Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRET DU 06 MAI 2010
(n° 189 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15963
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2009 -Tribunal d'Instance de PARIS 01 - RG n° 11/09/49
APPELANTS
Madame [R] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP BLIN, avoués à la Cour
Monsieur [J] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par la SCP BLIN, avoués à la Cour
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/030597 du 28/07/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Madame [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Nicole PAPAZIAN, président
Isabelle REGHI, conseiller
Michèle TIMBERT, conseiller
Greffier,
lors des débats : M. Gilles DUPONT
lors du prononcé : M. Abderrazzak MADANI
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole PAPAZIAN, président et par M. Abderrazzak MADANI, greffier auquel la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé du 29 décembre 2005, Mme [X] a donné en location à M. [F] et Mme [Y] un appartement situé [Adresse 2].
Un arrêté préfectoral a été notifié à Mme [X] le 19 novembre 2009 lui enjoignant de procéder, dans un délai de deux mois, à des travaux aux fins de remédier à l'état d'insalubrité des lieux loués.
Par acte du 16 février 2009, Mme [X] a fait assigner M. [F] et Mme [Y] en résiliation du bail du fait de l'opposition des locataires à l'exécution des travaux et en expulsion devant le tribunal d'instance du 1er arrondissement de Paris qui, par jugement du 16 juin 2009, assorti de l'exécution provisoire, a :
- rejeté la demande de résiliation du bail,
- ordonné à M. [F] et Mme [Y] de quitter les lieux loués pendant 10 jours à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 150 € par jour de retard et ce pendant 3 mois, pour la réalisation des travaux,
- dit que M. [F] et Mme [Y] se chargeront eux-mêmes du relogement,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- rejeté les autres demandes,
- condamné M. [F] et Mme [Y] aux dépens.
Par déclaration du 16 juin 2009, M. [F] et Mme [Y] ont fait appel du jugement.
Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 16 novembre 2009, M. [F] et Mme [Y] demandent :
- l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnés sous astreinte à quitter les lieux pendant 10 jours et à leur charge, pour permettre la réalisation de travaux,
- de fixer la nature précise des travaux que le propriétaire va exécuter dans les lieux loués,
- de mettre à la charge du bailleur les frais de relogement pendant l'exécution des travaux,
- le débouté des demandes de la partie adverse,
- la condamnation de la partie adverse aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Blin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 17 septembre 2009, Mme [X] demande :
- le prononcé de la résiliation du bail pour manquement des locataires à leurs obligations,
- l'expulsion de M. [F] et Mme [Y] et la suppression du délai de deux mois,
- la condamnation de M. [F] et Mme [Y] à quitter les lieux sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
en toute hypothèse :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la libération des lieux par les locataires durant les travaux sous astreinte et liquider l'astreinte à la somme de 13 500 €, au paiement de laquelle M. [F] et Mme [Y] doivent être condamnés,
à titre subsidiaire :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné aux locataires d'avoir à quitter les lieux à leur frais,
y ajoutant :
- d'ordonner aux locataires de justifier de leur départ par la production dans les 30 jours suivant la signification de l'arrêt d'un état des lieux établi par huissier, sous astreinte définitive de 150 € par jour de retard,
- à défaut, d'ordonner l'expulsion de M. [F] et Mme [Y] sous astreinte définitive de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt et en supprimant le délai de deux mois,
en tout état de cause :
- la condamnation de M. [F] et Mme [Y] à payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,
- leur condamnation à payer 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Ribaut, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 11 mars 2010.
CELA EXPOSE, LA COUR,
Considérant que M. [F] et Mme [Y], qui bénéficient de l'aide juridictionnelle, ont fait connaître à la Cour les divergences de vues qu'ils ont avec leur avoué ; que, lors de l'audience, leur avocat a indiqué qu'il se retirait ; que M. [F] et Mme [Y] demandent, en conséquence, le renvoi de l'affaire dans l'attente de la désignation d'un autre avoué et d'un autre avocat ;
Considérant toutefois qu'à plusieurs reprises, le calendrier de la mise en état a été revu à la demande même des appelants ; que l'avoué qui leur a été désigné le demeure tant qu'il n'est pas pourvu à son remplacement, en application des dispositions de l'article 419 du code de procédure civile ; que l'avoué désigné de M. [F] et Mme [Y] a régulièrement signifié des conclusions au nom de ses clients et qu'il a déposé devant la Cour un dossier comportant cent pièces produites par ses clients ; qu'au vu des conclusions produites et des pièces communiquées, ainsi que des courriers que les appelants ont adressés à la Cour, il résulte que tant le principe de la contradiction que les droits de la défense ont été respectés ; que la Cour est, en conséquence, en mesure de statuer sur les conclusions et l'ensemble des pièces déposées par les parties ;
