RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 Avril 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08285
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de MEAUX RG n° 07/00981
APPELANT
Monsieur [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524 substitué par Me Stanislas LAUDET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.C.A. EURO DISNEY ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, Conseiller
Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Madame Corinne DE SAINTE MAREVILLE, greffière présente lors du prononcé.
Mr [E] [F] engagé à compter du 9 mars 1992 par la société EURO DISNEY en qualité de technicien du spectacle opérateur senior, suivant contrat à durée indéterminée et moyennant un salaire mensuel brut s'élevant en dernier lieu à 2 520, 74 euros, a été mis à pied et licencié pour faute grave par lettre du 10 février 2005 rédigée dans les termes suivants:
'Le jeudi 20 janvier, alors que vous veniez d'arriver sur votre lieu de travail, vous avez eu un différent avec un collègue de travail qui s'est terminé en rixe.
En effet, alors que vous vous apprêtiez à prendre votre poste de travail, en tant que de technicien opérateur effets spéciaux, vous vous êtes rendu à l'armurerie, afin de commencer la préparation des effets spéciaux, pour le spectacle « Moteur,... Action ».
Vous rencontrez alors trois de vos collègues que vous saluez par une poignée de main, et l'un d'entre eux refuse de vous serrer la main.
C'est alors que vous vous êtes battus tous les deux violemment, vous retrouvant à terre.
Au cours de l'entretien du 31 janvier 2005 auquel vous étiez assisté de M. [H] [D], représentant du personnel, vous n'avez pas reconnu l'intégralité des faits et n'avez apporté aucune explication satisfaisante de nature à modifier mon appréciation des faits.
Il ressort des éléments de notre enquête que l'agression dont vous vous estimez être la victime n'était en réalité qu'un différend qui perdurait entre vous et votre collègue de travail, et qui ce jour, a dégénéré en rixe, pendant votre temps de travail et sur votre lieu de travail.
Nous ne pouvons tolérer un tel comportement de violence entre deux salariés.'
Saisi par Mr [F] d'une demande tendant à contester son licenciement, le Conseil de prud'hommes de Meaux a par un jugement du 22 mai 2008 débouté celui-ci.
Mr [F] a relevé appel de cette décision.
Il sollicite la réformation du jugement ainsi que la condamnation de la société EURO DISNEY Associés à lui verser les sommes suivantes :
- 5041,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 501,14 euros au titre des congés payés
-10 006,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement
-60 497,76 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail
-2 013,36 euros au titre des salaires pendant la mise à pied conservatoire du 21 janvier au 15 février 2005 et 201,33 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents
-3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Il souhaite par ailleurs que lui soient remis les documents sociaux rectifiés ainsi que le débouté des demandes reconventionnelles.
La société EURO DISNEY Associés conclut à la confirmation du jugement ainsi qu'au débouté des demandes et à l'allocation de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément fait référence pour les prétentions et moyens des parties aux conclusions soutenues contradictoirement le 5 février 2010 .
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien fondé du licenciement
Mr [F] fait valoir l'absence de faute grave s'agissant d'un incident unique alors qu'il était employé depuis 13 ans. Il explique ne pas avoir eu un rôle prépondérant dans cette affaire puisqu'il n'a fait que tenter de se défendre contre l'autre salarié Mr [Y], lui aussi licencié, lequel en début de matinée le 20 janvier 2005 a refusé de le saluer puis le provoquant, l'a déséquilibré et projeté à terre, le poursuivant enfin alors qu'il tentait de partir à l'extérieur des locaux et le frappant violemment . Il précise que son adversaire a été condamné par la Tribunal de Police de Lagny sur Marne, le 1er décembre 2005, pour ces violences, le Tribunal correctionnel de Meaux saisi par Mr [Y] l'ayant relaxé le 31 janvier 2006 du chef des injures et condamné qu'à une amende avec sursis pour les violences tout en observant que l'auteur de la plainte l'avait provoqué, la Cour d'Appel de Paris enfin ayant réduit, le 13 novembre 2006, le montant des dommages et intérêts alloués à Mr [Y]. Il souligne les contradictions entre les témoignages et l'absence de crédibilité de certains d'entre eux. Il soutient enfin la nullité de son licenciement intervenu pendant l'arrêt de travail consécutif à cet accident du travail .
La société EURO DISNEY Associés relève que si l'enquête policière n'a pas permis de déterminer qui était à l'origine de l'altercation, le rôle actif joué dans cette rixe par l'appelant ainsi que la gravité des coups portés ayant donné lieu à une incapacité temporaire totale de six jours justifient la gravité des faits jugés définitivement.
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L1232-6 et L1234-1 du Code du travail, que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ;
Considérant que les protagonistes de l'altercation ont tous les deux étaient définitivement reconnus coupables de violences ; qu'en ce qui concerne l'origine de cette bagarre, certes aucun élément du dossier n'a pu permettre d'en connaître exactement la cause, les témoignages ainsi que les déclarations des intéressés étant à cet égard soit incomplets soit contradictoires, le Tribunal de Police a relevé d'autre part que Mr [Y] avait reconnu à l'audience que c'était lui qui par suite d'une succession de mauvaises relations avait refusé de saluer Mr [F], lequel l'avait mal pris et saisi alors par le col si bien qu'il avait dû pour se dégager porter des coups ; que cependant la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 13 novembre 2006 a confirmé la condamnation prononcée contre Mr [F] sans retenir l'état de nécessité ainsi que la légitime défense invoqués par celui-ci ; que par conséquent même si la preuve n'est pas apportée que Mr [F] ait été l'initiateur de cette rixe et même si son attitude constituait une réaction à des propos hostiles, le fait d'avoir porté des coups à un autre salarié de telle sorte que celui-ci présentait des traces de strangulation et un traumatisme au niveau des incisives provoquant une incapacité de 6 jours, sur les lieux même du travail et en présence des autres salariés, bien que s'agissant de la part de l'intéressé d'un acte isolé, rendait impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise et constituait une faute grave ;
Considérant que l'article L 1226-9 du Code du travail prévoit qu'au cours des périodes de suspension l'employeur ne peut résilier le contrat de travail que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, le licenciement intervenu alors étant nul ; qu'en l'espèce, la faute grave étant établie, la demande est par conséquent non fondée ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement
Rejette toutes les demandes
Laisse les dépens à la charge de l'appelant.
La Greffière, La Présidente,