RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 06 avril 2010
(n° 4 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10967
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris section des activités diverses RG n° 07/11328
APPELANTE
Mlle [G] [A]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante en personne, assistée de Me Ounissa BOUDJENNAH, avocate au barreau de PARIS, toque : D 1455
INTIMÉE
SAS COMÉDIE ET STUDIO DES CHAMPS ELYSÉES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Annie THERET, avocat au barreau de PARIS, toque : R 12
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 décembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller
Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR
Statuant sur l'appel formé le 20 octobre 2008 régulièrement par Mme [A] contre le jugement rendu le 03 juin 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section des activités diverses - qui l'a déboutée de ses demandes contre la Comédie et Studio des Champs Elysées,
Vu les conclusions du 09 décembre 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de Mme [A] qui demande à la cour, réformant le jugement déféré, de condamner la Comédie et Studio des Champs Elysées à lui payer les sommes suivantes, portant intérêts légaux :
- 5 495,94 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 549,59 euros au titre des congés payés incidents,
- 4 098,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 373,99 euros à titre de salaire sur période de mise à pied,
- 137,35 euros au titre des congés payés incidents,
d'ordonner à l'intimée de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt de la cour, un certificat de travail portant sur une période d'emploi du 14 janvier 1993 au 16 décembre 1997 et mentionnant sa qualité de responsable de service des collectivités ainsi que des bulletins de paie afférents aux mois d'octobre, novembre et décembre 2007, et de condamner l'intimée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions du 09 décembre 2009 au soutien de ses observations orales à l'audience de la Comédie et Studio des Champs Elysées aux fins de confirmation du jugement déféré,
Vu les notes en délibéré adressées à la cour les 14 et 18 décembre 2009,
Considérant que Mme [A], engagée le 14 janvier 1993 en qualité de caissière par la Comédie et Studio des Champs Elysées, moyennant un salaire brut mensuel de base en dernier lieu de 2 207,55 euros, pour 151,67 heures, outre une prime d'ancienneté de 220,76 euros et un intéressement, était convoquée par lettre du 1er octobre 2007 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire à un entretien pour le 11 octobre 2007, en vue de son licenciement puis licenciée par lettre du 15 octobre 2007 pour faute grave, aux motifs suivants :
'Il vous est reproché d'avoir, le 27 septembre 2007, vers 14h30/15h, fumé une cigarette de cannabis pendant votre journée de travail, sur votre lieu de travail et, circonstance encore plus aggravante, dans le hall d'accueil du théâtre où n'importe quelle personne extérieure à notre personnel aurait pu être témoin de votre comportement, comme l'ont été certains de vos collègues.
Votre comportement a été suffisamment choquant pour que deux d'entre eux m'en informent.
Non contente d'avoir quitté votre poste pour fumer dans un espace public, ce qui est désormais formellement interdit, lorsqu'un de vos collègues s'est étonné de vous voir fumer, vous n'avez pas hésité lui indiquer que vous fumiez que du 'chichon', ce que les personnes présentes ont effectivement constaté.
Outre que la consommation de cannabis en temps et lieu de travail ne peut être tolérée, cette consommation dans un espace public, outre qu'il atteste d'une volonté de provocation, est susceptible de porter atteinte à la réputation de votre établissement' ;
Que par courrier du 17 octobre 2007, Mme [A] contestait la réalité de ces griefs et saisissait le 25 octobre 2007 la juridiction prud'homale ;
Que la Comédie et Studio des Champs Elysées portait plainte par lettre recommandée avec avis de réception de son conseil du 13 février 2008 auprès de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, pour faux et usage de faux concernant une attestation produite par Mme [A] puis cette plainte ayant été classée sans suite, se constituait partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal le 07 avril 2008 ;
Que par l'ordonnance du 19 mars 2009, à l'encontre de laquelle la Comédie et Studio des Champs Elysées formait appel le 25 mars 2009, le juge d'instruction prononçait un non lieu ;
Attendu que pour établir la réalité des griefs articulés dans la lettre de licenciement, la Comédie et Studio des Champs Elysées produit trois attestations de salariés, qui viennent dire :
* M. [S] :
'Mme [A], durant ses heures de travail le jeudi 27 septembre aux environs de 14h30, 15h, n'était pas à son poste pour réceptionner les appels téléphoniques et se trouvait en plein milieu du hall d'accueil ouvert au public, en fumant du cannabis à la vue des clients et de ses collègues, [B] [L], [O] [F] et moi-même' ;
* Mme [F] :
'Jeudi 27 septembre 2007 en début d'après-midi, dans le hall de la Comédie des Champs Elysées - - -, M. [X] [S], responsable billeterie a dit sur un ton de surprise à madame [G] [A], caissière ; 'Tiens tu fumes' J'ai levé les yeux et constaté qu'elle avait effectivement une 'cigarette particulière' à la main qui dégageait une odeur différente de celle du tabac ; [G] [A] a répondu : 'oui, j'ai toujours fumé mais pas du tabac, seulement du chichon' ;
*[I] [D] :
