Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 19 MAI 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14210
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08717
APPELANTE
SARL PITCH
agissant poursuites et diligences de son gérant
[Adresse 4]
[Localité 8]
représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assistée de Maitre PIREDDU Alain avocat, toque D1014
INTIMÉES
Compagnie LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES - MMA
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 6]
S.C.P. ANGENIEUX GILLES CEYRAC LOISEAU notaires associes
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 7]
S.C.P. BEGON-BONNEAU-HERBERT-BOUGEARD-BRULON notaires associes
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentés par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistés de Maître SALLABERRY Gérard avocat plaidant, toque E379
Cabinet SCP KUHN avocat, toque P90
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Février 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseiller
Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
***
Vu le jugement rendu le 19 juin 2008 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :
- condamné la société Pitch à payer à la société MP immobilier, en deniers ou quittances valables, les sommes de :
*274.948,05 euros en exécution du contrat de vente du 6 août 1991 avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 1996,
*274.948,05 euros à titre de remboursement des pénalités de retard avec intérêts au taux légal à compter de la date de leur paiement par la société MP immobilier à l'administration fiscale,
*3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
*20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les intérêts dus sur ces sommes porteront eux-mêmes intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,
-dit que le Bâtonnier de Paris pourra se libérer au profit de la société MP immobilier des sommes séquestrées entre ses mains à la suite des décisions du juge de la mise en état visées dans le jugement,
- rejeté la demande formée par la société MP immobilier à l'encontre des sociétés civiles professionnelles Angenieux Gilles Ceyrac Loiseau et Begon Bonneau Herbert, titulaires d'un office notarial et de leur assureur les Mutuelles du Mans,
- rejeté la demande en garantie formée à leur encontre par la société Pitch,
- condamné la société Pitch aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes les autres demandes;
Vu l'appel relevé par la société Pitch qui, par ses dernières conclusions signifiées le 15 décembre 2009, demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en garantie formée à l'encontre des études notariales ,
- condamner la SCP Angenieux-Gilles-Ceyrac-Loiseau, la SCP Begon-Bonneau-Herbert et la société Mutuelles du Mans assurances à lui payer , à titre de dommages et intérêts, la somme de 677.385,20 euros correspondant au montant des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MP immobilier,
- subsidiairement, condamner la SCP Angenieux-Gilles-Ceyrac-Loiseau, la SCP Begon-Bonneau-Herbert et la société Mutuelles du Mans assurances à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle à la requête de la société MP immobilier,
- en tout état de cause, condamner la SCP Angenieux-Gilles-Ceyrac-Loiseau, la SCP Begon-Bonneau-Herbert et la société Mutuelles du Mans assurances à lui payer la somme de 45.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCP Angenieux-Gilles-Ceyrac-Loiseau, la SCP Begon-Bonneau-Herbert et la société Mutuelles du Mans assurances aux dépens;
Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juin 2009 par la société Compagnie MMA Iard assurances mutuelles , la SCP Angenieux Gilles Ceyrac Loiseau et la SCP Begon Bonneau Herbert Bougeard Brulon qui demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, de :
- confirmer le jugement,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Pitch à l'encontre de la SCP Angenieux Gilles Ceyrac Loiseau, de la SCP Begon Bonneau Herbert et de la société Mutuelles du Mans assurances Iard,,
- condamner la société Pitch à verser à chacune d'elles la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Pitch aux dépens de première instance et d'appel;
Vu l'ordonnance du 4 mars 2009 par laquelle le conseiller de la mise en état a déclaré parfait le désistement d'appel de la société Pitch à l'encontre de la société MP immobilier, constaté le dessaisissement de la cour et l'extinction de l'instance à l'égard de la société MP immobilier et dit que les dépens seront à la charge de la société Pitch;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société Pitch a, le 6 août 1991, vendu à la société MP immobilier, un immeuble dont elle était propriétaire à [Localité 9], [Adresse 5]; que le 19 juillet 1994, l'administration fiscale a notifié à la société MP immobilier un redressement au titre de la TVA; que la société MP immobilier a formé un recours devant le tribunal administratif et, parallèlement, a saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir condamner la société Pitch à lui payer toutes sommes qui seraient mises à sa charge par la juridiction administrative de Paris dans le cadre du litige l'opposant à l'administration des impôts , ainsi que des dommages et intérêts; que la société Pitch a appelé en garantie les SCP de notaires Angenieux Gilles Ceyrac Loiseau et Begon Bonneau Herbert; que par jugement du 5 février 1999, le tribunal de grande instance a dit que dans les rapports entre la société MP immobilier et la société Pitch, le paiement de la TVA découlant de la vente du 6 août 1991 incombait contractuellement à la société Pitch et a sursis à statuer sur les demandes en paiement de la société MP immobilier et sur les demandes en garantie formées par la société Pitch jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue par la juridiction administrative ou qu'il soit mis fin à l'instance pendante devant cette juridiction de quelque manière que ce soit; que par arrêt du 22 mai 2001, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions ; que le pourvoi formé par la société Pitch contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 3 décembre 2002;
Considérant qu'entre temps, le tribunal administratif de Paris avait, par décision du 13 décembre 2001, rejeté la requête de la société MP immobilier tendant à voir prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie par avis de mise en recouvrement du 28 décembre 1994 , précisant toutefois que la taxe sur la valeur ajoutée assignée à cette société serait calculée sur une base égale au prix effectivement acquitté, diminué de la taxe exigible ; que pour statuer ainsi, le tribunal administratif a retenu que l'immeuble n'ayant pas été placé avant son acquisition par la société MP immobilier dans le champ d'application de l'article 257-7° du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette opération était, en application des dispositions de l'article 285-3° du même code, due par la société MP immobilier ; que la société Pitch a formé une tierce opposition contre ce jugement et que sa requête a été rejetée par décision du tribunal administratif du 27 avril 2004 puis par arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 mai 2007;
Considérant que par ordonnance du 21 avril 2005, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Pitch à payer à la société MP immobilier la somme provisionnelle de 274.948,05 euros à verser entre les mains du Bâtonnier de Paris désigné en qualité de séquestre ; qu'après retrait du rôle, l'affaire a été réinscrite et que le juge de la mise en état a , par ordonnance du 6 décembre 2007, autorisé la société MP immobilier à prélever la somme de 274.945,78 euros versée entre les mains du Bâtonnier de Paris en sa qualité de séquestre en vertu de l'ordonnance du 21 avril 2005, a condamné la société Pitch à payer à la société MP immobilier la somme provisionnelle de 209.954,01 euros à valoir sur la créance de celle-ci et a ordonné la consignation de cette somme entre les mains du Bâtonnier de Paris en qualité de séquestre; que le tribunal, par le jugement déféré, a statué dans les termes précités ; que pendant le cours de la procédure d'appel, un protocole d'accord a été signé entre la société Pitch et la société MP immobilier et que la société Pitch s'est désistée de l'appel formé contre la société MP immobilier
Considérant qu'au soutien de l'appel formé contre les SCP de notaires et leur compagnie d'assurances, la société Pitch fait valoir que les notaires ont engagé leur responsabilité civile professionnelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil en commettant une double négligence; qu'elle expose que la SCP Agenieux Gilles Ceyrac Loiseau a d'une part omis de mentionner le caractère hors taxe du prix de vente dans l'acte de vente du 6 août 1991 , d'autre part inséré à la clause 12.3 de cet acte, un alinéa 5 inopérant et en totale contradiction avec la situation juridique, fiscale et de fait réelle , et la commune intention des parties et que la SCP Begon Bonneau Herbert , qui a participé à la rédaction de l'acte, a manqué à son devoir de conseil et de vigilance ;
Considérant que contrairement à ce que soutiennent les intimées, il n'a pas été statué sur l' absence de faute des notaires , la cour d'appel ayant, par son arrêt du 22 mai 2001 confirmé le jugement qui avait sursis à statuer sur les demandes en garantie formées par la société Pitch à leur encontre ;
Considérant que dans les conclusions qu'elles avaient déposées dans la procédure ayant abouti à l'arrêt du 22 mai 2001 ci-dessus mentionné, les SCP de notaires avaient indiqué que l'acte avait été établi dans la précipitation, dans une période de vacances , entraînant des erreurs matérielles de rédaction qu'aucune des parties présentes n'avait décelées, qu'une première erreur matérielle concernait le prix de vente , qu'en effet, l'acte de vente visait un prix de 11.500.000 francs sans préciser si ce prix était hors taxe ou TTC mais que la promesse de vente démontrait que l'accord des parties était intervenu sur une promesse de 11.500.000 francs HT;
Qu'elles avaient également indiqué que la déclaration fiscale rédigée dans l'acte, selon laquelle les biens étaient entrés antérieurement dans le champ d'application de la TVA et qu'en conséquence le vendeur s'instituait redevable de cette taxe, était erronée puisque le bien n'avait pas été placé par la société Pitch dans le champ d'application de la TVA, qu'en effet la société Pitch en avait fait l'acquisition en qualité de marchand de biens et n'avait pas soumis le bien à l'article 257-7 du code général des impôts;
Considérant qu'en ayant ainsi porté ou laissé porter dans l'acte de vente des mentions qu'elles ont reconnu être erronées, les SCP de notaires ont commis une faute;
Considérant que les intimées soutiennent qu'en raison de sa mauvaise foi, la société Pitch ne peut exciper d'un quelconque préjudice à leur encontre ;
Mais considérant que la mauvaise foi ne se présume pas et ne saurait être tirée de la seule circonstance que la société Pitch , dont la tierce opposition avait été déclarée irrecevable tant par le tribunal administratif que par la cour d'administrative d'appel , n'aurait pas formé de recours contre l'arrêt de cette juridiction du 21 mai 2007;
Considérant que les intimées soutiennent encore que la faute commise par la société Pitch en tant que professionnelle de l'immobilier, est à l'origine exclusive du préjudice prétendument subi ;
Mais considérant que les SCP de notaires, qui ont admis que l'acte de vente comportait des erreurs leur étant imputables, ne peuvent s'exonérer de la responsabilité qu'elles encourent par application de l'article 1382 du code civil, en arguant d'un défaut de vigilance de la société Pitch;
Considérant que c'est bien la faute commise par les SCP de notaires qui est seule à l'origine du préjudice subi par la société Pitch , la cour d'appel ayant retenu , analysant l'acte authentique de vente, que dans les rapports entre vendeur et acquéreur, le paiement de la TVA incombait à la société Pitch alors qu'au regard des dispositions du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'opération d'achat de l'immeuble appartenant à la société Pitch par la société MP immobilier était due par cette dernière, tel que cela a été définitivement jugé par la juridiction administrative;
Considérant que le préjudice de la société Pitch est égal au montant des sommes qu'elle a versées à la société MP immobilier tant au titre de la TVA sur la transaction que des pénalités de retard , des intérêts, des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des débours ; que les intimées font valoir qu'il résulte de la transaction signée entre la société MP immobilier et la société Pitch que cette dernière a réglé la somme de 333.439,51 euros pour solde de tout compte et qu'elle ne peut dès lors réclamer des sommes supérieures à celles qu'elle a payées;
Mais considérant que si le protocole d'accord mentionne que la société Pitch a réglé à la société MP immobilier la somme de 333.439,51 euros, il résulte du même document qu'avant sa signature, intervenue le 12 janvier 2009, la société Pitch avait réglé la somme de 274.948,05 euros en exécution de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 21 avril 2005 et avait également réglé deux sommes de 34.498,82 soit 68.997,64 euros ; que ces versements ne sont pas contestés de même que n'est pas critiqué le décompte reproduit au protocole; que dès lors les intimées seront condamnées à payer à la société Pitch , la somme de 333.439,51 + 274.948,05 + 68.997,64 = 677.385,20 euros ;
Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile , que les intimées seront déboutées de leur demande sur ce fondement et condamnées à payer à la société Pitch la somme de 20.000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés;
PAR CES MOTIFS
Statuant sur l'appel en ce qu'il est dirigé contre les SCP de notaires et leur compagnie d'assurance,
Infirme le jugement ,
Statuant à nouveau,
Condamne la SCP Agenieux Gilles Ceyrac Loiseau , la SCP Begon Bonneau Herbert Bougeard Brulon et la société MMA Iard assurances mutuelles à payer à la société Pitch la somme de 677.385,20 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute la SCP Agenieux Gilles Ceyrac Loiseau , la SCP Begon Bonneau Herbert Bougeard Brulon et la société MMA Iard assurances mutuelles de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et les condamne à payer à ce titre la somme de 20.000 euros à la société Pitch ,
Condamne la SCP Agenieux Gilles Ceyrac Loiseau , la SCP Begon Bonneau Herbert Bougeard Brulon et la société MMA Iard assurances mutuelles aux dépens de première instance et d'appel dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT