Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 AVRIL 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/09880
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/09812
APPELANTS ET INTIMES:
Madame [ZE] [K]
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Monsieur [Z] [K]
demeurant [Adresse 7]
75005 PARIS
Monsieur [W] [F]
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Mademoiselle [G] [F]
demeurant [Adresse 8]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
Madame [PN] [F] épouse [KP]
demeurant [Adresse 10]
[Adresse 5])
Mademoiselle [L] [K]
demeurant [Adresse 13]
75003 PARIS
Monsieur [ZJ] [K]
demeurant [Adresse 15]
75003 PARIS
Mademoiselle [LA] [K]
demeurant [Adresse 7]
75005 PARIS
Mademoiselle [C] [K]
demeurant [Adresse 16]
[Localité 4] )
Monsieur [A] [EN] [R]
demeurant [Adresse 18]
[Localité 17]
représentés par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour
assistés de Maître Pierre-Olivier SUR, avocat au barreau de PARIS, toque P147
Madame [Y] [K] épouse [E]
demeurant [Adresse 20]
[Localité 1]
Madame [H] [K], épouse [PT]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 12]
Mademoiselle [S] [E]
demeurant [Adresse 20]
[Localité 1]
Mademoiselle [YZ] [E]
demeurant [Adresse 19]
[Localité 1]
Monsieur [X] [E]
demeurant [Adresse 21]
[Localité 1]
Monsieur [V] [PT]
demeurant [Adresse 22]
[Localité 14]
Monsieur [D] [PT]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 12]
Madame [PD] [J] épouse [I]
demeurant [Adresse 2]
75006 PARIS
représentés par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoué à la Cour
assistés de Maître Jean-Michel REVERSAC, avocat au barreau de PARIS, toque P 429, plaidant pour CLYDE & CO LLP
INTIMÉS:
INSTITUT DE FRANCE
prise en la personne de son Chancelier
ayant son siège social [Adresse 11]
75006 PARIS
non assigné
S.A. HSBC PRIVATE BANK FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
75008 PARIS
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Maître Denis CHEMLA, avocat au barreau de Paris, toque J 25
S.A. HSBC PRIVATE WEALTH MANAGERS anciennement dénommée S.A. LOUVRE GESTION
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
75008 PARIS
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
assistée par Maître Antoine DEROT, avocat au barreau de Paris, toque K30, plaidant pour la SELARL REINHART-MARVILLE-TORRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président et Madame Claire DAVID, Conseiller.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie Claude APELLE, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Madame Caroline FEVRE, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, comme elles ont été avisées des dates de prorogation du délibéré.
- signé par Madame Marie-Claude APELLE, Président et par Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT, Greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] et [A] [R] sont appelants d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 19 février 2008, qui a déclaré irrecevable la demande formée au titre des frais de courtage à l'encontre des sociétés H.S.B.C. Private Bank France et Louvre Gestion ; a déclaré M. [A] [R] recevable en sa demande relative au taux de courtage à l'encontre des sociétés H.S.B.C. Private Bank France et Louvre Gestion ; a débouté MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] et [A] [R] et l'Institut de France de toutes leurs demandes ; a condamné MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] et [A] [R] et l'Institut de France, in solidum, à payer respectivement à la société H.S.B.C. Private Bank France et à la société Louvre Gestion la somme de dix mille euros (10.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; les a condamnés aux dépens.
Il y a lieu de préciser préliminairement que la présente instance a pour objet la mise en cause de la responsabilité de la société Banque Eurofin, aux droits et obligations de laquelle se trouve la société H.S.B.C. Pivate Bank France, dans la réalisation taxée de défectueuse d'un montage juridico-financier, dont les appelants soutiennent qu'il leur a causé un grave préjudice économique, et pour certains d'eux moral.
Les appelants demandent également la condamnation solidaire de la société H.S.B.C. Private Bank France et de la société H.S.B.C. Private Wealth Managers, celle-ci anciennement dénommée Louvre Gestion et venant aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion, à leur payer des frais de courtage abusivement perçus.
Pour la clarté du débat, il convient d'exposer les éléments suivants, en précisant ceux qui sont constants et ceux qui sont discutés, partiellement ou totalement.
M. [A] [R] était propriétaire d'un très grand nombre d'actions du groupe Carrefour.
Ingénieur des Mines, spécialiste des questions d'hydraulique, très impliqué dans des actions humanitaires et de mécénat au profit de la recherche scientifique, M. [R] n'a jamais eu d'activités entrepreneuriales. Il n'a pas participé avec son père et ses deux frères à la création et au développement du groupe de distribution, mais n'est devenu titulaire d'actions que du fait des fonctionnements inhérents à un cadre familial.
Très antérieurement à l'opération litigieuse, en 1979 et 1992, il avait fait don de la nue-propriété d'un très grand nombre d'actions à ses enfants et petits-enfants.
En 1998-1999, alors qu'il avait soixante-dix sept ans, à la suite de la fusion de la holding familiale avec une des sociétés du groupe Carrefour, il s'est retrouvé en possession d'un très grand nombre de titres cotés en bourse, donc négociables ce qui, antérieurement, n'était pas le cas en pratique des titres de la holding familiale.
En 1998 ou 1999, M. [R] est entré en contact avec la banque Eurofin, ou a été démarché par elle la version variant selon les parties.
De toute manière, il est certain que cette banque, alors filiale du groupe Crédit commercial de France-C.C.F., depuis repris par le groupe H.S.B.C., lui a proposé une opération visant à diminuer l'exposition aux risques boursiers de son patrimoine, constitué d'un seul titre, et à alléger son imposition.
Dans le cadre d'un projet, dont les conditions d'élaboration comme certaines dispositions parmi les plus essentielles sont controversées puisque sont débattues la question de l'existence d'un seul ou de deux schémas d'opération présentés comme celle de l'accord donné par M. [R] à l'opération effectivement mise en 'uvre , il est en tout cas certain qu'en 1999-2000, la banque a mis au point une opération de diversification censée répondre à ces deux objectifs.
Il n'est pas davantage contesté qu'il était prévu, notamment : 1.- la donation temporaire par
M. [R] à une fondation, en l'espèce l'Institut de France, de l'usufruit des titres concernés par l'opération ; 2.- l'apport de titres par lui-même comme par ses enfants et petits-enfants, nus-propriétaires, à une société d'investissement à capital variable (Sicav) dénommée Généraction, créée pour les besoins du montage ; 3.- le provisionnement au moyen de liquidités procurées par la cession d'actions des sommes qui seraient dues par ses enfants et petits-enfants au titre de l'impôt sur les plus-values et des contributions sociales.
En effet, il est constant qu'était tenue pour impérative la constitution, au moyen de cessions d'apports Carrefour, d'une provision pour le paiement de l'impôt sur les plus-values, exigible le 17 septembre 2001, et de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale, exigibles le 15 novembre 2001, le tout représentant plus de cinquante-quatre millions d'euros (54.000.000 €).
Suivant acte notarié reçu le 16 juillet 1999, M. [R] a fait donation à titre temporaire à l'Institut de France de l'usufruit qu'il détenait sur quatre millions trois cent quatre vingt un mille trois cent quatre-vingt-douze (4.381.392) d'actions Carrefour.
Cette donation temporaire a été renouvelée par acte notarié du 19 octobre 2000, cet acte comportant une clause aux termes de laquelle le donateur se réservait pendant le temps de la donation le droit de faire apport de ces titres ou de les céder, à charge de reporter le bénéfice de l'usufruit sur les sommes ou titres obtenus en contrepartie.
Par courrier du 20 octobre 2000 à la banque Eurofin, M. [R] a donné son accord à la souscription de la Sicav Généraction.
La gestion financière de la Sicav était exercée par la société Eurofin Gestion, filiale du groupe Crédit commercial de France spécialisée dans la gestion de portefeuille. La Sicav était présidée par M. [N] [GM], salarié de la banque chargé du montage ; son conseil d'administration était composé, outre M. [GM], de deux autres préposés de la banque.
En dates des 20 et 25 octobre 2000, les enfants et petits-enfants de M. [R] ont signé des lettres-types préparées par la banque prenant note de l'accord de M. [R] et donnant leur accord pour les apports et la constitution des comptes.
Le 2 novembre 2000, il a été fait apport à la Sicav Généraction d'actions Carrefour pour la plus grande partie démembrées, une faible part étant apportée en pleine propriété, le tout représentant une valeur de deux cent seize millions cent mille euros (216.100.000 €).
Il a été procédé immédiatement à un nouveau démembrement des actions, l'usufruit temporaire revenant à l'Institut de France.
Les parties sont en total désaccord sur la question essentielle de savoir si les actions destinées à provisionner le payement de l'impôt et des cotisations sociales devaient être incluses dans la Sicav (thèse des sociétés intimées) ou au contraire vendues avant tout apport à la Sicav et placées à l'extérieur à celle-ci, sur un type de compte insensible aux aléas boursiers (thèse des appelants).
Les 2 et 3 novembre 2000, la banque Eurofin a procédé à la vente de cinq cent mille (500.000) actions, à un prix unitaire moyen de quatre-vingts euros et quatre-vingts centimes (80,80 €), représentant un total d'environ quarante millions trois cent cinquante mille euros (40.350.000 €).
Le cours ayant baissé, la banque Eurofin n'a pas repris les ventes le lundi 6 novembre 2000.
La baisse n'ayant pas cessé au cours des quatre mois suivants, la banque Eurofin n'a eu d'autre solution pour finaliser l'opération que de reprendre les ventes début mars 2001. Les 2, 5, 6 et 7 mars 2001, elle a cédé deux cent quinze mille (215.000) actions, à un prix unitaire moyen de soixante-trois euros vingt-cinq centimes (63,25 €), générant un produit total de treize millions six cent quatre-vingt-douze mille six cent onze euros et trente-trois centimes (13.692.611,33 €).
Pour les cessions de novembre 2000 comme pour celle de mars 2001, le produit des ventes a été conservé au sein de la Sicav.
La date d'exigibilité de l'impôt sur les plus-values (15 septembre 2001) ne coïncidant pas avec celle de l'expiration de la donation temporaire d'usufruit renouvelée (19 septembre 2001), les enfants et petits-enfants de M. [R] ont dû recourir à un prêt à court terme pour pouvoir s'acquitter de l'imposition en temps et en heure, prêt pour lequel ils ont réglé des intérêts.
Le 19 septembre 2001, soit à l'expiration de l'usufruit temporaire accordé à l'Institut,
M. [R] a fait donation de quinze mille deux cents actions de la Sicav Généractions à ses enfants et petits-enfants.
Le 20 septembre 2001, la société Eurofin a procédé à la vente de soixante-dix-huit mille deux cent trente-deux (78.232) actions Généraction pour un prix total de cinquante trois millions neuf cent quatre-vingt-dix huit mille huit cent cinquante six euros et soixante-douze centimes (53.998.856,72 €), permettant de rembourser le prêt à court terme.
Suivant conclusions récapitulatives signifiées le 21 septembre 2009, valant écritures récapitulatives , Mme [ZE] [K], M. [W] [F], Melle [G] [F], Mme [PN] [F] épouse [KP], M. [Z] [K], Melles [L], [C] et [LA] [K], M. [ZJ] [K] et M. [A] [R] demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de M. [A] [R] et reconnu l'existence d'un lien contractuel entre la banque Eurofin et les consorts [K] ; l'infirmer pour le surplus ; de dire que la banque Eurofin a accepté le mandat de concevoir et réaliser un montage juridico-financier ayant pour objet d'alléger la charge fiscale de M. [A] [R] et de diversifier le patrimoine familial exclusivement composé de titres de Carrefour dont ses enfants et petits-enfants étaient nus-propriétaires ; de juger qu'en cette qualité de mandataire, la banque était tenue à leur égard d'une obligation d'information et de conseil à laquelle elle a manqué, en ne faisant pas constituer à ses mandants, avant la création de la Sicav Généractions, une provision sécurisée égale au montant de l'impôt sur les plus-values payable à terme, qu'elle a commis une faute qui constitue la cause de la revente à perte des parts de la Sicav dont ils étaient propriétaires ; en conséquence, de condamner la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Banque Eurofin à payer : à M. [Z] [K] la somme de trois millions sept cent quarante-cinq mille trois cent huit euros (3.745.308 €) ; à Mme [ZE] [K], celle de trois millions sept cent quarante-cinq mille trois cent huit euros (3.745.308 €) ; à chacun de M. [W] [F], Melle [G] [F], Mme [PN] [F] épouse [KP], Melles [L], [C] et [LA] [K] et M. [ZJ] [K] la somme de deux cent soixante-treize mille trois cent soixante euros (273.360 €) ; de dire que des frais de courtages indus et excessifs ont été prélevés par la société Eurofin, minorant l'actif net de la Sicav Généractions, dont la totalité des actions appartenait aux demandeurs ; en conséquence, de condamner les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France et Louvre Gestion, venant aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion, à payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de cent onze mille trois cent quarante-neuf euros (111.349 €) à M. [Z] [K]; à Mme [ZE] [K], celle de cent onze mille trois cent quarante-neuf euros (111.349 €); à chacun de M. [W] [F], Melle [G] [F], Mme [PN] [F] épouse [KP], Melles [L], [C] et [LA] [K] et M. [ZJ] [K] la somme de sept mille six cent soixante-six euros (7.666 €) ; de condamner la société H.S.B.C.-Private Bank France à leur payer la somme de deux cent mille euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; de condamner la société H.S.B.C.-Private Bank France et la société Louvre Gestion aux dépens de première instance et d'appel.
Suivant conclusions signifiées le 28 septembre 2009, valant écritures récapitulatives en vertu de l'article 954, alinéa 2, susvisé, Mmes, Melles et MM. [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [PD] [J] épouse [I], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E] et [YZ] [E] demandent à la Cour ; sur la recevabilité des demandes, de dire qu'ils sont recevables à agir, sur un fondement contractuel et subsidiairement délictuel, à l'encontre de la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin ; s'agissant de la demande au titre des frais de courtage indus, de dire qu'au titre de l'exercice d'un droit personnel, ils sont recevables à agir à l'encontre de la société H.S.B.C.-Private Wealth Managers, venant aux droits et obligations de la société Louvre Gestion, venant elle-même aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion ; au fond, à titre principal, sur les dommages-intérêts, de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a reconnu l'existence d'un lien contractuel entre la société H.S.B.C.-Private Bank France et les appelants, et l'infirmer pour le surplus ; de dire que la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, a commis des fautes en ne mettant pas en 'uvre le schéma convenu et en manquant à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde ; en conséquence, de condamner la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, à payer à chacune de Mmes [H] [K] épouse [PT] et [Y] [K] épouse [E], la somme de trois millions sept cent quarante cinq mille trois cent huit euros et quatre vingt-un centimes (3.745.308,81 €), à Mme [PD] [J] épouse [I] la somme de deux cent cinq mille cent cinquante sept euros et vingt centimes (205.157, 20 €), à chacun de MM. [D] [PT] et [V] [PT] la somme de deux cent soixante treize mille trois cent soixante euros soixante quinze centimes ( 273.360,75 ) et à chacun de MM. et Melles [X] [E], [S] [E] et [YZ] [E] celle de deux cent soixante-treize mille six cent trente-neuf euros et cinquante-quatre centimes (273.639,54 €) ; à titre subsidiaire, si la demande des appelants sur le fondement de la faute délictuelle n'était pas retenue, de dire, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, a commis une faute délictuelle en ne mettant pas en 'uvre le schéma de l'opération convenue ; de dire, sur le même fondement, que la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, a commis une faute en manquant à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde ; en conséquence, de condamner la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, à payer à chacune de Mmes [H] [K] épouse [PT] et [Y] [K] épouse [E], la somme de trois millions sept cent quarante cinq mille trois cent huit euros et quatre vingt-un centimes (3.745.308,81 €), à Mme [PD] [J] épouse [I] la somme de deux cent cinq mille cent cinquante sept euros et vingt centimes (205.157, 20 €) et à chacun de MM [D] [PT] et [V] [PT] la somme de deux cent soixante treize mille trois cent soixante euros soixante quinze centimes ( 273.360,75 ). et à chacun de MM. et Melles [X] [E], [S] [E] et [YZ] [E] celle de deux cent soixante-treize mille six cent trente-neuf euros et cinquante-quatre centimes (273.639,54 €) ; sur la demande au titre des frais de courtage, de constater que le taux de 0,25% appliqué aux premières cessions d'actions Carrefour constitue le taux contractuel ; constater que la société H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, n'a jamais informé les demandeurs de la modification dudit taux; de constater que la H.S.B.C.-Private Wealth Managers, venant aux droits et obligations de la société Louvre Gestion, venant elle-même aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion, n'a jamais informé les appelants de la modification du taux initial ; en conséquence, de condamner in solidum les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, et H.S.B.C.-Private Wealth Managers, venant aux droits et obligations de la société Louvre Gestion, venant elle-même aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion à payer, à chacune de Mmes [H] [K] épouse [PT] et [Y] [K] épouse [E], la somme de cent onze mille trois cent quarante-neuf euros (111.349 €), à Mme [PD] [J] épouse [I] celle de six mille trois cent neuf euros (6.309 €) et à chacun de MM. et Melles [D] [PT], [V] [PT], [X] [E], [S] [E] et [YZ] [E] celle de sept mille six cent soixante-six euros (7.666 €) ; sur la réparation du préjudice moral, de condamner in solidum les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, et H.S.B.C.-Private Wealth Managers, venant aux droits et obligations de la société Louvre Gestion, venant elle-même aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion à payer, à chacune de Mmes [H] [K] épouse [PT] et [Y] [K] épouse [E], la somme de cinquante mille euros (50.000 €) et à chacun de Mmes, Melles et MM. [PD] [J] épouse [I], [D] [PT], [V] [PT], [X] [E], [S] [E] et [YZ] [E] celle vingt mille euros (20.000 €) ; sur les intérêts, dire que les sommes auxquelles seront condamnées les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France, venant aux droits et obligations de la société Eurofin, et H.S.B.C.-Private Wealth Managers, venant aux droits et obligations de la société Louvre Gestion, venant elle-même aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion porteront intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2005, conformément à l'article 1153 du Code civil et ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 dudit code ; de débouter les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France et H.S.B.C.-Private Wealth Managers de tous leurs moyens et demandes ; de condamner les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France et H.S.B.C.-Private Wealth Managers, solidairement, à payer aux appelants la somme de deux cent mille euros (200.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; de condamner les sociétés H.S.B.C.-Private Bank France et H.S.B.C.-Private Wealth Managers aux dépens.
Pour la cohérence de l'exposé, la Cour, observant que l'argumentation des deux groupes d'appelants est globalement proche, et assez souvent similaire en fait comme en droit, à l'exception d'une focalisation différente sur certains aspects, la résumera en un seul ensemble, en relevant quand un fait, une donnée contractuelle ou un argument est plus spécifiquement développé par un seul groupe d'appelants.
Pour la clarté de l'exposé et conformément aux usages, le premier groupe d'appelants sera dénommé consorts [ZE] [K], le second consorts [H] [K].
Il doit être immédiatement relevé que seul le second groupe d'appelants forme des demandes au titre de la réparation du préjudice moral.
Au soutien de leurs demandes, les appelants apportent préliminairement les précisions de fait suivantes :
Les appelants soulignent de prime abord que le choix de l'Institut de France comme donataire temporaire de l'usufruit des actions Carrefour ne visait nullement à offrir une couverture culturelle ou humanitaire à une opération patrimoniale, car M. [R] a toujours été passionné par les activités de l'Institut, créé par la Convention lors de sa dernière séance, le 25 octobre 1795, et lui a fait d'importantes donations, qui ont servi notamment à la création de deux grands prix, l'un dans le domaine scientifique, l'autre dans la sphère humanitaire.
Par ailleurs, ni M. [R], ni aucun de ses enfants et petits-enfants n'avaient de compétence en matière financière.
À l'automne 1998, M. [R] et la banque Eurofin sont entrés en contact dans la perspective de concevoir et mettre en 'uvre une opération permettant d'alléger la charge fiscale du premier et de réduire l'exposition au risque boursier de son patrimoine, quasi exclusivement constitué de titres Carrefour.
À ce sujet, les consorts [H] [K] font observer que ce n'est nullement M. [R] qui s'est adressé à la banque, mais que c'est celle-ci, qui, connaissant ou apprenant la fusion de la holding du groupe familial avec une des sociétés du groupe Carrefour, l'a démarché, lui vantant son savoir-faire en matière de gestion de fortune et la qualité de ses équipes, et lui a proposé une solution censée lui permettant de réduire l'exposition au risque boursier du titre Carrefour au moyen d'une diversification de son portefeuille d'actions et de celui de ses héritiers.
Le courrier adressé par la banque à M. [R] en date du 30 octobre 1998 ne laisse substituer aucun doute sur la question :
«'Suite à la fusion-absorption De Noyange/Carrefour, vous serez, à compter du 9 novembre, directement actionnaire de Carrefour. Cette situation nouvelle vous oblige à prendre dès maintenant quelques décisions. [...] Certains cas sont complexes. Nous avons constitué une équipe pour vous fournir toutes les informations dont vous pourriez avoir besoin'» [pièce n° 1 produite par M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]].
Les consorts [H] [K] formulent à titre préliminaire cinq observations, qui constituent les bases du débat et qui se retrouvent également dans les écritures des consorts [ZE] [K].
Quatre de ces observations concernent la question de la connaissance et de l'acceptation par les clients de la banque Eurofin du schéma de l'opération effectivement mis en 'uvre par la banque Eurofin :
Primo, les premiers juges ont relevé que les parties divergeaient sur le montage prévu à l'origine pour dégager la provision pour impôt et cotisations sociales et n'ont pas retenu que le schéma convenu entre M. [A] [R] et la banque était différent de celui que l'établissement financier avait effectivement mis en 'uvre.
Pour les appelants, le seul schéma proposé par la banque et accepté par M. [R] est le suivant:
1.- M. [R], ses enfants et petits-enfants cédaient en bourse des titres Carrefour ;
2.- les liquidités issues de ces cessions étaient placées sur des comptes à terme à l'extérieur de la Sicav Généractions à hauteur de cinquante-quatre millions d'euros (54.000.000 €), approximativement, en vue du paiement de l'impôt sur les plus-values et des cotisations sociales;
3.- le solde devait être apporté à la Sicav.
Le jugement entrepris a abouti à la conclusion que ce schéma n'avait pas été retenu en définitive par les parties, pour les raisons suivantes :
1.- les pièces versées aux débats par les demandeurs n'ont pas paru pertinentes ; en particulier, les premiers juges ont considéré que l'origine de la pièce numérotée 8 qui était de nature à corroborer la thèse des demandeurs sur le schéma d'opération préconisé par la banque et accepté par les clients n'était pas établie ;
2.- la présentation de la banque Eurofin en date du 21 septembre 1998 contredirait les assertions des demandeurs ;
3.- à supposer qu'une quelconque valeur puisse être attribuée à la pièce n° 8, le projet initial n'avait pas été retenu et c'est le second schéma qui avait été accepté par les clients.
L'essentiel du débat tend à réfuter cette motivation.
Secundo, les premiers juges ont été induits en erreur par une communication partiale et partielle, si ce n'est frauduleuse, des pièces de la banque Eurofin.
En effet :
1.- il est maintenant clairement établi que la pièce n° 8, que les premiers juges ont tenue pour non probante au motif que son origine n'était pas établie, émane sans contestation possible de la banque Eurofin ; elle était annexée à une lettre en date du 21 juin 1999 adressée par cet établissement financier à M. [R] ; la banque détenait bien un exemplaire de ce document, mais s'est gardée de le produire ;
2.- une production incomplète de la «'présentation'» du 21 septembre 1998 la banque omettant de communiquer la dernière page de cette pièce a induit une interprétation inexacte de celui-ci ; aujourd'hui, les appelants sont en mesure de produire le document dans son intégralité.
Tertio, il est maintenant établi qu'à trois reprises, les 21 juin, 21 septembre 2000, 12 juillet 2001, la société Eurofin a adressé un tableau identique de l'opération, détaillant les grandes lignes de celle-ci, telles qu'elles auraient dû être mises en 'uvre par la banque, dans l'ordre chronologique suivant :
1.- vente des actions Carrefour à l'extérieur de la Sicav ;
2.- provisionnement de l'impôt à l'extérieur de la Sicav ;
3.- apport postérieur du solde des liquidités à la Sicav.
La banque reconnaissait d'ailleurs qu'il s'agissait du schéma «'(le) plus simple et (le) moins onéreux'».
Ce tableau correspond au seul schéma proposé par la banque et accepté par M. [R].
Quarto, il doit être observé que le fait que M. [R] n'a jamais accepté un second schéma et que celui-ci a pourtant été mis 'uvre par la banque sans l'accord de son cocontractant, alors que seul le premier a été entériné, suffit à caractériser la faute de la banque Eurofin.
La seule question qui demeure est donc de savoir pourquoi la banque Eurofin a mis subrepticement en 'uvre la second schéma, qui n'a jamais été accepté par M. [R] et qui ne pouvait être qu'un «'mauvais'» schéma, puisque méconnaissant les intérêts des clients, et alors que la banque a elle-même écrit que le premier était moins compliqué et moins onéreux.
La réponse se subdivise en deux explications, en partie interdépendantes :
1.- une désorganisation interne à la banque allant de paire avec une totale désinvolture dans la conduite de l'opération, au point que, pendant trois mois, la banque a tout simplement laissé l'opération déjà engagée aller à vau-l'eau, la Sicav constituée à cette fin n'ayant tout simplement plus de responsable, que la banque avait démis sans le remplacer, et le conseil d'administration ne pouvant plus fonctionner, faute de disposer du nombre d'administrateurs exigé par la loi (trois), la banque ne s'étant pas même préoccupée d'en nommer un nouveau pour remplacer celui qu'elle avait destitué ;
2.- la volonté de la banque Eurofin de maximiser ses commissions, volonté qui l'a conduite à choisir une solution qui n'avait pas été acceptée par le client, ne lui avait pas même été proposée et était contraire à ses intérêts, mais non à ceux d'Eurofin.
C'est ainsi que la banque a d'abord fait apporter la totalité des titres Carrefour en cause à la Sicav et ce n'est qu'une fois ces titres «'logés'» dans cette Sicav qu'elle les a cédés en bourse d'ailleurs en nombre insuffisant pour provisionner l'impôt. De la sorte, les liquidités obtenues par les ventes postérieures en bourse se sont retrouvées «'emprisonnées'» dans la Sicav et ont subi la chute boursière de 2001 puisque, par définition, la valeur des parts d'une Sicav est soumise aux fluctuations des marchés boursiers.
Si la banque Eurofin avait au contraire immédiatement cédé les titres et avait placé les liquidités obtenues sur des comptes «'sécurisés'» en dehors de la Sicav, les appelants n'auraient pas eu à subir les conséquences de la crise boursière éclatement de la bulle Internet, puis effondrement des cours à la suite du 11 Septembre.
Du fait du comportement fautif de la banque Eurofin, les appelants ont subi un préjudice de plus de dix-huit millions d'euros (18.000.000 €).
La cinquième observation concerne les taux de courtage appliqués par la banque.
la banque Eurofin a, en cours d'opération, décidé de quasiment tripler son taux de frais de courtage sur la cession des actions Carrefour logées dans la Sicav, ce taux passant de 0,25% à 0,65%, sans l'accord des clients et sans même qu'ils en soient informés.
Cette hausse illicite du taux de commission constitue une faute, qui engage la responsabilité de la banque comme de sa filiale délégataire de gestion ; elle a causé aux appelants un préjudice supplémentaire, qui s'élève à cinq cent quarante-trois mille six cent quatre-vingt-dix-sept euros et cinquante-huit centimes (543.697,58 €).
Ceci préalablement exposé, les appelants développent plus amplement les moyens et arguments suivants :
a)S'agissant de la recevabilité de leurs demandes :
Il existe un lien contractuel entre les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] et la banque Eurofin, dont ils étaient les clients : ce lien contractuel fonde la recevabilité de leur demande en dommages-intérêts, sur un fondement contractuel. Il existe également un lien contractuel entre les mêmes s'agissant de la demande au titre des frais de courtage, ce qu'a méconnu la décision déférée.
b)S'agissant de l'existence d'un lien contractuel relatif à l'opération de vente des actions Carrefour,
Il est demandé à la Cour d'adopter les motifs des premiers juges, qui ont retenu que les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] étaient clients de la banque Eurofin.
En effet, l'existence d'un lien contractuel est incontestable pour les raisons suivantes :
1.- La banque Eurofin a ouvert dans ses livres des comptes au nom de chacun d'eux [pièces nos 7, 10 et 11 produites par M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] , ce qu'a reconnu la société Eurofin Gestion dans ses conclusions signifiées le 11 septembre 2008, confirmant que les titres donnés par M. [A] [R] aux enfants et petits-enfants de
M. [A] [R] avaient été «'déposés au nom de chacun des nus-propriétaires sur un compte (usufruit/nue-propriété) ouvert dans les livres de la banque Eurofin'» [pp. 6-7].
2.- Les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] ont apporté à la Sicav les titres Carrefour dont ils étaient nus-propriétaires ou pleins propriétaires ; sur le plan du droit fiscal, ils étaient redevables de l'impôt sur les plus-values ; la mise en 'uvre de l'opération ne pouvait donc avoir lieu sans leur intervention.
3.- Bien plus, après la donation temporaire d'usufruit par M. [R] à l'Institut de France, le donateur ne disposait plus de droits sur les titres dont s'agit, tandis que ses enfants et petits-enfants demeuraient nus-propriétaires de ces titres. La Banque Eurofin a nécessairement entretenu un rapport contractuel avec des personnes sans l'accord et les apports desquels l'opération dont elle était chargée était irréalisable.
4.- En outre, sur les titres englobés dans l'opération, M. [W] [F] et Mme [PD] [J] épouse [I] étaient pleins propriétaires de trente-quatre mille quatre cent quatre vingt-six (34.486) titres Carrefour : comment la banque Eurofin, en charge d'une opération sur des actions, pourrait-elle ne pas avoir de lien contractuel avec les uniques titulaires de droits sur ces actions'
5.- De multiples pièces versées aux débats démontrent que la banque Eurofin avait pleinement conscience d'être en rapport contractuel avec les appelants
6.- Enfin, la banque H.S.B.C.-Private Bank France a finalement reconnu dans ses écritures signifiées le 30 juillet 2009 [p. 19] que l'opération exigeait bien l'intervention des consorts [K], nus-propriétaires, a fortiori de M. [W] [F] et Mme [PD] [J] épouse [I], pleins propriétaires ; elle a également admis que seuls les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] pouvaient donner un ordre de rachat des actions de la Sicav Généraction, la banque Eurofin ne contestant pas qu'elle ne pouvait prendre l'initiative d'un tel rachat sans leur accord.
Sur ce fondement contractuel, la société Eurofin Gestion est responsable de ses fautes envers les appelants en leurs qualités de porteurs de parts, conformément aux règles de bonne conduite édictées par le règlement C.O.B. n° 96-03 et le Code de déontologie de l'Association française de la gestion financière A.F.G.-A.S.F.I.I. Elle est également responsable de manquements à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, alors régies par l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier (aujourd'hui, articles L. 533-11 à L. 533-16 de ce code) et les articles 3-3-5 et 3-3-7 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers (dispositions aujourd'hui reprises aux articles 314-20 à 314-25 de ce règlement).
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne retiendrait pas l'existence d'un lien contractuel, les appelants font valoir qu'ils peuvent invoquer, sur un fondement délictuel, la faute des prestataires de services financiers Eurofin et Eurofin Gestion. Ils se prévalent à cet égard d'un arrêt de la Cour de cassation, qui a jugé que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que celui-ci lui a causé un dommage (Ass. Plén., 6 octobre 2005, n° 05-13.255).
Enfin, il est acquis en jurisprudence qu'en cas de manquements de deux prestataires de services financiers, tous deux tenus d'une obligation de conseil et d'information, ils doivent être condamnés in solidum à réparer le dommage en découlant (Paris, 15e B, 1er juillet 2005, JurisData, 2005-281989, Paris, 15e B, 8 février 2007, JurisData, 2007-333965).
c)S'agissant de la recevabilité de la demande au titre des frais de courtage,
Les appelants font observer que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 1844-9 du Code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière.
Il convient de rappeler que la Sicav Généraction a été liquidée par décision de son conseil d'administration [pièce n° 7 de la société H.S.B.C.-Private Bank France]. La banque Eurofin peut d'autant moins contester cette décision qu'elle a été prise par des administrateurs qui étaient tous ses salariés.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé de manière formelle, au visa du quatrième alinéa de l'article 1844-9, que la dissolution d'une Sicav entraîne le transfert aux anciens associés de la copropriété indivise de tous les biens et droits sociaux, qu'ils aient été ou non inclus dans les opérations de liquidation, et notamment le droit d'agir en réparation d'un préjudice subi par la société du temps de son existence (Com., 31 mai 1988, n° 87-11037; Com., 24 mars 1988, n° 96-10.172).
Les enfants et petits-enfants de M. [R] étant les seuls associés de l'ex-Sicav, aujourd'hui dissoute et radiée, sont parfaitement recevables à agir à titre personnel en réparation d'un préjudice qui leur est propre, pour se faire rembourser des commissions indument perçues par la banque Eurofin.
Il convient d'ajouter que les seules personnes à avoir subi un préjudice du fait de ces frais indument perçus sont les consorts [H] [K] et les consorts [ZE] [K] les administrateurs de la Sicav Généraction étant tous employés de la banque Eurofin et copieusement rémunérés par les frais perçus.
Enfin, s'agissant de l'argument soulevé par la société H.S.B.C.-Private Bank France dans ses dernières écritures, selon lequel l'action serait irrecevable, car la créance ne serait par certaine, mais «'par définition hypothétique'», puisque contestée par les intimées, elle ne repose sur aucun fondement légal et est en outre parfaitement illogique.
Si l'on se réfère à l'article 1844-9, alinéa 4, du Code civil, on constate que le législateur a permis aux anciens associés d'une société d'investissement à capital variable, après clôture de la liquidation, de rester dans le régime de l'indivision, sans subordonner une éventuelle action à son caractère «'certain'».
En outre, une action en justice ne peut être subordonnée au caractère «'certain'» d'une créance, puisqu'une telle assertion reviendrait à donner une prime à la mauvaise foi d'une des parties.
d)S'agissant de la responsabilité pour faute contractuelle de la société H.S.B.C. Private Bank venant aux droits et obligations de la société Banque Eurofin :
Il convient d'observer d'abord que ce n'est pas en tant que banque de dépôt, mais comme gestionnaire de fortune que la société Eurofin est intervenue. Cette société a ainsi joué le rôle de concepteur/promoteur de la Sicav Généraction.
Par ailleurs, la banque Eurofin est un prestataire au sens de l'article L321-1 du Code monétaire et financier, comme tel agréé pour fournir des services d'investissement, notamment comme conseil, gestionnaire de portefeuille ou exécutant d'ordres.
Il s'impose dès lors de rechercher quel projet de diversification a effectivement été accepté par M. [A] [R].
Tout au long des années 1999 /2000, la banque Eurofin a adressé à M. [R] divers documents ayant pour objet la diversification de son portefeuille boursier et de celui de ses enfants et petits-enfants.
Les données essentielles du projet étaient les suivantes :
1.- les consorts [K] entendaient consacrer 25% de leurs titres Carrefour soit deux millions six cent soixante-quatorze mille deux cent vingt-quatre (2.674.224) actions à cette opération à la diversification de leur portefeuille boursier, alors composé à 100% d'actions Carrefour [pièce n° 22 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] ;
2.- en conséquence, ces titres Carrefour devaient être cédés en bourse, d'une manière ou d'une autre ;
3.- la cession de ces titres représentait une somme de l'ordre de deux cent seize millions d'euros (216.000.000 €) ;
4.- cette cession déterminait le paiement de l'impôt sur les plus-values au taux de 16%, de la contribution sociale généralisée (CSG), exigible en septembre 2001 , de la contribution sociale généralisée (C.S.G.) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (C.R.D.S.), exigibles en novembre 2001 ;
5.- le paiement de ces impositions devait être sécurisé : il était hors de question que les consorts [R]/[K] courent le risque de ne pas disposer des sommes nécessaires en septembre-novembre 2001 ;
6.- la banque Eurofin a convaincu M. [R] de la nécessité de créer une Sicav dédiée à cette opération ; c'est ainsi qu'une Sicav Généraction a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 20 octobre 2000.
Se posait dès lors la question de déterminer comme devaient être sécurisées les sommes nécessaires au paiement des impositions.
Deux thèses s'opposent :
1.- Pour les appelants, la sécurisation des sommes destinées au règlement des impositions devait être assurée par le dépôt des liquidités obtenues au moyen des cessions d'action sur un compte extérieur à la Sicav ; les actions devaient être cédées avant tout apport à la Sicav; seul le solde après constitution de la provision hors Sicav aurait été apporté à celle-ci.
2.- La banque H.S.B.C.-Private Bank France soutient à l'inverse que les cessions des actions Carrefour destinées à provisionner les impositions ne devaient intervenir qu'après l'apport de la totalité des titres à la Sicav. Les liquidités obtenues au moyen des cessions devaient être ensuite versées sur des comptes ouverts au sein de la Sicav. C'est sur ces comptes qu'auraient été prélevées les sommes nécessaires au règlement de l'impôt et de cotisations sociales.
L'enjeu de l'adoption de l'une ou l'autre thèse est essentiel :
Le dépôt de la somme provisionnée de cinquante-quatre millions d'euros (54.000.000 €) à l'extérieur de la Sicav et son placement sécurisé très simplement sur un compte à terme non soumis aux fluctuations boursières permettait de la soustraire aux aléas des marchés.
À l'inverse, le maintien de cette somme à l'intérieur de la Sicav lui faisait subir les évolutions du cours de bourse : des actions d'une Sicav peuvent être plus ou moins touchées par les aléas du marché, mais sont nécessairement affectées par eux, puisque le crédit d'un compte interne ne peut être ressorti «'tel quel'», mais doit servir à acquérir en vue de leur revente des actions de la Sicav, dont la valeur, par définition, fluctue.
e)Sur la période en cause novembre 2000 à fin 2001 ,
Par suite de l'éclatement de la «'bulle Internet'», puis des attentats du 11 septembre 2001, les bourses se sont effondrées, provoquant une forte chute des actions de la Sicav Généraction.
C'est parce que les liquidités issues de la cession des actions Carrefour sont demeurées à l'intérieur de la Sicav que les consorts [K] ont subi un préjudice financier important, alors que ce dommage n'aurait pu survenir si les fonds destinés à provisionner l'impôt avaient dès l'origine fait l'objet d'un placement externe et sécurisé.
Les consorts de [H] [K] et les consorts [ZE] [K] s'attachent à démontrer que, tout au long de l'année 1999 et jusqu'à la veille de la création de la Sicav Généraction, la banque Eurofin n'a présenté à ses clients que le premier schéma (vente des titres hors Sicav/placement de la provision pour impôt et cotisations sociales hors Sicav/placement dans la Sicav du seul solde), qui seul a été accepté.