'Le vendredi 28 septembre à 11 heures alors que [G] [A] arrivait pour prendre son poste de travail est venue jusqu'à mon bureau, que je partage avec
[X] [S], pour agresser verbalement ce dernier suite à l'incident survenu le jeudi
27 septembre 2007 dans le hall d'accueil de la Comédie des Champs Elysées. Elle s'est exprimée très agressivement en criant : 'tu n'as pas à me donner des leçons de vie ; je n'ai pas de leçon de vie à recevoir de toi mais qui tu es pour me donner des leçons de vie. Je fais ce que je veux et puis dès que tu me l'as dit je l'ai éteint tout de suite - - - mais toi tu es là pour nous surveiller -' en répétant plusieurs fois ces phrases - - -' ;
Que la Comédie et Studio des Champs Elysées soutient qu'aucun de ces témoins n'a eu la moindre hésitation quant à la consommation de Mme [A] de cannabis, ce qu'elle a confirmé elle-même ;
Mais attendu que les attestations produites ne révèlent aucun aveu de Mme [A] sur le fait d'avoir fumé du cannabis ; que devant le juge d'instruction Mme [A] a au contraire nié les faits et expliqué avoir cessé de fumer depuis 1993 ;
Que l'attestation affirmative de M. [S] ne repose sur aucun élément certain ; que
Mme [F] pour sa part ne donne qu'une interprétation ;
Que si la Comédie et Studio des Champs Elysées a estimé devoir se constituer partie civile pour combattre une attestation de la troisième personne présente au moment des faits,
M. [B] [L], celui-ci a confirmé en cours d'instruction les termes de cette attestation dans laquelle il ne relate pas les mêmes faits que les deux autres personnes présentes ; qu'il y précise en effet notamment que lorsque M. [S] est arrivé, Mme [F] était sortie pour répondre à une communication sur son téléphone portable, que M. [S] avait [alors] demandé à [G] [A], avec son accord de lui servir un verre, ce qu'elle avait fait avec sa bonne humeur habituelle [avant] de remonter dans son bureau et que lors de l'entretien préalable il avait accompagné Mme [A] mais la direction n'avait pas tenu compte de leur version des faits, enfin que depuis qu'il travaillait à la Comédie des Champs Elysées
(16 octobre 2001) il n'avait jamais vu Mme [A] fumer ni dans le théâtre ni lors des sorties diners organisés ;
Que devant le juge d'instruction P. [L] a précisé que le théâtre connaissait des difficultés économiques et que le poste de Mme [A] n'avait pas été remplacé ;
Que Mme [A] fournit devant la cour plusieurs attestations de collègues et comédiens dont les auteurs viennent dire qu'elle ne fumait pas ;
Que dans ce contexte, la phrase de Mme [A] affirmant qu'elle avait 'toujours fumé mais pas du tabac seulement du chichon' apparaît comme une boutade mais non comme l'aveu d'un fait réel ;
Que la Comédie et Studio des Champs Elysées ne rapporte pas la preuve dans ces conditions, alors que la version des faits entre les témoins diffère, que Mme [A] a effectivement fumé du cannabis sur le lieu et en temps de travail;
Que le licenciement de Mme [A] ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse en l'absence de preuve de la réalité des faits fautifs énoncés ;
Attendu que Mme [A] en conséquence doit percevoir ses indemnités de rupture ;
Qu'elle effectue un calcul précis du salaire lui restant dû au titre de la période de mise à pied conservatoire, de son indemnité de préavis et de son indemnité de licenciement, sur la base concernant celle-ci d'un dixième de sa rémunération moyenne de ses trois derniers salaires mensuels par année de présence ;
Attendu que Mme [A] a été brutalement licenciée après une collaboration de plus de quatorze années ; qu'âgée de 53 ans elle n'a retrouvé que des emplois précaires ; que les éléments de préjudice financier et moral dont elle justifie implique une indemnisation d'un montant de 50 000 euros ;
Attendu que la demande de remise de documents est justifiée pour l'ensemble des motifs qui précèdent ;
Que cependant, seul l'emploi de caissière doit être mentionné, les fonctions occupées n'ayant pas à être inscrites sur des documents de fin de contrat ;
Que la demande d'astreinte n'est pas de même fondée en l'état, aucune condamnation qui n'aurait pas été exécutée ayant été prononcée par les premiers juges ;
Attendu qu'en vertu de l'article L.1235-4 du code du travail dont les conditions d'application sont réunies en l'espèce, le remboursement des allocations de chômage servies au salarié après son licenciement par l'employeur fautif est de droit ; qu'il doit être ordonné dans la limite légale ;
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement déféré,
Condamne la Comédie et Studio des Champs Elysées à payer à Mme [A] les sommes suivantes portant intérêts de droit :
- 5 495,94 euros à titre d'indemnité de prévis,
- 549,59 euros au titre des congés payés incidents,
- 4 098,96 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 1 373,99 euros à titre de rappel de salaire,
- 137, 39 euros au titre des congés payés incidents,
- 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne à la Comédie et Studio des Champs Elysées de remettre à Mme [A] un certificat de travail pour la période d'emploi du 14 janvier 1993 au 16 décembre 2007 avec la qualification de caissière et des bulletins de paie pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2007,
Rejette la demande d'astreinte,
Ordonne à la Comédie et Studio des Champs Elysées de rembourser au Pôle Emploi les allocations de chômage versées à Mme [A] après son licenciement dans la limite de six mensualités,
Condamne la Comédie et Studio des Champs Elysées aux dépens,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [A] la somme de 3 000 euros à ce titre.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE