Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 6 AVRIL 2010
(n° 146, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/19938
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/06433
APPELANTE
Madame [H] [L] [D] divorcée [G]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour
assistée de Me Raphaël MAYET, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 393
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/057133 du 30/12/2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me D. LOYER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 141
SCP NORMAND & Associés
CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE [Localité 9] prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Me Patrice CHARLIE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1172
Monsieur LE MAIRE DE [Localité 10]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me A. GUEDON, avocat au barreau de BORDEAUX
SCP NOYER CAZCARRA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 9 février 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLIC
représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions écrites
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
Mme [D] a été internée d'office à l'hôpital psychiatrique de [Localité 9] à la suite d'un arrêté du maire de [Localité 10] en date du 8 février 1994 suivi, le lendemain, d'un arrêté du préfet des Hautes Pyrénées. Après plusieurs prolongations, il a été mis fin à cette hospitalisation par arrêté du 21 octobre 1994.
Les deux arrêtés ont été annulés par la juridiction administrative, selon arrêt de la cour administrative de Bordeaux du 20 juin 2006.
Mme [D] a alors recherché la responsabilité tant de l'Etat que du maire de [Localité 10] ou de l'hôpital pour cet internement qu'elle considère comme irrégulier, abusif et injustifié médicalement et en a demandé la réparation par actes des 5, 6 et 26 octobre 2004.
Par jugement du 17 septembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
déclaré l'action prescrite (prescription quadriennale) sur le caractère médical injustifié de la mesure qui a pris fin le 21 octobre 1994, sans cause d'interruption ni suspension, et donc irrecevables les demandes formulées à ce titre à l'encontre de l'agent judiciaire du Trésor, du maire de [Localité 10] et du CHS de [Localité 9],
déclaré l'action recevable en tant qu'elle est fondée sur l'irrégularité des arrêtés, constatée par l'arrêt du 20 juin 2006 et, en conséquence, a condamné in solidum le maire de [Localité 10] et l'agent judiciaire du Trésor à payer à Mme [D] la somme de 4 000 € en réparation du préjudice né de l'irrégularité formelle.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par Mme [D] en date du 21 octobre 2008,
Vu ses dernières conclusions déposées le 28 janvier 2010 selon lesquelles elle sollicite l'infirmation de la décision 'en ses dispositions défavorables', la condamnation in solidum de l'agent judiciaire du Trésor, du maire de [Localité 10] et du centre hospitalier spécialisé de [Localité 9] à lui payer 300 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de son internement illégal du 8 février au 21 octobre 1994, subsidiairement 50 000 €, outre 5 000 € à payer à Me [Z], son avocat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour la procédure d'appel,
Vu les dernières conclusions déposées le 17 novembre 2009 par lesquelles le centre hospitalier spécialisé de [Localité 9] demande l'infirmation de la décision au motif de la prescription de l'action à son égard, subsidiairement sa confirmation et la condamnation de Mme [D] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, très subsidiairement la réduction des demandes et la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor et du maire de [Localité 10] à le garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées,
Vu les conclusions déposées le 11 décembre 2009 aux termes desquelles le ministère public demande la confirmation du jugement au motif que l'action sur le bien fondé de l'hospitalisation est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 dont le point de départ est le jour où l'hospitalisation d'office a pris fin, les différents recours formés n'ayant pu interrompre une prescription déjà acquis, et que celle sur l'irrégularité des arrêtés ne l'était pas puisqu'elle a commencé courir le 20 juin 2006, sauf à l'égard de l'hôpital qui ne peut être tenu des irrégularités formelles,
Vu les dernières conclusions déposées le 23 décembre 2009 par lesquelles l'agent judiciaire du Trésor, appelant incident, soulève l'irrecevabilité de l'action, couverte par la prescription, et sollicite en conséquence l'infirmation du jugement et, à titre subsidiaire, le débouté de Mme [D] de toutes ses demandes,
Vu les dernières conclusions déposées le 29 décembre 2009 selon lesquelles le maire de [Localité 10] demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de Mme [D] relative à l'irrégularité formelle de son hospitalisation d'office et lui a alloué 4 000 € à ce titre et, subsidiairement, son débouté et sa condamnation à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture du 2 février 2010,
Vu les conclusions de procédure de l'agent judiciaire du Trésor qui demande le rejet des 20 pièces déposées par Mme [D] les 1er et 2 février 2010 dont elle n'a pu prendre connaissance,
SUR CE,
Sur la communication de pièces par Mme [D] les 1er et 2 février 2010 :
Considérant que, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 2 février 2010, le versement par l'appelante de vingt (20) pièces supplémentaires la veille et le jour même de celle-ci est tardif au sens de l'article 15 du code de procédure civile ; qu'elles seront donc écartées des débats ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 toutes les créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, sont prescrites au profit de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics ;
Considérant que Mme [D] soutient, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la recevabilité de son action pour le tout car elle aurait été empêchée d'agir tant qu'elle n'a pas eu communication de son dossier médical, qu'elle ne l'a obtenu qu'après saisine de la CADA et du tribunal administratif qui l'a ordonné le 30 octobre 2002 et que ses démarches ont interrompu la prescription ;
1/ Considérant, s'agissant de la demande relative au bien fondé de la mesure d'hospitalisation d'office, que le point de départ de la prescription invoquée par les intimés est le fait générateur du préjudice invoqué par Mme [D] ;
Qu'en l'espèce, comme l'a retenu justement le tribunal, ce point de départ ne peut être reporté qu'au plus tard le premier jour de l'année suivant celle où la mesure contestée a pris fin, soit le 21 octobre 1994, de telle sorte que, lors de l'introduction de la demande de Mme [D] le 5 octobre 2004, son action, dont la prescription avait commencé à courir le 1er janvier 1995, était déjà prescrite ;
Que les premiers juges ont justement écarté l'argument selon lequel elle aurait été empêchée d'agir, la communication de son dossier médical n'étant pas une condition nécessaire à l'action puisque Mme [D] a toujours contesté son hospitalisation d'office ;
Que l'agent judiciaire du Trésor soutient à juste titre, comme le ministère public, que les démarches entreprises par l'appelante ne sont pas susceptibles d'avoir interrompu la prescription encourue, dans la mesure où les seules démarches de réclamation ont été entamées le 7 février 2001alors que l'action était déjà prescrite, la lettre du 12 juin 1995 adressée à l'hôpital, mise en avant par Mme [D], ne contenant aucune réclamation mais seulement une demande de communication de son dossier médical ;
Qu'il résulte de ces considérations que le jugement querellé sera confirmé sur ce point ;
2 / Considérant, s'agissant de la demande relative aux conséquences préjudiciables nées de l'irrégularité formelle des arrêtés pris par le maire de [Localité 10] et le préfet des Hautes Pyrénées, qu'il est constant que les décisions en question ont été annulées par décisions du tribunal administratif de Pau du 21 septembre 2004 puis de la cour administrative de Bordeaux du 20 juin 2006, de sorte qu'il est inopérant de discuter de leur régularité ; que ces juridictions ayant constaté que l'action de Mme [D] n'était pas prescrite, il y a lieu de considérer, comme l'ont fait les premiers juges, que l'action en réparation de celle-ci, fondée sur ces décisions administratives qui ont constaté l'irrégularité formelle des arrêtés, n'était pas prescrite ;
Qu'il convient également d'approuver le tribunal qui a retenu, comme le soutient exactement le centre hospitalier spécialisé de [Localité 9], qu'il était étranger aux décisions annulées qu'il ne peut qu'exécuter, de sorte que sa responsabilité ne peut, à l'inverse de celle du maire de [Localité 10], auteur de l'un des arrêtés, et de celle de l'agent judiciaire du Trésor, tenu par celle du préfet, auteur de l'autre, être recherchée à ce titre ;
Considérant dans ces conditions, que le jugement ne peut qu'être, sur ce point également, confirmé ;
Sur le préjudice :
Considérant que pour s'opposer à la solution de première instance, l'agent judiciaire du Trésor, comme le maire de [Localité 10], font valoir le bien fondé de la décision prise au regard de sa justification médicale ;
Considérant cependant que, comme relevé à juste raison par le jugement déféré, l'annulation des arrêtés les ayant privés de fondement légal suffit à justifier du préjudice moral subi par Mme [D] et de son indemnisation corrélative, ce dont, contrairement à ce qu'affirme l'agent judiciaire du Trésor, elle se prévaut expressément en cause d'appel (page 7 de ses conclusions) ; que la décision ne peut qu'être approuvée de ce chef, en ce compris l'évaluation de la réparation qu'elle en a faite au regard d'une hospitalisation qui a duré 8 mois, sans que Mme [D] ne puisse être suivie dans le surplus de ses demandes indemnitaires fondées sur le caractère médicalement injustifié de la mesure ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que le jugement querellé sera intégralement confirmé ;
Considérant qu'au regard de la solution adoptée, Mme [D] succombant dans son appel, l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Rejette des débats les pièces 99 à 119 de Mme [D] produites tardivement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum l'agent judiciaire du Trésor et le maire de [Localité 10] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT