Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 12 MAI 2010
(n° 115 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/16459
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2007
Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2005F01192
APPELANTE
S.A.S. DOLE FRANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentant légal
Cour d'Alsace MIN
[Localité 2]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me DELPLANQUE Xavier, avocat au barreau de PARIS - toque C 202
INTIMEE
SA ECOFRUT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
ARGENTINE
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me GARCIA José, avocat au barreau de PARIS - toque G 056
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur LE FEVRE, président et Monsieur ROCHE, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. LE FEVRE, président
M. ROCHE, conseiller
M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement en date du18 septembre 2007 par lequel le Tribunal de commerce de CRETEIL a, notamment :
- condamné la société DOLE FRANCE à payer à la société ECOFRUT la somme de
262 049 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2005 et débouté la société ECOFRUT du surplus de sa demande formée de ce chef,
- dit la société ECOFRUT mal fondée en sa demande de dommages-intérêts,
- condamné la société DOLE FRANCE à lui payer la somme de 3 500 € au titre des frais hors dépens ;
Vu l'appel interjeté par la société DOLE FRANCE et ses conclusions enregistrées le 8 mars 2010 et tendant à faire, notamment :
à titre principal,
- constater que le contrat applicable à la relation commerciale des parties est la commission de vente et que les parties n'ont pas convenu d'un prix minimum garanti ou indicatif,
- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a retenu, d'une part, que le contrat applicable était le contrat de vente et, d'autre part, que les parties avaient convenu d'un prix minimum garanti mais également en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 262 049€ avec intérêts au taux légal à compter du 23 novembre 2005 et l'a déboutée de sa demandes en dommages-intérêts pour résistance abusive,
à titre subsidiaire,
- constater qu'elle n'est débitrice d'aucune somme et, en conséquence, ordonner à son profit le remboursement des sommes qui ont été versées au titre de l'exécution provisoire, tous droits réservés, soit la somme de 298 944 € à la suite de l'exécution de la décision de première instance et ordonner le paiement des intérêts légaux sur ces sommes entre jour de leur paiement et celui du remboursement,
- constater que la garantie remise par la société ECOFRUT pour couvrir ce remboursement n'est valable que jusqu'au 24 juillet 2010,
- en tout état de cause, condamner la société ECOFRUT au paiement d'une somme de
30 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu, enregistrées le 9 mars 2010, les conclusions présentées par la société ECOFRUT et tendant à faire, notamment :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DOLE FRANCE à lui payer la somme de 262 049 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2004, outre celle de 3 000€ au titre des frais hors dépens,
- l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes et, en conséquence, condamner la société DOLE FRANCE à lui verser la somme de 9 937,77 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts et condamner la société DOLE FRANCE au paiement de la somme de 25 000 € au titre des frais hors dépens ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société DOLE FRANCE, laquelle a pour activité la commercialisation des fruits et légumes sur le marché de [Localité 2], et la société ECOFRUT, société de droit argentin ayant pour objet social l'exportation de fruits et légumes produits en Argentine, entretiennent depuis l'année 2001 des relations commerciales par le biais d'un bureau de courtage commun aux deux parties, la société DELAND INTERNATIONAL, représentée par M.[X] ; qu'entre les mois de janvier et février 2003, l'intimée a procédé à sept expéditions par voie maritime de poires de catégorie Williams et a facturé l'ensemble 402 417€; que la société DOLE FRANCE ne se serait, toutefois, acquittée que de la somme de 140 368 €; qu'après une mise en demeure restée infructueuse délivrée à la société DOLE FRANCE le 19 septembre 2005, la société ECOFRUT l'a, par acte en date du 23 novembre 2005, assignée devant le Tribunal de commerce de CRETEIL aux fins de la voir condamner au paiement de la différence résultant entre sa facturation et le règlement effectivement intervenu, soit de la somme de 262 049 € ; que c'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement entrepris, lequel a retenu que la société ECOFRUT avait vendu des fruits à la société DOLE et que celle-ci n'avait pas réglé l'entier prix de la marchandise expédiée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1583 du Code civil, la vente 'est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé' ;
