RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 06 mai 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09412
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 avril 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil - section encadrement - RG n° 06/01901
APPELANTE
Madame [S] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
comparant en personne, assistée de Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042
INTIMEES
Me [C] - Mandataire liquidateur de S.A. CATZ CONSTRUCTION
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Françoise FELISSI, avocat au barreau de PARIS, toque : A 415
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1205 substitué par Me Catherine MALAVIALLE, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mars 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle BROGLY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Madame [S] [U] à l'encontre du jugement prononcé le 17 avril 2008 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL, section, Encadrement, statuant en formation de jugement sur le litige l'opposant à la SELARL GAUTHIER SOHM, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA CATZ CONSTRUCTION.
Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :
- a fixé la créance de Monsieur [S] [U] au passif de la SA CATZ CONSTRUCTION à la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
- a déclaré cette somme opposable aux AGS dans la limite de leur garantie.
- a débouté Madame [U] du surplus de ses demandes.
- a débouté la SELARL GAUTHIER SOHM ès qualités de sa demande reconventionnelle.
Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :
Madame [S] [U], appelante, poursuit la confirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a constaté l'absence de renouvellement de sa période d'essai, à défaut d'élément probant de l'existence de ce renouvellement et d'acquiescement de la salariée.
Elle sollicite l'infirmation pour le surplus et demande à la Cour, statuant à nouveau :
- de condamner la SELARL [C], prise en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SA CATZ CONSTRUCTION :
- de fixer sa créance au passif de la société CATZ CONSTRUCTION aux sommes suivantes, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes :
* 9 600,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
* 960,00 € au titre des congés payés y afférents.
* 3 200,00 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
* 32 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
* 2 500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- de déclarer ces créances opposables aux AGS dans la limite de leur garantie.
La SELARL [C], poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a alloué à Madame [S] [U] la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts et demande en conséquence à la Cour :
- de débouter Madame [S] [U] de l'ensemble de ses demandes.
- de la condamner aux entiers dépens.
L'AGS CGEA IDF EST conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la Cour en toute hypothèse :
- de dire et juger qu'elle ne garantit les créances que dans les limites fixées par l'article L.3253-8 du Code du Travail et dans la limite du plafond 4 en l'espèce.
- de dire et juger en conséquence qu'elle ne doit pas sa garantie au titre de l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CELA ETANT EXPOSE.
Madame [S] [U] a été engagée par la SA CATZ CONSTRUCTION en qualité de Responsable recherche terrain, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 novembre 2004, moyennant une rémunération mensuelle de 2 300 €.
Madame [S] [U] qui avait donné sa démission par lettre du 16 décembre 2005, a été engagée à nouveau par la société en qualité de Responsable Développement et Prospection Foncière, niveau 4, échelon 2, coefficient 390, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 mars 2006.
Aux termes du contrat, il était prévu une période d'essai de trois mois, renouvelable une fois.
Dans son dernier état, le salaire de Madame [S] [U] s'élevait à la somme de 3 200 €.
Selon ses propres dires, la SA CATZ CONSTRUCTION aurait, par courrier du 30 mai 2006, renouvelé la période d'essai.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 27 juillet 2006, la société CATZ CONSTRUCTION a mis fin à la période d'essai.
Le 17 septembre 2007, la SA CATZ CONSTRUCTION a été placée en liquidation judiciaire.
SUR CE
Sur la rupture du contrat de travail de Madame [S] [U].
1) sur la licéité de la période d'essai.
Au soutien de son appel, Madame [S] [U] fait valoir que la période d'essai prévue au contrat signée le 6 mars 2006 est contestable, dès lors que l'employeur a pu déjà apprécier ses qualités professionnelles dans son emploi précédent.
Elle souligne qu'elle avait déjà travaillé depuis plus d'un an pour le compte de la société CATZ CONSTRUCTION en qualité de 'responsable recherche terrain' et qu'elle avait été soumise tout naturellement à une période d'essai de trois mois.
Madame [S] [U] précise qu'elle a été de nouveau embauchée par la société CATZ CONSTRUCTION à compter du 6 mars 2006 au même poste que celui qu'elle avait quitté à sa demande le 16 décembre 2005 : elle prétend que les dénominations 'responsable recherche terrain' et 'responsable développement et de prospection foncière' recouvrent exactement les mêmes foncions et ajoute que la classification des deux postes est la même, à savoir niveau 4, échelon 2, coefficient 390.
LA SELARL GAUTHIER SOHM réplique que l'essai est parfaitement licite lorsque la salariée change de fonction et elle prétend que les fonctions confiées à Madame [U] dans le cadre de sa nouvelle activité étaient différentes de celles exercées lors de son premier contrat.
Elle fait observer que lorsque Madame [S] [U] occupait le poste de 'Responsable Recherche Terrains' (1er contrat), elle se consacrait exclusivement à la recherche de terrains à temps plein, alors que dans ses nouvelles fonctions (2ème contrat), la recherche de terrains ne présentait plus que 20% de ses attributions, les 80% restants consistant à rechercher des produits et des programmes à commercialiser.
La SELARL GAUTHIER SOHM ajoute enfin que si Madame [S] [U] avait estimé que les missions qui lui étaient confiées dans le cadre de son nouveau contrat étaient les mêmes que les précédentes, elle n'aurait évidemment pas accepté la période d'essai contractuellement fixée, ainsi que la possibilité de son renouvellement.
La période d'essai qui précède l'engagement définitif du salarié est destinée à permettre à l'employeur d'évaluer les compétences professionnelles du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Compte tenu de cette finalité, l'employeur ne peut prévoir une période d'essai lorsqu'il a déjà été en mesure de connaître les capacités professionnelles du salarié. Encore faut-il que le poste donnant lieu à période d'essai soit identique à celui occupé précédemment : en effet, en présence de deux contrats successifs conclus entre les mêmes parties, la période d'essai n'est licite qu'à la condition que ce contrat ait été conclu pour pouvoir un emploi différent de celui objet du premier contrat.
En l'espèce, il est constant et non contesté que Madame [S] [U] a donné le 16 décembre 2005 à la société sa démission du poste de 'responsable recherche terrain' qu'elle occupait depuis le 15 novembre 2004.
Elle a été rengagée le 6 mars 2006 en qualité de 'Responsable développement et prospection foncière'.
C'est à l'employeur qu'il incombe de démontrer que les fonctions dévolues à Madame [S] [U] dans le cadre du deuxième contrat étaient différentes de celle qu'elle occupait auparavant.
D'une part, l'examen des deux contrats signés entre les deux parties fait apparaître que la classification des deux postes est la même.
En outre, non seulement l'employeur se borne à affirmer que les fonctions de Madame [S] [U] étaient différentes, sans verser le moindre document de nature à justifier son allégation, mais de l'examen des pièces qu'il verse lui-même aux débats, et notamment du livre d'entrée et de sortie du registre du personnel, il ressort que durant la période du 6 mars au 28 juillet 2006, Madame [S] [U] occupait le poste de 'responsable terrain', soit le même intitulé que pour la période de novembre 2004 à décembre 2005.
Bien plus, le site Internet de la société CATZ CONSTRUCTION n'a jamais été modifié dès lors qu'au 21 juillet 2006, le poste de Madame [U] est toujours indiqué comme étant 'responsable terrain'.
C'est donc à tort que, pour considérer que Madame [U] occupait des fonctions radicalement différentes, le Conseil de Prud'hommes s'est fondé sur l'augmentation de salaire dont la salariée a bénéficié lors de sa nouvelle embauche, ainsi que du prétendu élargissement de ses fonctions allégué par l'employeur sans en justifier.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré justifiée la période d'essai imposée par Madame [U] alors qu'il est constant que ses compétences professionnelles étaient connues de son employeur qui n'a pas hésité à la rengager après sa démission quelques mois plus tôt.
Madame [U] étant réputée avoir été engagée à titre définitif dès le 6 mars 2006, la notification le 27 juillet 2006 par la société CATZ CONSTRUCTION, de la fin de sa période d'essai doit donc s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les incidences financières.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis et sur les congés payés y afférents.
La démission en date du 16 décembre 2005 de Madame [S] [U] a entraîné la rupture du contrat de travail la liant à la société CATZ CONSTRUCTION.
Par suite de cette rupture de la relation du contrat de travail, l'ancienneté de Madame [S] [U] au sein de la société doit être calculée à partir de la date de son rengagement, soit à compter du 6 mars 2006, jusqu'au 27 juillet 2006, date à laquelle la société lui a indiqué mettre fin à sa période d'essai.
L'ancienneté de Madame [S] [U] était donc de 5 mois au moment de la rupture. Il lui sera alloué la somme de 1 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 150 € au titre des congés payés y afférents.
Sur les demandes d'indemnité pour non-respect de la procédure et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise, la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi par Madame [S] [U] à la somme de 5 000 € toutes causes de préjudices confondues (non-respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Il y a lieu de fixer à la somme de 5 000 €, la créance de Madame [S] [U] au passif de la société CATZ CONSTRUCTION.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Restant débitrice du salarié, la société CATZ CONSTRUCTION sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Il serait inéquitable de laisser à Madame [S] [U], la charge les frais de procédure par elle exposés dans le cadre de la présente procédure et non compris dans les dépens. La SA CATZ CONSTRUCTION doit donc être condamnée à lui verser la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS.
LA COUR
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit justifiée la période d'essai.
Statuant à nouveau.
Dit et juge que Madame [S] [U] a été engagée définitivement dès le 6 mars 2006.
Déclare abusive la rupture du contrat de travail.
Fixe les créances de Madame [S] [U] au passif de la liquidation de la société CATZ CONSTRUCTION aux sommes suivantes :
* 1 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
* 150 € au titre des congés payés y afférents.
* 5 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Déclare les créances opposables à l'AGS CGEA IDF EST dans les limites de sa garantie.
Condamne la SA CATZ CONSTRUCTION aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à Madame [S] [U] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :