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06/04/2010 | FRANCE | N°09/10636

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 06 avril 2010, 09/10636


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 6 AVRIL 2010



(n° 150, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/10636



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07112





APPELANT



Monsieur [U] [C]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par la SCP ARNAUDY - BA

ECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me MICHEL, avocat, qui a fait déposer son dossier





INTIMES



DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Locali...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 6 AVRIL 2010

(n° 150, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/10636

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07112

APPELANT

Monsieur [U] [C]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Me MICHEL, avocat, qui a fait déposer son dossier

INTIMES

DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Jean Marc DELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : A 82

MINISTERE PUBLIC

Le MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 février 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC

représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

M. [U] [C], alors qu'il exploitait à Kourou, en Guyane Française, un restaurant et un supermarché sur des terrains appartenant au CNES, disant avoir déposé deux plaintes simples courant 1987, pour avoir été d'une part victime à plusieurs reprises de tentative d'extorsion de fonds et de menaces de la part d'un individu nommé [D] [X] et de membres de la Légion étrangère, d'autre part, menacé par les gendarmes et victime quelques jours plus tard, battu par trois militaires, d'une agression le laissant pour mort, souffrant de deux fractures du crâne et d'un enfoncement du thorax constatés par certificats médicaux du docteur [L], responsable de l'hôpital, puis avoir déposé plainte directement auprès du procureur de la République, fait valoir que ces plaintes sont restées sans suite, en dépit de plusieurs courriers adressés au tribunal de grande instance de Cayenne, qu'il s'est heurté à l'inertie des services judiciaires, que durant l'instruction il s'est écoulé plus de trois ans pour la fixation de la consignation, que les témoins n'ont jamais été entendus et que dès juin 2000, le juge d'instruction a clôturé le dossier.

C'est dans ces conditions que par acte du 10 décembre 2001, M. [C] a assigné l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir réparation du préjudice subi du fait des graves dysfonctionnements des services de l'Etat et demandé la somme provisionnelle de 2 millions de francs, sollicitant avant dire droit, une expertise.

Par jugement en date du 18 mars 2009, le tribunal a débouté M. [U] [C] de toutes ses demandes, débouté l'Agent Judiciaire du Trésor de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [C] aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Vu l'appel interjeté le 6 mai 2009 par M. [C],

Vu les conclusions déposées le 4 janvier 2010 par l'appelant qui demande à la cour l'infirmation du jugement, au constat d'une faute lourde de l'Etat en raison de l'inertie totale de la juridiction d'instruction au tribunal de grande instance de Cayenne, laquelle génère pour lui un préjudice s'analysant en la perte de chance sérieuse d'obtenir réparation du préjudice résultant de la tentative de meurtre intervenue et au constat d'un déni de justice, caractérisé par la violation de son droit à obtenir justice dans des délais raisonnables, à l'origine d'un très important préjudice, la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 305 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, subsidiairement d' ordonner une expertise aux frais de l'intimé pour chiffrer son préjudice, en tout état, la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 40 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 25 novembre 2009 par l'Agent judiciaire du Trésor qui conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

SUR CE :

Considérant que l'appelant, expliquant qu'il a quitté précipitamment la Guyane en 1987, fait valoir qu'il a dénoncé des faits graves, semblant impliquer des services de l'Etat, tels la gendarmerie et la légion, ainsi que des services du CNES, dans un dossier révélant de la corruption, des trafics en tous genres, ainsi qu'une tentative de meurtre et qu'il a été, en 1994, avisé qu'il n'existait aucun élément ni pièce justifiant de ses écrits ou griefs auprès des archives du tribunal de grande instance ; qu'il a été retrouvé la trace d'une plainte avec constitution de partie civile, enregistrée sous le No d'instruction 40 PC 97 et que le 5 décembre 1997, M. [I], Juge d'instruction à Cayenne, lui a écrit :

'suite à la plainte avec constitution de partie civile que vous avez déposée, je vous prie de bien vouloir justifier d'une élection de domicile en Guyane, ci-joint, imprimé de déclaration d'adresse à retourner dûment rempli'; que bien qu'il ait retourné l'imprimé, et près de 10 ans après les faits, il a dû relancer maintes fois les services judiciaires par l'intermédiaire de son avocat, Maître [R], lequel le 29 décembre 1997, a avisé le juge d'instruction qu'il suivra la procédure avec un confrère auprès duquel son client pourra élire domicile ; qu'il a crit plusieurs fois au bâtonnier, téléphoné, puis que le 6 mai 1998, un avocat du barreau de Cayenne a écrit à Maître [R] qu'il acceptait que domicile soit élu en son cabinet, qu'avisé dès le 10 juin 1998, le 19 juin suivant, le magistrat écrivait à Maître [R] :

'en complément de la plainte avec constitution de partie civile déposée par Maître [R], avocat à Strasbourg, dans l'affaire [C], référencée 40 PC 97, je vous prie de bien vouloir joindre toutes pièces démontrant la réalité d'une infraction'; que pourtant, Maître [R] n'a jamais déposé de plainte avec constitution de partie civile au nom de M. [C], s'étant contenté, dans un courrier du 13 janvier 1998, de rappeler les faits, sachant qu'une telle plainte avait été déposée, semble-t-il avant : mais qu'il est plus probable qu'une instruction ait été ouverte directement par le parquet et que dans ledit courrier du 13 janvier 1998, il s'informait du stade de l'instruction et demandait la copie des pièces du dossier, qu'il n'a pu obtenir ; que le 23 novembre 1998, le successeur, Mme [N] écrivait à Maitre [R] pour, en l'absence de réponse, savoir si le client entendait poursuivre sa constitution de partie civile et en Janvier 1999, l'avocat répondait qu'il était difficile, à distance et compte tenu du temps passé, d'apporter des éléments de preuves écrits ou des témoignages, indiquant toutefois les noms de 5 personnes, relatant son histoire, demandant à être entendu sur commission rogatoire;

Considérant que l'appelant fait encore valoir que dès 1997, il a attiré l'attention du Garde des Sceaux par l'intermédiaire de son député, M. [G] et qu'après diverses correspondances du cabinet du Garde des Sceaux, en juin 1999, septembre 1999, Novembre 1999, c'est seulement le 6 décembre 1999 que le juge d'instruction a fixé une consignation ; qu'après des courriers de son avocat des 28 janvier 1999 puis 10 mai 2000, il apprenait que le dossier était égaré et que le Garde des Sceaux, à nouveau alerté, se retranchait derrière le principe de la séparation des pouvoirs, que ses correspondances ultérieures n'ont pas été plus efficaces ; que tous ces éléments établissent la réalité des griefs sus-rappelés qui fondent ses demandes ;

Considérant que l'Agent judiciaire du Trésor indique, sur les circonstances de fait, que par un premier courrier du 5 décembre 1991, le Doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Cayenne invitait M. [C] à élire domicile en Guyane à la suite de l'enregistrement de sa plainte avec constitution de partie civile et que l'avocat de M. [C], Maître [R] a pris attache avec le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Cayenne ; que le 6 mai 1998, Maître [J] acceptait que domicile soit élu en son cabinet, ce dont le juge était avisé par courrier du 10 juin 1998, demandant alors à Maître [J] de produire toutes pièces de nature à étayer les faits dénoncés, et en l'absence de réponse, son successeur réitérait cette demande par courrier du 23 novembre 1998: que par courrier du 28 janvier 1999, Maître [R] portait à la connaissance du magistrat l'identité de personnes susceptibles d'être entendues, et à la suite d'un rappel par un courrier du 6 décembre 1999, était fixée le même jour à 457, 35 € le montant de la consignation mises à la charge de M. [C], qu'il versait le 27 décembre 1999 et qu'une information était ouverte le 4 juillet 2000 ; qu'il est intervenu deux arrêts de la chambre de l'instruction en date des 11 décembre 2002 et 26 novembre 2003 qui confirment que l'instruction s'est déroulée à un rythme normal et expliquent pourquoi elle n'a pu aboutir selon le voeu de M. [C] ; que ce dernier a présenté une requête en réouverture de l'instruction sur charges nouvelles le 2 avril 2004 ; que par arrêt du 5 mai 2004, la chambre criminelle de la cour de cassation a dit n'y avoir lieu à admission d'un pourvoi contre l'arrêt du 26 novembre 2003, décision définitive ; qu'au vu de ces éléments, l'appelant ne rapporte pas la preuve de ses allégations, aucune des pièces produites n'étant antérieure à 1997 et l'Etat n'engageant pas sa responsabilité au seul motif de décisions défavorables à un justiciable ;

Considérant que l'appréciation de l'existence d'une faute lourde ou d'un déni de justice susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les termes de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, doit s'apprécier au regard de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes, étant rappelé que seules les lenteurs imputables au service de la justice sont susceptibles d'être retenues ;

Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens, les premiers juges ont analysé, de manière chronologique, le déroulement de la procédure ; qu'en premier lieu, ils ont retenu que les pièces produites par M. [C] sont toutes postérieures à 1997 et qu'il n'existe aucune trace, dans le dossier pénal, des plaintes qu'il dit avoir déposées en 1987 , ni davantage de trace , auprès de l'Hôpital de [Localité 6], d'une hospitalisation ou d'un examen clinique de M. [C] à la date des faits dénoncés, donc qu'il ne peut valablement soutenir qu'il y ait eu obstruction à l'ouverture d'une information judiciaire ;

que sur la durée de l'information, le grief selon lequel elle n'aurait commencé qu'en 2001 est inexact puisque des dates de Novembre 1997 et de décembre 1997 sont par l'appelant lui-même invoquées mais qu'il n'a satisfait qu'en Juin 1998 aux demandes, notamment au sujet de l'élection de domicile ; que pour la demande des pièces susceptibles de démontrer l'infraction, il n'a répondu que le 28 janvier 1999 ; qu'il n'a payé la consignation que le 10 mars 2000; que le 29 septembre 2000, un réquisitoire introductif pour l'ouverture d'une information du chef de tentative de meurtre est intervenu et que le comportement de M. [C], en tardant à répondre aux demandes, explique la durée écoulée ;

Considérant en second lieu qu'ils ont observé, sur le grief relatif à l'absence d'acte d'instruction que dès lors que le 5 novembre 2001 est la date de délivrance de plusieurs Commissions Rogatoires pour entendre la partie civile à [Localité 7] et les personnes mises en cause, ce délai d'un an n'est pas préjudiciable ; qu'ensuite, durant 2001 et courant 2002, les investigations ont été nombreuses, mais que certains témoins étaient décédés ou n'ont pu être localisés et que les faits n'ont pu être établis, en l'absence d'élément matériel opposable aux dénégations des mis en cause ; qu'ainsi le dépérissement des preuves du fait de l'ancienneté des faits allégués puisque 13 années s'étaient écoulées ne caractérise pas une situation anormale, dès lors que l'enquête n'a pu débuter plus rapidement ; qu'il n'y a pas de retard entre le 5 novembre 2001 et les autres décisions, intervenues de la manière suivante :

-avis de clôture de l'information le 30 mai 2002,

-demandes d'actes complémentaires,

-ordonnances de refus des 27 juin et 21 octobre 2002 confirmées par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Fort de France par un arrêt du 11 décembre 2002,

-ordonnance de non lieu le 12 juin 2003, confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 26 Novembre 2003, à l'encontre duquel le pourvoi de M. [C] a été déclaré non admis par un arrêt du 5 mai 2004 de la cour de cassation ;

Considérant au vu de ces éléments que la décision querellée qui a débouté M. [C] de toutes ses demandes sera confirmée en toutes ses dispositions ;

Considérant que M. [C] succombant sur la totalité de ses prétentions, l'équité commande de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

au profit de l'intimé et de lui allouer à ce titre la somme de 1500 € ; que les dépens d'appel seront supportés par M. [C] ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [C] à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [U] [C] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/10636
Date de la décision : 06/04/2010

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°09/10636 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-06;09.10636 ?
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