Considérant que si pour solliciter le paiement de la somme de 262 049 € la société ECOFRUT invoque les dispositions de la convention de [Localité 3] sur la vente internationale de marchandises du 11 juin 1980 et soutient qu'un accord entre les parties 'sur un prix minimum de vente de 9 € a été formalisé par écrit le 22 janvier 2003" faisant de 'l'existence d'un contrat de vente' une réalité 'incontestable', il ressort cependant de l'examen des pièces du dossier que le 29 novembre 2002 M.[X] écrivait en sa qualité susmentionnée à la société DOLE FRANCE au sujet des discussions engagées avec la société ECOFRUT pour la commercialisation de lots de poires Williams lui appartenant et précisait la méthode de travail à retenir de la manière suivante : 'Elaboration d'un prix de base référentiel estimatif (prix FOB) pour chaque produit. Mécanisme de vente : si les ventes permettent de couvrir ou dépasser le prix référentiel, pas de problème. Dans le cas contraire, consulter ECOFRUT pour choisir l'une des alternatives suivantes :
a) ECOFRUT donne son accord pour continuer les ventes malgré tout
b) ECOFRUT préfère stocker en frigo en attendant que la situation s'améliore
c) ECOFRUT a la possibilité d'obtenir de bien meilleurs prix et demande de dériver la marchandise vers une autre destination. Dans ce cas, le nouveau destinataire devra au préalable rembourser DOLE des sommes avancées sur cette marchandise (avances sur B/L, fret maritime...)' ; que la société DOLE FRANCE déclarait par courriel du même jour accepter la méthode de travail proposée ; qu'alors qu'une première expédition de marchandises par la société ECOFRUT avait déjà eu lieu le 18 janvier 2003 M.[X] adressait un courriel à cette dernière quant aux modalités de négociation d'un référentiel de prix, signifiant de la sorte implicitement mais nécessairement que celui-ci n'avait pas encore été accepté et qu'aucun montant effectif n'avait été convenu ; que cette correspondance énonçait en effet que 'compte tenu de la poursuite et du réalisme des accords avec DOLE France et DOLE Italia, nous pourrons dans les prochains jours avancer sur l'élaboration d'une liste de prix FOB en dessous desquels ECOFRUT ne veut pas vendre, à moins qu'il ait donné son a autorisation expresse.';
Considérant que le 22 janvier suivant M.[X] adressait un nouveau courriel à la société ECOFRUT mentionnant qu' 'au sujet des Williams, si le prix de base établi en Argentine est de 9 € FOB, il sera également la base pour DOLE FRANCE pour commencer à travailler' ; qu'ainsi le prix considéré ne faisait nullement l'objet d'une acceptation par l'appelante mais constituait une simple 'base' de travail pour le début de la commercialisation des marchandises dont s'agit ; qu'il sera en outre observé que n'était spécifié ni l'unité concernée (kilo ou colis), ni la quantité expédiée ni le calibre ou la qualité des poires alors que ces derniers critères sont essentiels pour la fixation du prix ; que le code des usages dit 'COFREL' ne saurait suppléer à cette absence complète d'accord formalisé sur la chose et le prix dès lors que la société ECOFRUT n'avait nullement donné son accord à son application aux envois litigieux ; que de même, il ne saurait davantage être excipé de l'application de la convention de [Localité 3] laquelle conditionne en l'espèce l'existence d'un contrat de vente à la présence préalable et obligé d'un écrit du fait de la réserve aux articles 11 et 29 de ce traité émise par l'Etat argentin et stipulant que 'toute forme autre que
la forme écrite pour la conclusion, la modification ou la résiliation amiable d'un contrat de vente ou pour toute offre, acceptation ou autre manifestation d'intention ne s'applique pas dès lors que l'une des parties a son établissement en Argentine' ; qu'il s'ensuit que seul un écrit pouvait, en tout état de cause, démontrer la preuve de l'accord des parties, les actes d'exécution postérieurs ne pouvant utilement s'y substituer ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'en l'absence d'accord entre les parties sur la chose et le prix au sens de l'article 1583 précité, aucun contrat de vente ne peut être regardé comme étant intervenu entre les sociétés DOLE FRANCE et ECOFRUT, excluant de la sorte toute demande en paiement présentée par cette dernière sur ce fondement ainsi que toute action formée au titre d'une prétendue résistance abusive de l'appelante ; qu'il y a lieu, en conséquence et par infirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société ECOFRUT de sa demande indemnitaire pour résistance abusive, de rejeter l'ensemble des prétentions de cette dernière et d'ordonner la restitution des sommes allouées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris outre les intérêts au taux légal y afférents à compter de la notification valant mise en demeure du présent arrêt ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société ECOFRUT à payer à la société DOLE FRANCE la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société ECOFRUT de sa demande en dommages-intérêts.
L'infirme pour le surplus.
Et statuant à nouveau,
Déboute la société ECOFRUT de l'ensemble de ses prétentions.
Ordonne la restitution des sommes allouées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris outre les intérêts au taux légal y afférents à compter de la notification valant mise en demeure du présent arrêt.
Condamne la société ECOFRUT aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
La condamne également à verser à la société DOLE FRANCE la somme de 4 000 € au titre des frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT