Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 01 JUIN 2010
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/20296
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/16937
APPELANTES
Société COVEA FLEET venant aux droits de MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 8]
SA GENERALI ASSURANCES IARD anciennement dénommée GROUPE CONCORDE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 7]
SA LE CONTINENT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 9]
SA GAN EUROCOURTAGE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Localité 6]
Société HELVETIA ASSURANCES venant aux droits de THE MARINE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 12]
Cie d'assurances GERLING KONZERN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC de BRONS, avoué
Assisté de Me Thierry PETEL, avocat
INTIMEE
S.A. AIR LIQUIDE SPATIAL GUYANEprise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 14]
[Localité 16] - GUYANE
Représenté par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU JUMEL, avoué
Assisté de Me Charlotte ROGER, avocat plaidant pour Me Jean-Marie PRELL du cabinet PHPG
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN
CONSEILLERS : Mme Janick TOUZERY-CHAMPION et Mme Sylvie NEROT
GREFFIER
Dominique BONHOMME-AUCLERE
DEBATS
A l'audience publique du 30.03.2010
Rapport fait par Mme Sylvie NEROT en application de l'article 785 du CPC
ARRET
Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier
***********************
A la fin de l'année 2001, la société CP Trans s'est vu confier l'acheminement depuis le port d'[Localité 13] jusqu'à celui de [15], en Guyane, d'une cargaison de tubes destinés à contenir de l'hélium (sensibles à l'humidité et requérant des précautions particulières) au profit de la Société Air Liquide Spatial Guyane ayant en charge la fourniture de tels tubes pour les besoins de lancement d'Ariane Espace, à [Localité 16].
Ce transport a fait l'objet d'un connaissement maritime émis le 12 décembre 2001.
La Société CP Trans avait souscrit, le 1er avril 1997, une police d'abonnement n° 02095300 destinée à assurer les marchandises transportées notamment régie par l'imprimé type du 30 juin 1983 modifié, laquelle prévoyait, après avenant de répartition à effet au 1er janvier 2001, la répartition de la coassurance suivante :
- Mutuelle du Mans Assurances IARD : 35 %
- GENERALI France : 25 %
- GAN Direction : 15 %
- The Marine : 10 %
- Le Continent : 5,5 %
- Gerling Konzern : 5 %
- Neuchâteloise Winterthur : 4,5 %
La société CP Trans a procédé à la déclaration du transport de ces tubes et la société de courtage d'assurances, Marsh SA, a émis, le 12 décembre 2001, un certificat d'assurance- tous risques et RG assimilés, visant le client Air Liquide Spatial Guyane, [H] [G] en qualité de commissaire d'avaries et la Mutuelle du Mans Assurances IARD en qualité d'assureur, avec une valeur assurée de 659.760 euros.
A la date du 31 janvier 2002, ce commissaire des avaries, requis par la Société Air Liquide Spatial Guyane pour surveiller les opérations de déchargement à [15], a établi un rapport comportant une liste révélant un certain nombre d'avaries 'avant déchargement' puis a dressé un rapport définitif à la date du 20 décembre 2002.
Il a évalué les dommages affectant les marchandises transportées à la somme de 92.428,66 euros.
La société Air Liquide Spatial Guyane a, par télécopie du 29 janvier 2002, dénoncé les avaries constatées avant déchargement des tubes à la Société CP Trans en formulant des réserves sur leur intégrité, puis les a déclarées à la Société MARSH le 31 janvier 2002.
Par courrier du 03 février 2003, la société Mutuelles du Mans Assurances a informé le courtier de sa position de non- garantie en raison d'un certain nombre d'anomalies tenant à la préparation, la protection, la manutention ou l'absence d'information quant à la sensibilité des tubes transportés, de nature à supprimer tout caractère aléatoire aux dommages constatés.
Informée à son tour par le courtier, la société Air Liquide Spatial Guyane a assigné devant la juridiction de fond la société Mutuelles du Mans Assurances en novembre 2003, puis les coassureurs en novembre 2004.
Par jugement rendu le 12 octobre 2006, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en considérant que la délivrance de l'acte introductif d'instance à la compagnie apéritrice a interrompu la prescription à l'égard des autres assureurs,
- mis hors de cause la Société d'assurance ZURICH Assurances en application de l'avenant à effet au 1er janvier 2001,
- condamné les Sociétés Mutuelles du Mans Assurances IARD, Covea Fleet, Generali Assurances IARD, GAN Eurocourtage, Helvetia Assurances et Gerling Konzern [en considérant que la société GENERALI vient aux droits de la société Le Continent et que la société COVEA FLEET vient aux droits de la société Neuchâteloise Winterthur ] à payer à la Société Air Liquide :
¿ la somme de 92.428,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2002, avec capitalisation des intérêts, et ceci à concurrence de leurs engagements contractuels, estimant que la clause d'exclusion de garantie contractuelle n'avait pas vocation à trouver application et que les assureurs n'étaient pas fondés à tirer argument de la perte éventuelle d'un recours à l'encontre de la chaîne du transport ,
¿ la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ,
et à supporter les dépens.
La Société Covea Fleet (venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances IARD) , la Société Generali Assurances IARD, la Société Le Continent, la Société GAN Eurocourtage IARD, la Société HELVETIA Assurances et la Société Gerling Konzern ont relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 20 mars 2009 (et après résolution des difficultés procédurales tenant aux personnes morales élevant des prétentions effectivement concernées par le litige telles qu'évoquées par la cour lors d'une première audience tenue le 09 février 2009), la Société Covea Fleet ( se présentant comme venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances IARD et comme venant également aux droits de cette même société en ce qu'elle vient elle-même aux droits de la société Neuchâteloise Winterthur), la Société Generali Assurances IARD (venant aux droits de la Société Le Continent), la Société GAN Eurocourtage IARD, la Société HELVETIA Assurances (venant aux droits de la société The Marine) et la Société Gerling Konzern demandent à la cour, au visa, notamment, de la police coassurance et des dispositions de l'article L 172-31 du code des assurances :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de prescription soulevée du fait de la mise en cause tardive par Air Liquide Spatial de la coassurance de la police sur facultés et en ce qu'il a déclaré bien fondée la demande de la Société Air Liquide Spatial en méconnaissance des articles 7 alinéa 4 des conditions générales de la police et 6-2 de ses conditions particulières,
- de dire irrecevables comme prescrites les demandes formées à l'encontre de la coassurance de la police ad valorem et, en conséquence, de débouter la Société Air Liquide Spatial Guyane de l'ensemble de ses demandes à leur encontre en condamnant la Société Air Liquide Spatial Guyane à leur verser une somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire mal fondées, en application de la police, les demandes présentées à l'encontre de la société Covea Fleet venant aux droits de la société Mutuelles du Mans Assurances IARD et, en conséquence, de débouter la Société Air Liquide Spatial Guyane de l'ensemble de ses prétentions à son encontre en la condamnant à lui verser la somme de 7.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement, si une condamnation devait être prononcée à l'encontre de la société Covea Fleet venant aux droits de la société Mutuelles du Mans Assurances IARD, de dire qu'elle ne pourra être tenue qu'à hauteur de sa quote-part de 35% telle que prévue par la répartition de la police d'abonnement,
- de condamner l'intimée aux dépens de première instance et d'appel.
La Société Anonyme Air Liquide Spatial Guyane, par dernières conclusions signifiées le 10 avril 2009, demande à la cour, au visa de l'article L 172-31 du code des assurances et, subsidiairement, des articles 1134 et 2234 du code civil, de confirmer en tous points le jugement entrepris et :
- de la déclarer recevable en son action à l'encontre des six sociétés concluantes,
- de les condamner in solidum à lui régler la somme de 92.428,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2002 et capitalisation des intérêts,
- de les condamner à lui verser la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
SUR CE,
Sur la prescription
Considérant qu'au soutien de leur appel, les assureurs se prévalent des dispositions de l'article L 172-31 du code des assurances (applicable au contrat d'assurance maritime) selon lequel 'les actions nées du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans' et du fait que dès lors que le sinistre est survenu le 29 janvier 2002, les sociétés parties à la coassurance autres que la société COVEA FLEET auraient dû être assignées au plus tard le 29 janvier 2004 alors qu'elles ne l'ont été qu'en novembre 2004 ;
Qu'ils reprochent au tribunal d'avoir rejeté leur fin de non-recevoir alors que les dispositions légales reprises dans la convention prévoient une absence de solidarité entre eux, que l'apériteur n'a aucun mandat pour les représenter en justice, que le point de départ de ce délai tel que prévu à l'article R 172-6 du code des assurances, d'ordre public, ne peut être que la date d'arrivée du navire (soit le 29 janvier 2002) et nullement, comme le soutient l'intimée, la date à laquelle la société apéritrice a pris une position de non-garantie (en février 2003) ;
Qu'étant relevé, en premier lieu, que l'article 18 des conditions particulières de la police-marchandises transportées (intitulé 'coassurance') stipule :
'Les assureurs soussignés acceptent de suivre toutes décisions prises par la compagnie apéritrice ou son agent souscripteur pour toutes questions touchant de façon quelconque au fonctionnement ou à l'interprétation de la présente police.
En cette qualité, ladite compagnie ou son agent souscripteur est en outre habilité à recevoir toutes communications se rapportant à cette police et à signer tout avenant émis pour les besoins de l'assuré, les assureurs ci-dessous s'engagent à suivre, dans tous les cas, chacun pour sa quote-part et sans solidarité entre eux, les décisions de l'apériteur prises en vertu des dispositions de la présente clause',
c'est avec pertinence que les sociétés appelantes critiquent le jugement en ce qu'il a estimé que la délivrance d'une assignation à la seule société apéritrice durant le délai de prescription produisait ses effets interruptifs à l'égard des coassureurs ;
Qu'il convient, en effet, de considérer que la police souscrite incorpore notamment, dans son préambule, la police française d'assurance maritime sur facultés (marchandises)-garanties tous risques-imprimé du 30 juin 1983 modifié le 16 février 1990, lequel prévoit, en son article 30 : l'assureur-apériteur est habilité à recevoir, au nom de tous les assureurs intéressés, les pièces et documents relatifs à la gestion de la présente police, mais il n'a pas pour autant mandat de représenter en justice les coassureurs' et que tant l'absence de solidarité entre les coassureurs que le défaut de qualité pour agir ou défendre en justice de la société apéritrice privent de toute pertinence l'affirmation selon laquelle l'assignation délivrée à la seule société apéritrice a produit un effet interruptif de prescription à l'égard de l'ensemble des coassureurs ;
Qu'en deuxième lieu, c'est à bon droit que les assureurs soutiennent que la société Air Liquide Spatial Guyane ne peut davantage se prévaloir d'un point de départ du délai de prescription fixé à la date du refus de garantie opposé, en février 2003, par l'assureur apériteur et, conséquemment, de la recevabilité de l'action en justice qu'elle a introduite contre les coassureurs avant le mois de février 2005 dès lors qu'aux termes des dispositions de l'article R 172-6 (2°) du code des assurances ' Le délai de prescription des actions nées du contrat d'assurance court : (...) En ce qui concerne l'action d'avarie, de la date de l'événement qui donne lieu à l'action ; pour la marchandise de la date de l'arrivée du navire ou autre véhicule de transport (...)' ;
Qu'il convient, toutefois, de considérer que les assureurs appelants s'abstiennent de répliquer au moyen subsidiairement présenté par l'intimée, au visa de l'article 2251 du code civil alors applicable selon lequel ' la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir' , pour affirmer que l'action qu'elle a introduite en novembre 2004 à l'encontre des coassureurs autres que la société apéritrice n'est pas prescrite ;
Qu'alors que la société Air Liquide Spatial Guyane rappelle qu'elle n'est pas le souscripteur du contrat litigieux et expose, en justifiant des pièces et diligences invoquées, qu'elle a demandé au souscripteur, la société CP Trans, le 29 janvier 2002 , 'les documents concernant la police transport aux conditions dites tous risques' (pièce 7), qu'elle n'était en possession que d'un certificat d'assurance mentionnant le seul nom de la société Mutuelles du Mans Assurances (pièce 2 correspondant à une télécopie adressée par CP Trans le 30 janvier 2002 à 20h 18) et qu'elle n'a eu connaissance de cette situation de coassurance que par des conclusions de cette dernière signifiées le 18 mars 2004 (soit plus de deux ans après l'arrivée du navire), dans le cadre de la mise en état en première instance, les assureurs appelants qui se prévalent de l'acquisition de la prescription et doivent, partant, en faire la démonstration, se dispensent de produire des éléments de preuve de nature à mettre à mal ces affirmations et même d'en débattre ;
Qu'il y a lieu de considérer, dans ces conditions, que la société Air Liquide Spatial Guyane a été maintenue dans l'ignorance de l'existence de ces coassureurs jusqu'à la révélation qui lui en a été faite, en mars 2004, et que, dès lors que la prescription ne saurait courir contre celui qui n'a pas été en mesure de connaître l'assurance ou le nom de l'assureur, la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui lui est opposée doit être rejetée ;
Sur la garantie des avaries constatées à destination
Considérant qu'alors que de nombreuses 'blessures' ont été relevées par le Cabinet [G], commissaire d'avaries du Cesam, dans son rapport de surveillance du 31 janvier 2002 puis dans son rapport d'expertise définitif du 20 décembre 2002, sur partie des 3.000 mètres de tubes de +/- 14 mètres de longueur et de 400 mm de diamètre transportés, les assureurs ad valorem appelants entendent voir juger qu'ils sont fondés à poursuivre l'infirmation du jugement entrepris qui les a déclarés tenus à garantie ;
Qu'ils se fondent, pour cela, sur l'article 7 alinéa 4 du chapitre II ('étendue de l'assurance'), § 2 ('exclusions') de la police française d'assurance maritime sur faculté de 1983 modifiée, selon lequel :
' Sont exclus les dommages et pertes matériels, les pertes de poids ou de quantités subis par les facultés assurées et résultant de : (...) 4° - absence, insuffisance ou inadaptation :
- de la préparation, de l'emballage ou du conditionnement de la marchandise (...)'
ainsi que sur l'article 6-2 des conditions particulières de cette police (intitulé 'risques de rouille et d'oxydation') stipulant :
' La garantie des risques de rouille et d'oxydation est limitée aux marchandises emballées ou comportant une préparation ou une protection appropriée'
et tirent argument des termes desdits rapports, du caractère ancien des fiches techniques qui ont permis à l'APAVE de valider la conformité de préparation au départ d'usine, aux Pays-Bas, ainsi que des termes du devis établi par CP Trans pour affirmer que l'absence d'information qui aurait dû être donnée aux différents intervenants du transport sur la particularité de la marchandise à transporter et l'absence d'un conditionnement adapté pour le transport envisagé constituent des omissions à l'origine des avaries litigieuses génératrices de non garantie ;
Considérant, s'agissant d'abord du conditionnement, que s'il est constant qu'il incombait à l'expéditeur et qu'une défaillance à ce titre justifierait une position de non-garantie (que ce soit en raison d'une absence d'aléa, des conditions de la garantie souscrite ou d'une clause d'exclusion), force est de constater que l'argumentation des assureurs repose sur un simple présupposé et sur une lecture parcellaire du rapport établi ;
Qu'il ne suffit pas, en effet, de se prévaloir du fait que l'APAVE, appelée à intervenir aux Pays-Bas en novembre 2001 pour vérifier la conformité de la préparation des tubes sur le point d'être transportés aux spécifications techniques et qui n'a pas émis de réserves sur la qualité de leur emballage et leur bouchonnage, s'est référé à des fiches techniques établies en août 1982, pour dénier sa valeur à ce contrôle, les assureurs ne pouvant se contenter du seul argument tiré de l'ancienneté de ces fiches pour affirmer qu'elles avaient perdu toute actualité et que le contrôle effectué sur leur base est dépourvu de valeur ;
Qu'il leur appartenait d'en démontrer l'obsolescence ou l'inadaptation au moyen d'une argumentation étayée par des éléments techniques, ce dont ils s'abstiennent ;
Qu'en ce qui concerne les causes de l'avarie, le Cabinet [G] relève, dans son rapport du 20 décembre 2002 :
' Nous avons assisté au déchargement du navire (...).
Les exigences d'étanchéité des tubes n'avaient pas été évoquées par le réceptionnaire et seules les avaries 'mineures' qui concernaient les chocs, entailles ou autres déchirures des bouchons plastiques qui obturaient les extrémités des tubes avaient été relevées.
Par contre, lors de l'arrivée des tubes sur le chantier, nous avons été informé de l'existence de spécifications extrêmement rigoureuses de propreté et d'humidité attachée à la fourniture de ces tubes.
En effet, si la surface extérieure des tubes est protégée par un bobinage plastique facilement réparable sur site en cas de blessure, la surface intérieure ne comporte aucun revêtement . Le métal nu, brut de sablage, est donc particulièrement sensible et s'oxyde très rapidement au contact d'une atmosphère humide.
C'est pourquoi les bouchons devaient assurer une étanchéité parfaite par ajustement serré tant sur le diamètre intérieur qu'extérieur. De plus, des sacs de granulés dessicateurs équipaient chacun des bouchons de chaque tube .
Nous avons pu constater, sur le chantier, que ce serrage était assez relatif mais assurait une étanchéité suffisante dans la généralité des cas. Il faut dire que l'étanchéité avait été renforcée par l'enroulement d'une bande adhésive armée couvrant l'extrémité des bouchons. Par contre, en cas de blessure des bouchons, même apparemment mineure, les dessicateurs ont été rapidement saturés et l'oxydation s'est développée. (...)
La cause de ces dommages réside essentiellement dans l'utilisation des mains de manutention fournies par le constructeur qui, malgré les patins nylon, ont provoqué des déchirures. La charge était, en effet, appliquée sur une surface trop faible et en contact avec l'extrémité chanfreinée du tube.'
Qu'il ajoute que les mains de manutention utilisées lors du débarquement, à la surface d'appui plus large, n'ont provoqué aucun dommage ;
Que si le commissaire aux avaries revient, in fine (page 7/8 de son second rapport), sur 'la cause essentielle de ces blessures' pour dire qu'elle incombe à la conception même du système de manutention des tubes, il précise de manière erronée que ce système était fourni par le constructeur ;
Que le devis du 05 novembre 2001 de la CP Trans établit, en effet, que cette fourniture du matériel de manutention au port d'[Localité 13] relevait de la prestation de cette dernière, la société CP Trans s'y engageant, aux termes de l'article 2.2 du devis et incluant dans son prix 'la mise à FOB à la grue équipée de pinces' ;
Que le matériel de manutention au déchargement, considéré par l'expert comme adéquat et non générateur de blessures, a, quant à lui, été commandé et fourni par la société Air Liquide ;
Que la société Air Liquide Spatial Guyane ajoute sur ce point, sans être contredite et ainsi que semble en attester une photographie n°6 figurant dans le rapport du cabinet IMIR au départ d'[Localité 13], qu'alors qu'était contractuellement prévu un chargement tube par tube ou 2 tubes par 2 tubes (ce que spécifie le devis), ces tubes ont fait l'objet d'un chargement 4 par 4 ;
Que le moyen tiré d'une défaillance dans le conditionnement ne peut donc prospérer ;
Considérant, s'agissant ensuite du défaut d'information et de mise en garde dont se prévalent les coassureurs appelants, que s'ils peuvent valablement soutenir que pesait sur la société Air Liquide l'obligation de tenir informé l'organisateur du transport de toutes les particularités de la marchandise à transporter, s'agissant, en l'espèce, de tubes particulièrement fragiles requérant un surcroît de précautions dans leur maniement, elle ne peut valablement affirmer que la société CP Trans ignorait la nature et la destination de ces tubes et la nécessité de parer à tout risque d'altération intérieure ;
Qu'à juste titre, la société Air Liquide Spatial Guyane leur oppose les termes du devis établi le 05 novembre 2001 prévoyant, notamment, un 'chargement au port d'[Localité 13] effectué à la grue, équipée de pinces adaptées (tube par tube ou 2 tubes par 2 tubes)' ou la 'fourniture de polypaille' ou encore la 'fourniture (achat pour compte d'Air Liquide) d'écarteur à pinces pour déchargement au port de [15] (ce type de matériel n'existe pas en Guyane)' au § 2.2 ;
Qu'elle rapporte, en outre, la preuve qu'elle a sollicité une prestation supplémentaire portant sur la supervision du chargement par un capitaine expert et que la société CP Trans y a répondu par courriel du 06 novembre 2001 en indiquant : 'suite à notre conversation téléphonique, veuillez noter que le coût d'un capitaine expert lors d'opérations de chargement à [Localité 13] se monte à FRF 4.500 par jour de survey effectué ' ;
Qu'il ne pouvait, dans ces conditions, échapper à la société CP Trans, spécialiste du transport maritime, que la marchandise transportée avait une spécificité particulière et requérait, de la part du transporteur, un soin particulier ;
Que les assureurs ne pouvant donc se prévaloir d'un défaut d'information imputable à la société Air Liquide pas plus que d'un conditionnement défectueux, ils doivent être condamnés à indemniser le sinistre, ainsi qu'en a jugé le tribunal ;
Sur la réduction de l'indemnité au titre d'une perte de recours
Considérant que se fondant sur les articles 16 et 18 de la police française d'assurance maritime sur facultés de 1983 modifiée, les assureurs se prévalent d'un manquement de la société Air Liquide dans la gestion du sinistre en estimant qu'il lui appartenait de préserver leur recours à l'encontre des intervenants du transport, soit en sollicitant des reports de prescription soit en assignant à titre conservatoire le transporteur maritime et qu'en l'espèce la réduction doit porter sur la totalité du montant de l'indemnité ;
Que la chronologie des diligences de la société Air Liquide, telle qu'elle ressort du présent arrêt, ne permet pas de considérer qu'elle ait failli aux obligations qui étaient les siennes, peu important que les factures de travaux nécessaires à l'expert pour lui permettre de chiffrer le préjudice ne lui soient parvenues qu'en novembre 2002 (et non, comme l'écrivent à tort les assureurs dans leurs écritures, en novembre 2003), étant relevé qu'à cette date le délai de prescription annale invoqué n'était pas venu à échéance ;
Qu'au surplus, la société Air Liquide Spatial Guyane oppose à juste titre aux coassureurs, sans qu'il y soit d'ailleurs répliqué, les stipulations de l'article 16 des conditions particulières de la police d'abonnement (intitulé 'renonciation à recours à l'encontre de CP Trans') selon lesquelles:
' Dans le cadre de la présente police, les assureurs acceptent de renoncer à tout recours à l'encontre de CP Trans agissant en qualité de commissaire de transport.
Toutefois, CP Trans s'engage, en toutes circonstances, à préserver les droits de recours des assureurs à l'encontre de tous les substitués' ;
Que le moyen est, par conséquent, inopérant ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement qui a condamné la coassurance à indemniser la société Air Liquide, en principal et intérêts avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à hauteur de la somme réclamée, doit être confirmé de la même manière que sera confirmée la répartition de la dette entre les coassureurs non solidaires, ceux-ci faisant leur affaire personnelle des mutations entre sociétés intervenues postérieurement à l'avenant de répartition à effet au 1er janvier 2001 ;
Qu'eu égard aux termes de l'article 1154 du code civil, il ne saurait être fait droit à la demande présentée en cause d'appel tendant à voir ordonner la capitalisation des intérêts à compter 'de la première demande' ;
Sur les demandes accessoires
Considérant que l'équité conduit à condamner l'ensemble des coassureurs à verser à la société Air Liquide Spatial Guyane la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutés de ce dernier chef de prétentions, ils supporteront les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et, y ajoutant :
Rejette le surplus des prétentions des parties ;
Condamne la Société Covea Fleet (se présentant comme venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances IARD et comme venant également aux droits de cette même société en ce qu'elle vient elle-même aux droits de la société Neuchâteloise Winterthur), la Société Generali Assurances IARD (venant aux droits de la Société Le Continent), la Société GAN Eurocourtage IARD, la Société HELVETIA Assurances (venant aux droits de la société The Marine) et la Société Gerling Konzern à verser à la société anonyme Air Liquide Spatial Guyane la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Société Covea Fleet (se présentant comme venant aux droits des Mutuelles du Mans Assurances IARD et comme venant également aux droits de cette même société en ce qu'elle vient elle-même aux droits de la société Neuchâteloise Winterthur), la Société Generali Assurances IARD (venant aux droits de la Société Le Continent), la Société GAN Eurocourtage IARD, la Société HELVETIA Assurances (venant aux droits de la société The Marine) et la Société Gerling Konzern aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,