Les premiers juges ont refusé de prendre en compte la position défendue par les consorts [H] [K] et les consorts [ZE] [K], à savoir que le premier schéma aurait seul été accepté, pour deux motifs :
1.- les pièces de nature à étayer la thèse de l'adoption du premier schéma n'étaient pas probantes; en particulier, la pièce n° 8 des consorts [K] a été considérée comme non pertinente, car, ne portant ni date, ni signature [jugement, p. 23] ;
2.- la version du schéma avancé par les consorts [K] était contredite par différentes pièces [jugement, p. 22], à savoir la présentation Eurofin du 21 septembre 1999 [pièce n° 8 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]], les lettres des 20 septembre et 25 octobre 2000 signées par les consorts [K] [pièces nos 14 et 15 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] et divers courriers de l'année 2001.
Il y a lieu d'observer préliminairement que la motivation du jugement entrepris est entachée d'une contradiction surprenante : en effet, la décision retient que la thèse suivant laquelle c'est le premier schéma qui aurait été adopté n'est pas démontrée, mais énonce en même temps que «'l'existence d'un tel projet est corroboré par un tableau annexé à la lettre du 12 juillet 2000 adressée par Eurofin à M. [A] [R]'» [p. 24].
De toute manière et fondamentalement, M. [A] [R] a retrouvé :
1.- le courrier de couverture de la banque Eurofin en date du 21 juin 1999, auquel était jointe la «'pièce n° 8'» écartée par le tribunal [il s'agit de la pièce n° 4 de la communication de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]],
2.- la dernière page de la présentation de la banque Eurofin du 21 septembre 1999.
Les consorts [H] [K] font observer que la communication tronquée de cette dernière pièce par la société H.S.B.C. Private Bank France venant aux droits et obligations de la banque Eurofin la dernière page manquant, ce qui en travestissait la portée situe le comportement procédural de cette partie aux marges de l'escroquerie au jugement.
En tout cas, il est désormais établi par la communication de ces pièces en leur complet que c'est bien le premier schéma qui avait été adopté :
Le 21 juin 1999, le 21 septembre 1999 et à nouveau le 12 juillet 2000, la société Banque Eurofin a adressé à M. [A] [R] un tableau synthétique identique, intitulé «'simulation de l'opération de diversification'», qui décrit de manière limpide le schéma de l'opération correspondant à la thèse soutenue par les consorts [K], à savoir, dans l'ordre chronologique: a.- «'cession à hauteur de [25%] (nombre de titres)'», / b.- «'provision de l'impôt sur les plus-values après abandon de l'usufruit sur ces mêmes liquidités'», / c.- «'souscription de la Sicav Multi-Gérants'».
De plus, le document du 21 juin 1999 précise également, sans ambiguïté aucune, les étapes successives de l'opération :
1ère étape :
«'(...] Fixer le nombre des titres devant être cédés. Puis établir la stratégie de cession des titres: déterminer les cours et le calendrier pour exécuter les ventes'».
2ème étape :
«'Dès les ventes réalisées, nous calculerons l'impôt sur la plus-value, qui sera à payer à partir du 15 septembre 2000. Cet impôt sera provisionné sur un compte à terme dont l'Institut de France restera usufruitier.
Le produit de la cession des titres C., net de la provision d'impôt, sera investi suivant votre projet de diversification. L'Institut de France demeure également bénéficiaire de l'usufruit'».
3ème étape :
«'En l'an 2000, renouvellement probable de la donation à l'Institut de France prenant en compte la nouvelle structure des actifs. De manière concomitante, donation de l'usufruit que vous détenez sur les comptes à terme pour permettre aux nus-propriétaires des payer l'impôt sur la plus-value'».
Les consorts [R]/[K] relèvent qu'aux termes de ses conclusions du 30 juillet 2009, la société H.S.B.C. Private Bank France venant aux droits et obligations de la société Banque Eurofin soutient que le projet présenté par cette banque le 24 mars 1999 [pièce n° 2 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] et sa lettre du 21 juin 1999 [pièce n° 4 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] envisageait bien «'de céder la totalité des actions Carrefour consacrées à l'opération de diversification et de réinvestir le produit de ces cessions dans la Sicav'» [conclusions de la société Eurofin du 30 juillet 2009, page 9].
Ainsi, la société H.S.B.C.-Private Bank France admet désormais que : 1.- le premier schéma a bien été présenté à M. [R] les 24 mars et 21 juin 1999 [conclusions, p. 9] ; 2.- le schéma présenté consistait bien en la vente préalable de la totalité des titres Carrefour concernés par l'opération de diversification envisagée [p. 29], puis en l'apport des liquidités obtenues par ces cessions à la Sicav Généraction [pp. 34 et 36].
Mais, la banque H.S.B.C.-Private Bank France soutient que : 1.- ce premier schéma n'est pas celui retenu par M. [R] [pp. 34 et 36] ; 2.- ce schéma n'a pas été présenté aux premiers juges [p. 41] ; 3.- dans le cadre de la mise en 'uvre de ce schéma, la banque Eurofin n'avait aucune obligation d'information et de conseil envers les enfants et petits-enfants de M. [R], car elle n'était que dépositaire de leurs comptes.
Ainsi, selon la société H.S.B.C.-Private Bank France, si le premier schéma a bien été présenté, il ne s'agit pas de celui accepté et mis en 'uvre et qu'aucune faute n'a été commise dans l'exécution du second schéma, qui a été accepté.
En vérité, les affirmations de la société H.S.B.C.-Private Bank France, à la fois, sont incohérentes et constituent des contre-vérités balayées par les pièces intégrales produites en cause d'appel.
f) Sur le plan de la logique,
Pourquoi avoir mis en 'uvre le second schéma, alors que, primo, la banque a écrit qu'il était plus compliqué, plus onéreux et plus risqué' [pièce n° 8 de Mmes [H] et [Y] [K] ; cf. aussi conclusions récapitulatives n° 2 de la société H.S.B.C.-Private Bank France, p. 38], secundo, le premier schéma, dont il n'est plus contesté qu'il a bien été présenté à M. [R], était tenu pour plus simple et moins onéreux Il est vrai que le désordre qui régnait au sein de la banque et dans l'esprit des personnes en charge du projet comme le souci de la maximisation des intérêts financiers de la banque Eurofin ont pu primer la logique.
g)Sur le plan de la preuve :
Primo, il est établi que le premier schéma a été présenté par la banque et accepté par le client; secundo, il n'est pas prouvé que le second schéma ait été présenté au client, a fortiori accepté par lui ; tertio, il est certain que ce second schéma, ni présenté ni agréé, a été exécuté.
Pour s'en tenir très strictement à ce qui est démontré, le premier schéma, tenu pour meilleur par la banque, a été présenté par elle et agréé par le client, mais c'est le second schéma, tenu par la banque pour moins avantageux, ni présenté, ni agréé, qui a été mis en 'uvre.
Comment admettre qu'il n'existe pas de faute de la banque Eurofin '
De toute manière, à supposer par hypothèse que la banque Eurofin ait présenté le schéma effectivement mis en 'uvre aux consorts [R]/[K] et obtenu leur accord , ce qui n'est pas le cas, la banque aurait nécessairement manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, puisqu'elle a elle-même reconnu que le schéma initial était «'plus simple et moins onéreux'» [pièce n° 8 de Mmes [H] et [Y] [K]]. C'est, pour la banque, tout simplement admettre qu'elle a manqué à ses devoirs, en faisant adopter par ses clients un projet qu' elle qualifie elle-même de plus complexe et plus onéreux.
Les consorts [H] [K] insistent sur le point suivant : les digressions de la société H.S.B.C. Private Bank France sont hors sujet ; l'objet du débat n'est en aucune manière de savoir si la banque Eurofin a bien accompli son rôle de dépositaire une fois l'opération mise en 'uvre, mais de déterminer si elle a rempli ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde au regard de l'opération conçue et proposée et si elle a commis une faute en n'exécutant pas le premier schéma, pourtant seul présenté aux intéressés par l'établissement financier, qui le qualifiait de «'plus simple et moins onéreux'».
Dans ses écritures du 11 septembre 2009, la société H.S.B.C. a noté que la Sicav Généraction avait été constituée «'de manière atypique'».
Ce faisant, la société H.S.B.C. Private Bank France pose en réalité une question essentielle: pourquoi la banque Eurofin a-t-elle mis en 'uvre une opération aussi étrange, aussi désavantageuse et hasardeuse pour ses clients '
On relèvera que la banque Eurofin reconnaît expressément, dans ses conclusions du 30 juillet 2009 (p. 9) que «'le calendrier joint à ce projet (détaillé dans la lettre du 21 juin 1999) prévoit la cession de l'ensemble des titres Carrefour consacrés à l'opération de diversification avant la souscription de la Sicav'».
Le document joint à la lettre du 21 juin 1999 est particulièrement important également parce qu'il permet de bien distinguer les deux donations temporaires d'usufruit dont devait bénéficier l'Institut de France : l'usufruit du compte à terme «'sécurisé'» à l'extérieur de la Sicav ; celui sur les actions de la Sicav.
C'est ainsi qu'en septembre 2001, il suffira de l'abandon de l'usufruit sur le compte à terme «'sécurisé'» pour que les consorts [K] puissent régler l'impôt sur les plus-values, à l'exclusion de tout abandon d'usufruit sur les actions de la Sicav.
Ces deux donations avaient donc un objet différent.
Mais il est possible qu'une certaine confusion entre les deux donations ait contribué à tromper les premiers juges : lorsque les documents préalables à l'opération font référence à un abandon d'usufruit pour le paiement de l'impôt sur les plus-values, il s'agit de celui donné sur le compte sécurisé extérieur à la Sicav, non de celui accordé sur les actions de la Sicav.
Pour autant, il ne s'agit pas du schéma mis en 'uvre, comme «'à la dernière minute'» par la banque Eurofin.
La faute créatrice du préjudice se trouve donc là : la banque Eurofin a décidé seule, sans accord de ses clients, à la dernière minute, de mettre en 'uvre un autre schéma que celui présenté et accepté.
Alors que depuis l'origine, il était convenu, ce qui avait été réitéré dans le courrier du 12 juillet 2000, que le paiement de l'impôt devait être provisionné à l'extérieur de la Sicav avant tout apport à celle-ci, tous les titres Carrefour des consorts [K] ont été, sans leur consentement ni celui de M. [R], apportés à la Sicav Généraction le 2 novembre 2002.
Ce changement total du schéma est dû, d'une part, à la désorganisation interne de la banque Eurofin, d'autre part, à la volonté des sociétés Eurofin et Eurofin Gestion de rendre l'opération plus rentable pour elles, en multipliant les facturations de frais et commissions.
Les consorts [K] soulignent que, bien que ce ne soit pas l'objet principal des débats, le changement de schéma, et donc les pertes subies par les clients, ont d'abord pour cause les dissensions entre le salarié en charge de l'opération et sa hiérarchie et, en définitive, la désorganisation complète de l'établissement.
M. [N] [GM] était le salarié de la banque Eurofin qui était en charge du dossier de diversification ; c'est lui qui était en contact avec M. [A] [R] ; il a été placé par sa direction à la tête de la Sicav Généraction. À partir de juin 2000, des dissensions sont apparues entre M. [GM] et sa hiérarchie, qui ont abouti à sa mise à pied immédiate, le 9 novembre 2000, puis à son licenciement.
Dans la lettre de licenciement, l'employeur indiquait notamment :
«'Vous avez donné instructions, le 2 novembre dernier, de créer une Sicav au capital de cinquante millions de francs qui devaient être placés sur un seul titre.
Le 3 novembre, alors que les clients apportaient leurs titres Carrefour en nature et que vous deviez alors donner instructions de sortir la banque du capital de cette Sicav, vous l'avez, en dépit de la prudence la plus élémentaire, maintenue dans cette dernière.
Ce non-respect des règles les plus élémentaires en matière de gestion des risques a causé un préjudice financier à Eurofin qui, à ce jour, risque de perdre plus de cinq millions de francs.
De même, il apparaît que vous avez suivi cette opération avec légèreté ; il en est, pour preuve le fait que vous avez, dès le 2 novembre, donné instruction de vendre des titres Carrefour que la Sicav ne possédait pas encore'».
Le 6 mars 2002, M. [U] [M] a écrit à M. [Z] [K] :
«'Je peux vous l'assurer, j'ai fait une très grande confiance à [N] [i.e. M. [GM]]. J'ai été trompé et nous, banque Eurofin, en avons subi les conséquences'».
En définitive, le licenciement de M. [GM] par son employeur a été jugé par le conseil de prud'hommes comme fondée sur une cause réelle et sérieuse. Il est expressément énoncé dans les attendus de la décision que l'opération était de sa compétence, en sa qualité de président de la Sicav Généraction, et qu'il « ne conteste plus une erreur dans le processus de mise en 'uvre de l'opération, arguant seulement de l'absence de préjudice pour la banque'» [pièce n° 31 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K], p. 6].
La banque Eurofin a accumulé les fautes :
La faute fondamentale a consisté à ne pas mettre en 'uvre les tableaux de simulation de l'opération de diversification, donc à ne pas procéder comme prévu à la cession préalable des titres Carrefour, en plaçant les liquidités nécessaires aux paiement de l'impôt et des charges sociales sur un compte sécurisé avant d'investir les liquidités éventuellement en surplus dans la Sicav Généraction, mais en «'emprisonnant'» au contraire toutes les actions au sein de la société, si bien que les liquidités obtenues par les cessions se sont trouvées assujetties aux fluctuations des cours boursiers.
De plus, la négligence de la banque a aggravé le préjudice causé par la faute initiale.
Ainsi, la donation d'usufruit au profit de l'Institut de France prenait fin le 15 juillet 2000 [pièce de M. [Z] et Mme [ZE] [K] n° 6]. Elle n'a été renouvelée que le 19 septembre 2000.
Il aurait alors fallu procéder dans ce laps de temps à la cession des actions Carrefour, afin de constituer la provision nécessaire au paiement de l'impôt. En raison du retard pris par la banque Eurofin dans la mise en place du schéma, la cession d'actions et la constitution de provision n'ont pas été alors réalisées.
La banque Eurofin a écrit le 12 juillet 2002 «'que le lancement [de la Sicav] était programmé pour le mois de septembre 2000'» [pièce n° 2], ce que la banque souligne dans ses écritures [conclusions signifiées le 30 juillet 2009, p. 11].
C'est pourquoi la donation temporaire d'usufruit au profit de l'Institut de France, qui se terminait le 15 juillet 2000 n'a pas été immédiatement renouvelée.
Elle l'a été 19 septembre 2000, sur la totalité des actions Carrefour, pour un an.
Parce que le schéma proposé impliquait la mise en place de deux donations d'usufruit distinctes au profit de l'Institut de France l'une sur le compte à terme sécurisé, l'autre sur le solde des titres Carrefour à apporter à la Sicav , la précaution avait été prise dans l'acte de donation d'insérer une clause de «'réserve d'administration des titres'», réservant expressément au donateur de droit de faire apport des/ou de céder, les titres dont s'agit, à charge de remploi en usufruit, ce que l'Institut de France, donataire, acceptait expressément.
La banque Eurofin avait donc le temps, avant l'apport d'actions Carrefour à la Sicav, de les céder pour les provisionner sur un compte à terme sécurisé extérieur à la Sicav, les droits à usufruit de l'Institut de France étant reportés sur l'actif de ce compte.
Ce temps n'a pas été mis a profit : nouvelle faute.
À cet égard, les consorts [K] font observer que les longues digressions de la société H.S.B.C. Private Bank sur ce «'créneau'» [conclusions du 30 juillet 2009] sont difficilement compréhensibles, mais qu'il en résulte qu'elle ne conteste pas l'existence d'un laps de temps pendant lequel la cession des actions eût été possible, et particulièrement appropriée.
La confusion et l'incompétence ont atteint un tel niveau au sein de la banque Eurofin que
M. [GM] a oublié de provisionner le totalité de l'impôt une fois toutes les actions Carrefour apportées, par erreur, à la Sicav.
En effet, les 2 et 3 novembre 2000, la banque Eurofin a précédé à la vente de cinq cent mille (500.000) actions. Alors qu'il aurait fallu six cent soixante-huit mille (668.000), voire sept cent mille (700.000), pour dégager l'intégralité du montant de l'impôt sur les plus-values.
La société H.S.B.C. fait valoir qu'Eurofin ne pouvait pas céder davantage de titres en deux jours sous peine de provoquer une chute du cours et qu'ensuite, elle a attendu une remontée du cours, qui ne s'est pas produite.
Or, rien ne prouve que la mise sur le marché de six cent soixante-huit mille 668.000) titres les 2 et 3 novembre 2001 aurait provoqué une chute sensible du cours , le tribunal a retenu que rien ne le démontrait ; en tout cas, cette chute n'aurait pas été aussi importante que celle qui s'est produite au cours des quatre mois suivants, qui a abouti à une baisse de plus de 20% par rapport à leur valeur de début novembre.
On comprend parfaitement ce qui s'est passé à la lecture d'un courrier de M. [M], dirigeant de la banque Eurofin, devenu ensuite président du directoire de la société H.S.B.C.-Private Bank France. Du fait du conflit existant avec sa direction, M. [GM] a abandonné le suivi du projet ; il faudra donc que M. [M] intervienne pour faire vendre en urgence des actions Carrefour. Il l'a confirmé en date du 9 avril 2004 :
«' En ce qui concerne le vente des actions Carrefour, que vous jugez trop tardive, c'est sur mes instructions exprès que [N] [GM] a tenté de vendre un maximum de titres'».
L'accumulation des erreurs de la banque contraindra même à recourir à un prêt-relai de quelques jours pour pouvoir régler l'impôt sur les plus-values ' qui était exigible le 15 septembre 2000, alors que la donation temporaire d'usufruit prenait fin le 18. La banque l'a confirmé, écrivant aux consorts [R] qu'elle avait dû mettre en place un «'financement de quelques jours [...] nous permettant en l'absence de fonds de faire virer sur vos trésoreries respectives le montant total de l'impôt dû par chacun des foyers fiscaux'».
Non seulement ce décalage des dates a pour cause unique la négligence de la banque Eurofin , la date de paiement de l'impôt sur les plus-values étant connue lors de la donation temporaire d'usufruit, de sorte que la banque devait faire le nécessaire pour qu'elle s'achève le veille du paiement de l'impôt , mais encore, l'établissement financier s'est fait payer un taux de 0,50% sur une faculté de caisse qui avait pour seule origine sa négligence.
Après le départ subit de M. [GM], la Sicav a été tout simplement laissée à l'abandon. Il suffit de de rappeler les dates suivantes :
Le 9 novembre 2000, M. [GM], gérant de la Sicav est mis à pied et se voit interdire l'accès aux locaux d'Eurofin.
Il n'est pourtant pris acte de sa démission de président de la Sicav Généractions que près d'un mois et demi plus tard, exactement le 20 décembre 2000 [pièce de Mmes [H] et [Y] [K] n° 4].
Ce n'est que le 28 février 2001 que la banque Eurofin a désigné un successeur à M. [GM] [pièce de Mmes [H] et [Y] [K] n° 6]
Ce qui revient à constater que, pendant quasiment trois mois (9 novembre 2000-28 février 2001), la Sicav a été hors d'état de fonctionner, puisque la loi impose qu'elle ait trois administrateurs au minimum, alors qu'elle n'en avait plus que deux.
Ces données chronologiques démontrent que la banque Eurofin s'est tout simplement désintéressée de sa mission.
C'est la négligence de la banque Eurofin, elle-même liée à sa désorganisation interne et à ses luttes intestines, qui est à l'origine de la perte subie du fait de la cession tardive des titres Carrefour en mars 2001.
