdisait pas à l'URSSAF d'invoquer la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Considérant qu'au demeurant, l'invocation de cette prescription ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose décidée par les caisses qui ne se sont pas prononcé sur l'étendue et les modalités du remboursement des cotisations résultant de leurs décisions ;
Considérant que, de même, un tel moyen ne contrevient pas à la règle de l'estoppel dans la mesure où le droit de la société Agrana n'est pas remis en cause, dans son principe, mais seulement la partie de la créance frappée de prescription ;
Considérant qu'ensuite, la société Agrana ne peut utilement se plaindre de l'inobservation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant, selon elle, l'exécution des décisions prises en sa faveur par les caisses de sécurité sociale dès lors que cette convention ne s'applique pas aux décisions des commissions de recours amiables qui ne sont pas des juridictions ;
Considérant qu'au demeurant, l'exigence d'un procès équitable est garantie par l'ouverture d'un recours devant les juridictions de sécurité sociale, dont a effectivement bénéficié l'appelante ;
Considérant que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que les cotisations acquittées par la société Agrana Fruit France avant la date du 27 décembre 2002 ne pouvaient faire l'objet d'un remboursement, en raison de la prescription prévue par l'article L 243-6 ;
Que leur décision sera confirmée ;
PAR CES MOTIFS
Déclare la société Agrana Fruit France recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application du droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;
Le Greffier, Le Président,