Considérant que les lieux loués par M. [F] et Mme [Y] ont fait l'objet, le 18 novembre 2008, à la suite des nombreuses réclamations des locataires concernant l'état de l'appartement, d'un arrêté préfectoral d'insalubrité et qu'il a été enjoint à la propriétaire, Mme [X], de procéder aux travaux propres à remédier à cet état d'insalubrité ; que le litige actuel devant la Cour d'appel se circonscrit d'une part, pour les locataires, à la nature des travaux nécessaires et à leur relogement durant l'exécution des travaux, d'autre part, pour la propriétaire, à sa demande de résiliation du bail au motif que les locataires se sont opposés indûment à l'exécution des travaux ;
Considérant que M. [F] et Mme [Y] font valoir que la nature des travaux que la propriétaire entend faire exécuter dans les lieux ne sont pas clairement déterminés et identifiés ;
Considérant que c'est exactement que le premier juge a relevé qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit l'accord des locataires sur la nature des travaux que doit faire réaliser le bailleur dont le bien fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité et à qui il est enjoint de réaliser des travaux ; qu'en ce qui concerne l'information des locataires ou des occupants sur la procédure et la décision préfectorale, les articles L1331-27 et L1331-28-1 du code de la santé publique prévoient qu'ils en sont avisés par le préfet qui, notamment, doit leur notifier comme au propriétaire l'arrêté d'insalubrité ; qu'en l'espèce, l'arrêté du 18 novembre 2008 prévoit très précisément les travaux mis à la charge de Mme [X] concernant les infiltrations d'eaux, l'insécurité des personnes et la salubrité des lieux, outre les travaux annexes effectivement non déterminés mais que le préfet a strictement limités à ceux qui seraient le complément direct des travaux prescrits, sans lesquels ces derniers demeuraient inefficaces ; que, dès lors, M. [F] et Mme [Y] ne peuvent raisonnablement soutenir que les travaux que Mme [X] doit exécuter dans les lieux ne sont pas déterminés ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les questions liées à l'engagement des opérations d'expertise judiciaire ordonnée par décision du juge des référés le 12 août 2008 et à leur inachèvement, il apparaît que les locataires ont bien été régulièrement mis à même de vérifier les conditions d'exécution des seuls travaux prévus ;
Considérant que M. [F] et Mme [Y] ne peuvent, à ce stade de la procédure, arguer de ce que tous les travaux nécessaires n'auraient pas été prévus dans la mesure où Mme [X] est tenue par l'arrêté préfectoral d'exécuter les travaux prescrits et que leur réalisation ne préjuge par ailleurs en rien de l'exécution, par la propriétaire, de son obligation d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles L521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, Mme [X] doit assurer le relogement des locataires durant le temps de réalisation des travaux ; que Mme [X] soutient qu'elle a procédé aux trois offres de relogement prévues par les dispositions de l'article L521-3-2 du code susvisé ; que les locataires les ayant refusées, la résiliation du bail est encouru ;
Considérant toutefois qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, aux malentendus nés de la concomitance des opérations d'expertise et de la procédure administrative, aux modifications dans la durée du relogement, la première offre de relogement ayant été faite pour deux jours, les deuxième et troisième pour une période de 10 à 12 jours, les dispositions de l'article L521-3-2 susvisé ne peuvent être considérées comme exactement remplies et le comportement des locataires ne peut être qualifié d'opposition systématique et justifier la résiliation du bail ;
Considérant qu'il doit, en conséquence, être fait injonction aux locataires d'avoir à libérer les lieux durant le temps nécessaire à l'exécution des travaux, soit une durée maximum de 15 jours ; que le relogement des locataires doit être à la charge de Mme [X] ; que, toutefois, dans la mesure où deux offres aux mêmes conditions de durée ont déjà été faites, Mme [X] ne peut être tenue que d'une troisième et dernière offre ; que, faute par les locataires de libérer les lieux dans les conditions prévues au dispositif, il pourra être procédé à leur expulsion, sous astreinte de 100 € par jour de retard deux mois après la délivrance du commandement de quitter les lieux ; qu'en effet, la suppression du délai de deux mois de l'article 62 au titre de la loi du 9 juillet 1991 n'apparaît pas justifiée ;
Considérant que Mme [X] n'est pas fondée à demander l'allocation de dommages et intérêts en compensation notamment des pertes de revenus locatifs consécutifs à la prise de l'arrêté préfectoral d'insalubrité et du préjudice moral en résultant, l'état des lieux loués relevant de sa seule responsabilité ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que Mme [X] doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Enjoint à M. [F] et Mme [Y] de libérer les lieux loués pendant une durée maximum de 15 jours pour permettre la réalisation des travaux prescrits par l'arrêté préfectoral du 18 novembre 2008 ;
Enjoint à Mme [X] d'adresser directement à M. [F] et Mme [Y] l'offre de relogement mise intégralement à sa charge, par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre émargement ou par voie d'huissier de justice, précisant que l'offre prendra effet dans un délai de 5 jours à compter de sa réception par les locataires et indiquant la durée du relogement ;
Dit que, faute par les locataires de libérer les lieux dans les 5 jours de la signification de l'offre ou de la date de présentation de la lettre recommandée ou de la remise de la lettre, le bail sera résilié ;
En ce cas, faute pour M. [F] et Mme [Y] d'avoir quitté les lieux situés [Adresse 2] dans les deux mois du commandement, ordonne leur expulsion, ainsi que celle de tous occupants de leur chef dans les conditions de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civil ;
Condamne Mme [X] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,