L'argument de la banque selon laquelle le dommage ne pourrait résulter que de la responsabilité des notaires est totalement infondé. L'opération de diversification a été confiée à la banque Eurofin ; les notaires n'ont exécuté que des actes déterminés, dans le cadre d'une opération de diversification organisée et menée par la banque. Au demeurant, si elle avait besoin d'eux, la banque Eurofin avait tout loisir de se rapprocher des notaires ce qu'elle a fait pour organiser le paiement de l'impôt.
La mise en 'uvre du «'second schéma'», non accepté par les clients et nuisible à leurs intérêts, a permis en revanche d'augmenter les frais perçus par les sociétés Banque Eurofin et Eurofin Gestion.
La Sicav Généraction a rapporté à la banque Eurofin la somme d'un million trois cent vingt-sept mille quatre-vingt-treize euros (1.327.093 €), sans compter les frais perçus par sa filiale Eurofin Gestion.
Or, en vertu de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l'époque de l'opération, les banques doivent s'abstenir de toute initiative qui aurait pour objet ou pour effet de privilégier leurs intérêts propres au détriment des investisseurs et/ou de faire le nécessaire afin de prévenir les conflits d'intérêt
La banque Eurofin a manifestement manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde.
Il doit être rappelé d'abord que M. [R], ses enfants et petits-enfants sont des clients non avertis, non-professionnels des techniques financières.
La banque Eurofin ne peut sérieusement écrire que «'le montage a été conçu par la banque Eurofin et M. [R] en 1999'» [conclusion Eurofin du 30 juillet 1999, p. 49].
Au sens de la jurisprudence, un client averti est un client aguerri aux techniques financières (Cass. Mixte, 29 juin 2007, n° 05-21.104 et n° 06-11.673) ou qui a déjà eu l'expérience réelle des marchés, et en particulier l'expérience du marché sur lequel il investit (Cass. Com. 26 mars 2008, n° 97-11.554). La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé récemment que le banquier qui donne des conseils d'investissement inadaptés à un client non averti est responsable du dommage subi (Cass. Com. 8 avril 2008, n° 07-13.013) et qu'il est tenu d'une mise en garde effective, qui n'est pas remplie par la remise de la notice visée par la Commission des opérations de bourse (Cass. Com. 24 juin 2008, n° 06-21.798).
Ensuite, tous les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] ont un rapport contractuel avec la banque, ne serait-ce que parce qu'ils étaient nus-propriétaires des titres et que l'opération ne pouvait se faire sans leur accord.
Dès lors, les seuls contacts avec M. [A] [R], lui-même client non averti, ne peuvent valoir information valable. Il était pas en mesure d'exposer à ses ayants droits les tenants et aboutissants d'un projet que lui-même ne maîtrisait pas. Il s'ensuit que la «'lettre-type'» signée de M. [A] [R] en date du 20 octobre 2000 [pièce de M. [Z] [K] et de Mme [ZE] [K] n° 14] n'a aucune valeur.
Il n'est pas contesté que la banque Eurofin n'a jamais réuni les enfants ou petits-enfants de
M. [R] et ne leur a jamais transmis quelque information que ce soit.
De toute manière et fondamentalement, le défaut d'information, de conseil et de mise en garde est patent, puisque ce n'est pas le schéma présenté à M. [A] [R] qui a été mis en 'uvre, mais un autre, totalement différent du premier et dont nul n'a été informé.
Il s'ensuit que M. [A] [R] n'a pu accepter l'abandon du premier schéma au profit d'un second, qui ne lui a pas été présenté, et il est impossible que ses enfants et petits-enfants aient pu en être informés par son intermédiaire, a fortiori qu'ils aient pu donner leur accord par son truchement..
À titre de pure hypothèse, à admettre que le second schéma ait été présenté et accepté, la banque eût été tenue d'une obligation de mise en garde quant au risque présenté au niveau de la constitution de la provision au sein de la Sicav.
Il ne saurait être tiré argument des courriers des 20 et 25 novembre 2000 pour soutenir que la banque a exécuté ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde.
En effet :
Les courriers des 20 et 25 octobre 2000 ne sont que des lettres-types soumises à la signature des consorts [K], dépourvues de toute information sur la portée de leurs termes [pièce de M. [Z] [K] et de Mme [ZE] [K] n° 15, pièce de la société H.S.B.C. Private Bank n° 2].
Il est inopérant que chacun des signataires déclare avoir pris connaissance «'du projet de diversification de 25% des actions Carrefour'», puisque aucun n 'a été convié à une réunion, ni n'a reçu le moindre document d'information , ce que la société H.S.B.C. ne conteste d'ailleurs pas, puisqu'elle affirme, à l'inverse, qu'elle n'était tenue d'aucune obligation envers les enfants et petits-enfants, avec lesquels elle n'avait aucun lien contractuel.
De toute façon, les appelants n'auraient jamais du avoir connaissance que du premier schéma, puisque le second, seul mis en 'uvre, n'a été présenté à personne.
Les consorts [K] font observer que le paragraphe aux termes duquel chacun d'eux déclarait avoir pris connaissance du projet de diversification était ainsi rédigé :
«'J'ai pris bonne note que l'opération d'apport de titres génèrera un impôt de plus-values dont je serais redevable en tant que nu-propriétaire. Cet impôt sera financé grâce à la donation partielle d'usufruit prévue à cet effet l'année prochaine par mon beau-père et père adoptif'».
Dès lors qu'il est démontré que le schéma choisi devait consister en la vente préalable de titres Carrefour, ce paragraphe doit être compris comme faisant référence à la donation d'usufruit sur le compte à terme extérieur à la Sicav. Les premiers juges ont commis une erreur en interprétant cette formule des lettres-types à la lumière du second schéma, alors qu'il est certain que ce schéma n'a jamais été proposé, donc été accepté, par les consorts [K].
Quant aux courriers échangés en octobre 2001, quelques soient leurs termes, ils ne sauraient s'analyser en un accord des consorts [K] sur le schéma mis en 'uvre, puisqu'à cette époque, aucun retour en arrière n'était plus possible.
L'absence de réaction des appelants s'explique tout simplement parce qu'ils n'ont rien pu comprendre à un schéma d'opération qui ne leur a tout simplement jamais été présenté, a fortiori expliqué.
Les consorts [K] rappellent que là encore l'argument de la banque H.S.B.C. selon lequel il appartenait aux notaires de conseiller leurs clients est d'une complète inanité, puisque ces officiers ministériels n'ont jamais été chargés de dresser des actes ponctuels, sans jamais être chargés de l'opération de diversification, qui relevait de la seule banque Eurofin.
On ne peut en outre que s'étonner, eu égard à l'importance des enjeux , un apport de plus de deux cents millions d'euros (200.000.000 €), générant un impôt de cinquante-quatre millions d'euros (54.000.000 €) sur les plus-values , du peu de temps consacré à l'organisation de l'opération : une rencontre avec M. [R] le 24 mars 1999, une présentation du projet le 27 mai 1999, quatre entretiens téléphoniques sur une période de dix-huit mois courant du 18 juin 1999 au 4 octobre 2000, l'envoi le 20 octobre 2000 aux consorts [K] de lettres-types à signer.
Pour égarer la vigilance de la Cour, la société H.S.B.C. Private Bank feint ne pas comprendre l'objet de l'instance : elle fait valoir qu'on ne peut rien lui reprocher dans la gestion de la Sicav, alors qu'il lui est reproché un manquement personnel à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde, manquement qui est nécessairement relatif à la conception du schéma de l'opération, à l'information sur ce schéma et à son exécution, et non à la gestion de la Sicav.
Très précisément, la banque Eurofin n'a eu de cesse de vanter aux consorts [R]/[K] la qualité et la disponibilité de ses équipes en matière d'opération de diversification de patrimoine.
Ainsi, dans un courrier du 30 octobre 1998, elle écrivait à M. [R] :
«'Nous avons constitué une équipe pour vous fournir toutes les informations dont vous pourriez avoir besoin'» [pièce de M. [Z] [K] et de Mme [ZE] [K] n° 1].
Dans un courrier ayant pour objet de préparer la réunion du 24 mars 1989, destinée à présenter le projet, l'établissement financier déclinait d'abord désirer «'présenter la banque Eurofin [...] : apporter notre conseil dans le choix de vos décision ' trouver une solution à vos besoins de trésorerie ' réduire le risque que représentent les actions Carrefour [...] ' optimiser votre fiscalité'».
En page 4 de ce document, la banque vantait la qualité de son activité de gestion privée :
«' Aujourd'hui, la gestion privée est le métier principal de notre établissement. Au sein du groupe C.C.F., la banque Eurofin, reconnue pour ses qualités de discrétion, de compétence et de savoir-faire, conseille les grandes fortunes familiales'».
La banque présente ensuite son activité «'gestion d'actifs'» dans les termes suivants :
«'Notre rôle est de vous aider à : [...] analyser continuellement la cohérence des investissements effectués par rapport à l'orientation de votre gestion ; le gérant, par sa connaissance globale de votre situation patrimoniale, prend en compte l'impact fiscal et patrimonial'» [pièce de M. [Z] [K] et de Mme [ZE] [K] n° 2].
En outre, deux documents de la banque Eurofin des 27 mai et 21 septembre 1999, présentent l'intérêt de faire une donation temporaire d'usufruit de titre à une fondation et de constituer un Sicav multigérants.
Enfin, dans la note de présentation, la banque Eurofin ne se présente pas comme un dépositaire, mais comme le promoteur de la Sicav Généractions.
Il est donc insoutenable de la présenter comme un simple dépositaire.
h)S'agissant du préjudice,
Les appelants s'attachent à réfuter les deux arguments principaux des sociétés intimées.
En premier lieu, les pertes invoquées sont effectives, et aucunement latentes : elles correspondent très exactement à la baisse de la valeur des actions de la Sicav Généraction entre la date de leur souscription lors de sa création de la Sicav et leur valeur après rachat par les consorts [K].
Il s'agit donc d'un préjudice tout-à-fait effectif.
Les manquements commis par la Banque Eurofin sont la cause d'un préjudice qui correspond exactement à la différence entre les deux valeurs.
Par ailleurs, la banque H.S.B.C. soutient que les consorts [K] n'ont pu subir aucun préjudice, puisque les sommes destinées au paiement de l'impôt ont été «'sécurisées'» au sein de la Sicav.
Les sommes destinées au paiement de l'impôt n'ont nullement été «'sécurisées'» au sein de la Sicav, très simplement elles ne pouvaient l'être, puisque, par définition, la valeur des parts d'une Sicav est fluctuante et qu'en pratique, leur valeur a baissé de 40% pendant le temps de l'opération.
Il est non seulement complètement faux, mais encore incohérent d'affirmer que «'le patrimoine des consorts [K] est resté identique'» : dès lors qu'il y a eu baisse sensible de la valeur des parts de la Sicav, qui constitue un des éléments du patrimoine (au sens économique, et non juridique, du terme) des clients, ce patrimoine n'a pu rester identique, mais a perdu de sa valeur.
En conclusion, si le premier schéma, seul présenté et seul accepté, avait été mis en 'uvre, les liquidité destinées à payer l'impôt auraient été sécurisées en dehors de la Sicav, ne serait-ce que sur un banal compte non soumis aux aléas boursiers, de sorte qu'il n'aurait pas été nécessaire de racheter des parts de Sicav, dont la valeur avait considérablement baissé avec l'effondrement boursier.
Les appelants soulignent ne pas demander réparation de l'aléa boursier, car ils sont parfaitement conscients que tout détenteur de titres y est soumis ; ils demandent réparation du préjudice subi par la faute de la banque Eurofin, qui, en mettant en application un schéma que ses cocontractantes n'avaient pas accepté, et dont ils n'avaient pas même été informés, a commis une faute qui constitue la cause du dommage dont ils demandent réparation.
En conclusion, les appelants se demandent comment la banque peut soutenir qu'ils étaient parfaitement informés et ont accepté l'opération expliquée à M. [R] et acceptée par celui-ci, alors que, primo, strictement rien ne permet d'affirmer qu'un second schéma ait jamais été présenté à M. [R] et que tout fait pencher pour l'inverse, secundo, qu'aucun des documents produits aux débats ne comporte la moindre information relative au risque d'un schéma quelconque, ce qui caractérise le manquement au devoir d'information et de conseil, tertio, que M. [R] ingénieur des Mines parfaitement étranger au monde des opérations foncières aurait été bien en peine d'informer ses enfants et petits-enfants sur les risques de l'opération préconisée, quarto, que la banque soutient simultanément qu'elle n'avait aucun devoir d'information envers les consorts [R], qui n'étaient pas ses clients, mais qu'ils ont été cependant pleinement informés par leur père et grand-père.
En vérité, l'examen des documents établis par la banque Eurofin en 1999 et 2000 démontre qu'elle n'a jamais proposé que le premier schéma, même si la lecture de la présentation du 21 septembre 1999 n'était pas des plus aisée, ce qui suffit à montrer les lacunes de la banque
dans l'exécution de son devoir de conseil et d'information, alors qu'elle a exécuté un second schéma, défectueux, défavorable à leurs intérêts, mal exécuté, et que cette conception et cette exécution fautives constituent les causes exclusives et directes du préjudice dont ils demandent réparation.
Les appelants concluent qu'en droit, la confusion ne peut valoir information.
Aux termes de ses écritures signifiées le 13 novembre 2009, valant écritures récapitulatives, la société H.S.B.C.-Private Bank France, anciennement banque Eurofin, demande à la Cour : à titre principal, à l'égard des consorts [R], : de constater qu'elle a conçu l'opération litigieuse au regard des objectifs fixés par M. [A] [R] et dans le cadre de ses relations contractuelles avec lui, à l'exclusion de toute autre partie ; en conséquence, de dire qu'elle n'a aucun lien contractuel découlant de l'opération litigieuse avec les consorts [R] et qu'elle n'est donc débitrice d'aucune obligation à leur égard; de constater qu' en sa qualité de dépositaire de la Sicav Généraction, elle n'est débitrice d'aucune obligation à l'égard des consorts [R] ; de constater que les frais de courtage qu'elle a perçus ont été acquittés par la Sicav Généraction, société anonyme dotée de la personnalité morale et disposant de la capacité d'ester en justice ; en conséquence, de déclarer les consorts [R] irrecevables en toutes leurs demandes par application de l'article 122 du Code de procédure civile; à titre subsidiaire à l'égard des consorts [R] et à titre principal à l'encontre de M. [A] [R] : s'agissant de programme convenu avec M. [R], de constater que la banque a réalisé l'opération litigieuse conformément aux choix opérés par son client et respecté l'intégralité de ses obligations à son égard : de constater que l'opération décrite par les consorts [R] ne correspond en rien à celle qui a été convenue avec M. [A] [R] ; de constater, au vu des pièces produites, que les consorts [R] étaient parfaitement au courant de l'opération et avaient donné tout pouvoir à M. [A] [R] pour y procéder ; de débouter en conséquence les appelants de leurs demandes de dommages-intérêts ; sur les frais de courtage: de constater que le taux de frais de courtage de 0,25% n'est établi par aucun document contractuel ; de constater que le taux habituellement pratiqué par la concluante pour les opérations de bourse en France est de 1,18% du montant brut des opérations ; de constater que le taux de courtage de 0,65% correspondait au tarif négocié par la société Eurofin au titre des frais de courtage de la Sicav Généraction ; de débouter en conséquence les consorts [R] de leur demande de paiement de la somme de cinq cent quarante-trois mille six cent quatre-vingt-dix-six-sept euros (543.697 €) au titre des frais de courtage ; à l'égard de Mmes [H] et [Y] [K] et de leurs six enfants de constater que ces appelants n'ont subi aucun préjudice moral ; en conséquence, de les débouter de leur demande de deux cent vingt mille euros (220.000 €) à titre de dommages-intérêts ; en tout état : de condamner les consorts [R] à lui payer la somme de deux cent mille euros (200.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; de les condamner aux dépens.
Au soutien de ses demandes, la société H.S.B.C.-Private Bank France développe les arguments de fait et de droit suivants :
M. [A] [R] était propriétaire d'un très grand nombre d'actions Carrefour.
Suivant actes notariés des 28 août 1979 et 27 avril 1992, il avait consenti une donation-partage à ses enfants et petits-enfants de la nue-propriété de quatre millions trois cent quatre-vingt-un mille trois cent quatre-vingt-douze (4.381.392) de ces actions. Il en conservait la nue-propriété et, à ce titre, était redevable de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Courant 1999, M. [A] [R], qui souhaitait alléger son imposition, d'une part, réduire son exposition aux fluctuations éventuelles du titre Carrefour, qui constituait l'essentiel de son patrimoine, d'autre part, a consulté la banque Eurofin pour mettre au point une opération à ces fins.
La société intimée souligne que M. [R] a consulté ses notaires habituels, Mes [B] et [YU] tout autant que la banque Eurofin.
La société H.S.B.C.-Private Bank France souligne que la solution qui a été retenue, à l'issue d'une longue réflexion sur les enjeux patrimoniaux et fiscaux de l'opération, a été le choix de M. [R].
Ce choix s'est arrêté sur le programme suivant :
1.- donation temporaire de quatre millions trois cent quatre-vingt- un mille trois cent quatre-vingt-douze (4.381.392) actions Carrefour à une fondation de son choix, l'Institut de France;
2.- apport de ces actions à une SICAV multi-gérants dénommée Généractions, créée pour l'occasion, avec report automatique de la donation temporaire d'usufruit à l'Institut de France sur les parts de la SICAV ainsi créée, les consorts [R] en demeurant nus-propriétaires ;
3.- diversification financière réalisée par la SICAV par cession des actions Carrefours sur une durée de six mois, conformément aux ratios réglementaires ;
4.- paiement de l'impôt sur la plus-value générée par la cession des titres Carrefour à la Sicav; à cette fin, il était prévu : a) de vendre dans le délai imparti pour l'opération de diversification, soit six mois, le nombre de titres Carrefour nécessités pour constituer une réserve destinée au paiement de l'impôt sur les plus-values, b) à l'expiration de la donation temporaire à l'Institut de France, de remembrer les actions Généractions par abandon de l'usufruit par M. [A] [R] au profit de ses enfants et petits-enfants, nus-propriétaires et c) de procéder au rachat des actions Généractions ainsi remembrées par les consorts [R], afin de régler l'impôt.
La mise en 'uvre de ce programme s'est déroulée conformément à ce qui avait été convenu:
1.- suivant acte notarié du 16 juillet 1999, renouvelé le 19 septembre 2000, M. [R] a fait donation temporaire de l'usufruit des actions Carrefour à l'Institut de France, le donateur se réservant le droit d'apporter la nue-propriété de ces actions à toute société de son choix.
2.- par lettre du 20 octobre 2000 à la banque Eurofin, M. [R] a confirmé son instruction de souscription à la Sicav Généraction ; le 2 novembre 2000, M. [R] et les consorts [R] [i.e. ses enfants et petits-enfants nus-propriétaires] ont souscrit deux cent treize mille huit cent vingt-deux (213.822) actions de la Sicav Généraction par apport de deux millions six cent trente-neuf mille sept cent trente-huit (2.639.738) titres Carrefour ; ces actions ont été immédiatement démembrées après souscription, l'usufruit revenant à l'Institut de France jusqu'au 18 septembre 2001, les consorts [R] demeurant nus-propriétaires ;
3.- la diversification financière a été réalisée dans les six mois qui ont suivi la sous-délégation de la Sicav au profit des sociétés N.S.M.-Gestion et B.N.P.-Asset Management ; cette diversification a été un succès, puisque la performance globale de la Sicav Généraction a été non seulement meilleure que celle de l'action Carrefour, mais encore que celle de l'indice de référence retenu pour cette Sicav ;
4.- l'impôt sur cet apport s'élevait à la somme de cinquante millions d'euros (50.000.000 €), payable par les consorts [R], nus-propriétaires, les 17 septembre et 15 novembre 2001.
Pour disposer des sommes nécessaires au règlement de l'impôt sur les plus-values, il a été procédé suivant les modalités convenues, à savoir :
1.- constitution de la réserve pour impôt par vente d'un nombre suffisant d'actions Carrefour, dans le délai de six (6) mois prévu pour procéder à la diversification ;
2.- remembrement des actions Généraction à l'expiration de la donation temporaire d'usufruit consentie à l'Institut de France, le 18 septembre 2001, par donation d'usufruit par M. [R] au profit de ses enfants et petits-enfants pour parvenir à ce remembrement ;
3.- rachat par les consorts [R] des actions Généraction ainsi remembrées, afin de régler l'impôt.
S'agissant de la mise en vente des actions Carrefour, la société H.S.B.C.-Private Bank France précise que cinq cent mille (500.000) actions ont été vendues les jeudi 2 et vendredi 3 novembre 2000 au cours de quatre-vingts euros quatre-vingts centimes (80,80 €). À la reprise des cours, le lundi 6 novembre 2000, le cours avait chuté à soixante-dix euros
(70 €) ; il a donc été décidé d'interrompre la vente dans l'attente d'une remontée du cours, annoncée par les analystes. Le titre n'ayant jamais retrouvé son niveau initial, les ventes ont été reprises en mars 2001, deux cent quinze mille (215.000) actions étant alors cédées à un
cours de soixante-trois euros et vingt-cinq centimes (63,25 €) . Il a donc été vendu au total sept cent quinze mille cinq cents (715.500) actions à un cours moyen de soixante quinze euros cinquante sept centimes (75,57 €). Cette réserve a été placée à l'intérieur de la SICAV sur des supports rémunérés jusqu'à la fin de la donation temporaire d'usufruit. À la suite de la donation effectuée par M. [R] le 19 septembre 2001, les donataires ont procédé le lendemain à la vente de dix huit mille sept cent trente-deux (18.732) actions Généractions pour un prix total de cinquante-trois millions neuf cent quatre-vingt-dix-huit mille huit cent quarante-neuf euros (53.998.849 €).
Ceci énoncé, la société H.S.B.C.-Private Bank France souligne que l'argumentation des consorts [R] s'est modifiée en cours de procédure.
En effet :
Les consorts [R] avaient assigné en responsabilité la société H.S.B.C.-Private Bank France et la société H.S.B.C.-Private Wealth Managers en invoquant des fautes commises dans l'exécution du programme convenu avec M. [A] [R].
En première instance, il n'était pas contesté que ce programme prévoyait que :
1.- c'est l'intégralité des actions Carrefour destinées à l'opération de diversification qui était apportée à une Sicav ;
2.- l'apport concernait des actions démembrées en raison de la donation temporaire faite par
M. [R] à l'Institut de France;
3.- la vente des titres Carrefour destinés à provisionner l'impôt sur les plus-values, payable un an plus tard, devait se faire au sein de la Sicav ;
4.- le paiement de l'impôt sur les plus-values intervenait à l'expiration de la donation temporaire d'usufruit.
Par contre, les parties divergeaient sur la manière dont aurait dû être provisionné l'impôt :
Les consorts [R] soutenaient : primo, qu'une fois les actions Carrefours apportées à la Sicav, la banque Eurofin aurait dû en vendre un nombre suffisant pour provisionner le montant de l'impôt sur les plus-values ; secundo, que le produit des cessions d'actions aurait dû être immédiatement extrait de la Sicav pour être placé sur des comptes rémunérés.
La société H.S.B.C.-Private Bank France contestait ces deux points.
En cause d'appel, si les demandes pécuniaires des consorts [R] restent globalement semblables, leur argumentation relative aux fautes s'est totalement modifiée.
À un premier stade de leurs écritures d'appel, les consorts [R] ont d'abord reproché à la banque Eurofin de ne pas avoir provisionné le paiement de l'impôt en cédant 25% des actions Carrefour avant tout apport à la Sicav.
Dans leurs dernières écritures, ils font grief à la banque de ne pas avoir cédé l'intégralité des actions Carrefour destinées à l'opération de diversification, 25% des liquidités obtenues étant placées à l'extérieur de la Sicav, 75% étant investies dans celle-ci.
Ainsi, dans ce dernier état de leurs écritures, les consorts [R] soutiennent donc que l'opération aurait dû consister en l'apport de liquidités et non de titres à la Sicav.
Selon les appelants, la banque aurait, à tort, renouvelé la donation temporaire d'usufruit en septembre 2000, avant la création de la Sicav en novembre 2000, et empêché ainsi la cession des actions Carrefour ainsi démembrées. C'est cette erreur qui aurait obligé la banque à bouleverser l'opération, et donc à apporter des titres, et non des liquidités, à la Sicav.
En vérité, les appelants tentent de faire supporter à la banque les conséquences d'une évolution à la baisse des marchés pendant la période considérée.
Pour ce faire, ils présentent l'opération suivant des termes fondamentalement différents de ceux convenus entre M. [R] et la banque Eurofin.
La société H.S.B.C.-Private Bank France attire l'attention de la Cour sur l'analyse de cinq (5) pièces produites par les appelants, à savoir les pièces numérotées 4, 8, 10, 11 et 16 dans leur bordereau de communication.
1.- La pièce n° 4 (ex-pièce n° 8) constitue le pivot de l'argumentation des consorts [R].
En première instance, ils en ont déduit que la vente des actions Carrefour nécessaires au paiement de l'impôt aurait dû avoir lieu immédiatement au sein de la Sicav, le produit de la cession devant en être extrait immédiatement après.
En cause d'appel, ils se sont d'abord appuyés sur ce document pour soutenir que la provision pour impôt aurait dû être constituée en dehors de la Sicav.
Aux termes de leurs dernières écritures, ils soutiennent que cette pièce correspond au schéma qui avait été convenu entre M. [R] et la banque, et que celle-ci n'a pas appliqué.
Or, soutient la société H.S.B.C.-Private Bank France, cette pièce correspond à un programme qui a été écarté par M. [R] : dans cette hypothèse, l'intégralité des titres Carrefour consacrés à l'opération de diversification aurait été cédée avant tout apport à la Sicav, seules étant apportées à celle-ci des liquidités, et non des titres.
Le programme a été écarté par M. [R], qui a préféré un programme comportant l'apport à la Sicav des actions Carrefour.
Si la scénario convenu avait prévu l'apport de liquidités à la Sicav, il est étonnant que ni
M. [R], ni les notaires qui le conseillaient n'aient réagi à de nombreux courriers faisant état de la souscription à une Sicav par apport de titre, ni ne se soient inquiétés de ce qu'il n'ait été procédé à aucune cession de titre Carrefour préalablement à la souscription.
Dans une telle hypothèse, il aurait fallu vendre au préalable deux millions six cent soixante-quatorze mille deux cent vingt-quatre (2.674.224) titres, correspondant, sur la base d'un cours de quatre-vingts euros et quatre-vingts centimes (80,80 €) à un produit d'environ deux cent seize millions d'euros (216.000.000 €).
La société H.S.B.C.-Private Bank France fait valoir que ses contradicteurs dénaturent ses écritures en première instance en soutenant qu'elle y aurait reconnu que le schéma de la vente préalable des titres Carrefour aurait été «'le plus simple et le plus facile'».
Très différemment, alors que les consorts [R] soutenaient devant les premiers juges que la vente des actions destinée à provisionner le paiement de l'impôt aurait dû avoir lieu immédiatement au sein de la Sicav pour être en être extrait aussitôt après, elle s'était bornée à objecter que l'argument était dépourvu de pertinence, car, à admettre cette hypothèse, il aurait été alors été plus aisé et moins coûteux de vendre immédiatement les actions nécessaires au paiement de l'impôt plutôt que de les vendre par l'intermédiaire d'une Sicav pour immédiatement après céder les parts de Sicav correspondantes.
Il s'agissait simplement de rappeler que l'objection des consorts [R] était dépourvue de logique, et nullement d'admettre qu'il avait été prévu de vendre les actions dédiées au paiement de l'impôt immédiatement et hors de la Sicav.
2.- S'agissant des tableaux annexés aux pièces numérotées 4, 8, 10 et 11, les appelants soutiennent que ces documents démontrent que 25% des actions Carrefour devaient être vendues avant la création de la Sicav afin de constituer la provision, les 75% restant devant être apportées à la Sicav.
Or, réplique la société H.S.B.C.-Private Bank France, ces tableaux n'ont pas une telle signification :
Ils démontrent seulement que l'opération de diversification envisagée par M. [R] portait sur 25% des titres Carrefour détenus en nue-propriété par les consorts [R] et qu'une partie de ces titres était destinée à être cédée pour constituer la provision pour impôt.
3.- S'agissant de la pièce n° 16, il s'agit d'un courrier de M. [GM], salarié de la banque chargé de la mise en 'uvre de l'opération à M. [K], un des appelants. Il y est joint une note intitulée «'description des modes de financement de l'impôt sur la plus-value résultant des apports de titre Carrefour à la SICAV Généraction en novembre 2007'».
La société H.S.B.C.-Private Bank France estime que cette note confirme que l'intégralité des actions Carrefour destinées à l'opération de diversification devait être apportée à la Sicav.
La société intimée souligne qu'alors qu'en première instance, les consorts [R] s'appuyaient sur cette pièce, en cause d'appel, puisqu'elle contredit leur nouvelle argumentation, ils lui dénient toute valeur probante.
Ces pièces ayant été discutées, la société H.S.B.C.-Private Bank France axe son argumentation sur deux fondements principaux : à titre subsidiaire, la demande des consorts [R] est irrecevable ; à titre subsidiaire, elle est mal fondée, la banque n'ayant fait que se conformer au schéma contractuel conclu avec son client, M. [A] [R].
Les appelants sont irrecevables à agir contre la société H.S.B.C.-Private Bank France venant aux droits de la société Eurofin, conformément aux articles 1134, 1147 et 1147 du Code civil, des dispositions du règlement général du Code des marchés financiers reprises par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, du règlement n° 96-03 de la Commission des opérations de bourse et de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier.
La banque n'est débitrice d'aucune obligation contractuelle à l'égard des consorts [R], d'une part, ceux-ci n'ont pas qualité à agir en remboursement des frais de courtage, d'autre part,
il n'existe pas de rapport contractuel entre la banque Eurofin et les consorts [R].
La banque Eurofin n'a jamais eu aucun lien contractuel avec les enfants et petits-enfants de
M. [A] [R] : ceux-ci ne peuvent donc agir en responsabilité contre elle en arguant d'une mauvaise conception et/ou d''une exécution du programme convenu.
Le montage litigieux n'a été conçu que par M. [R] et la banque.
Au stade de l'élaboration du montage, il n'existe aucun lien contractuel avec les consorts [R]. La banque n'a eu aucun contact avec eux ; ils ne contestent d'ailleurs pas qu'ils ne lui ont jamais donné de mandat écrit.
Pour la réalisation de la mise en 'uvre de l'opération, la banque Eurofin a dû solliciter le concours des nus-propriétaires pour l'établissement de certains actes, puisque les consorts [R] ont apporté à la Sicav leurs droits de nus-propriétaires des titres. Pour autant, cet apport n'a pas créé un rapport contractuel, encore moins un mandat, ce qu'ont exactement énoncé les premiers juges.
Quant au paiement de l'impôt, celui-ci a été acquitté par M. [A] [R] par abandon de son usufruit aux nus-propriétaires.
L'opération répondait à deux objectifs, qui avaient été déterminés par M. [R] : alléger son imposition ; diversifier son patrimoine pour réduire son exposition au risque Carrefour. Ces objectifs ont été atteints.
Enfin, les dispositions du règlement général du Code des marchés financiers reprises par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, du règlement n° 96-03 de la Commission des opérations de bourse et de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier ne peuvent s'appliquer à la banque Eurofin qu'en qualité de dépositaire habilitée d'une Sicav. Or, l'obligation de conseil et d'information n'est due par le prestataire habilité qu'à la société de gestion (en l'espèce, la société Eurofin Gestion) et de la Sicav (la Sicav Généraction), mais en aucun cas envers les actionnaires de la Sicav.
Il s'ensuit que la banque Eurofin, qui n'a pas contracté avec les consorts [R], n'avait aucune obligation d'information ou de conseil envers eux.
Les consorts [R]/[K] n'ont pas qualité à agir s'agissant des frais de courtage :
Les frais de courtage ont été acquittés par la SICAV Généractions, qui seule aurait qualité à agir en remboursement.
En outre, à la date de délivrance de l'assignation, la SICAV Généractions existait toujours, puisqu'elle n'a été dissoute que le 9 août 2005.
Par ailleurs, la jurisprudence n'admet l'action d'un ancien associé de la SICAV après clôture de liquidation que lorsque les actifs en cause correspondent à une créance certaine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Seule la SICAV, à l'exception de ses associés, aurait donc eu qualité à agir.
Les demandes des consorts [R] ne sont pas fondées :
La société H.S.B.C.-Private Bank France souligne que la banque Eurofin n'a fait que mettre en 'uvre le schéma déterminé par M. [R], de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. De plus, aucun préjudice n'est démontré. Enfin, le taux de frais de courtage pratiqué pour les premières ventes d'action (0,25%) n'avait aucun caractère contractuel.
S'agissant des fautes alléguées, la société intimée souligne les points suivants :
L'opération a été conçue sur la base d'actions Carrefour démembrées.
Certes, tous les projets et actes de donation permettaient à M. [R] de conserver la libre disposition de son usufruit pour certaines opérations limitativement énumérées, dont l'apport à une société ou leur cession pure et simple, sous réserve de reporter la donation temporaire d'usufruit sur les titres émis par cette société.
Il n'a donc jamais été convenu, comme le prétendent les consorts [R], d'un «'créneau'» pendant lequel M. [R] aurait retrouvé l'usufruit de ses actions Carrefour pour que tout ou partie en soient cédées pour provisionner le paiement de l'impôt avant d'apporter les titres restant à la Sicav
La création de la Sicav n'était donc pas dépendante d'un renouvellement de la donation temporaire d'usufruit.
M. [R] a donné son accord pour apporter à la Sicav la totalité des actions Carrefour consacrées à l'opération de diversification.
Suivant acte notarié du 19 septembre 2000, la donation temporaire d'usufruit a été renouvelée pour la totalité des actions Carrefour détenues par M. [R].
Par lettre du 20 octobre suivant, M. [R] a donné son accord pour la souscription de la Sicav par apport de la totalité des actions Carrefour démembrées et consacrées à l'opération de diversification.
Par lettres des 20 et 25 octobre 2000, ses enfants et petits-enfants, nus-propriétaires, ont confirmé avoir pris connaissance de l'opération.
La constitution de la provision pour impôt devait être faite à l'intérieur de la Sicav :
L'ensemble des consorts [R] ont été informés de ce que l'apport des titres à la Sicav déclencherait l'obligation de régler l'impôt sur la plus-value un an plus tard, le montant de cette imposition étant fonction de la valeur du titre au jour de l'apport.
En première instance, les consorts [R] reconnaissaient que la provision devait être constituée au sein de la Sicav, mais reprochaient à la banque Eurofin de n'avoir pas vendu immédiatement, au sein de la Sicav, un nombre de titres suffisants pour provisionner le montant de l'impôt.
En cause d'appel, ils font valoir que cette provision aurait dû être constituée avant tout apport à la Sicav.
En réalité, les documents contractuels prévoyaient que la détermination et l'exécution de la stratégie de vente des actions Carrefour aient lieu dans un délai de six mois, sans établir de distinction entre la cession des actions à une fin de diversification et la cession en vue de constituer la provision.
La société H.S.B.C.-Private Bank France cite à l'appui cet extrait du programme approuvé par M. [R] :
«'- Quatrième trimestre 1989 : Détermination de la part et de la nature des actifs à diversifier. Déclaration au pacte d'actionnaire. Préparation du dossier de la Sicav.
- Janvier 2000 : Création de la Sicav. Mise en place de la stratégie de vente. Exécution des ventes'» [phrase soulignée par l'intimée].
d.- Le calendrier de mise en place de la Sicav et de la souscription a certes été ralenti, mais ce retard n'a en rien modifié la séquence des évènements prévus :
Par lettre du 12 avril 2000, M. [GM], le salarié de la banque Eurofin en charge de son dossier, écrivait à M. [R] :
«'Juin 2000 : Détermination et exécution de la stratégie de vente des actions (durée 6 mois).
Juillet 2000 : Souscription des actions de la Sicav ' Généractions '.
Renouvellement de l'acte de donation de l'usufruit à la fondation.
Juillet 2001 : Donation partielle de l'usufruit aux nus-propriétaires.
Modification de l'acte de donation de l'usufruit à la fondation.
Septembre 2001 : Paiement de l'impôt des plus-values par les nus-propriétaires'».
La société H.S.B.C.-Private Bank France souligne que le processus a été ralenti en raison des formalités nécessaires à la mise en place de la Sicav (appel d'offres pour les gestionnaires, diverses simulations et constitutions), mais que M. [R] a toutefois été régulièrement avisé de l'avancement des opérations par lettres des 25 avril et 12 juillet 2000.
Les ventes d'actions ont été effectuées avec soin et diligence :
Les ventes se sont échelonnées de novembre à mars 2001, donc en respectant le calendrier prévu avec M. [R].
La banque Eurofin a souhaité répartir les ventes sur plusieurs jours de bourse : en effet, la mise en vente de plus de six cent mille (600.000) actions en une seule journée aurait eu des conséquences importantes sur la stabilité du cours. Lorsque le lundi 6 novembre 2000, jour où les ventes devaient être reprises, le cours a brutalement chuté, la banque Eurofin a suspendu l'opération de cession en bourse, ce qui relevait de la sagesse, puisque, à l'époque, les analystes prévoyaient une remontée du cours. Nul ne pouvait prévoir, et n'a prévu, que l'action Carrefour ne retrouverait jamais le cours de quatre-vingts euros et quatre-vingts centimes (80,80 €) qui était le sien les 2 et 3 novembre 2000.
Les actions Carrefour n'ont jamais retrouvé leur cours des 2-3 novembre 2000. En mars 2001, les analystes recommandaient de les conserver, mais avec des objectifs revus à la baisse, se situant entre soixante-deux euros (62 €) et soixante-dix-huit euros (78 €) à terme.
C'est dans ce contexte que la banque Eurofin a vendu, les 2, 5, 6 et 7 mars 2001 deux cent quinze mille cinq cents actions (215.500 actions) à un cours moyen de soixante-trois euros et vingt-cinq centimes (63,25 €), générant un prix de treize millions six cent trente-et-un mille sept cent quatre-vingt-sept euros et soixante-treize centimes (13.631.787,73 €).
C'est pourquoi la décision de la banque Eurofin n'a fait l'objet d'aucune critique à l'époque.
Le placement du produit de la vente des actions Carrefour ne peut donner lieu à critique :
La société H.S.B.C.-Private Bank France souligne que les consorts [R] n'ont pas repris en cause d'appel leur argument suivant lequel, aussitôt les titres Carrefour vendues, les liquidités nécessaires au paiement de l'impôt aurait dû être placées à l'extérieur de la Sicav ' pour cette raison, souligné l'intimée, l'argument ne cadre plus avec la nouvelle argumentation des consorts [R].
En fait, la réserve ainsi constituée a été placée sur un compte séparé en dépôts à terme et en Sicav monétaire ouvert, comme il était convenu, au nom de la Sicav Généractions, et ce jusqu'à la fin de la donation temporaire d'usufruit consenti à l'Institut de France et au paiement consécutif de l'impôt sur la plus-value.
La société intimée fait observer que, la Sicav Génération étant propriétaire des actions cédées, il n'était pas concevable que leur prix de vente fût placé autrement qu'en son nom.
Le paiement de l'impôt sur les plus-values s'est effectuée de manière tout-à-fait normale :
Il était prévu que le montant de l'impôt serait financé par l'abandon d'usufruit consenti par
M. [R] à l'expiration de la donation temporaire sur un certain nombre de parts Généractions, puis par rachat de ces parts par la Sicav. Il n'a donc jamais été question d'abandon d'usufruit sur les liquidités issues de cessions de titres antérieures à la création de la Sicav.
À cet égard, à la suite d'une réunion organisée le 14 mai 2001 par la société Eurofin avec
M. [Z] [K] et Me [YU], notaire, en vue de programmer et prévoir les détails de l'opération, la banque a envoyé une lettre à M. [A] [R], le 23 mai 2001, dans laquelle il était confirmé que celui-ci abandonnerait son usufruit sur la part d'actions nécessaires à payer l'impôt sur les plus-values dûes par ses enfants et petits enfants.
Les termes de cette lettre ont été repris par un courrier adressé le 23 mai 2001 à chacun des enfants et petits-enfants. Il y était notamment indiqué :
«'Afin de permettre à chacun d'entre vous d'acquitter son impôt, M. [A] [R] a prévu, pour chacune des personnes concernées, de renoncer à son usufruit temporaire sur un nombre de parts ' Généractions ' dont la pleine propriété correspond au total de l'impôt à payer dans le cadre de l'opération de diversification (impôt sur les plus-values, C.S.G. et C.R.D.S.).
Me [YU] va se charger de faire signer des procurations à chacun des membres concernés [...] concernant l'acceptation de cet abandon d'usufruit, ce qui permettra à la signature de l'acte au début du mois de septembre et autorisera ainsi la mise en place des facilités de caisse et la cession des titres ' Généractions ' au moment de leur remboursement'» [soulignement de l'intimée].
C'est ainsi que, le 19 septembre 2001, soit à l'échéance de l'usufruit temporaire consenti à l'Institut de France, M. [R] a pu consentir à ses enfants une donation d'usufruit sur quinze mille deux cents (15.200) actions de la la Sicav Généraction.
Il est donc faux de soutenir, comme le font les appelants, que la banque Eurofin a substitué un programme non prévu et inadapté à celui qui avait été convenu :
De toute manière, le préjudice est inexistant :
La société H.S.B.C.-Private Bank France conteste l'argumentation des consorts [R], suivant lesquels les deux données fondamentales du montage le choix d'une Sicav, le choix de la constitution de la provision d'impôt à l'intérieur de celle-ci étaient inappropriées et leur a causé un dommage.
S'agissant du choix du système de la Sicav, les consorts [R]/[K] reprochent à la banque d'avoir proposé un montage avec une Sicav, alors que l'apport des titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés aurait permis d'éviter le paiement de l'impôt sur les plus-values.
Ce grief est erroné, car : primo, un tel montage aurait été immédiatement remis en cause par l'administration fiscale, puisqu'il n'avait pas pour objet la poursuite d'une activité commerciale ou industrielle, mais une gestion patrimoniale; secundo, un tel système aurait laissé une moins grande souplesse de gestion qu'une Sicav ; tertio, la sortie de liquidités d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés est très défavorable fiscalement.
S'agissant du choix de la constitution de la provision au sein de la Sicav, suivant les appelants, le seul choix valable aurait consisté à constituer la provision pour impôt avant la création de la Sicav, afin de mettre cette provision à l'abri des fluctuations du titre Généraction : le fait d'avoir constitué d'abord la Sicav en y incluant la provision pour impôt a généré un préjudice correspondant au prix de ces parts supplémentaires, soit dix-huit millions deux cent trente mille huit cent onze euros et trente-huit centimes
(18.230.811,38 €).
Or, ce grief est imaginaire :
Tout d'abord, l'obligation de vendre un nombre d'actions supérieur à ce qui avait été prévu n'a nullement pour cause une faute de la banque, mais la baisse des marchés boursiers en général, de l'action carrefour en particulier. Si le cours de l'action n'avait pas fortement baissé, il n'aurait pas été nécessaire de vendre plus d'actions qu'initialement envisagé : la banque ne peut être tenue pour responsable de la chute du cours de Carrefour.
En second lieu, les consorts [R] ne peuvent sérieusement arguer qu'ils n'étaient pas au courant d'une telle éventualité, puisqu'un de leurs notaires l'avait formellement envisagée dans un courrier du 19 juin 2001.
Enfin et surtout, le rachat des parts de la SICAV n'a pu occasionner aucune perte pour les consorts [R].
Il est essentiel à ce stade d'exposer précisément l'argumentation de la société intimée :
La provision d'impôt a été conservée au sein de la SICAV sous forme de liquidités placées sur un compte à terme. De la sorte, au moment du paiement de l'impôt sur les plus-values, il n'a pas été nécessaire de procéder à la vente de titres dont la SICAV aurait été propriétaire et qui aurait généré une baisse du fait de la chute des marchés. Au contraire, la SICAV a simplement procédé à un rachat de ses parts en les réglant avec les liquidités qu'elles détenaient sur un compte et qui, évidemment, n'avaient pas varié, puis a procédé à l'annulation des parts correspondantes.
Certes, en septembre 2001, la valeur liquidative des parts Généractions ayant baissé, il a été nécessaire de racheter davantage de parts pour parvenir à une sortie de cinquante-quatre millions d'euros (54.000.000 €). Pour autant, le patrimoine des consorts [R] est demeuré identique, puisque la SICAV leur a restitué la trésorerie initialement constituée et n'a subi aucune perte, puisqu'aucune cession de titres n'a été nécessaire.
Enfin, la SICAV étant un véhicule à capital variable transparent, le nombre de parts n'a aucune importance dans la mesure où il est simplement fonction de la valeur des actifs qu'elle détient ; après rachat, ces parts sont purement et simplement annulées. Le nombre de parts est donc dénué de toute pertinence lorsqu'il s'agit d'évaluer la situation financière de l'investisseur.
Non seulement l'opération n'a causé aucun préjudice aux consorts [R], mais elle leur a été bénéfique. L'évolution de la valeur liquidative de la SICAV est uniquement due à la détérioration du contexte boursier. La mise en place de la SICAV a précisément permis d'atténuer les effets de cette baisse, puisque, sans la diversification opérée, la valeurs des actions aurait baissé de 55,05%, alors que celles de la SICAV n'ont perdu que 40,34%.
Enfin, le taux initial de courtage n'avait aucun caractère contractuel :
S'agissant des ventes des titres Carrefour, des frais de courtage d'un taux de 0,25% ont été demandés pour les ventes de novembre 2000, puis ce taux est passé à 0,65% pour les ventes postérieures.
Le taux de courtage initial n'avait aucun caractère contractuel.
Le courrier de M. [GM] affirmant que le taux de 0,25% était le taux convenu ne peut être tenu pour probant, en raison du conflit l'opposant à son ancien salarié, la société H.S.B.C.-Private Bank France, et de ses liens d'affaire avec M. [Z] [K].
Suivant conclusions signifiées en date du 17 septembre 2009, la société H.S.B.C. Private Wealth Managers anciennement dénommée Louvre Gestion, demande à la Cour : à titre principal, de constater que les consorts [R]/[K] n'ont pas qualité à agir à son encontre ; de déclarer en conséquence leur demande irrecevable par application de l'article 122 du Code civil ; à titre subsidiaire, de constater qu'elle a exactement rempli ses obligations et, en conséquence, de débouter les appelants de leur demande au titre du montant des frais de courtage, représentant cinq cent quarante-trois mille six cent quatre-vingt-dix sept euros (543.697 €) payés par la Sicav Généraction à la Banque Eurofin; en tout état, de condamner les consorts [R]/[K] à lui payer la somme de cinquante mille euros (50.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile; de les condamner aux dépens.
La société H.S.B.C. Private Wealth Managers constate préliminairement qu'en cause d'appel, les consorts [R]/[K] ont réduit leur demande à son égard au paiement de la somme de cinq cent quarante-trois mille six cent quatre-vingt-dix-sept euros (543.697 €), représentant le montant des frais de courtage payés par la Sicav Généraction à la Banque Eurofin et ne forment plus leur demande en dommages-intérêts qu'à l'encontre de la société H.S.B.C. Private Bank.
La société intimée soutient, d'une part, que les consorts [R]/[K] sont irrecevables à agir à son encontre, d'autre part, qu'elle est totalement étrangère au litige opposant les consorts [R]/[K] à la société H.S.B.C. Private Bank.
Estimant que les appelants ont complètement modifié leurs griefs par rapport à la première instance, la société H.S.B.C. Private Wealth Managers précise qu'elle doit donner une lecture exacte des relations entre les parties.
Elle précise qu'elle a la qualité de société agréée de gestion de portefeuille et vient aux droits et obligations de la société Eurofin Gestion, elle-même société agréée, en qualité de délégataire de la gestion de la Sicav Généraction.
S'agissant des relations contractuelles entre les parties, des modalités de l'opération acceptée et exécutée et du déroulement de l'opération de diversification, la société H.S.B.C. Private Wealth Managers présente une version identique à celle de la société H.S.B.C. Private Bank. La Cour se réfère donc aux pages 6 à 11 de ses écritures récapitulatives.
Par contrat du 16 octobre 2000, la Sicav Généraction lui a délégué sa gestion financière, administrative et comptable, à charge de la sous-déléguer pour partie aux sociétés B.N.P.-Paribas Asset Management et N.S.M. Gestion, à proportion d'un tiers par sous-délégataire, avant le le 1er avril 2001.
S'agissant du moyen d'irrecevabilité, une Sicav est une personne morale, conformément à l'article L. 214-15 du Code monétaire et financier. La délégation de la personnalité morale dans les conditions prévues à l'article L. 214-25 n'affecte en rien cette personnalité morale.
Il n'est pas contesté que les frais litigieux ont été réglés par la Sicav Généraction.
Au jour de l'assignation, la Sicav n'était pas dissoute, de sorte que les consorts [R]/[K] se prévalaient d'un droit personnel en vue de réparer un préjudice qui leur était propre.
La dissolution de la société n'a en rien affecté la question de la recevabilité, dès lors qu'elle n'est intervenue que postérieurement à cette dissolution, qui est due à la seule initiative des consorts [R]/[K].
La conséquence est qu'en application des dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile, et nonobstant celles de l'article 1844-9 du Code civil, l'action à l'encontre de la société H.S.B.C. Private Wealth Managers est irrecevable.
Observant qu'en cause d'appel, la faute qui aurait consisté en l'omission de constitution de la provision pour paiement de l'impôt et des charges sociales et d'avoir ainsi exposé les liquidités afférentes aux fluctuations boursières n'est plus reprochée qu'à la société H.S.B.C. Private Bank, elle observe que, de toute manière, aucune cause ne peut lui être reprochée.
L'action des consorts [R]/[K] a un fondement contractuel, les articles 1134 et 1137 du Code civil étant expressément visés dans leurs écritures.
La société Eurofin Gestion a exécuté exactement sa mission.
La volonté exprimée de M. [R] étant de limiter l'exposition de son portefeuille au seul titre Carrefour, il était convenu que la Sicav investirait sur le marché des actions à hauteur de 75% avec une marge de +/- 15%.
Compte tenu de ces objectifs de gestion, le «'benchmark'» (i.e. : la référence ou le système de références pour investir) de la Sicav était constitué par l'indice MSCI World Euro à hauteur de 75% (représentant la partie actions) et l'indice SSB WGB à hauteur de 25% (représentant la partie obligations).
La mission a été ponctuellement exécutée.
La sous-délégation prévue a été réalisée le jour même du contrat.
Le processus de diversification a abouti à une répartition des actifs de la Sicav au 31 octobre 2001 en 34,31% d'actions et 65,29% en obligations, placements monétaires et liquidités.
La politique de diversification a abouti à des résultats satisfaisants, puisque, sur une période particulièrement baissière (21 novembre 2000/31 mars 2003), au cours de laquelle le cours de l'action Carrefour s'est effondré, le cours de la Sicav a subi une baisse très inférieure à celle de l'action d'origine, mais aussi de l'indice de référence :
- action Carrefour : - 55,05% ;
- indice MSI World Euro : - 50,35% ;
- cours Sicav Généraction : - 40,34%.
S'agissant de la perception de frais et commissions, la société H.S.B.C. Private Wealth Managers observe que :
- la souscription des actions de la Sicav Généraction par les consorts [R] n'a donné lieu à la perception d'aucun frais ;
- la vente de titres Carrefour a donné lieu à la perception de frais de courtage (un taux réduit de 0,25% pour les trois premières ventes des 2 et 3 novembre 2000 et à un taux d'usage de 0,65% pour les ventes postérieures), soit un taux global de 0,55% sur les capitaux bruts générés, par la société Banque Eurofin, et non par la société Eurofin Gestion, aux droits de laquelle vient la société H.S.B.C. Private Wealth Managers.
- la société Eurofin Gestion a perçu des frais de gestion de 0,30% par an, soit 0,20% pour les frais administratifs et de dépôt et 0,10% pour les frais de gestion financière des trois établissements gestionnaires ; pour la période courant du 9 avril 2001 au 31 décembre 2001, les frais de gestion perçus par la société Eurofin Gestion ont été d'environ cent dix mille euros (110.000 €).
Les consorts [R]/[K] ne peuvent demander sa condamnation solidaire à payer des frais de courtage qu'elle n'a pas perçus.
Quant aux frais de gestion, seuls perçus par la société Eurofin Gestion, ils correspondent aux montants d'usage et les appelants ne paraissent pas les contester.
SUR CE,
1.- Sur l'intervention volontaire de M. [A] [R] :
Considérant qu'en application de l'article 325 du Code de procédure civile, l'intervention est recevable si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant;
Considérant qu'il est constant que M. [A] [R] a contracté avec la société Banque Eurofin, la société H.S.B.C. Private Bank France, qui vient aux droits de celle-ci, soutenant même qu'il est son unique cocontractant ; qu'il est tout aussi constant que l'opération envisagée et controversée visait autant à limiter l'exposition de son patrimoine au risque résultant de sa constitution quasi exclusive par des actions du groupe Carrefour et à alléger le poids de son imposition qu'à favoriser la transmission de son patrimoine ; qu'il n'est pas davantage contesté que le montage auquel il a été partie passait nécessairement pas la constitution de la Sicav Généraction, dont le gestionnaire était la société Eurofin Gestion, aux droits et obligations de laquelle vient la société H.S.B.C. Wealth Managers, dont la responsabilité est mise en cause au titre de frais de courtages indument perçus ;
Considérant que l'action de M. [R] se rattache donc, directement et indissociablement, à celle engagée par ses enfants et petits-enfants ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de donner acte à M. [A] [R] son intervention volontaire ;
2.- Sur la recevabilité des demandes de MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] et [A] [R] :
a.- sur la recevabilité des demandes en dommages-intérêts contre la société H.S.B.C. Private Bank, venant aux droits de la société Banque Eurofin :
Considérant qu'en application de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention;
Considérant qu'il est démontré par les pièces versées aux débats que la société Banque Eurofin a ouvert dans ses livres des comptes au nom de chacun de MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] ;[pièces nos 7, 10 et 11 produites par M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] ; que ces comptes étaient destinés à la réalisation de l'opération de diversification, qui eût été impossible sans l'existence de ces comptes et l'accord de leurs titulaires ; qu'il résulte de cette seule constatation que la société Banque Eurofin, aux droits et obligations de laquelle vient la société H.S.B.C.-Private Bank France, entretenait avec les appelants susvisés un lien contractuel afférent à l'opération litigieuse ;
Considérant ensuite que les enfants et petits-enfants de M. [A] [R] ont apporté à la Sicav constituée par la société Banque Eurofin les titres Carrefour dont ils étaient nus-propriétaires, et pour une petite fraction pleins propriétaires (certains des titres apportés par Mme [PD] [J] épouse [I] et M. [W] [F]) ; qu'il se déduit de cette constatation que la mise en 'uvre de l'opération était tout simplement impossible sans leur intervention ;
Considérant de plus qu'après la donation temporaire d'usufruit par M. [R] à l'Institut de France, le donateur ne disposait plus de droits sur les titres dont s'agit, tandis que ses enfants et petits-enfants demeuraient nus-propriétaires de ces titres ; que la thèse selon laquelle la banque chargée de réaliser une opération sur des titres n'a de liens contractuels qu'avec la personne qui n'a plus aucun droit sur eux (M. [A] [R]), alors qu'elle n'en entretient pas avec ceux qui avaient conservé les leurs (les enfants et petits-enfants, nus-propriétaires et pour deux pleins-propriétaires) et sans l'accord desquels l'opération était irréalisable, est aberrante en droit;
Considérant enfin que de multiples pièces versées aux débats démontrent que la banque Eurofin avait pleinement conscience d'être en rapport contractuel avec les enfants et petits-enfants de M. [R] ; qu'à titre d'exemples, le 21 juin 1999, la banque a écrit à M. [R] que la détermination du nombre de titre à céder se fera «'après concertation avec vos enfants'» [pièce n° 4 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] ; que, le 24 septembre 1999, elle a informé M. [T] que la donation faite par M. [R] à l'Institut de France entraînait l'ouverture d'un nouveau compte entre le destinataire et l'Institut [pièce n° 7 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]] ; que, le 20 octobre 2000, elle a fait signer à chacun des enfants et petits-enfants de M. [R] , et non à M. [R] , une lettre donnant mandat à la banque de poursuivre l'opération [pièce n° 2 de la société H.S.B.C.-Private Bank France] ; qu'enfin, le 12 juin 2001, elle a écrit à chacun des enfants et petits-enfants pour leur faire signer des procurations et autoriser la mise en place des facilités de caisse pièce n° 4 de la société H.S.B.C.-Private Bank France ;
