Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 26 MAI 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/23327
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 07/00005
APPELANTE
S.C.I. LP KREMLIN agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Catherine BERLANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B 821
INTIMES
Monsieur [H] [D] exerçant sous l'enseigne 'LE CAFE DU THEATRE'
[Adresse 2]
[Localité 10]
S.A.R.L. 'LE NOUVEAU THEATRE' venant aux droits de Monsieur [H] [D]
Intervenante volontaire
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentés par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistés de Me Katia SARFATI substituant Me Gilda LICATA, avocat au barreau de PARIS, toque : D 296
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente chargée du rapport et en présence de Madame DEGRELLE-CROISSANT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame PORCHER, Conseiller
Madame DEGRELLE-CROISSANT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
La sci Lp Kremlin, aux droits de Mesdames [R] veuve [I], [X] [U] née [I] et de Monsieur [S] [U], est propriétaire de locaux situés [Adresse 3] loués actuellement à Monsieur [H] [D] et à usage de café , bar, restaurant suivant acte sous seing privé du 26 septembre 1997 d'une durée de neuf années à compter du 8 juillet 1997 comprenant boutique et arrière- boutique de café bar, restaurant, brasserie, vente à emporter et traiteur et un appartement situé au-dessus moyennant un moyennant un loyer annuel de 70 516 francs ;
Par acte du 28 décembre 2005, la bailleresse a donné congé à son locataire avec offre de renouvellement moyennant un loyer de 50 000 euros ;
Le locataire étant en désaccord sur le prix proposé du loyer du bail renouvelé, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil, saisi du litige, a désigné un expert qui a déposé son rapport le 15 janvier 2008 :
Le juge des loyers, par jugement du 15 septembre 2008, a, ensuite du dépôt du rapport, fixé le prix du loyer du bail renouvelé, à compter du 8 juillet 2006, à la somme de 13 689, 41 euros par an en principal et dit que les intérêts seront dus au taux légal sur les arriérés de loyers et que le dépôt de garantie sera réajusté en fonction du nouveau loyer et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la sci Le Kremlin aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
La sci Lp Kremlin a interjeté appel de cette décision ; elle demande de débouter Monsieur [D] de toutes ses demandes, de dire et juger que les travaux financés exclusivement par le locataire ayant consisté en l' aménagement d'une cuisine au sous sol aux lieu et place de la précédente cuisine en rez-de-chaussée et transformation de la cuisine et de l'arrière -boutique en salle de restaurant susceptible d'accueillir 30 couverts supplémentaires, ont amélioré la fonctionnalité des lieux et constituent une amélioration notable des conditions d'exploitation du fonds et des lieux qui l'autorise à l'occasion du deuxième renouvellement suivant cette amélioration à demander le déplafonnement du loyer ;
Elle demande en conséquence de fixer la valeur locative des lieux loués à la somme annuelle de 30 000 euros, charges et taxes en sus, avec intérêts de droit sur les rappels de loyers et réajustement du dépôt de garantie ; elle demande condamnation de Monsieur [D] aux dépens comprenant les frais d'expertise et à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La société 'Le nouveau théatre' désormais aux droits de Monsieur [D] qui lui a cédé son fonds de commerce suivant acte sous seing privé en date du 29 décembre 2009 est intervenue volontairement à la procédure pour demander à la cour de dire mal fondé la sci Kremlin en son appel et de l'en débouter, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit des avoués la scp Bernabé Chardin Cheviller ;
Pour un exposé complet des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 19 juin 2009 pour Monsieur [D] , le 24 février 2010 pour la société le nouveau théâtre aux droits de Monsieur [D], le 9 mars 2010 pour la sci lp Kremlin ;
Les moyens seront examinés au cours de la discussion.
SUR CE,
Le premier juge, pour juger comme il l'a fait, a considéré que les travaux de déplacement de la cuisine au sous sol permettant la création d'une arrière salle de restaurant au rez- de- chaussée ont entraîné une augmentation importante de la surface accessible à la clientèle et constituent une modification notable des caractéristiques des lieux loués et non une simple amélioration, que dans ces conditions, cette modification relève de l'article L 145-4 du code de commerce et aurait du être invoquée dés le premier renouvellement du bail après la réalisation des travaux, soit avant le 8 juillet 1997 , que la bailleresse ne peut donc se prévaloir de cette modification qui n'est pas intervenue au cours du bail expiré ; qu'il n'existe pas par ailleurs de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant une incidence sur le commerce considéré ;
Monsieur [D] puis la société 'le nouveau théâtre' font valoir que le déplacement de la cuisine du rez-de-chaussée au sous sol et la transformation de la surface autrefois affectée à usage de cuisine en salle de restaurant constituent des travaux de restructuration des lieux et non une simple amélioration des lieux et que la bailleresse qui n'a pas participé au financement desdits travaux ne peut invoquer leur existence pour demander lors du second renouvellement le déplafonnement du loyer ;
L'expert a tout d'abord été amené à rechercher à quelle date les travaux considérés avaient été réalisés, les parties s'opposant initialement sur ce point ;
Il a considéré -et cette indication n'est pas contestée - qu'ils ont été réalisés par le précédent locataire entre le 8 juillet 1988, date de conclusion du bail initial qui comporte la description de la cuisine en rez-de-chaussée et le 1° juillet 1992, date d'acquisition du fonds par la société Mihoubi précédente locataire ;
L'expert indique encore que l'aménagement du sous sol en vaste cuisine et dépendance a représenté d'importants travaux de restructuration intérieure et qu'il a permis de libérer au rez-de-chaussée une arrière salle de restaurant d'une contenance de trente couverts ;
L'expert estime que cette transformation constitue une modification notable des caractéristiques des lieux loués et améliore incontestablement les possibilités d'utilisation commerciale du fonds ;
Cette appréciation est confortée par les photographies qu'il joint à son rapport et qui attestent de l'ampleur et de la qualité du résultat des travaux et doit être admise d'autant qu'il n'y a eu aucune modification de l'assiette du bail ;
Or dés lors que les travaux relèvent cumulativement des anciens articles 23-1 ( désormais article R 145-3 et R 145-4 ) et 23-3 ( désormais article R 145-8 alinéa 1 ) , il convient de faire application du second de ces textes qui ne permet pas au bailleur de solliciter une modification du loyer lors du renouvellement du bail au cours duquel ont eu lieu les travaux d'amélioration pris en charge par le locataire mais permet de tenir compte des modifications des caractéristiques des locaux lors du second renouvellement ;
Il s'ensuit que la sci lp kremlin par l'effet différé de l'accession est en droit de ce prévaloir de cette amélioration apportée aux lieux loués lors du second renouvellement pour demander le déplafonnement du prix du loyer ;
S'agissant du prix du loyer renouvelé, l'expert Monsieur [P] a, tenant compte des caractéristiques de locaux , de l'immeuble dont ils dépendent, de leur situation et de leurs possibilités d'utilisation, d'une part, des prix des loyers commerciaux pratiqués dans le secteur d'autre part, estimé que le prix du loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative suivante :
*partie commerciale :
-nombre de m2 pondérés .............................................89
-prix du m2 pondéré .....................................................250 euros ht /an
Soit 222 250 euros ht/an
*partie habitation :
-nombre de m2 réels .....................................................49
-prix du m2 réels ............................................................13 euros ht/an
soit 650 euros /mois
Soit 7800 euros ht /an
Arrondis à 30 000 euros ht/an
La société le Nouveau Théâtre critique cette appréciation ; elle fait valoir que l'expert n'a pas choisi des éléments de comparaison pertinents en se référant à des locaux qui ne sont pas équivalents aux locaux loués dans la mesure ou la comparaison a été faite avec les prix pratiqués pour une boulangerie -pâtisserie située [Adresse 6] , un café -restaurant situé [Adresse 9] , un commerce d'alimentation situé 105 et 109 avenue de Fontainebleau ;
Elle soutient qu'il doit être fait référence à des fonds ayant la même activité que celle exercée par Monsieur [D] , à savoir :
*un fonds de commerce de café, bar, restaurant situé [Adresse 1] dont le prix du loyer annuel est de 16 200 euros /an ;
*un fonds de commerce de brasserie situé [Adresse 8] dont le loyer annuel est de 17 648 euros /an
*un fonds de commerce de brasserie situé [Adresse 7] dont le loyer annuel est de 16 464, 96 euros ,
Or dans la détermination de la valeur locative des baux à renouveler, il y a lieu de tenir compte, entre autres éléments d'appréciation, des prix pratiqués dans le voisinage, et par unité de surfaces concernant des 'locaux équivalents , eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R145-3 à R 145-6 ', ce qui ne signifie pas que doivent être pris en compte uniquement les prix des locaux ou sont exercés des commerces identiques ou similaires, contrairement à ce que soutient la société le nouveau théâtre ;
Il convient d'observer, en outre, que l'expert a relevé dans son rapport que les éléments de comparaison utilisés par lui n'étaient pas alors contestés par les parties ; si la société le nouveau théâtre peut toujours, au cours des débats, critiquer les éléments de comparaison utilisés par l'expert et produire de nouveaux éléments de comparaison non soumis à son appréciation, c'est à la condition de produire des renseignements suffisants sur ces éléments pour permettre à la cour d'apprécier la pertinence de la critique du rapport et retenir les nouveaux éléments soumis aux débats ; or la société le nouveau théâtre ne fournit sur les éléments qu'elle invoque que des renseignements sommaires ;
En effet, elle n'a pas produit aux débats le bail concernant le local situé [Adresse 8] ; elle ne décrit ni l'emplacement exact des éléments de référence qu'elle invoque par rapport au commerce considéré, ni l'état de l'immeuble dans lequel sont exercés les commerces vantés, ni s'agissant des locaux situés [Adresse 1], le nombre de M2 carrés total ni a fortiori, pour l'ensemble des locaux qu'elle présente comme des éléments de comparaison pertinents, le nombre de M2 pondérés ; enfin, le loyer des locaux à usage de brasserie situés [Adresse 7] est en réalité de 3000 euros ainsi qu'il résulte de la note manuscrite portée sur l'exemplaire du bail ( pour environ 100 m2 ) ;
Il s'ensuit que faute de critique sérieuse du rapport de l'expert qui dans son évaluation de la valeur locative, a tenu compte de l'ensemble des élements d'appréciation , il convient de retenir que le montant du bail renouvelé est fixé à la valeur de 3000 euros ht/an ;
La société le Nouveau Théâtre supportera les entiers dépens et paiera à la société lp Kremlin la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement et statuant à nouveau,
Dit que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative compte tenu des travaux d'amélioration réalisés dans les lieux loués au cours du bail précédent celui en renouvellement,
Fixe à la somme de 30 000 euros le montant du loyer du bail renouvelé au 8 juillet 2006 , charges et taxes en sus , avec intérêts au taux légal sur les rappels de loyers et réajustement de dépôt de garantie ,
Condamne en tant que de besoin, Monsieur [D] ( ou le cessionnaire du fonds la société le Nouveau Théâtre ) à payer à la sci lp Kremlin les sommes dues au titre des rappels de loyer à compter du 8 juillet 2006 et jusqu'au 23 décembre 2009, avec intérêts au taux légal,
Condamne la société le Nouveau Théâtre, cessionnaire du fonds exploité dans les lieux loués depuis le 23 décembre 2009, à payer à la sci lp Kremlin le loyer du bail renouvelé à compter du 23 décembre 2009 avec intérêts au taux légal sur les rappels de loyer et à payer le réajustement du dépôt de garantie du fait de la fixation du nouveau loyer ;
Condamne la société le nouveau théâtre à payer à la sci lp Kremlin la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens avec droit de recouvrement au profit de la scp Fisselier Chiloux-Boulay avoués par application d le'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,