Considérant que l'acceptation par une banque de la réalisation d'une opération sur des titres dont des personnes physiques sont nus-propriétaires ou pleins-propriétaires, et sans l'accord desquelles l'opération est impossible, crée un lien contractuel entre elle et les titulaires de droits; que l'absence de rapports entre la banque et ces titulaires, outre qu'elle est infirmée par les pièces sus-spécifiées, n'est susceptible que de caractériser un manquement au devoir d'information et de conseil, mais ne peut nullement démontrer l'absence de lien contractuel ;
Considérant que l''existence d'un lien contractuel détermine la recevabilité à agir en responsabilité des appelants sus-visés ;
b.- sur la recevabilité des demandes concernant le taux de courtage :
Considérant qu'une société d'investissement à capital variable est régie par les dispositions du titre X du livre III du Code civil, sauf disposition contractuelle contraire, inexistante en l'espèce ;
Considérant qu'en application de l'article 1844-9, quatrième alinéa, du Code civil, lorsqu'une société a pris fin, tout les associés, ou certains d'entre eux, peuvent demeurer dans l'indivision pour tout ou partie des biens sociaux, leurs rapports relevant, à la clôture de la liquidation, des règles relatives à cette institution ;
Considérant que, conformément à ces dispositions, la dissolution d'une société d'investissement à capital variable entraîne le transfert aux anciens associés de la copropriété indivise de tous les biens et droits sociaux, qu'ils aient été ou non inclus dans les opérations de liquidation, et notamment le droit d'agir en réparation d'un préjudice subi par la société du temps de son existence ;
Considérant qu'il est établi que la Sicav Généraction a été régulièrement liquidée par décision de son conseil d'administration [pièce n° 7 de la société H.S.B.C.-Private Bank France]; qu'il est indifférent que cette dissolution soit intervenue postérieurement à la date de l'assignation, puisqu'elle était effective à la date de la clôture des débats en première instance ; qu'il y a lieu d'ajouter que la Sicav étant administrée comme il est usuel par la banque conseil et ses trois administrateurs étant désignés par elle, une solution contraire, qui ne reposerait sur aucun texte, serait absurde et inique, puisqu'elle équivaudrait à permettre la banque de repousser suivant son bon plaisir la date de dissolution d'une société d'investissement à capital variable pour éviter d'avoir à répondre d'une action en dommages-intérêts ou en répétition de ses actionnaires en conflit avec elle ;
Considérant en outre que MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E], seuls associés de l'ancienne société d'investissement à capital
variable, aujourd'hui dissoute et radiée, sont les seules personnes susceptibles d'avoir subi un préjudice du fait de la perception par la banque des commissions litigieuses et donc à pouvoir exciper à titre personnel d'un droit à réparation d'un préjudice qui leur est propre, à savoir le paiement de commissions indues ;
Considérant enfin qu'en application de l'article 31 du Code de procédure civile, la recevabilité d'une action en justice ne peut être subordonnée au caractère «'certain'» de la créance alléguée ; qu'une telle théorie n'est qu'un pur sophisme, qui reviendrait à subordonner la recevabilité d'une demande en justice au bon vouloir d'une partie, en pratique de celle qui est exposée à une condamnation à paiement et pourrait conditionner la recevabilité de la demande de son contradicteur à sa libre décision de qualifier la créance;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, réformant le jugement entrepris, de dire que les appelants sus-visés sont recevables à agir au titre des frais de courtage payés par la Sicav Génération et, en conséquence, de réformer le jugement déféré de ce chef ;
3.- Sur les fautes reprochées à la société Banque Eurofin, aux droits et obligations de laquelle vient la société H.S.B.C. Private Bank, au titre de l'opération de diversification :
a.- sur la nature du lien contractuel liant les parties dans le cadre du montage mis en place par la société Banque Eurofin et les obligations en découlant pour cette dernière :
Considérant qu'un montage juridique et fiscal est une combinaison d'actes interdépendants à fin de réaliser une opération déterminée, qui a le plus souvent pour objet de permettre à des personnes physiques ou morales de remplir leurs obligations fiscales à moindre coût, de réduire l'exposition de leur patrimoine aux différents risques d'une économie de marché et/ou d'organiser la transmission de ce patrimoine ; qu'à l'issue d'une phase de conception, les parties déterminent et s'obligent à passer les actes tenus pour nécessaires à la réalisation de l'opération ainsi qu'à la formation et l'exécution de ces act;
Considérant qu'aux termes d'un compte rendu de réunion en date du 24 mars 1999, la société Banque Eurofin écrivait à M. [A] [R] : «'Nous vous proposons d'aborder les points suivants : [...] 3. Vous apporter notre conseil dans le choix de vos décisions : - trouver une solution à vos besoins de trésorerie, - réduire le risque que représentent les actions Carrefour, - optimiser votre fiscalité (I.R.P.P., I.S.F., transmission). Aujourd'hui, nous nous situerons plus sous l'angle de l'organisation patrimoniale que de la gestion d'actif qui, pourtant, est le c'ur de notre métier. [...] Aujourd'hui, la Gestion Privée est le métier principal de notre établissement. Au sein du groupe C.C.F., la Banque Eurofin, reconnue pour ses qualités de discrétion et de savoir-faire, conseille les grandes fortunes familiales. [...] Nous vous accompagnons dans cette démarche en nous associant à la réflexion en tant que maître d''uvre, animateur ou participant, selon que vous êtes entourés de vos propres professionnels du conseil'» ; qu'elle indiquait ensuite: «'Nous avons étudié trois hypothèses différentes de l'évolution de votre patrimoine, en projetant sur plusieurs années son évolution financière et l'impact fiscal'» ; que dans la première hypothèse, qui consistait à ne rien changer, il était tenu qu'«'au bout de la onzième année'», [M. [R]] aurait «'consommé l'ensemble de [son] patrimoine financier détenu en pleine propriété'» et ne serait «'plus en mesure d'assurer [ses] dépenses courantes, ni le paiement de [ses] impôts'»; que, pour remédier à cette situation, un aménagement de son patrimoine s'imposait, pour lequel il lui était proposé deux hypothèses, dont l'une consistait dans la cession des titres démembrés de M. [R] pour les réinvestir dans une Sicav diversifiée, générant des revenus obligataires, l'autre dans une donation temporaire d'usufruit sur la moitié des titres démembrés à une fondation reconnue d'utilité publique [pièce communiquée par les consorts [ZE] [K] n° 2 ; les passages soulignés le sont par la Cour ] ;
Considérant qu'il est constant que c'est le second cas de figure qui a été retenu et mis en 'uvre , le débat ne portant que sur des modalités, essentielles, de celui-ci ;
Considérant qu'en réponse à une lettre de M. [R] qui lui reprochait son manque de professionnalisme, le président du directoire de la société H.S.B.C. Private Bank, venant aux droits de la société Banque Eurofin, lui a écrit qu'il avait fait réétudier l'affaire par ses services et qu'il lui transmettait leurs conclusions ; qu'était jointe une page intitulée «'conclusions'», où les prestations réalisées par la banque étaient qualifiées de «'gros travail d'ingénierie réalisé'» [pièces communiquée par les consorts [ZE] [K] n° 18] ; qu'il était indiqué que la perception d'un taux de courtage supérieur aux usages compensait la non-facturation de ce montage ;
Considérant qu'un montage juridico-financier est l'objet même de l'ingénierie financière;
Considérant qu'il s'évince de ces constatations que la société Banque Eurofin n'est nullement intervenue en qualité de simple dépositaire, mais comme conceptrice du montage proposé ;
Considérant que, pour les motifs sus-énoncés (2, a), la société Banque Eurofin était en lien contractuel, comme conceptrice du montage, avec chacun des enfants et petits-enfants de
M. [R], sans le consentement desquels l'opération ne pouvait être réalisée et dont l'accord a au demeurant été sollicité au moyen des lettres-types que leur a fait parvenir la banque ;
Considérant que le professionnel qui conçoit un montage est tenu envers chacun de ses cocontractants d'une obligation de proposer le mécanisme le plus adapté à leur situation et d'une obligation de conseil et d'information, qui lui impose en particulier le devoir de donner des conseils pertinents et adaptés aux objectifs poursuivis ; que cette obligation était d'autant plus stricte que ni M. [A] [R], ni aucun de ses enfants et petits-enfants n'avaient de compétence particulière en matière d'ingénierie financière ;
Considérant qu'en matière de responsabilité contractuelle, le devoir de conseil est absolu, de sorte que la responsabilité du professionnel se trouve intégralement engagée du seul fait de sa prise en charge de l'opération, quelque soit l'assistance apportée à son cocontractant par un autre conseil ; qu'il s'ensuit que l'invocation par la société H.S.B.C. Private Bank d'une responsabilité des notaires de M. [R] est inopérante ; qu'au demeurant, il résulte de manière certaine des pièces produites aux débats que la société Banque Eurofin a été la seule conceptrice de l'opération, à l'exclusion des deux notaires, Mes [B] et [YU], qui n'ont pas été associés à la conception du montage, mais n'ont effectué que les actes ponctuels de leur ministère lorsqu'il était requis ;
Considérant que celui qui est débiteur d'une obligation d'information et de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ;
b.- sur le schéma d'opération proposé par la société Banque Eurofin et accepté par ses clients :
Considérant préalablement que les manquements contractuels reprochés par les consorts [R]/[K] à la Banque Eurofin ne concernent pas la gestion de la Sicav Généraction, mais la conception et la réalisation nécessairement antérieure d'un montage financier spécifique, comportant, entre autres éléments, la constitution de cette société à capital variable ; que l'argument selon lequel les titres en cause appartenant à la Sicav Génraction, leur vente était de la seule responsabilité de son gestionnaire, et non de la Banque Eurofin, exclusivement dépositaire, est donc inopérant ;
Considérant qu'il est constant qu'il était tenu pour indispensable de provisionner les sommes dues au titre de l'impôt sur les plus-values, de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale et que les enfants et petits-enfants de M. [R], redevables de ces charges à l'automne de l'année suivant la constitution de la société d'investissement à capital variable, ne pouvaient disposer des liquidités nécessaires pour constituer la provision que par des cessions de titres Carrefour ;
Considérant, cette donnée essentielle étant rappelée, qu'il y a lieu, pour la clarté de la discussion, de rappeler que deux thèses s'opposent quant au schéma d'opération proposé par le concepteur et accepté par les clients ;
Considérant que, s'agissant du type de schéma approprié à l'opération, pour les consorts [H] [K] et les consorts [ZE] [K], la «'sécurisation'» des sommes destinées au paiement des impositions devait se faire par dépôt des liquidités obtenues par les cessions sur un compte extérieur à la Sicav ; que ces sommes devaient être cédées avant tout apport à la Sicav, seul l'excédent devant lui être apporté ; qu'il était hors de question d'apporter à la Sicav les actions dont le produit de vente était destiné au règlement de l'imposition et des cotisations sociales pour les en extraire à la date du paiement des droits, puisque qu'un tel système, outre qu'il était compliqué et onéreux, présentait l'inconvénient redoutable d'insérer les liquidités destinées aux règlements fiscaux et sociaux à l'intérieur de la Sicav, donc nécessairement de les soumettre aux fluctuations boursières, avec le risque, qui s'est réalisé, de subir une dépréciation du cours de l'action lors de la vente des titres en vue du paiement des charges ; qu'au contraire, les liquidités nécessaires devaient être placées sur un compte «'sécurisé'», donc nécessairement indépendant des aléas des actions et produits proches, en d'autres termes un placement sûr dont il était indifférent qu'il fût peu rémunérateur, puisque l'objectif était, à vue d'un an, de pouvoir régler en temps et en heures les sommes dues sans encourir l'aléa de ne pas disposer alors du montant suffisant ;
Que, suivant la banque H.S.B.C.-Private Bank France, à l'inverse, les cessions des actions Carrefour destinées à provisionner les impositions ne devaient intervenir qu'après l'apport à la Sicav de la totalité des titres concernés ; que les liquidités obtenues au moyen des cessions d'actions devaient être ensuite placées sur des comptes ouverts au sein de la Sicav, dont ils seraient extraits à la date de paiement de l'imposition et des cotisations sociales ; que ce schéma ne faisait pas courir aux consorts [H] [K] et aux consorts [ZE] [K] de risque particulier, l'exposition aux fluctuations boursières étant par nature inévitable s'agissant d'une opération de diversification d'un patrimoine constitué d'actions;
Considérant qu'il est incontestable que seul le schéma d'opération décrit par la banque H.S.B.C.-Private Bank France, à savoir l'inclusion de la totalité des actions Carrefour dans la Sicav, a été mis en 'uvre par la banque Eurofin aux droits et obligations de laquelle vient la société intimée ;
Considérant que les appelants produisent devant la Cour le courrier de couverture du document de la banque Eurofin en date du 21 juin 1999 et la dernière page de la présentation de la banque Eurofin du 21 septembre 1999, éléments qui manquaient dans la production devant les premiers juges ;
Considérant qu'il est de la sorte démontré que la présentation émane bien de la banque Eurofin, ce que la société H.S.B.C. Private Bank France, du reste, ne conteste plus devant la Cour;
Considérant qu'il est établi par ces pièces produites dans leur intégralité en cause d'appel que, le 21 juin 1999, le 21 septembre 1999 et à nouveau le 12 juillet 2000, la banque Eurofin a adressé à M. [A] [R] le même tableau, qui présente le même schéma de l'opération dans une succession chronologique ;
Que, pour la clarté de la discussion, il est nécessaire de reproduire ces tableaux, qui se présentent ainsi qu'il suit :
Premier calendrier - 21 juin 1999
[pièce n° 4 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]]
Simulation de l'opération de diversification
1999
Nombre de titres détenus
Cession à hauteur de 20% (nombres de titres)
Provision de l'impôt de plus-values après abandon d'usufruit sur ces mêmes liquidités (en francs)
Souscription à la Sicav Multi-Gérants (en francs)
Deuxième calendrier - 21 septembre 1999
[pièce n° 8 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]]
Simulation de l'opération de diversification
Septembre 2000
Nombre de titres détenus
Cession à hauteur de 20% (nombre de titres)
Provision de l'impôt de plus-values après abandon d'usufruit sur ces mêmes liquidités
(en francs)
Souscription à la Sicav Multi-gestion
(en euros)
Troisième calendrier - 21 septembre 1999
[pièces nos 10 et 11 de M. [Z] [K] et Mme [ZE] [K]]
Simulation de l'opération de diversification
2000
Nombre de comptes démembrés
Nombre de titres détenus
Cession à hauteur de 20% (nombre de titres)
Provision de l'impôt de plus-values après abandon d'usufruit sur ces mêmes liquidités
(en francs)
Souscription à la Sicav Multi-gestion
(en euros)
Considérant que l'examen des trois tableaux démontre d'abord que, les 21 juin, 21 septembre 2000 et 12 juillet 2001, la banque Eurofin a adressé à M. [A] [R] un schéma identique de l'opération des variations terminologiques purement marginales ne changeant rien aux principes fondamentaux de l'opération proposée et à la chronologie des actes prévus ;
Considérant que, à la lecture de ces tableaux, on ne peut que constater que :
1.- la «'cession d'actions'» est toujours située avant la «'souscription à la Sicav'», ce qui signifie nécessairement qu'elle se fait en dehors de la Sicav, puisqu'elle est réalisée chronologiquement avant que la Sicav ne soit souscrite ;
2.- la constitution d'une «'provision pour impôt de plus-values'après abandon d'usufruit sur ces mêmes liquidités » précède toujours la «'souscription à la Sicav'», qui est donc nécessairement postérieure ;
3.- les «'liquidités'» destinées à la «'provision d'impôt'» se situent toujours après la «'cession de titres'» et avant la «'souscription à la Sicav'» ;
Considérant que ces «'liquidités'» ne peuvent provenir que des cessions d'actions Carrefour, personne n'ayant jamais soutenu qu'elles puissent avoir une autre provenance et les tableaux établissant qu'elle ne pouvaient être issues que de ces cessions ;
Considérant qu'il se déduit de ces constatations que la cession d'actions'destinée à provisionner l'impôt sur les plus-values devait nécessairement être réalisée avant la souscription de la Sicav, et donc à l'extérieur de celle-ci, dont les trois schémas démontrent qu'elle n'existe pas encore à cette phase ; que les trois tableaux excluent nécessairement l'intégration d'une provision constituée de liquidités dans la Sicav ;
Considérant en outre que les pièces produites en cause d'appel démontrent sans contestation possible que le premier tableau des tableaux susvisés a bien été adressé par une lettre de la «'Banque Eurofin- C.C.F. International Private Banking'» en date du 21 juin 1999, signée de son directeur, M. [N] [GM] ;
Considérant que ce courrier comporte un document intitulé «'Étapes de la diversification globale'», qui décrit la chronologie suivante :
«'PREMIÈRE ÉTAPE
Après concertation avec vos enfants pour mesurer l'impact de la diversification sur le plafonnement de leur I.S.F., fixer le nombre des titres devant être cédés. Puis établir la stratégie de cession des titres : déterminer les cours et le calendrier pour exécuter les ventes'» [...].
DEUXIÈME ÉTAPE
«'Dès les ventes réalisées, nous calculerons l'impôt sur la plus-value, qui sera à payer à partir du 15 septembre 2000. Cet impôt sera provisionné sur un compte à terme dont l'Institut de France restera usufruitier.
Le produit de cession des titres C., net de la provision d'impôt, sera investi suivant votre projet de diversification. L'Institut de France demeure également bénéficiaire de l'usufruit.
TROISIÈME ÉTAPE
En l'an 2000, renouvellement probable de la donation à l'Institut de France prenant en compte la nouvelle structure des actifs.
De manière concomitante, donation de l'usufruit que vous détenez sur les comptes à terme pour permettre aux nus-propriétaires des payer l'impôt sur la plus-value'» [pièce communiquée par les consorts [ZE] [K] n° 4, p. 2 ; la Cour souligne] ;
Qu'ainsi, ce document est en complète concordance avec les tableaux ; qu'il signifie nécessairement que la chronologie proposée par la banque Eurofin était la suivante : 1.-réalisation des ventes d'actions [«'Dès les ventes réalisées...'»] ; 2.- provisionnement des sommes destinées au paiement de l'impôt «'sur un compte à terme'» ; 3.- investissement des sommes restantes après constitution de la provision dans la Sicav [«'Le produit de cession des titres C., net de la provision d'impôt, sera investi suivant votre projet de diversification'»] ;
Considérant qu'en outre, ce document permet de différencier, sans équivoque possible, les deux donations temporaires distinctes d'usufruit au bénéfice de l'Institut de France : le bénéfice de l'usufruit du compte à terme sécurisé à l'extérieur de la Sicav, d'une part, le bénéfice de l'usufruit sur les actions de la Sicav, d'autre part , ce qui est parfaitement cohérent avec la constitution de la provision hors Sicav ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés H.S.B.C. Private Bank France et H.S.B.C. Wealth Manangers, il n'existe aucun document produit aux débats démontrant qu'un autre schéma d'opération et, en particulier, un schéma prévoyant la ventes des actions destinées à constituer la provision pour impôt et charges sociales ait jamais été proposé, a fortiori accepté par les clients ;
Considérant en effet que les courriers-types adressés à M. [A] [R] aux enfants et petits-enfants de M. [R] par la Banque Eurofin en vue de se faire autoriser à souscrire pour leur compte à la Sicav Généraction et que les intéressés ont retourné à la banque en date du 20 octobre 2000 (à l'exception de celui de Mme [Y] [K], qui est daté du 25) ne peuvent être analysés comme une information sur l'opération qui allait être mise en 'uvre, fondamentalement différente de celle agréée, alors qu'il n'était fourni aucune explication ; que ni la notice d'information, ni le document de présentation de la Sicav ne précisent que, contrairement à ce qui avait été indiqué antérieurement, il est prévu d'inclure dans la Sicav les sommes destinées à constituer la provision pour impôt et charges sociales ;
Considérant que la société Banque Eurofin ne pouvait exécuter un schéma d'opération autre que celui qu'elle avait présenté à ses clients, d'autant plus que l'opération effectivement mise en 'uvre, non seulement était fondamentalement différente, notamment sous le rapport essentiel du placement des sommes destinées au paiement de l'impôt sur les plus-values, de la contribution sociale généralisée et de la contribution à la réduction de la dette sociale ;
Considérant qu'en mettant en 'uvre une opération, dont il est établi qu'elle n'a jamais été proposée à ses clients, donc n'a pu être acceptée par ceux-ci, alors qu'il est certain que la sécurisation de la provision constituait un de leurs objectifs essentiels, la banque Eurofin a engagé sa responsabilité contractuelle ;
Considérant en outre qu'en s'abstenant de donner des informations à ses cocontractants sur le schéma effectivement exécuté, et en omettant en particulier d'attirer l' attention de ses contractants sur les risques inhérents à cette conception fondamentalement différente sur un aspect essentiel de celle qui avait été proposée, qui était pourtant présentée comme la moins risquée et la moins coûteuse dans un document de l'opérateur, la société Banque Eurofin a commis une seconde faute engageant sa responsabilité contractuelle ;
4.- Sur la détermination du préjudice résultant des fautes commises par la banquer Eurofin dans le cadre de l'opération de diversification :
Considérant qu'en application de l'article 1149 du Code civil, l'auteur d'une faute contractuelle n'est tenu à réparation que du dommage qu'il a causé directement ; que la société Banque Eurofin n'est pas responsable de la chute du cours de l'action Carrefour qui s'est produite à compter du novembre 2000, mais des sommes supplémentaires que ses cocontractants ont dû dépenser du fait de ses manquements, et qui n'auraient pas dû l'être si le schéma d'opération agréé avait été exécuté ;
Considérant que le préjudice personnel subi par chacun des appelants (hors M. [R]), causé directement par la faute de la banque Eurofin, correspond à la somme supplémentaire qu'il n'aurait pas dû verser si les fonds destinés au paiement de l'impôt sur les plus-values, la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale obtenues par les ventes immédiates avaient été versé sur un compte bancaire normal, comme convenu, au lieu d'être placés sur un compte interne à la Sicav, et donc nécessairement soumis aux fluctuations du cours de l'action ;
Considérant, en effet que, contrairement à ce qu'affirment les sociétés intimées, des liquidités incluses dans une société d'investissement à capital variable, serait-ce sur un compte isolé, ne sont en rien assimilables à des liquidités figurant sur un compte de dépôt ou un compte à terme en dehors de cette société ; qu'en effet, alors que les liquidités du dernier type sont par principe constantes, celles insérées dans une société d'investissement à capital variable ne peuvent en être extraites qu'en contrepartie de la vente au prix du marché d'actions de la société, de sorte que la valeur réelle des comptes de liquidités inclus fluctue en fonction du cours boursier et qu'ils est nécessaire de vendre un plus grand nombre d'actions pour obtenir la somme prévue en cas de chute du cours de l'action ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société HSBC Private Bank, le dommage allégué par les appelants ne s'analyse pas en des moins-values latentes, mais en des pertes effectives ; qu'en effet, il n'y a moins-values latentes que tant que l'action voit son cours baisser sans qu'elle soit cédée ; qu'au contraire, lorsque la cession a eu lieu, ce qui est le cas en l'espèce, puisqu'il a été nécessaire de vendre des actions pour disposer des sommes nécessaires aux règlement de l'imposition et des charges, la moins-value devient nécessairement une perte effective et définitive ;
Considérant que l'argument de la société H.S.B.C. Private Bank France, suivant lequel aucun préjudice ne serait caractérisé, la valeur de l'action de la Sicav Généractions ayant moins baissé que la moyenne des actions, est inopérant, dès lors qu'il n'est pas reproché à cette banque une faute dans la gestion de la Sicav constituée, mais une faute dans l'exécution du schéma de diversification préalable, qu'elle avait conçu et qu'elle était chargée d'appliquer ; que l'argument qui reproche aux appelants de ne pas diminuer du montant de leur préjudice une moins-value fiscale reportable pendant cinq ans est dépourvu de pertinence, la simple potentialité de déduire fiscalement une perte ne réduisant pas le préjudice subi par la victime du dommage ;
Considérant que, si les actions vendues en octobre 2000 avaient été créditées sur un compte sécurisé, un compte à terme comme il est indiqué dans un documents de Banque Eurofin, les consorts [R]/[K] auraient nécessairement disposé, aux dates prévues pour s'acquitter de leur dette fiscale et sociale, d'une somme intangible ;
Considérant que la faute de la banque Eurofin a nécessairement amoindri le patrimoine personnel de chacun des enfants et petits-enfants de M. [R], puisque les pièces produites aux débats démontrent que, du fait de la dépréciation des actifs de la Sicav Généractions, la part a été rachetée pour sept cent vingt-neuf euros et cinquante-et-un centimes (729,51 €) le 20 septembre 2001, alors que son prix de revient était de neuf cent soixante-quatorze euros et vingt-deux centimes (974,22 €) à la date de la souscription de la Sicav Généraction, en octobre de l'année précédente [pièce communiquée par les consorts [ZE] [K] n° 23] ;
Considérant que les conséquences résultant de cette baisse de la valeur liquidative sont directement et exclusivement imputables à la la faute de la Banque Eurofin ;
Considérant qu'au regard des pièces justificatives produites aux débats, et en tenant compte de la petite part d'actions détenues en pleine propriété par deux des appelants et en prenant pour base les valeurs en octobre 2000 et leur valeur lors des cessions de septembre 2001, et, dans la limite des demandes de chacun , les pertes causées exclusivement et directement par les fautes de la société Banque Eurofin s'établissent comme suit, au prorata des titres possédés par les appelants :
Noms des enfants et petits-enfants de M. [R]
Mme [H] [K] épouse [PT]
3.745.308,81
Mme [Y] [K] épouse [E]
3.745.308,81
Mme [ZE] [K]
3.745.308
M. [Z] [K]
3.745.308
Mme [PD] [J] ép. [I]
205.157,20
M. [W] [F]
241.213,94
Melle [G] [F]
273.300
Melle [PN] [F]
273.300
M. [X] [E]
273.639,54
Melle [S] [E]
273.639,54
Melle [YZ] [E]
273.639,54
Melle [L] [K]
273.360
Melle [C] [K]
273.360
Melle [LA] [K]
273.360
M. [ZJ] [K]
273.360
M. [D] [PT]
273.360,75
M. [V] [PT]
273.360,75
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de condamner la société H.S.B.C. Private Bank France au paiement des sommes susvisés, avec les intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2005, date de l'assignation, qui vaut mise en demeure conformément à l'article 1153 du Code civil ;
5.- Sur le préjudice au titre des fautes commises dans la facturation des frais de courtage:
Considérant qu'en application de l'article 1134 du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Considérant que le taux appliqué par un établissement bancaire pour une opération doit être accepté, expressément ou tacitement, par son client ; qu'à défaut de convention explicite, la banque a la charge de la preuve et doit établir la remise à son cocontractant d'une information précise préalable sur les frais, commissions et taux, dont il résulte que le client a accepté de traiter en connaissance de cause ;
Qu'en outre l'article 22 du règlement 96-02 de la Commission des opérations de bourse imposait au gestionnaire de portefeuille «'une information complète du mandat ou des porteurs'» sur «'les frais et commissions perçus'» ;
Considérant qu'il est démontré que le taux de courtage de 0,25% a été appliqué aux opérations pratiquées en novembre 2000 ; que, sur les opérations postérieures, le taux s'est élevé à 0,65%, sans qu'aucun des actionnaires n'en soit informé, ne serait que ce que de manière indirecte par l'envoi de relevé ; qu'il est en effet établi que n'est que fin 2001 que les actionnaires de la Sicav ont reçu des relevés, dont il résultait que le taux avait été multiplié par 260% (0,25%/0,65%) ;
Considérant que les appelants ont immédiatement contesté l'application de ce nouveau taux par le truchement de l'un d'eux, M. [Z] [K], qui a écrit au président du directoire de la société Banque Eurofin :
«'Sauf erreur de ma part, la commission Eurofin a été d'environ 6,5 millions de francs, alors qu'elle aurait dû être de 2,9 millions de francs. Ce taux n'est pas acceptable et je vous confirme que l'ensemble des actionnaires de la Sicav Généraction tient à ce que soit appliqué le taux d'origine'» [pièce n° 25 des consorts [ZE] [K] ; la Cour souligne];
Considérant que M. [M], président du directoire de la Banque Eurofin, a répondu dans un courrier qui comporte le passage suivant :
«'En ce qui concerne les commissions sur les ventes d'actions Carrefour, je crains que [N] [i.e. M. [GM], ancien président du Sicav Généraction] n'ait une fois de plus menti. [DY] qu'il avait conservé par devers lui un certain nombre d'éléments, notamment sur la Sicav Généraction. Dans l'ignorance des accords conclus, c'est en toute bonne foi que
[O] [P], directeur de la Sicav, a appliqué le taux ' grands clients ' de 0,65% brut'» [pièce n° 26 des consorts [ZE] [K] ; soulignements de la Cour] ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes du mandataire social de la société Banque Eurofin que la détermination du taux de courtage ne pouvait procéder que de l'accord des parties [«'dans l'ignorance des accords conclus'»];
Considérant que M. [GM], ancien salarié de la Banque Eurofin chargé de l'opération, a attesté que le taux de courtage de 0,25% avait bien été initialement convenu entre toutes les parties :
«' Ces commissions sur opérations de bourse ont été négociées entre la Sicav Généractions, Eurofin Gestion et la banque Eurofin, et appliquées par la banque Eurofin, Eurofin Gestion et M. [P] dès les premières opérations'» ;
Que M. [GM] ajoute :
«'Ce tarif était au surplus en adéquation avec ce qui se pratique sur le marché pour un nombre important de titres à céder en bloc dans un court laps de temps'» ;
Qu'il résulte ainsi de cette attestation que c'est M. [P], salarié de la Banque Eurofin et directeur de la Sicav qui a pris l'initiative d'une majoration dans une proportion énorme du taux, sans aucun accord des clients ;
Considérant qu'il est certes incontestable que M. [GM] a établi l'attestation précitée après qu'il ait été licencié par la banque, d'ailleurs à propos de sa direction de la Sicav qui aurait mis en danger les finances de l'établissement de crédit, et alors qu'ils étaient opposés dans un contentieux prudhommal ;
Mais considérant que la teneur de cette attestation est totalement corroborée par les documents émanant de la société Banque Eurofin elle-même ;
Considérant en effet qu'il résulte des conclusions de l'audit effectué par un service de la banque, adressé par le président du directoire à M. [R] le 9 avril 2004, que le taux de courtage était disproportionné pour ce type d'opération :
«'[...] En ce qui concerne les courtages, il est d'usage que, pour des quantités de telle importance, le taux soit inférieur (0,4%, voire 0,3% brut), le barème appliqué est donc élevé, même si ces ventes ont été exécutées dans de bonnes conditions techniques.
La rémunération sur ces courtages pourrait raisonnablement récompenser le gros travail d'ingénierie réalisé, une vraie contribution pour laquelle aucun honoraire n'a été facturé. Mais, si tel était l'esprit, on peut reprocher à la banque l'absence de clarté, l'absence de documents écrits. Si l'on ajoute l'attitude pour le moins étonnante de la personne qui a été licenciée, les clients ont été légitimement conduits à s'interroger sur l'ensemble du dossier.
Pour l'avenir, il conviendrait que les conditions d'intervention de notre banque (comme d'ailleurs celles des autres banques) fassent systématiquement l'objet de conventions explicites'» [pièce n° 26 des consorts [ZE] [K] ; soulignements de la Cour] ;
Que M. [M], président de la banque écrivait d'ailleurs à M. [R], en dépit du contentieux qui s'engageait : «'Pour mettre fin à ce différend, je suis toujours prêt à étudier comment compenser certains courtages jugés ' élevés ''»[ibidem, p. 3]
Considérant que la société H.S.B.C. Private Bank France ne peut invoquer que seule la Sicav était en relation contractuelle avec les consorts [R]/[K], alors que les frais de courtage, à la différence des frais de gestion, étaient censés compenser l'absence de rémunération de ses services dans l'opération de diversification, ce qu'elle a fortement revendiqué [pièce 18] précitée], que la décision d'augmenter indument les frais de courtage a été pris par un de ses préposés, placé par elle à la direction de la Sicav, et qu'elle ne conteste nullement avoir effectivement perçu ces sommes ;
Considérant qu'en élevant massivement, subrepticement et sans accord des contractants les frais de courtage et en se les attribuant, la société Banque Eurofin a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité ;
Considérant que la société Eurofin Gestion était contractuellement délégataire de la gestion de la Sivac Généraction ; qu'elle avait en cette qualité le devoir de faire respecter le taux de courtage convenu ; qu'il est établi que ce taux a été augmenté de 260% et prélevé sans aucune information des clients, qui n'ont pu s'en apercevoir qu'en recevant plus d'un an plus tard des documents, qui, au demeurant ne faisaient pas apparaître directement l'augmentation du taux (qui n'est apparu expressément qu'en cours d'instance), mais qui ont permis à l'un des indivisaires, s'apercevant du montant exorbitant des sommes prélevées, de se rendre compte de la modification du taux ;
Considérant qu'il se déduit de ces constatations que la société Eurofin Gestion, aux droits et obligations de laquelle vient la société Eurofin Wealth Managers, a manqué à ses obligations contractuelles et que ce manquement est en lien direct avec le préjudice subi ;
Considérant enfin que, pour les motifs sus-énoncés, les consorts [R]/[K], sur le fondement de l'article 1844-9 du Code civil, sont en droit d'agir en réparation;
Considérant que l'intervention de l'une et l'autre des sociétés Banque Eurofin et Eurofin Gestion étaient indispensables pour mettre en 'uvre l'opération définie et contrôlée par la première, alors que les prélèvements indus ne pouvaient être opérés que par la seconde ; que toutes deux ont ainsi contribué de manière conjointe et indissociable à la commission du dommage, de sorte qu'elles doivent être tenues solidairement de le réparer;
Considérant qu'il est démontré par les documents comptables et financiers produits aux débats que les sommes indument perçues sont globalement de :
- montant des ventes de titres postérieures au 3 novembre 2000 : 135.924.395 €
d'où des frais de courtage dus sur aux taux contractuel de 0,25% de :
- 135.924.395 € x 0,25% = 339.811 €
alors qu'il a été perçu : 881.508 €
d'où un montant illicitement perçu de :
- 881.508 € - 339.811 € = 541.697 €
constituant le préjudice causé par les fautes des deux sociétés intimées ;
Considérant qu'il échet de calculer les droits de chacun des enfants et petits-enfants au prorata des titres possédés, ce qui aboutit à la répartition suivante :
Noms des enfants et petits-enfants de M. [R]
Frais de courtages illicitement perçus
Mme [H] [K] épouse [PT]
110.849,00
Mme [Y] [K] épouse [E]
110.849,00
Mme [ZE] [K]
110.849,00
M. [Z] [K]
110.849,00
Mme [PD] [J] ép. [I]
6.309,00
M. [W] [F]
7.666,00
Melle [G] [F]
7.666,00
Melle [PN] [F]
7.666,00
M. [X] [E]
7.666,00
Melle [S] [E]
7.666,00
Melle [YZ] [E]
7.666,00
Melle [L] [K]
7.666,00
Melle [C] [K]
7.666,00
Melle [LA] [K]
7.666,00
M. [ZJ] [K]
7.666,00
M. [D] [PT]
7.666,00
M. [V] [PT]
7.666,00
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet de condamner les sociétés H.S.B.C. Private Bank France et H.S.B.C. Private Wealth Managers au paiement des sommes susvisées, avec les intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2005, date de l'assignation, qui vaut mise en demeure conformément à l'article 1153 du Code civil ;
6.- Sur les demandes au titre du préjudice moral :
Considérant que, si, dans le principe, une faute contractuelle est susceptible de déterminer un préjudice moral, un tel préjudice ne peut consister qu'en une atteinte démontrée à l'honneur, à la dignité et à la réputation de la personne ou à ses sentiments d'affection ; qu'en l'espèce, il n'est pas caractérisé qu'une telle atteinte ait été causée par un litige purement financier ;
Considérant qu'il s'ensuit que les consorts [H] [K] doivent être déboutés de ce chef de demande ;
7.- Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'en application de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors que le créancier en fait la demande ;
Qu'il sera donc fait de droit à ce chef de demande ;
8.- Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant qu'eu égard à la nature et aux circonstances de l'affaire de l'affaire, et particulièrement à la légèreté blâmable avec laquelle les deux sociétés intimées se sont comportées envers des clients profanes, qui avaient placé toute leur confiance en des professionnels qui se présentaient comme particulièrement experts en la matière, à l'importance des intérêts en jeu et à l'observation que ne pas indemniser les victimes d'agissement clairement anormaux des frais irrépétibles qu'ils doivent nécessairement engager, en droit ou de fait, pour faire consacrer leur droit équivaut à les sanctionner pour une faute dont ils sont victimes, il serait absolument contraire à l'équité de laisser à la charge des consorts [R] et des consorts [K] les frais non compris dans les dépens qu'il ont exposés ;
Considérant qu'il échet de condamner les sociétés H.S.B.C. Private Bank et H.S.B.C. Private Wealth Managers, solidairement, à payer aux consorts [H] [K] la somme de cent vingt mille euros (120.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Qu'il échet de condamner la société H.S.B.C. Private Bank à payer aux consorts [ZE] [K], ces derniers n'ayant formé leur demande de ce chef qu'à l'encontre de la seule société HSBC Private Bank la somme de cent vingt mille euros (120.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile;
9.- Sur les dépens :
Considérant que les sociétés H.S.B.C. Private Bank et H.S.B.C. Private Weatlth Managers, parties succombantes, doivent être condamnées solidairement aux dépens de première instance et d'appel et déboutées de leur demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Infirmant le jugement entrepris,
Donne acte à M. [A] [R] de son intervention volontaire.
Déclare recevables MM., Mmes et Melles [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K], [PD] [J] épouse [I], [PN] [F] épouse [KP], [Z] [K], [W] [F], [G] [F], [L] [K], [C] [K], [LA] [K], [ZJ] [K], [V] [PT], [D] [PT], [X] [E], [S] [E], [YZ] [E] et [A] [R] en toutes leurs demandes.
Condamne la société H.S.B.C. Private Bank France à payer, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises dans la conception et l'exécution de l'opération juridico-financière, à :
- chacun de M. et Mmes [H] [K] épouse [PT] et [Y] [K] épouse [E], la somme de trois millions sept cent quarante-cinq mille trois cent huit euros et quatre-vingt-un centimes (3.745.308,81 €),
- chacun de M. et Mmes [Z] [K] et [ZE] [K] la somme de trois millions sept cent quarante-cinq mille trois cent huit euros(3.745.308 €),
- chacun de MM. [D] et [V] [PT] la somme de deux cent soixante-treize mille trois cent soixante euros et soixante-quinze centimes (273.360,75 €);
- chacun de MM., Mmes ou Melles [X], [S] et [YZ] [E] la somme de deux cent soixante-treize mille six cent trente-neuf euros et cinquante-quatre centimes (273.639,54 €);
- chacun de M., Mmes ou Melles [L], [C], [LA] et [ZJ] [K] , [PN] [F] et [G] [F] la somme de deux cent soixante-treize mille trois cent soixante euros (273.360 €) ;
- M. [W] [F] la somme de deux cent quarante-et-un mille deux cent treize euros et quatre-vingt-quatorze centimes (241.213,94 €),
- Mme [PD] [J] épouse [I] la somme de deux cent cinq mille cent cinquante sept euros et vingt centimes (205.157,20 €),
avec les intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter du 20 mai 2005.
Condamne les sociétés H.S.B.C. Private Bank France et H.S.B.C. Private Wealth Managers, solidairement, à payer, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du fait de prélèvement illicite de frais de courtage, à
- chacun de M. et Mmes [H] [K] épouse [PT], [Y] [K] épouse [E], [ZE] [K] et [Z] [K] la somme de cent dix mille huit cent quarante-neuf euros (110.849 €) ;
- chacun de MM., Mmes ou Melles [W], [G] et [PN] [F], [X], [S] et [YZ] [E], [L], [C], [LA] et [ZJ] [K], [D] et [V] [PT] la somme de sept mille six cent soixante-six euros (7.666 €) ;
- Mme [PD] [J] épouse [I] la somme de six mille trois cent neuf euros (6.309 €),
avec les intérêts au taux légal sur lesdites sommes à compter du 20 mai 2005.
Ordonne la capitalisation des intérêts sur les sommes dues à compter du 21 mai 2006, dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil.
Condamne les sociétés H.S.B.C. Private Bank et H.S.B.C. Private Wealth Managers, solidairement, à payer aux consorts [H] [K] la somme globale de cent vingt mille euros (120.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société H.S.B.C. Private Bank à payer aux consorts [ZE] [K] la somme globale de cent vingt mille euros (120.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.
Condamne les sociétés H.S.B.C. Private Bank France et H.S.B.C. Private Wealth Managers, solidairement, aux dépens de première instance et d'appel, avec, s'agissant des dépens afférents à l'instance d'appel, bénéfice pour la SC.P. Arnaudy & Baechlin et Me Hardouin, avoués à la Cour, de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT